Santé naturelle Réservé aux abonnés

Les probiotiques

Publié le 23 mai 2022
Par Nathalie Belin
Mettre en favori

Gastrite, immunité, équilibre nutritionnel, les domaines de la santé pour lesquels les probiotiques se révèlent utiles s’élargissent régulièrement. Retour sur les principales situations pouvant les faire conseiller au comptoir.

Définitions

• Le microbiote, composé de micro-organismes vivants tels que bactéries, champignons, levures…, est présent au niveau de toutes les muqueuses en relation avec le milieu extérieur : bouche, intestin, peau, vagin, poumons, surface oculaire… Le plus connu et le plus étudié est celui de l’intestin. Le microbiote intestinal, ou flore intestinale, s’installe progressivement après la naissance ; il est modulé par des facteurs génétiques et environnementaux.

→ Le microbiote joue un rôle dans les fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques. Un microbiote déséquilibré, ou dysbiose, est observé dans de nombreuses pathologies : intestinales (maladies chroniques inflammatoires de l’intestin ou Mici, intestin irritable), métaboliques (diabète, obésité…), neurologiques (autisme, maladies neurodégénératives, troubles bipolaires, dépression…), allergiques, certains cancers, etc.

• Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent un effet positif sur la santé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

→ Chaque souche a des propriétés propres, qui ne peuvent être extrapolées à une autre souche de la même espèce ou sous-espèce.

→ Plusieurs sociétés savantes se basant sur des essais randomisés (voir Dico+) accordent une place aux probiotiques en les citant dans leurs recommandations. Dans d’autres domaines, comme la prévention des infections ou du surpoids, ils font l’objet de résultats prometteurs.

Sphère gastro-intestinale

• Gastro-entérite aiguë. Deux souches sont recommandées dans la gastro-entérite aiguë pour diminuer l’intensité et la durée de la diarrhée chez l’enfant et le nourrisson(1)(2) : la levure Saccharomyces boulardii CNCM I-745, présente dans le médicament Ultra Levure, et la souche Lactobacillus rhamnosus GG.

Il n’y a pas d’indications reconnues dans la gastro-entérite de l’adulte mais ces souches pourraient avoir des effets bénéfiques pour prévenir une dysbiose, elle-même pouvant favoriser la survenue d’un syndrome de l’intestin irritable post-infectieux.

Publicité

→ En pratique. Trois traitements sont recommandés en cas de diarrhée aiguë du nourrisson et de l’enfant en complément des solutions de réhydratation orale (SRO) : les probiotiques, le racécadotril et la diosmectite dès 2 ans. Les doses de probiotiques préconisées sont de 250 à 750 mg par jour pour S. boulardii et au moins 10 milliards d’UFC (unité formant colonie) par jour pour Lactobacillus rhamnosus GG, durant cinq à sept jours(1). Exemples : Ultra Levure, Ultra Baby, Probiolog DIA, Babybiane Imedia, Smebiocta Protect…

• La diarrhée associée aux antibiotiques est définie par la survenue d’au moins trois selles molles par jour pendant au moins 24 heures ou dans les deux mois suivant l’arrêt de l’antibiotique. Chez l’enfant avant 2 ans, la dysbiose secondaire à une antibiothérapie pourrait favoriser certaines pathologies à long terme : syndrome de l’intestin irritable, surpoids, diabète, allergies, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin(3).

Des essais cliniques randomisés montrent l’efficacité de S. boulardii ou de L. rhamnosus GG en prévention de la diarrhée associée aux antibiotiques chez l’enfant et l’adulte, y compris à Clostridium difficile(3). D’autres souches de lactobacilles et de bifidobactéries ont fait l’objet d’études cliniques(4).

