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Toxicités unguéales iatrogènes

Publié le 6 décembre 2014
Par Maïtena Teknetzian
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Inesthétiques, les onychopathies médicamenteuses ont aussi des répercussions fonctionnelles. Les anticancéreux sont le plus fréquemment incriminés.

Où agissent les médicaments ?

• Certains médicaments exercent une toxicité sur la matrice, le lit de l’ongle, les tissus périunguéaux ou une agression vasculaire responsable d’hémorragie et d’œdèmes sous-unguéaux.

• Plusieurs ongles (mains et/ou pieds) sont généralement concernés.

Quelles sont les onychopathies iatrogènes ?

• Altération de la structure de l’ongle : la toxicité des médicaments sur la matrice peut induire un décollement proximal (onychomadèse). L’interruption de la synthèse de la matrice, par des cytotoxiques en particulier, peut provoquer l’apparition de sillons transversaux sur l’ongle (lignes de Beau). L’atteinte du lit de l’ongle peut induire un décollement distal (onycholyse) débutant par le bord libre de l’ongle.

• Modification de la couleur des ongles : mélanonychie (taches brunes ou noires) ou leuconychie (taches blanches). Certains médicaments (sels d’or, minocycline) peuvent s’accumuler dans la tablette et être responsables d’une pigmentation qui se déplace avec la croissance de l’ongle. Les hématomes sous-unguéaux liés à une atteinte vasculaire affectent aussi la couleur de l’ongle.

• Lésions périunguéales : inflammation des replis de l’ongle (paronychie ou périonyxis) et apparition de botryomycomes, petites tumeurs vasculaires bourgeonnantes.

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Quels sont les principaux responsables ?

• Les anticancéreux sont le plus fréquemment impliqués. Parmi eux, les taxanes (35 % des patients traités sont concernés), les anthracyclines, le cyclophosphamide, la capécitabine et le 5-FU sont particulièrement incriminés dans la survenue de lignes de Beau, d’onychomadèse et d’onycholyse. Les taxanes peuvent aussi provoquer des hémorragies sous-unguéales et des dyschromies. Les inhibiteurs de tyrosine-kinase agissant sur l’angiogenèse (sorafénib, sunitinib) sont responsables d’hématomes sous la partie distale des ongles chez 40 à 70 % des patients. Les thérapies ciblées inhibant les EGFR comme l’erlotinib, le géfitinib, le lapatinib ou le cétuximab induisent des paronychies douloureuses et invalidantes.

• Les rétinoïdes per os sont impliqués dans la survenue d’onycholyse, d’onychomadèse et d’inflammation des replis périunguéaux.

• Les médicaments photosensibilisants (psoralènes, plus rarement cyclines et quinolones) peuvent être responsables d’un décollement de l’ongle après exposition à la lumière (photo-onycholyse).

• La phénytoïne, prise au cours du premier trimestre de la grossesse, peut induire des anomalies unguéales chez le nouveau-né.

Quelles sont les complications ?

• Les onychopathies iatrogènes sont sources de souffrances psychologique et physique. Elles sont non seulement inesthétiques, mais ont aussi des répercussions sur la préhension, la statique et la marche.

• Les paronychies sont susceptibles de se surinfecter et d’évoluer vers un ongle incarné, pouvant nécessiter une intervention chirurgicale.

• Le plus souvent réversibles après l’arrêt du médicament, les onychopathies iatrogènes peuvent néanmoins persister plusieurs mois (6 mois pour les doigts et jusqu’à 18 mois pour les orteils).

Sources : « Atteintes des ongles d’origine médicamenteuse », Prescrire n° 365, mars 2014 ; « Effets secondaires cutanéo-muqueux des nouvelles molécules anticancéreuses », Les Nouvelles dermatologiques, n° 8, 1.10.2011 ; « Atteintes unguéales iatrogènes », Osvaldo Correia, Ongle, quoi de neuf ?, n° 1, 2005 ; « Toxicités unguéales induites par la chimiothérapie », La lettre de l’AFSSOS, n° 1, mars 2009 ; www.la-maison-du-cancer.com.

EN PRATIQUE

Prévenir la toxicité unguéale des anticancéreux

• Eviter les activités pouvant entraîner des traumatismes des ongles, porter des chaussures larges et souples, des gants pour les travaux humides et ménagers.

• Couper les ongles au carré, éviter de pousser les cuticules, appliquer sur les ongles un vernis au silicium (pour renforcer les ongles), puis un vernis foncé opaque (afin de protéger les ongles de la lumière), utiliser un dissolvant doux sans acétone.

• Certains hôpitaux proposent le port de doigtiers et chaussons réfrigérants pendant la cure de chimiothérapie (la vasoconstriction aux extrémités induite par le froid diminue la diffusion des anticancéreux).