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Une patiente diabétique sous trithérapie orale

Publié le 29 mars 2014
Par Nathalie Belin
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Le diabète d’Anne G., 67 ans, sous lisinopril 20 mg et pravastatine en raison d’une HTA et d’une hypercholestérolémie, n’est plus équilibré sous metformine et sulfamide à dose optimisée. Le médecin ajoute donc un troisième antidiabétique, Januvia.

Prescription

Dr G., généraliste

Mme Anne G., 67 ans, 66 kg

Glucophage 1 000 mg

1 comprimé 3 fois par jour.

Stopper Amarel 4 mg et prendre Amarel 3 mg

1 comprimé par jour.

Januvia 100 mg

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1 comprimé par jour.

Qsp 3 mois

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

Aucun problème de législation.

Contexte

C’est quoi ?

→ Cette ordonnance vise à prendre en charge un diabète de type 2. Il se caractérise par un état d’hyperglycémie chronique, qui résulte d’une altération des effets de l’insuline sur les tissus cibles (insulinorésistance) et d’une diminution de l’insulinosécrétion. Le diabète est défini par une glycémie à jeun sur plasma veineux supérieure ou égale à 1,26 g/l (soit 7 mmol/l) vérifiée à deux reprises.

→ Outre une prédisposition génétique, l’âge, le surpoids, l’obésité, la sédentarité, une dyslipidémie, une hypertension artérielle (HTA) favorisent sa survenue.

Quelles sont les complications ?

→ Le diabète de type 2 est à l’origine de complications chroniques vasculaires : une macroangiopathie touchant les artères coronaires, cérébrales et/ou celles des membres inférieurs (AOMI, voir Porphyre n° 497, novembre 2013) ; et une microangiopathie affectant les capillaires, notamment de la rétine et du rein, avec un risque d’insuffisance rénale. Il entraîne aussi des complications neurologiques avec des neuropathies (atteinte des nerfs). C’est un facteur de risque cardio-vasculaire indépendant.

→ Le « pied diabétique » est toute lésion du pied, ouverte ou non, en rapport avec une complication de la maladie diabétique sous-jacente. Les atteintes sont principalement imputables à l’effet délétère du diabète sur les nerfs périphériques et/ou sur la circulation artérielle des membres inférieurs, et sont souvent précipitées par la survenue d’une infection.

La pathologie « pied diabétique » est dominée par la survenue d’une ulcération et un risque d’amputation.

→ L’hyperglycémie exerce des effets délétères sur l’immunité, d’où un risque plus important de complications infectieuses cutanées, dentaires, urinaires.

Objectifs

→ Le traitement vise à réduire l’hyperglycémie pour prévenir les complications. Lorsque la bithérapie instaurée ne suffit plus à atteindre l’objectif cible, une trithérapie orale est une option (recommandations HAS/ANSM, janvier 2013).

→ Le plus souvent, une hémoglobine glyquée (HbA1c), inférieure ou égale à 7 % est recommandée. Ici, étant donné l’ancienneté du diabète et la présence d’une dyslipidémie et d’une HTA, le médecin vise probablement une HbA1c inférieure ou égale à 8 %.

→ Le dosage de l’HbA1c est le reflet de la glycémie plasmatique moyenne des trois derniers mois ; il est préconisé tous les trois mois. Adaptée au profil du patient, la valeur cible de l’HbA1c peut évoluer (comorbidités…).

→ Les recommandations hygiéno-diététiques, à la base de la prise en charge, doivent être poursuivies sous antidiabétique.

Médicaments

Glucophage (metformine)

La metformine, un biguanide, inhibe la production hépatique de glucose, réduit son absorption intestinale et facilite son utilisation par les muscles. Elle n’induit pas par elle-même d’hypoglycémie.

Amarel (glimépiride)

Ce sulfamide hypoglycémiant stimule directement la libération d’insuline au niveau du pancréas, et peut donc provoquer des hypoglycémies.