→ En pratique. Ces probiotiques peuvent être recommandés en association à un traitement antibiotique aux doses suivantes : 250 mg deux fois par jour pour S. boulardii et 10 milliards d’UFC deux fois par jour pour L. rhamnosus GG(4). Exemples : Physionorm Plus, Probiolog ATB, Lactibiane ATB…

• Syndrome de l’intestin irritable. Les probiotiques sont cités dans les recommandations de prise en charge du syndrome de l’intestin irritable au côté des médicaments(5). Plusieurs ont fait l’objet d’études cliniques et sont mentionnés dans le rapport de l’Organisation mondiale de gastro-entérologie(4) : Kijimea, Symbiosys Alflorex, Smebiocta Confort…

→ En pratique. Selon le degré d’inconfort, ils s’utilisent seuls ou associés aux traitements symptomatiques antidiarrhéiques ou laxatifs, antispasmodiques. L’efficacité variant selon les personnes, il est proposé au patient de tester une formule quatre à six semaines avant d’en changer en l’absence d’amélioration. En cas d’efficacité, la poursuivre jusqu’à stabilisation des symptômes. Cure renouvelable en cas de récidives. Exemples : Kijimea, Smebiocta Confort, Probiolog Florvis, Symbiosys Alflorex, Lactibiane Référence, Physionorm Daily, Ergyphilus Confort, Normafilus…

• Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Aucun probiotique n’a d’effet concluant dans la maladie de Crohn, mais certains sont proposés dans la rectocolite hémorragique(6). C’est le cas de l’association VSL#3 comprenant huit souches probiotiques et la souche Escherichia coli Nissle 1917 (non vendue en France), qui a montré une efficacité équivalente à une petite dose de 5-aminosalicylé – traitement anti-inflammatoire conventionnel – pour le maintien en rémission de la maladie. L’association VSL 3 a aussi un intérêt en prévention de la pochite, inflammation du réservoir constitué après colectomie avec anastomose iléo-anale (voir Dico+).

→ En pratique. Les probiotiques viennent en complément du traitement conventionnel de la rectocolite hémorragique et sont rarement suffisants seuls. Exemples : Lactiplus VSL#3, VSL#3 Ferring, Arkobiotics Vivomixx 450…

• Colique du nourrisson. Plusieurs méta-analyses convergent vers l’efficacité de la souche Lactobacillus reuteri Protectis, issue du lait maternel, qui réduit la durée des pleurs et semble être bénéfique dans les coliques du nourrisson(7). Le Groupe francophone d’hépatologie-gastroentérologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP) précise que ce probiotique a démontré un effet prophylactique et une efficacité thérapeutique chez les nourrissons allaités en particulier. D’autres sont aussi proposés. Exemples : BioGaia Gouttes, Physionorm Baby, Pediakid Colicillus Bébé, Symbiosys Spasmodia…

• Protection gastrique. Le microbiote gastrique, moins dense que l’intestinal, a fait l’objet de recherches ces dernières années, montrant un lien entre dysbiose gastrique et survenue de dyspepsies, voire d’ulcères. Plusieurs études cliniques chez des patients sous antibiothérapie pour éradiquer Helicobacter pylori ont montré l’intérêt de certains probiotiques (4). L’association de deux souches de Lactobacillus reuteri augmente le taux d’éradication de la bactérie et réduit les effets indésirables de l’antibiotique versus placebo (8). L’action de ces probiotiques pourrait être bénéfique chez les patients sous inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) afin de prévenir l’effet rebond à leur arrêt.

→ En pratique. Malgré l’absence de recommandations officielles, l’adjonction de certains probiotiques peut être intéressante lors du traitement de l’infection à H. pylori ou en association à la prise d’anti-acide voire d’antiinflammatoires non stéroïdiens en prévention des dyspepsies. Exemples : BioGaia Gastrus, Ergyphilus GST, Probiotiques HPY Copmed…

En allergologie

• Les probiotiques ont montré leur intérêt en prévention de la dermatite atopique de l’enfant lorsqu’ils sont administrés aux femmes enceintes durant le dernier trimestre de la grossesse, ou pendant l’allaitement, ou aux nourrissons dès la naissance(9).

