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Anatomie d’une chute

Publié le 2 septembre 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Cela a tout l’air d’une soirée qui dérape au cœur de l’hiver. Invité par une entreprise au sein de ses locaux, un client emprunte le mauvais chemin pour se rendre à la salle de réception et glisse sur le verglas. Il assigne l’entreprise en réparation de son dommage. Ni indemne, ni indemnisé ?

LES FAITS  

 

Convié à une soirée festive, M. L., client de la société C, chute et se heurte violemment la tête. Sa glissade a été causée par un sol enneigé et verglacé sur le passage emprunté pour se rendre à l’intérieur des locaux. M. L. assigne la Maaf, assureur de la société C.

LE DéBAT

 

L’article 1242 du Code civil dispose qu’« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Ainsi, toutes choses, meubles ou immeubles, mobiles ou immobiles, dangereuses ou non dangereuses qui peuvent conduire à la réalisation d’un dommage engagent la responsabilité de son gardien. M. L. a donc estimé que son accident causé par la neige et le verglas présents sur l’un des chemins d’accès à la salle de réception relevait de la responsabilité de la société C et devait entraîner une indemnisation de la part de son assureur. D’ailleurs, il évoque plusieurs décisions de justice lui donnant raison. La jurisprudence a ainsi condamné une société de restauration rapide à payer un dédommagement à un client qui avait glissé sur des aliments présents sur le sol. En réponse, la société C indique que le trajet emprunté par M. L. n’était pas celui prévu et indiqué. Elle soutient qu’elle avait fait déneiger le bon chemin d’accès à la salle, emprunté d’ailleurs par l’ensemble des autres invités sans accident. Le 16 décembre 2021, la cour d’appel de Paris condamne l’assureur de la société C à indemniser M. L. à hauteur de 826 332,21 € en réparation de son préjudice corporel, sous déduction des provisions et règlements perçus, avec intérêts au taux légal. L’assureur de la société C forme un pourvoi en cassation. Il estime que si la société C avait la garde du sol de son bâtiment, ce n’était pas le cas pour la neige et le verglas qui sont par nature des choses sans maître. Or, c’est la présence de la neige et du verglas qui ont causé l’accident de M. L. L’assureur demande donc à la Cour de cassation de revoir le jugement de la cour d’appel.

LA DéCISION

 

Le 15 juin 2023, la Cour de cassation rejette l’argumentaire de l’assureur de la société C. Les hauts magistrats retiennent que cette dernière est gardienne du sol se trouvant à l’intérieur de sa propriété et que le sol est une chose inerte qui, en position normale, permet le passage des piétons en sécurité. Ils estiment que le sol est « en position anormale » quand il permet un passage dangereux en raison de son état, notamment quand il est glissant à cause d’intempéries. La Cour de cassation conclut que la société C, via son assureur, doit indemniser M. L. de son accident. Selon les juges, elle aurait pu éviter cette situation en fermant le passage au moyen d’une barrière, par exemple. Cette décision assez cocasse rappelle que le pharmacien est responsable de l’état du sol de sa pharmacie. Si y circuler présente un risque et qu’un client se blesse, il sera responsable et devra indemniser la victime quand bien même elle n’aurait pas suivi le cheminement prévu.

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À retenir

En cas de sol encombré ou glissant, le chef d’entreprise est responsable des dommages subis par les clients.

En pratique, il devra indemniser le client victime d’un accident même si celui-ci n’a pas suivi le chemin indiqué.

L’assurance de la pharmacie peut prendre en charge cette indemnisation.

  • Source : Cass. 2e civ., 15 juin 2023, n° 22-12.162.