Januvia (sitagliptine)

C’est un inhibiteur de la dipeptidylpeptidase 4 (DPP-4 ou gliptine). La DPP-4 est une enzyme qui permet la dégradation des incrétines, hormones intestinales libérées lors d’un repas. Les incrétines stimulent la production d’insuline. Ainsi, les gliptines prolongent l’action des incrétines en inhibant l’enzyme à l’origine de leur dégradation. Elles stimulent la production d’insuline de façon glucose-dépendante, ce qui limite le risque d’hypoglycémie.

Repérer les difficultés

→ Vérifier via le DP ou l’historique que les renouvellements sont réguliers.

→ Les mesures hygiéno-diététiques sont importantes à tous les stades de la maladie.

→ L’ajout d’une gliptine à un sulfamide majore le risque d’hypoglycémie. Sans doute, le médecin a-t-il réduit le dosage du sulfamide de 4 à 3 mg pour anticiper ce risque. Il faut toutefois intensifier l’auto-surveillance glycémique, au moins durant les premières semaines de traitement.

CE QUE JE DIS À LA PATIENTE

J’ouvre le dialogue

→ « Je vois que le médecin a intensifié votre traitement. Que vous a-t-il dit ? » permet d’apprécier la compréhension des recommandations du médecin. Pour la soutenir, car elle doit prendre un médicament de plus, dites à Madame G. : « Le mode d’action différent de ce médicament complète le traitement précédent et peut apporter un bénéfice à l’équilibre de votre diabète ».

→ « Vous reste-t-il des boîtes d’Amarel 4 mg ? » Si oui : « Je vous propose de les ramener pour éviter toute confusion ».

J’explique le traitement

Le mécanisme d’action

→ Metformine : permet à l’organisme de mieux utiliser le sucre, donc de faire baisser la glycémie.

→ Glimépiride : il agit en augmentant la production d’insuline, l’hormone qui régule le taux de sucre. Il provoque des hypoglycémies s’il n’est pas accompagné d’une prise suffisante de glucides lents.

→ Sitagliptine : il prolonge l’action d’hormones naturelles, sécrétées lors des repas, et qui favorisent la synthèse d’insuline. Il renforce l’action des autres traitements.

Les horaires d’administration

→ Metformine : au cours ou à la fin des repas pour limiter les troubles digestifs (nausées, diarrhées, troubles du goût). Madame G. le tolère bien.

→ Glimépiride : en une prise quotidienne juste avant ou pendant un petit déjeuner consistant (sucres lents : pain…). S’il est sauté, le prendre au cours du premier repas principal.

→ Sitagliptine : en une prise le matin, le midi ou le soir, indifféremment par rapport au repas. Si la glycémie tend à augmenter en fin de journée, proposez une prise le midi ; en cas de glycémie importante le matin, le prendre le soir.

Les effets indésirables

→ Metformine : troubles digestifs fréquents en début de traitement. Une acidose lactique, rare mais grave, est favorisée par la dénutrition, l’alcool ou une fonction rénale altérée (voir encadré). Surveiller régulièrement la fonction rénale.

→ Glimépiride : le principal est l’hypoglycémie (voir « J’accompagne ») ; possible prise de poids, rares éruptions cutanées (urticaire, syndrome de Lyell) ou troubles hématologiques.

→ Sitagliptine : possibles troubles digestifs, douleurs arthrosiques, myalgies, rhinopharyngites, infections urinaires ; rares réactions d’hypersensibilité sévère. Une hausse du risque de pancréatite est suspectée.

J’accompagne

Surveillance

→ Prévenir les hypoglycémies : recommandée sous insulinosécréteurs (sulfamides, répaglinide, insuline), l’autosurveillance glycémique est intensifiée lorsque l’on introduit un médicament qui majore le risque d’hypoglycémie, ici Januvia. Vérifier les consignes du médecin sur le rythme des contrôles ; suggérer une glycémie à jeun, en fin de matinée et d’après-midi.