→ En pratique. Ils peuvent être proposés aux femmes enceintes et allaitantes, ainsi qu’aux nourrissons lorsqu’il existe un risque élevé pour l’enfant de développer un eczéma : père, mère, frère ou sœur ayant des antécédents de rhinite allergique, asthme, eczéma ou allergie alimentaire. Ils sont souvent « essayés » une fois l’allergie diagnostiquée afin d’améliorer les symptômes mais leur bénéfice n’est pas démontré. Exemples : Physionorm Baby, Probiolog Derma ATP, Biostime Bifidobacterium Nourrisson, Symbiosys Lactoderma…

Dans la sphère génito-urinaire

• Bien qu’il n’y ait pas de recommandations officielles, de nombreux essais randomisés montrent que les probiotiques aident à limiter les récidives de vaginose bactérienne ou de mycose, deux infections liées à une dysbiose du microbiote vaginal et/ou intestinal. Quelques études pointent leur intérêt dans les cystites récidivantes, pour lesquelles un déséquilibre du microbiote vaginal peut être en cause.

→ En pratique. Les probiotiques sont proposés dans les infections génito-urinaires récidivantes – plus de quatre par an -, associés au traitement antibiotique ou antifongique. Le microbiote vaginal « dérive » du microbiote intestinal, d’où la possibilité de le moduler par l’administration orale de probiotiques. La voie vaginale permet une action plus ciblée et rapide mais une nouvelle réglementation impose aux fabricants de dispositifs médicaux de demander une autorisation de mise sur le marché pour continuer à commercialiser des dispositifs médicaux renfermant des souches probiotiques. Les laboratoires ont la possibilité d’écouler leurs stocks jusqu’en mai 2024. Exemples : Ergyphilus Intima, Lactibiane Cnd 10M, Orogyn, MediGyne Voie orale, Physiostim Équilibre vaginal, Symbiosys Intimalia…

Dans l’immunité

• Le microbiote intestinal joue un rôle dans le développement, la maturation et la modulation du système immunitaire. Certaines bactéries synthétisent notamment des acides gras à chaînes courtes (butyrate, propionate…) qui circulent dans l’organisme, y compris au niveau de l’arbre respiratoire. Ces acides gras à chaîne courte stimulent les cellules immunitaires, notamment les lymphocytes, tout en évitant leur suractivation, qui peut être délétère. Des altérations du microbiote sont ainsi en lien avec une diminution de la production d’acides gras à chaîne courte et sont associés à une augmentation du risque d’infections respiratoires virales ou bactériennes.

• Des études versus placebo menées chez des enfants ou des adultes suggèrent que les probiotiques pourraient réduire l’incidence et la durée de certaines infections respiratoires(10)(11). Une récente étude clinique pilote chez des patients atteints de la Covid 19 montre que certaines souches de lactobacilles ou bifidobactéries pourraient diminuer le risque d’insuffisance respiratoire(12). Une autre chez des patients avec des symptômes légers à modérés de la Covid-19 pointe l’intérêt d’une association de quatre souches (complexe breveté AB21 : Xebe-V…) sur la durée des symptômes et l’augmentation du taux d’anticorps contre le SARSCoV-2 après trente jours de supplémentation.

→ En pratique. Les résultats de ces études sur la prévention des infections par les probiotiques sont trop divergents pour donner lieu à des recommandations. Les formules associant des probiotiques à des vitamines et minéraux impliqués dans le bon fonctionnement du système immunitaire, dont les vitamines D, C, celles du groupe B, le zinc, le fer, peuvent être intéressantes, d’autant que les probiotiques augmentent la biodisponibilité de plusieurs de ces micronutriments. Exemples : Actyfilus, Bion3 Défense, Lactibiane Immuno, Physionorm Immunité, Probiolog Immunité, Symbiosys Defencia, Xebe-V…

Dans le surpoids et l’obésité

• Des altérations du microbiote intestinal sont documentées dans l’obésité et l’insulinorésistance, et quelques études cliniques pointent l’intérêt des probiotiques dans ce domaine. Une étude sur un petit effectif montre l’intérêt d’une souche de Lactobacillus gasseri pour favoriser la perte de poids(13). Des travaux récents ont montré que certaines entérobactéries, telles Hafnia alvei et Escherichia coli, étaient capables de fabriquer une protéine stimulant la production d’hormones de la satiété. Une étude clinique randomisée en double aveugle versus placebo a montré l’intérêt d’un probiotique renfermant Hafnia alvei pour favoriser la perte de poids chez des personnes en surpoids(14).

