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Cannabidiol : les précautions à connaître
Consommé librement pour son effet relaxant, le cannabidiol est strictement encadré dans ses usages pharmaceutiques. Non dénuée de risque, son utilisation exige un minimum de prudence. A charge pour le pharmacien de repérer les usages non encadrés pour informer, surveiller ou alerter.
Le cannabidiol (CBD) est la seule molécule pharmacologiquement active à être simultanément en vente libre dans les CBD shops et dans certains produits de bien-être, à être soumise à la réglementation des compléments alimentaires pour les produits en accès libre en pharmacie, et à avoir eu jusqu’à récemment un statut de médicament stupéfiant pour les indications expérimentées ou reconnues par les autorités sanitaires. Un statut schizophrénique, qui complique les messages de santé publique. La vente libre de produits contenant du CBD favorise une banalisation de son utilisation dans les indications non reconnues, et la méconnaissance des risques potentiels qu’il présente.
Si elles sont encore insuffisantes, les connaissances scientifiques sur le CBD se développent à mesure que son usage explose. Un élément de certitude toutefois : le CBD possède des propriétés psychoactives, bien qu’elles soient parfois occultées par le grand public. Clémence Lacroix, pharmacienne au centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance Paca-Corse, explique : « Il a une action pléïotropique au niveau cérébral, en agissant à la fois sur les récepteurs sérotoninergiques, glutamatergiques, gabaergiques et dopaminergiques. Il agit également sur les récepteurs endocannabinoïdes CB2. »
Ces propriétés se traduisent cliniquement par des effets psychoactifs négatifs. Le CBD favorise la détente, la sédation et la somnolence. Il est aussi employé comme anticonvulsivant dans Epidyolex, qui est indiqué en combinaison avec le clobazam dans le traitement adjuvant des crises d’épilepsie associées au syndrome de Lennox-Gastaut ou au syndrome de Dravet. Epidyolex est également proposé dans le traitement adjuvant des crises d’épilepsie associées à une sclérose tubéreuse de Bourneville chez les patients de 2 ans et plus. « On ne peut pas dire que le CBD soit un anticonvulsivant révolutionnaire, car il ne réduit que modérément la fréquence des crises, reconnaît Vera Dinkelacker, neurologue au centre hospitalier universitaire de Strasbourg (Bas-Rhin). Mais il améliore l’agitation et la qualité de vie particulièrement altérée, difficultés qui sont souvent au premier plan chez ces patients. » Le CBD est aussi commercialisé dans d’autres pays en association avec le tétrahydrocannabinol (THC), dans les spasticités résistantes liées à la sclérose en plaques (Sativex). Enfin, il est envisagé dans certaines des indications incluses dans l’expérimentation du cannabis médical (oncologie, douleurs neuropathiques, épilepsies rebelles, soins palliatifs, spasticité de la sclérose en plaques) puisque plusieurs médicaments y sont utilisés, se distinguant chacun par des rapports différents entre THC et CBD. Les données intermédiaires suggèrent notamment une certaine efficacité concernant les spasmes, les douleurs et le confort avec des produits contenant une majorité de CBD.
