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Les préparations magistrales de cannabidiol

Publié le 25 août 2021
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Utilisé en cosmétologie et en nutrition, le cannabidiol n’est pas commercialisé sous forme de spécialité en France. En revanche, la matière première est accessible pour la réalisation de préparations magistrales.

Qu’est-ce que c’est ?

• Le cannabidiol (CBD) fait partie de la centaine de cannabinoïdes (voir Dico+) issus du chanvre, Cannabis sativa L. Les deux cannabinoïdes les plus actifs sur l’organisme humain sont le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Le THC, connu pour ses effets psychotropes, est à l’origine du classement du cannabis comme stupéfiant.

• Contrairement au THC, le CBD est dépourvu d’action psychoactive. Il ne présente pas non plus de risque d’addiction et de dépendance.

• Attention, il ne faut pas confondre CBD et cannabis médical (voir Dico+). Ce dernier contient à la fois du THC et du CBD, en quantités standardisées.

Le CBD est-il légal en France ?

• Législation. Il n’y a pas de loi concernant la production, la vente et la consommation de CBD seul. Le cadre législatif du cannabidiol est fixé indirectement par les lois concernant le chanvre et le THC, dans l’arrêté du 22 août 1990(1).

→ En matière de réglementation, le CBD n’est pas classé stupéfiant, ni même présent sur la liste des substances vénéneuses. Dans un arrêt rendu public le 23 juin 2021, la Cour de cassation a jugé légale en France la vente de CBD, tant que celui-ci a été produit dans l’Union européenne selon les règles fixées par la justice européenne.

→ Toutefois, le CBD disponible en vente libre ne peut être considéré comme un médicament. Il possède un statut de cosmétique et de complément alimentaire, juridiquement encadré en France. Il est donc interdit de mettre en avant des propriétés thérapeutiques sur un produit contenant du CBD en vente libre, sous peine d’être condamné pour exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie.

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• Ainsi, la préparation magistrale de CBD est légale si elle est exempte de toute trace détectable de THC. Cette obligation peut être atteinte conformément aux bonnes pratiques, par l’emploi de CBD provenant de fournisseurs pharmaceutiques présentant un certificat d’analyse.

→ Le CBD n’étant pas inscrit à la pharmacopée, il n’existe pas de monographie officielle. Sur la monographie interne du fournisseur doit alors figurer l’absence de THC détectable dans la matière première.

→ Un autre moyen de garantir l’absence de THC passe par l’utilisation de CBD d’origine synthétique. Le pharmacien peut s’assurer de la qualité de la préparation magistrale en procédant aux contrôles prescrits à la pharmacopée européenne : essai d’uniformité de masse (2.9.5) et de teneur (2.9.40).

Comment agit le CBD ?

Tous les mécanismes pharmacologiques du cannabidiol ne sont pas encore pleinement élucidés mais plusieurs modes d’action ont été reconnus par l’Organisation mondiale de la santé(2) (voir tableau à droite).

• Contrairement au THC, le CBD ne se fixe pas directement sur les récepteurs cannabinoïdes CB1 présents dans le système nerveux central, à l’origine de la sensation d’euphorie provoquée par la consommation de cannabis. À l’inverse, le CBD contrebalance certains effets du THC en modulant négativement ce récepteur.

• Le CBD est un agoniste des récepteurs de la sérotonine 5-HT1A, impliqués dans les mécanismes de perception de la douleur, mais aussi de l’appétit, de l’anxiété et du sommeil.

• En bloquant l’enzyme de dégradation des acides gras fatty acid amine hydrolase (FAAH), le CBD augmente les niveaux endogènes d’anandamide, un endocannabinoïde produit par l’organisme, qui provoque une sensation d’euphorie.

• Le CBD active le récepteur TRPV1, impliqué dans la physiopathologie de la douleur, notamment neuropathique. Ce récepteur est aussi activé par la capsaïcine, très utilisée localement contre les neuropathies, et l’anandamide.

• Le cannabidiol exerce en plus un effet anxiolytique en activant les récepteurs de l’adénosine, engagés dans la régulation des concentrations de dopamine et de glutamate au niveau du cerveau.

Quelles sont les indications du CBD ?

• Dans la douleur. Une revue de la littérature(3) suggère que le cannabidiol permet de soulager les douleurs chroniques d’affections comme la maladie de Crohn, l’endométriose, la mastocytose ou encore les fibromyalgies. L’effet du CBD seul sur les douleurs neuropathiques est étudié mais pas encore démontré.

• En psychiatrie. Moins documentée que son effet antalgique, l’action relaxante du cannabidiol pourrait permettre de lutter contre les insomnies, l’anxiété et/ou la dépression. Des études sont en cours, ouvrant la voie à de nouvelles utilisations du CBD pour le traitement de troubles tels que l’autisme, les troubles obsessionnels compulsifs ou les troubles de stress post-traumatique. La recherche s’intéresse aussi au CBD pour son action antipsychotique, qui pourrait aider les personnes souffrant de schizophrénie ou de troubles bipolaires.

• Dans l’épilepsie. Déjà approuvée aux États-Unis par la FDA (Agence des produits alimentaires et médicamenteux), la spécialité de cannabidiol Epidyolex, CBD 100 mg/ml, est en accès compassionnel ou ATUn (voir Dico+) en France. Elle est indiquée dans les crises d’épilepsie associées au syndrome de Lennox-Gastaut ou au syndrome de Dravet, chez les patients de 2 ans et plus.

