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Sinistres : Pourquoi prendre un expert d’assuré

Publié le 26 janvier 2002
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Faut-il prendre un expert d’assuré dès le lendemain d’un sinistre ? Les assureurs le recommandent lorsqu’il s’avère important, complexe et annonciateur de pertes d’exploitation. Rapports facilités et meilleure indemnisation sont des arguments convaincants qui plaident en faveur de l’expert d’assuré. Mode d’emploi.

L’explosion de l’usine AZF à Toulouse a atteint l’officine de Jean Gailhac. « La vitrine, le plafond, l’éclairage et le mobilier ont volé en éclats, les médicaments ont été piétinés, la moquette tachée. Les dommages sont estimés à près de 61 000 Euro(s) [400 000 F] et la pharmacie a fermé deux jours après cette journée vécue à soigner et réconforter dans l’urgence. J’ai tenté, en appelant au numéro indiqué sur mon contrat, de joindre mon assureur. Il était absent ce jour-là… L’expert de l’assurance est venu quinze jours plus tard. J’ai dû me débrouiller seul avec mon associée pour trouver un gardiennage, des panneaux de bois pour fermer, une benne à gravas…, sans savoir si ces frais seraient remboursés. Le lundi, je me suis posté devant le bureau de l’assureur qui est resté évasif sur la prise en charge de mon sinistre. J’ai pris alors un expert d’assuré en consultant l’annuaire, pour avoir enfin une aide. Il est venu immédiatement. »

Geneviève Cabanié, elle, s’en est remise à l’expert de sa compagnie d’assurances. S’il n’a mis que deux jours pour venir constater les dégâts – sous-sol dévasté, vitrine en miettes, ordinateurs détruits (26 000 Euro(s)) – et a versé un acompte, les travaux ne sont en revanche toujours pas engagés et les écrans d’ordinateurs ne seront pas payés… Son expert-comptable se chargera du calcul des pertes d’exploitation avec le bilan. Mais Geneviève reste dans l’incertitude sur les suites de l’indemnisation et communique très peu avec son assureur.

Dans les deux cas, l’assureur a mandaté un expert qui représente la compagnie et évalue le montant du préjudice à payer. Mais, comme Geneviève Cabanié, l’assuré ignore souvent que dans le cadre de gros dégâts entraînant des pertes d’exploitation, il peut faire appel à un expert d’assuré. Il n’est pas nécessaire d’attendre qu’il y ait litige avec sa compagnie d’assurances pour le faire intervenir. La plupart des contrats d’assurance incluant même une garantie « honoraires d’expert ».

L’expert d’assuré est le relais entre assureur et assuré

A la lumière de malheureuses expériences, si votre contrat ne comprend pas ce type de clause, il peut être intéressant de le faire modifier, voire de changer d’assureur. Quand cette garantie existe, elle couvre les frais à hauteur de 5 % du sinistre remboursé, le dépassement restant à la charge de l’assuré (les honoraires de l’expert d’assuré dépassent rarement ce montant). L’assurance paiera alors l’expert par délégation. Concrètement, l’expert d’assuré est le relais entre assuré et assureur et l’auxiliaire technique qui va quantifier le préjudice : chiffrer le stock perdu, évaluer le coût des dommages matériels en tenant compte de la vétusté, des embellissements existant avant sinistre. Il collecte les devis de remise en état, les justificatifs de dépenses, les constats des dégâts, il va aussi calculer les pertes de chiffre d’affaires et d’exploitation avec le concours de l’expert-comptable.

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De plus, pour vous permettre d’être indemnisé au plus tôt, l’expert d’assuré fait des demandes d’acompte directement auprès du siège de l’assurance. L’expert de Jean Gailhac a ainsi obtenu des avances pour rembourser les frais engagés et l’a soutenu dans sa longue attente pour obtenir une nouvelle vitrine alors même que celle-ci ne sera pas prise en charge par son assurance mais éventuellement par celle de la copropriété. Pour chaque nouvelle dépense, Jean Gailhac demande l’autorisation à son expert. Mais avant toute chose, celui-ci a fait estimer le fonds de commerce de Jean Gailhac par une société de transactions pour fixer une valeur avant sinistre, et a demandé un arrêté comptable au 30 septembre. et c’est ce qui caractérise en premier lieu l’expert d’assuré : la neutralité.