« Les autres allégations thérapeutiques ou celles liées au bien-être sont purement spéculatives », ajoute Clémence Lacroix. Les données cliniques sont ainsi insuffisantes pour soutenir l’utilisation du CBD dans toutes les autres indications parfois évoquées : antidépresseur, neuroprotecteur, anti-inflammatoire, antitumoral… « A travers l’expérimentation du cannabis médical, on a aussi observé qu’il existe un important effet placebo avec cette molécule, souligne Vera Dinkelacker. Cela provient sans doute de l’exposition médiatique favorable dont elle bénéficie, et de la grande confiance que lui accordent les usagers, a fortiori pour une molécule d’origine naturelle. Cet effet ne doit pas être négligé dans le cadre de l’évaluation de nouvelles indications ». Quant à l’idée de pouvoir soulager un syndrome de sevrage au THC par le CBD, envisagée dans certaines études, le rationnel est faible, conclut la pharmacienne : « Le THC agit préférentiellement sur d’autres récepteurs endocannabinoïdes, les CB1. »
Questionner et informer
Autre élément trop souvent sous-estimé par ses utilisateurs : du fait de son impact sur les différents neuromédiateurs, les interactions médicamenteuses constituent un risque prégnant. « Plusieurs ont d’ores et déjà été décrites, mais d’autres seront probablement prochainement mises en évidence, à mesure que l’usage du CBD se démocratise », poursuit Clémence Lacroix. Beaucoup s’expliquent par l’impact du CBD sur différents cytochromes enzymatiques, dont CYP2C19 et CYP3A4, qui interviennent dans la métabolisation de nombreux médicaments. Des interactions ont été décrites avec la warfarine, les antiépileptiques, certains immunosuppresseurs, la rifampicine, le lithium, le kétoconazole, le tamoxifène ou la caféine. « Le plus souvent, le CBD favorise l’augmentation de la concentration plasmatique du médicament associé, et l’effet est dose-dépendant, mais c’est la concentration circulante du CBD qui est perturbée, à la hausse ou à la baisse, avec la rifampicine et le kétoconazole », complète-t-elle. Par ailleurs, des précautions d’emploi, voire une contre-indication s’imposent selon l’existence et la sévérité d’une atteinte hépatique. De plus, la voie d’administration est importante : « Le vapotage est la plus utilisée et celle qui rend le CBD le plus facilement biodisponible, mais certaines études suggèrent que la combustion pourrait altérer la composition du produit, voire favoriser la production de THC. »
Enfin, sur le plan des effets indésirables, les plus fréquemment rapportés sont la fatigue et la somnolence. « Il n’existe aucune certitude concernant le risque d’addiction. Les études sont peu nombreuses, mais des données chez l’animal incitent à la prudence. D’autant que le dispositif national de pharmacosurveillance Oppidum (Observation des produits psychotropes illicites ou détournés de leur utilisation médicamenteuse) conduit annuellement par le réseau français d’addictovigilance auprès des sujets reçus en structure de prise en charge des addictions montre l’explosion des consommations concomitantes de CBD en cinq ans, et que certains indiquent avoir du mal à l’arrêter », précise la pharmacologue.
La pharmacologie et la surveillance de la sécurité d’utilisation du CBD sont toutefois compliquées car « il est très difficile de connaître avec précision les quantités consommées par les usagers, en dehors d’un recours aux formes pharmaceutiques », ainsi que les quantités réellement contenues dans ces produits.
Pour mémoire, les pharmaciens ne peuvent vendre dans leurs officines que les produits qui figurent sur la liste fixée par l’arrêté du 15 février 2002 modifié : produits cosmétiques, diététiques et compléments alimentaires contenant des graines, des fleurs ou des fibres de chanvre (Cannabis sativa), ainsi que leurs produits dérivés comme les huiles. Concernant les compléments alimentaires, le régime de tolérance qui a cours en France, dans l’attente du règlement européen « novel food », a été récemment redéfini : d’une part en permettant aux fabricants de déclarer ceux contenant du CBD sur TeleIcare, l’outil prévu à cet effet, et d’autre part en instaurant une politique de contrôle des points de vente par les directions départementales de la protection des populations (DDPP). Dans les deux cas, trois critères ont été définis : pas plus de 50 mg/j de CBD, concentration maximale de 20 % dans les produits, posologie maximale de THC fixée à 1 µg/kg/j de poids corporel. Ces deux mesures, prises conjointement, permettront d’écarter les produits les plus problématiques.
Lors de la vente, il ne faut pas hésiter à demander aux personnes les motifs d’utilisation et si elles prennent plusieurs produits à base de CBD ou des médicaments à risque d’interaction. Le cas échéant, il faut rappeler aux personnes de ne pas abandonner un médicament au profit du CBD.
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