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Une patiente atteinte d’un glaucome à angle ouvert

Publié le 22 décembre 2007
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Ce que vous savez de la patiente

– Il y a deux mois, Mme S. a consulté un ophtalmologiste parce que sa vision de près baissait. Outre une presbytie, les examens ont mis en évidence plusieurs anomalies dont une trop forte pression dans les yeux (27 mmHg). Le médecin lui a parlé d’un glaucome.

La patiente sort d’une nouvelle consultation dont le but était d’évaluer l’efficacité du Timabak prescrit il y a deux mois. Une nouvelle mesure de la pression intraoculaire n’a pas satisfait le médecin.

Ce dont la patiente se plaint

– Mme S. pensait seulement devoir porter des lunettes. Elle doit à présent instiller quotidiennement un collyre. Elle craint pour sa vue. Elle se plaint également de sécheresse oculaire.

Ce que le médecin lui a dit

– Le nouveau collyre antiglaucomateux prescrit devrait faire baisser davantage la pression intraoculaire de manière à ce qu’elle atteigne une valeur cible qui stoppera l’évolution du glaucome. Un suivi à vie est désormais obligatoire.

Sa demande spontanée

– Mme S. ramène à la pharmacie des boîtes de médicaments où figure sur la notice la mention « Contre-indiqué en cas de glaucome : Actifed, Dolirhume, et Donormyl ». Inquiète, elle demande l’avis du pharmacien.

Détection des interactions

L’ordonnance ne présente pas d’interactions médicamenteuses.

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Analyse des posologies

-Toutes les posologies de l’ordonnance sont correctes.

Le moment de l’instillation du collyre Ganfort n’est cependant pas précisé : il doit de préférence être administré le matin comme les autres collyres bêtabloquants.

– Il faut penser à préciser à la patiente qu’un délai de quelques minutes doit être respecté entre l’instillation des deux collyres pour ne pas risquer un effet de lavage par la deuxième goutte.

Evaluation des objectifs thérapeutiques

Diagnostic

– Madame S. a consulté un ophtalmologiste pour un simple problème de presbytie.

-L’évolution d’un glaucome se fait en effet de manière insidieuse. Aucun signe clinique n’alerte généralement les patients (sauf à un stade avancé de la pathologie où existe une altération du champ visuel). Le diagnostic est donc fréquemment posé alors que le patient ne s’y attend pas.

Pour poser le diagnostic, le médecin a réalisé plusieurs examens.

– Le fond d’oeil (ou ophtalmoscopie) permet d’examiner la papille qui correspond à la réunion des fibres optiques. Il ne nécessite pas forcément une mydriase, mais l’administration d’un collyre mydriatique type Tropicamide permet de mieux visualiser les éléments du fond d’oeil. Chez madame S., l’examen a révélé un amincissement de l’anneau neurorétinien. La dosette de Tropicamide prescrite est à rapporter au médecin pour remplacer celle utilisée la première fois.

– La mesure de la pression intraoculaire (ou tonométrie) s’effectue après l’application par le médecin d’un collyre anesthésique (collyre à usage professionnel). La pression intraoculaire (PIO) physiologique est de l’ordre de 15 ± 6 mmHg. Chez madame S., elle est de 27 mmHg.

– L’examen du champ visuel (ou périmétrie) correspond à l’espace balayé par l’oeil regardant droit devant lui et immobile. Il permet de repérer les zones où existe un déficit visuel (scotome). La patiente explique que l’examen a révélé un début d’atteinte irréversible (perte de la sensibilité rétinienne) aux deux yeux.

– Pour écarter le risque d’une crise aiguë par fermeture de l’angle (urgence ophtalmologique), le médecin a examiné également l’angle iridocornéen (gonioscopie). Dans le cas de madame S., l’examen a montré qu’il était tout à fait ouvert.

-Après avoir interrogé sa patiente, le médecin a éliminé la possibilité d’un glaucome secondaire. La patiente lui a confirmé l’existence de glaucomes à angle ouvert dans sa famille. La composante familiale étant connue, le médecin a posé le diagnostic de glaucome primitif à angle ouvert.

Stratégie thérapeutique

– La mesure de l’efficacité du traitement repose sur la mesure de la pression intraoculaire. Le médecin fixe une valeur cible à atteindre. Celle-ci est notamment fonction du degré d’évolution du glaucome (en général, elle se situe en dessous de 20 mmHg).

– L’ophtalmologiste a choisi – classiquement – lors de la première consultation de prescrire un collyre bêtabloquant (Timabak).

Le délai minimal pour évaluer l’efficacité d’un collyre antiglaucomateux sur une personne atteinte de la pathologie est d’au moins trois semaines. Chez madame S., le bêtabloquant n’a pas permis, après deux mois de traitement, d’abaisser suffisamment la pression intraoculaire.

– Le médecin décide donc de renforcer le traitement en ajoutant au bêtabloquant un analogue des prostaglandines (bimatoprost). L’association fixe choisie des deux principes actifs (Ganfort) a l’avantage de diminuer le nombre de collyres à utiliser.

Avis pharmaceutique

u Le pharmacien peut rassurer la patiente concernant la contre-indication inscrite sur les médicaments d’automédication rapportés (antihistaminiques, vasoconstricteurs).