Sa proximité, son indépendance juridique et financière, sa neutralité et sa confidentialité protègent l’assuré. Il est habilité à prendre des mesures conservatoires : au bout de quinze jours de silence de la compagnie d’assurances pour déclencher des travaux qui ne peuvent attendre, l’expert peut délivrer un PV de carence.

L’avis de l’expert d’assuré prime sur celui de l’expert d’assurance

Lorsqu’il formule la réclamation, l’expert d’assuré vérifie que les clauses du contrat sont remplies et analyse les garanties annexes (en cas d’oubli, l’expert d’assurance, lui, omet souvent de les rappeler pour ne pas alourdir la note de l’assureur dont il dépend). L’expert « formate » le dossier et le présente à l’expert de la compagnie en vue d’une expertise contradictoire amiable. L’intérêt de ce système est que, d’un côté comme de l’autre, ce sont des spécialistes qui utilisent le même langage. Cette proximité favorise et accélère la résolution du sinistre, souvent longue. En effet, les dommages immatériels, indemnisés par la garantie « perte d’exploitation » – pouvant être liée avec une option « perte de valeur vénale » -, sont particulièrement délicats à quantifier. L’évaluation de ces pertes sera donc longue et sujette à discussions. Ces pertes d’exploitations sont totales pendant les jours de fermeture, partielles tant qu’une disparition de clientèle persiste ou que les moyens de fonctionnement ne sont pas rétablis. L’expert doit les chiffrer en détail mois par mois sur une période maximale de deux ans suivant la date du sinistre, même si parfois certaines compagnies peuvent prévoir un délai réduit pour minimiser leurs risques ou diminuer les primes. Dans ce cas, l’expert d’assuré détermine le montant du préjudice à la place de l’expert de compagnie et s’accorde avec lui sur une proposition finale. Son avis prime et l’assuré se voit généralement proposer une indemnisation supérieure à celle qu’aurait accordée l’expert d’assurance. L’acceptation marque la fin du dossier, sauf si des pertes d’exploitation restent encore à déterminer.

Cela étant, si la présence d’un expert d’assuré est capitale quand un sinistre direct ou indirect a totalement détruit la pharmacie, l’exemple de Pierre incite malgré tout à la prudence : il n’a plus sa pharmacie depuis 18 mois, enfumée puis inondée à cause de l’incendie d’un commerce voisin dans un centre commercial périclitant. Dans la foulée du sinistre, le bailleur a proposé un autre local. L’expert d’assuré mandaté n’a estimé la perte d’exploitation que pour six semaines (l’officine pouvant rouvrir dans des locaux nettoyés mais à commercialité très réduite). Or entre-temps, le bailleur a « oublié » sa proposition ! L’expert aurait donc dû conseiller et guider Pierre vers une mise en cause judiciaire du bailleur, ce qu’il n’a pas fait. Le recours à un expert d’assuré ne dispense donc pas l’assuré d’être extrêmement attentif.

Pour ne pas se tromper

– Vérifiez l’existence d’une garantie « honoraires d’expert » dans votre contrat d’assurance.

– Notez en bonne place les coordonnées d’un expert dont vous aurez pu vérifier la fiabilité hors de toute urgence (conseil de votre agent d’assurance ou encore syndicats professionnels) : Groupement européen des entreprises d’expertise), 91, avenue de la République, 75011 Paris, tél. : 01 48 07 30 00 ; UPEIMEC, 78 bis, rue Velpeau, 92160 Antony, tél. : 01 55 59 55 00.

– Se méfier des experts qui arrivent trop vite ! Des indélicats en relation avec les services d’urgence profitent du choc pour faire signer des engagements avec des honoraires élevés.

– Ne jamais signer de lettre de mission sans en avoir parlé à son agent d’assurance qui analysera l’intérêt de l’intervention d’un expert privé. Sur simple sinistre, la démarche peut ralentir l’indemnisation et les honoraires peuvent dépasser 5 % du montant du sinistre.