→ Repérer une hypoglycémie : tremblements, fatigue, sueurs, pâleur, fringale, tachycardie, tout signe d’hypoglycémie conduit à mesurer sa glycémie et à absorber trois morceaux de sucre. Prendre ensuite des sucres lents : repas ou trois biscuits secs, 30 g de pain.

→ Contrôler yeux et dents : vérifier que Madame G. prévoit régulièrement un contrôle dentaire et ophtalmologique.

→ Limiter le risque de déshydratation : Madame G., aussi sous IEC, doit absolument s’hydrater (voir encadré).

Hygiène de vie

→ Adapter son comportement : ne pas prendre le sulfamide si le petit déjeuner (ou le repas) est sauté ou ne comporte pas assez de féculents. En cas d’activité physique inhabituelle dans la journée, anticiper le risque d’hypoglycémie en augmentant la ration de glucides lents au repas précédent. Trop d’alcool majore également le risque d’hypoglycémie.

→ Contrôle du poids : une perte de poids, même modeste, améliore l’équilibre glycémique. Encourager l’exercice physique quotidien (marche…). Répartir l’apport alimentaire journalier sur trois repas équilibrés avec fruits, légumes, protéines, et sans se priver de féculents ; limiter les graisses saturées, fromage, charcuterie…

→ Soins des pieds : ils diffèrent selon la gradation du risque podologique, qui évalue le risque d’ulcération chronique ou d’amputation ; il existe quatre grades. Cette évaluation du risque, faite par le médecin ou par un pédicure-podologue, permet d’adapter le niveau de prise en charge et de conseil. Madame G. l’ignore. Lui dire d’en parler à son médecin. En attendant, la conseiller pour un risque de niveau 0 (absence de neuropathie et d’artérite) : bien sécher ses pieds entre les orteils après la douche pour éviter toute macération ; choisir des chaussures confortables ; changer de chaussettes/ collants chaque jour ; faire des mouvements d’assouplissement des pieds ; hydrater les pieds secs (la corne favorise les fissures) avec une crème hydratante sauf entre les orteils, à sécher avec papier absorbant ; bannir le « fer » sur les pieds (lame, ciseaux pointus…) et tout corricide. En cas de blessure superficielle, laver la plaie avec de l’eau et du savon de Marseille. Utiliser un pansement gras et une compresse fixée par une bande. Ni sparadrap, ni produit coloré sur la peau. Consulter en cas de plaie inflammatoire ou de cause inconnue. Vérifier la vaccination antitétanique.

Vente associée

Proposer une crème hydratante à appliquer quotidiennement sur les pieds pour assouplir et hydrater l’épiderme.

La patiente me demande…

« J’ai de la diarrhée et j’ai vomi à deux reprises depuis hier. Mon petit-fils a dû me passer sa gastro ! Pouvez-vous me donner quelque chose?  »

Non. Il faut consulter votre médecin sans tarder car une déshydratation liée à des diarrhées ou à un épisode infectieux aigu majore le risque d’altérer votre fonction rénale. Elle expose également à un surdosage en metformine et à un risque d’acidose lactique, un effet indésirable très grave.

Insuffisance rénale et metformine

Sous metformine, l’insuffisance rénale aiguë, à l’origine de l’acidose lactique, est souvent induite par :

– la prise d’un produit de contraste iodé (cela nécessite l’arrêt impératif de la metformine durant 48 heures au moins) ou celle de traitements susceptibles d’altérer la fonction rénale, comme un AINS, un diurétique ou un IEC ;

– une déshydratation ou un épisode infectieux aigu.

Devant des signes annonciateurs d’une acidose lactique (fatigue importante, crampes, douleurs abdominales, dyspnée…), arrêter la metformine au moins le temps d’établir le diagnostic.