La mention « contre-indiqué dans le glaucome » présente sur certaines notices est en effet peu précise. Elle ne concerne cependant que les patients atteints (ou susceptibles d’être atteints) de glaucome par fermeture de l’angle. Il n’y a donc pas de risque à ce que Mme S. utilise ces médicaments : le glaucome par fermeture de l’angle et le glaucome à angle ouvert étant deux pathologies différentes.

– La sensation de sécheresse oculaire décrite par Mme S. est vraisemblablement un effet indésirable du timolol. Les bêtabloquants sont en effet connus pour engendrer ce type de désagrément. De plus, la consultation de l’historique médicamenteux de la patiente permet d’écarter une cause iatrogène (médicaments anticholinergiques…). La prescription de Celluvisc devrait soulager Mme S. La posologie est à adapter en fonction des symptômes.

Suivi du traitement

Surveillance

uUne nouvelle consultation chez le médecin est prévue dans quatre semaines afin de vérifier l’efficacité du traitement et sa tolérance.

– Les conséquences de l’hyperpression oculaire, objectivées par la dégradation de la tête du nerf optique, ne sont pas réversibles. En faisant baisser la PIO jusqu’à la valeur cible, le traitement ne pourra que stopper l’évolution et éviter les complications de la pathologie (troubles de la vision jusqu’à la cécité).

– En cas d’échec de ce traitement local, le médecin pourra avoir recours à une trithérapie ou s’orienter vers des traitements au laser ou chirurgicaux.

– Concernant la presbytie, une correction adaptée par des lunettes permettra à la patiente de retrouver une bonne vision de près.

Effets indésirables

– L’association timolol-bimatoprost peut provoquer des effets indésirables : une sécheresse oculaire (même si le dosage du timolol est de 0,3 % dans Ganfort, alors qu’il est de 0,5 % dans Timabak), des picotements, une sensation de corps étranger, une hyperhémie conjonctivale, une croissance des cils accrue, une pigmentation palpébrale.

– La présence d’un conservateur (chlorure de benzalkonium) peut induire des effets indésirables en cas d’utilisation prolongée chez les sujets prédisposés et hypersensibilisés.

Conseils à la patiente

Rassurer

Même si les atteintes constatées sont irréversibles, un traitement médicamenteux bien conduit freine l’évolution de la maladie.

Une surveillance régulière est cependant obligatoire pour vérifier le maintien de l’efficacité du traitement. Elle s’effectue en moyenne tous les 6 mois lorsque le traitement a atteint son objectif (PIO cible atteinte).

Expliquer l’instillation des collyres

– Pour l’instillation de Ganfort, conseiller de faire tomber la goutte dans la poche créée en baissant la paupière inférieure avec l’index. Il est préférable ensuite de presser l’angle interne de la paupière avec un doigt pendant quelques minutes pour réduire le passage systémique des bêtabloquants.

Ganfort se conserve 28 jours une fois le flacon ouvert.

– Pour Celluvisc, la patiente doit utiliser une unidose en cas de sensation d’oeil sec puis la jeter. L’instillation doit se faire à distance de Ganfort pour éviter toute interférence (au moins 5 minutes).

– Tropicamide est un collyre mydriatique à rapporter à l’ophtalmologiste. Il ne fait pas partie du traitement.

Insister sur l’observance

Pour normaliser au mieux la PIO, il est important de respecter scrupuleusement le rythme d’administration du collyre : une seule goutte suffit pour chaque oeil. Si la personne ne se souvient pas s’être ou non administré le collyre, mieux vaut attendre le lendemain plutôt que prendre le risque de doubler la dose.

La patiente doit signaler à son médecin toute manifestation inhabituelle consécutive à l’administration du collyre.

Plan de prise conseillé

– Ganfort : se laver les mains avant l’instillation. Mettre une goutte dans chaque oeil une fois par jour, toujours à la même heure, le matin.

– Celluvisc : instiller Celluvisc à distance de Ganfort (environ cinq minutes) en cas de sensation d’oeil sec. Jeter l’unidose entamée

Les médicaments prescrits

Ganfort (timolol et bimatoprost)

– Association indiquée chez les patients atteints de glaucome à angle ouvert ou d’hypertension oculaire et chez qui la réponse aux bêtabloquants topiques ou aux analogues des prostaglandines (employés seuls) est insuffisante.

– Posologie : 1 goutte dans chaque oeil atteint, le matin.

Celluvisc (carmellose sodique)

– Traitement symptomatique du syndrome de l’oeil sec dans ses manifestations modérées.

– Posologie : une goutte deux à quatre fois par jour et jusqu’à huit fois si les troubles oculaires liés à l’hypolacrymie le nécessitent.

Tropicamide Faure 0,5 % (tropicamide)

– Collyre permettant la réalisation des examens du fond d’oeil et utilisé pour obtenir une mydriase.

– Posologie : une à deux gouttes 15 minutes environ avant l’examen.

Dr Sylvie Renouf Ophtalmologiste 1, avenue de la République 78000 Bernes Tél. : 01 41 55 44 22 78 1 99999 1

22 octobre 2007

Mme Marie-Claire S.,

54 ans

Arrêt de Timabak 0,5 %

Ganfort : 1 goutte dans les deux yeux

Celluvisc : 1 unidose si besoin, plusieurs fois par jour

Traitement pour 30 jours

Ramener 1 unidose de Tropicamide O,5 % à la prochaine consultation