→ En pratique. Une perte de poids durable nécessite une prise en charge globale incluant des modifications du régime alimentaire et du mode de vie : lutte contre la sédentarité… Les probiotiques pourraient constituer une aide à la perte de poids. Des recherches se poursuivent pour mieux caractériser leur intérêt dans ce domaine. Exemples : Symbiosys Satylia, Mafloril Gasseri…

(1) Recommandations de bonne pratique relatives à la prise en charge de la gastroentérite aiguë de l’enfant en Europe, ESPGHAN, 2014.

(2) Diarrhées aiguës du nourrisson et de l’enfant, Groupe francophone d’hépatologiegastroentérologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP), 2017.

(3) Prévention de la diarrhée associée aux antibiotiques : recommandations d’experts, GFHGNP, 2019.

(4) Probiotiques et prébiotiques, World Gastroenterology Organisation (WGO) Global Guidelines, 2017.

(5) Prise en charge du syndrome de l’intestin irritable, Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE), 2016.

(6) Troisième conférence de consensus Ecco (European Crohn’s and Colitis Organisation) sur la rectocolite hémorragique.

(7) Coliques du nourrisson, GFHGNP, 2018.

(8) Le microbiote gastrique, Club de réflexion des cabinets et groupes d’hépato-gastroentrérologie (Cregg), 2021.

(9) World Allergy Organization-McMaster University, Guidelines for Allergic Disease Prevention (GLAD-P) : Probiotics, 2015.

(10) Probiotiques pour prévenir les infections des voies respiratoires supérieures (IVRS ; ex. rhume banal), revue Cochrane, février 2015.

(11) Les probiotiques pour prévenir les infections aiguës de l’oreille moyenne chez l’enfant, revue Cochrane, juin 2019.

(12) Challenges in the Management of SARSCoV2 Infection : The Role of Oral Bacteriotherapy as Complementary Therapeutic Strategy to Avoid the Progression of Covid-19, Ettorre G et al., Frontiers in Medicine, 2020, 7 : 389.

(13) Regulation of Abdominal Adiposity by Probiotics (Lactobacillusgasseri SBT2055) in Adults with Obese Tendencies in a Randomized Controlled Trial, Kadooka Y. et al., European Journal of Clinical Nutrition, 2010.

(14) The Probiotic Strain H. alvei HA4597® Improves Weight Loss in Overweight Subjects under Moderate Hypocaloric Diet : A Proofof-Concept, Multicenter Randomized, Double-Blind Placebo-Controlled Study, Nutrients, Déchelotte P. et al., 2021, 13 :1902.

Dico +

→ Un essai randomisé ou une étude randomisée est un protocole expérimental qui vise à évaluer l’efficacité d’une thérapie ou d’une prévention. Il compare un groupe expérimental qui prend le traitement et un groupe contrôle ou témoin qui suit un traitement standard ou un placebo. L’attribution dans un groupe se fait de façon aléatoire par tirage au sort ou randomisation, et la répartition des groupes se fait à l’insu des participants, l’étude en aveugle, voire également des cliniciens (étude dite en double aveugle).

Des précautions à respecter

→ De rares cas d’infections invasives liées à l’usage de probiotiques sont rapportés, le plus souvent chez des personnes gravement affaiblies ou immunodéprimées. Les probiotiques sont donc déconseillés aux personnes immunodéprimées ou aux nouveau-nés prématurés. La levure Saccharomyces boulardii est contre-indiquée chez les porteurs d’une chambre implantable ou les patients immunodéficients, en raison d’un risque de fongémie (invasion de champignons et levures dans le sang).

→ Certaines formules ne sont pas recommandées durant la grossesse ou chez de très jeunes enfants, en raison de la présence de certains composants, plantes par exemple.

→ Les galéniques sous la forme de poudre peuvent être mélangées à un liquide ou un aliment froid ou tiède mais jamais chaud pour ne pas inactiver la souche microbienne.

Dico +

→ Colectomie avec anastomose iléoanale : ablation du côlon avec rétablissement de la continuité digestive (anastomose) entre l’intestin grêle et l’anus (iléo-anale).