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ANTICIPER LES AGRESSIONS

Publié le 28 avril 2012
Par Françoise Sigot
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La recrudescence des vols à main armée qui se soldent souvent par des butins dérisoires est presque devenue une fatalité pour les officinaux. Pourtant, quelques aménagements et des gestes appropriés peuvent mettre un braqueur en échec. Témoignages.

L’année dernière, les déclarations d’agressions sur des pharmaciens ont augmenté de plus de 35 %, selon la police nationale. Le rituel semble immuable : en quelques minutes, l’agresseur pénètre dans l’officine, demande la caisse, se saisit des espèces et tourne les talons. Ce scénario bien rodé des vols à main armée, de plus en plus de pharmaciens le subissent, mais paradoxalement peu l’anticipent. Or de l’avis des acteurs de la prévention et de répression des agressions, agir sur l’aménagement des lieux de vente et apprendre à repérer les signes avant coureurs d’agression peuvent permettre de faire reculer un agresseur potentiel. « Il est prouvé que certaines configurations des surfaces de vente et des réflexes en matière de comportement ont une influence sur les tentatives d’agressions », confirme Sandrine Guyot, chargée d’assistance conseil sur les risques psychosociaux au sein de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Régulièrement, police et gendarmerie éditent de petits fascicules avec les gestes et les conseils élémentaires à avoir en cas d’agression et invitant les victimes potentielles (spécialement les commerçants) à réaliser des équipements pour déjouer les tentatives. Mais au-delà des conseils et des aménagements, la vigilance demeure l’arme la plus sûre pour déjouer d’éventuels braquages. Et le calme le moyen le plus adapté en situation de vols à main armée.

Observer

A Pau, Sylvie Darrioumerle, titulaire d’une officine en centre ville, reconnaît avec le recul qu’en étant plus méfiante, elle aurait pu se douter qu’un braqueur s’intéresserait à sa pharmacie. « J’ai été braquée à 18 heures, alors que j’étais seule. Un homme cagoulé et armé a fait irruption dans la pharmacie et m’a demandé la caisse, j’ai obtempéré. En repensant aux heures qui ont précédées ce braquage, je me suis souvenue avoir vu dans l’après-midi un homme se fondre au milieu des clients et scruter le moindre recoin de l’officine, mais sur le coup, je n’y ai guère prêté attention », raconte t-elle. D’où l’importance d’observer les allées et venues des personnes de passage dans l’officine. C’est pourquoi les forces de l’ordre soulignent notamment l’importance de leur signaler tout comportement qui sort de l’ordinaire. Depuis ce braquage, Sylvie Darrioumerle redouble d’attention, se rend à la banque très souvent et a installé un système de vidéosurveillance.

Obtempérer

Victime d’un braquage en pleine journée, la titulaire de la Pharmacie Clémenceau, à Douai, n’exclut pas de revivre une attaque à main armée, même si celle dont elle a été victime en 2010 s’est terminée par l’arrestation en flagrant délit de son agresseur. « Il était surveillé par la police qui le soupçonnait d’avoir déjà braqué plusieurs pharmacies. Ils l’ont laissé pénétrer dans mon officine et l’ont arrêté à sa sortie. Jamais je n’ai cherché ni à résister, ni à crier, ni à faire de gestes brusques. J’ai calmement obtempéré à ses ordres. La police m’a confirmé que ce type de comportement était le seul à tenir face à un agresseur. » En marge du calme, police et gendarmerie en appellent aussi à l’attention des victimes dans ces moments de confusion, comme être capable de décrire son agresseur, sa voix, ses gestes ou tout signe particulier.

Aménager

Contrairement à l’un de ses confrères, braqué quelques jours après lui qui a fait usage d’une bombe lacrymogène et s’est retrouvé avec moult contusions, Daniel Bonnet ne s’est jamais opposé à ses braqueurs. Installé à Toulouse, ce pharmacien victime de deux braquages en quelques mois, est convaincu que résister ne sert qu’à se mettre en danger. Désormais, il mise aussi sur quelques aménagements pour repousser les agresseurs potentiels. « J’ai installé une gâche électrique sur la porte d’entrée, ce qui me permet de contrôler les personnes qui entrent dans l’officine. Je me suis également équipé d’un système de vidéosurveillance et je continue à aller faire des dépôts d’espèces très régulièrement afin de ne jamais avoir de grosses sommes en caisse », retrace t-il. Le b.a-ba, d’après la police et la gendarmerie qui insistent aussi sur la nécessité de ne pas surcharger les vitrines. « Il est important de dégager la vue de l’intérieur afin de bien voir ce qui se passe devant l’officine pour pouvoir repérer un comportement suspect, mais aussi de l’extérieur, où en cas de problème, les passants pourront voir ce qui se passe et donner l’alerte », souligne Sandrine Guyot.

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Former

Reste un point sur lequel peu d’officinaux agissent encore : anticiper avec leurs équipes la conduite à tenir. Dans le meilleurs des cas, ils informent qu’en cas de braquage, faut rester calme et se conformer aux désirs de l’agresseur. Certains vont jusqu’à installer une alarme et équipent les salariés d’un boîtier d’activation. « Les alarmes sonores sont à proscrire, car elles attisent la violence », précise Sandrine Guyot. Mais, la plupart du temps, le risque de braquage reste tabou. « Nous n’avions jamais parlé de cela avec l’équipe avant notre premier braquage », reconnaît Daniel Bonnet. Pourtant, des organismes de formation (Temis Formation, Gerfo, Cegos…) proposent désormais des modules permettant de sensibiliser les salariés, de repérer les signes avant coureurs et d’adopter les bons comportements. A titre indicatif, le CNFCE (Centre national de la formation-conseil en entreprise) organise une formation de deux jours (1 020 euros).

Les astuces de prévention

L’aménagement des locaux

• Installer des miroirs permettant de voir les coins cachés à l’intérieur de l’officine.? Ce sont souvent ces « angles morts » dont profitent les agresseurs pour faire du repérage.

• Installer et signaler un système de video surveillance

• Indiquer clairement en vitrine que l’officine ne conserve pas d’argent en caisse, mais transfère régulièrement les espèces à la banque.

• Installer un système d’alerte invisible et silencieux, dissimulé sur soi ou positionné sous le comptoir et relié à une centrale de surveillance à distance.

Les méthodes de travail

• Multiplier les dépôts d’argent à la banque en prenant soin de ne jamais avoir d’habitudes d’itinéraires et d’horaires.

• Informer dès le premier jour tout nouvel employé des mesures de prévention des agressions.

• En présence d’une personne que l’on soupçonne de vouloir commettre un vol, quitter le comptoir (sauf si l’on est seul évidemment) et appeler discrètement la police ou la gendarmerie.

Quel comportement adopter ?

• Rester calme et ne pas faire de mouvement brusque.

• Ne pas activer le système d’alarme pendant le vol, sauf s’il est inaudible et invisible.

• Expliquer les gestes que l’on fait à l’agresseur et lui remettre l’argent sans discuter.

• Ne jamais poursuivre le voleur.

• Observer le mieux possible les agresseurs pour être en mesure de fournir le plus de renseignements possibles aux enquêteurs

• En cas de présence de témoins, les retenir jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre ou bien penser à noter leurs coordonnées car leurs témoignages pourront servir aux enquêteurs