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La lutte tranquille

Publié le 1 septembre 2009
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Préparatrice dans le Nord, Sabine arbore le titre de championne de France de lutte. Fidèle à sa passion, elle se consacre désormais à l’arbitrage.

Sabine est une discrète, une timide. Non qu’elle soit impressionnée par l’interview. Les yeux sont vifs, le visage concentré dans l’écoute et le corps puissant, comme enraciné. Tout simplement, elle prend le temps de trouver des mots aussi concis que justes pour se raconter. D’où lui vient sa passion de la lutte ? « J’ai essayé, j’ai accroché », dit-elle. À huit ans, la gamine a suivi docilement son père (qui avait pratiqué la lutte dans sa jeunesse) à une séance d’initiation. « Je n’avais aucune idée de ce sport… Je m’étais mise en tête que cela allait ressembler aux exercices des majorettes ! Je me souviens de jeux de découvertes, il fallait attraper, faire tomber. » Et voilà une enfant que l’on dit déjà calme et peu exubérante, séduite par ce sport qui lui permet d’extérioriser une énergie énorme qu’elle ne soupçonnait même pas.

Championne de France. « La lutte se déroule sur un tapis épais, un cercle délimitant la zone de combat, explique-t-elle. Le but du jeu est de plaquer l’adversaire au sol. Ses deux épaules doivent être en contact avec le tapis pour gagner le match. Un combat dure trois fois deux minutes avec des pauses de trente secondes. » De compétition en compétition, Sabine fera du chemin au sein du club de Sallaumines. « J’y ai fait tous mes résultats jusqu’à mes 23 ans. » C’est vers 14 ans qu’elle devient véritablement combative. Et ne démord plus d’une idée : aller jusqu’au plus haut niveau. En 1997 puis en 1999, elle remporte le titre de championne de France junior, catégorie 54 kg. « J’ai réalisé un doublé en 1999 car j’ai également obtenu le titre au sein de l’Union nationale de sport scolaire. » La même année, elle fait partie de l’équipe de France et atteint le faîte de sa gloire : 4e au championnat d’Europe de Budapest en Hongrie, 7e au championnat du monde de Bucarest en Roumanie. Une expérience inoubliable pour la jeune fille qui, jusque-là, n’avait guère voyagé. Son sport la comble, jamais lasse du corps à corps, toujours avide de découvrir de nouvelles prises. Sa spécialité ? « Le tour de hanches en épaules. Debout face à l’adversaire, tu attrapes d’un bras le sien, puis tu passes ton autre bras sous son épaule, là, tu tournes en le projetant au-dessus de toi. Sans le lâcher, bien sûr. Tu dois toujours accompagner sa chute, sinon c’est dangereux. » Les qualités du lutteur ? « La force et la rapidité », répond-elle sans hésitation. D’ailleurs elle ne lésine pas sur la préparation physique totalisant plus de 2 h 30 d’entraînement par jour. Car elle fréquente aussi le club de Calonne Ricouart ou la section de sport du Nord à Wattignies, près de Lille. Grâce à son père qui l’accompagne sans relâche et qui s’investit dans le club de Sallaumines. Celui-ci crée même avec un ami son propre club et plus tard passe son diplôme d’arbitre, toujours pour soutenir sa fille aînée. En véritable mentor.

Mais la rançon du succès, c’est le redoublement de la seconde. « Il n’était pas question ni pour mes parents, ni pour moi, que je sacrifie ma scolarité. » D’autant qu’elle a beau être championne de France, la lutte ne la fera pas vivre. « On ne gagne rien à monter sur un podium… » Alors Sabine revoit ses priorités pour décrocher un bac STL en 2002 puis s’oriente vers un BTS biochimie. « Je voulais travailler dans un laboratoire d’analyses médicales et je me retrouvais dans l’agro-alimentaire. J’ai abandonné. » La formation de préparateur en pharmacie la tente, parce qu’elle aime l’idée de confectionner des pommades et aussi parce que les études sont rémunérées. Un comble : l’apprentie, si douée dans le maniement du pilon et du mortier, est recalée au BP. « Une simple faute d’inattention en recopiant mes résultats. » Elle rempile pour un an, sans exprimer la moindre rancoeur, ni se départir de son calme. La fréquentation des salles de combats y est sans doute pour quelque chose. Le sport, c’est gagner mais aussi savoir perdre. Et se relever, toujours.

Le goût du comptoir. L’année suivante, le BP en poche, elle effectue plusieurs remplacements dans les pharmacies minières de Grenay. Elle éprouve du plaisir à faire des préparations, mais la délivrance aux personnes âgées devient routinière. Son désir de changement la conduit à Béthune où le contact avec une clientèle jeune et exigeante lui plaît, la bouscule aussi. Car il lui faut sortir de sa réserve pour développer le conseil. Elle y prend goût. En 2009, elle trouve un CDD dans une officine de quartier plus proche de son domicile où « elle s’éclate ». Après l’intermède de sa seconde grossesse en cours, le titulaire s’est engagée à la reprendre début 2010 et elle s’impatiente déjà. Car Sabine, c’est un peu le feu sous la braise. Même la lutte, elle a du mal à l’arrêter. « À quatre mois de grossesse, alors que j’arbitrais une compétition, j’ai été surprise par des contractions et j’ai dû aller à l’hôpital. » La vie de famille – elle a un petit Gérémy de deux ans -, ne l’a jamais empêchée de fréquenter les tapis. Simplement, elle a changé de statut en devenant arbitre fédéral. « Il y a un âge où on n’est plus à la hauteur pour la compétition. En arbitrant, je me régale, j’ai l’impression de vivre les combats. J’espère passer les grades pour arbitrer au niveau international. » Elle a une autre envie : transmettre sa passion à ses enfants. Perpétuer le rêve du père. Car la lutte est une histoire de famille. Ses frères Antony et Fabien et sa soeur Séverine pratiquent. Avec des bonnes places en championnat de France. « Ma soeur Gwendoline est la seule à avoir quitté le tapis, mais, lors des compétitions, elle fait les feuilles de match, son ami est lutteur. Quant à ma mère, elle tient la buvette, toujours prête à donner un coup de main au club. »

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Sabine Baude

Âge : 28 ans.

Formation : préparatrice en pharmacie.

Lieu d’exercice : Pharmacie de la Plaine, Lievin (62).

Ce qui la motive : rendre les gens heureux, pouvoir les aider.

Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Je serais une fleur odorante, étincelante parce qu’elle est pleine de vie.

• Si vous étiez une forme galénique ? Un comprimé effervescent parce que je bouge beaucoup. Peut-être aussi parce que j’ai du mal à communiquer. J’aimerais être capable de franc-parler.

• Si vous étiez un médicament ? Contre la méchanceté, contre ceux qui n’en ont rien à faire des autres ou bien qui jugent trop vite.

• Si vous étiez un matériel ou dispositif médical ? Un collier cervical pour regarder toujours en face. Pour ne pas baisser la tête par timidité.

• Si vous étiez un vaccin ? Je serais un vaccin contre les maladies infantiles.

• Si vous étiez une partie du corps ? Les yeux qui sont pour moi le reflet de la personne. Clairs, ils sont doux, foncés, ils semblent davantage méchants. J’ai un côté doux et un autre « sale caractère ».