• En dermatologie. De nombreux soins cosmétologiques contiennent du CBD entre 0,1 et 3 %. Dans son congrès annuel de 2018(4), l’Académie américaine de dermatologie (AAD) reconnaît les propriétés anti-inflammatoires et sébostatiques du cannabidiol contre des affections cutanées comme le psoriasis, l’eczéma ou l’acné.

Quelles sont les contre-indications du CBD ?

• Le CBD pouvant provoquer une légère baisse de la pression artérielle, une surveillance accrue est préconisée chez les patients souffrant de problèmes cardio-circulatoires.

• La consommation de cannabidiol est déconseillée aux femmes enceintes et allaitantes, en l’absence d’études chez le fœtus et le nouveau-né.

• À partir de 5 mg/kg par jour, le CBD est susceptible d’interagir avec les enzymes du cytochrome P450, de la même manière que le jus de pamplemousse. Son utilisation doit se faire sous contrôle médical renforcé, notamment en cas de prise simultanée de médicaments concernés par l’interaction : statines, immunosuppresseurs, antidépresseurs, antiépileptiques, antiagrégants plaquettaires.

Quels sont les effets indésirables du CBD ?

Les études montrent une tolérance du CBD meilleure que celle des antalgiques de paliers 2 et 3. Toutefois, il peut provoquer chez certaines personnes des effets indésirables tels que diarrhée, fatigue, et une élévation des enzymes hépatiques.

Quel usage en préparation magistrale ?

Le cannabidiol peut être incorporé dans différentes formes galéniques.

• En gélules pour une prise per os. Les dosages d’initiation en analgésie et psychiatrie sont de 50 mg trois fois par jour, à augmenter progressivement en fonction de l’efficacité et de la tolérance, jusqu’à 500 mg trois fois par jour. Compte-tenu de la faible solubilité du CBD dans l’eau, la biodisponibilité orale de la molécule est faible. Elle peut être amplifiée lorsque le CBD est absorbé avec un repas riche en lipides.

• En huile contenant de 5 à 20 % de CBD, pour une administration sublinguale et orale. Pour une meilleure solubilité, palatabilité (caractère de la texture des aliments agréables au palais) et qualité diététique, il est préférable d’utiliser des huiles riches en acides gras à chaîne moyenne telles que l’huile d’olive, de coco ou de pépins de raisin.

• En crème, typiquement à 1 % dans une émulsion riche en lipides, type cold cream, pour faciliter sa solubilisation. En raison de son caractère lipophile, le CBD tend à s’accumuler dans les couches superficielles de l’épiderme. Pour un passage plus profond ou transdermique, l’utilisation de promoteurs d’absorption est nécessaire, tel Transcutol.

• En suppositoire. En théorie, la biodisponibilité rectale du CBD est supérieure à la voie orale, en évitant l’effet de premier passage hépatique. Toutefois, le CBD, très lipophile, se dissout mal dans l’environnement aqueux de la muqueuse rectale, ce qui limite son absorption. Cette voie d’administration est donc à éviter.

Quel remboursement ?

L’absence du cannabidiol à la pharmacopée est normalement un critère d’exclusion du remboursement des préparations magistrales de CBD(5). Toute prise en charge exceptionnelle doit faire l’objet d’une demande d’accord préalable auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie.

1) Arrêté du 10 décembre 2018 modifiant celui du 22 août 1990 portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis.

2) Comité OMS d’experts de la pharmacodépendance (réuni à Genève du 6 au 10 novembre 2017) : trente-neuvième rapport.

3) Britch S. C., Babalonis S. & Walsh S. L. (2020). Cannabidiol : pharmacology and therapeutic targets. Psychopharmacology, 1-20.

4) AAD 2018 : Topical Cannabidiol Recommended as Adjunct Treatment for Acne, Eczema, and Psoriasis.

5) Circulaire CIR-58/2008, CNAMTS.

Dico +

→ ATUn : autorisation temporaire d’utilisation nominative, remplacée depuis le 1er juillet par l’accès compassionnel (Journal officiel du 1er juillet 2021). Cette procédure française permet à des malades d’utiliser des médicaments non commercialisés.

→ Cannabinoïdes : groupe de substances chimiques, notamment présentes dans le cannabis. Elles activent les récepteurs cannabinoïdes (CB1, CB2) chez les mammifères.

→ Cannabis médical : prescription du cannabis et de l’ensemble de ses cannabinoïdes pour un usage thérapeutique dans cinq indications et sur ordonnance sécurisée par des médecins de structures agréées par l’ANSM.

Info +

→ Des textes remontant jusqu’à 2800 av. J.-C. témoignent d’une utilisation médicinale de cette plante, en Chine et en Égypte. En Europe, il faut attendre le XIXe siècle pour voir le cannabis arriver dans nos pharmacies. La reine d’Angleterre Victoria l’utilisait par exemple pour soulager ses douleurs menstruelles.

En savoir +

→ Drogues info service : ce service dépend de l’agence Santé publique France, établissement sous tutelle du ministère de la Santé. Des fiches synthétiques et des dossiers thématiques mis à jour régulièrement sont à disposition du public. Leur contenu est élaboré à partir des dernières publications scientifiques.

www.drogues-info-service.fr > Tout savoir sur les drogues > Le dico des drogues > CBD (cannabidiol).