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Soins post-cancer : reprendre la main après la maladie

Publié le 24 février 2024
Par Violaine Badie
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Les traitements ont fonctionné, le mot rémission a été prononcé. Cette nouvelle étape reste malgré tout sensible. Comment aider les patients ? Quels conseils apporter pour soulager les séquelles psychologiques et physiques ? Les réponses de deux experts.

 

L’annonce d’une rémission invite à la célébration. Mais c’est aussi un changement radical, parfois brutal. « Certaines personnes font face à ce que l’on appelle le “syndrome du survivant”. C’est une période difficile, où elles doivent apprendre à vivre avec l’incertitude, la peur de la récidive, les effets secondaires encore à gérer… », détaille Sophie Lantheaume, docteure en psychologie de la santé et responsable de l’équipe soins de support, coordination cancérologie et recherche clinique à l’hôpital privé Drôme Ardèche de Guilherand-Grange (Ardèche). Fini le quotidien rythmé par les rendez-vous médicaux, un sentiment d’abandon s’ajoute parfois au désarroi. Le pharmacien prend une place centrale pour conserver un contact avec les professionnels de santé, souhaité par les patients.

Objectif n° 1 : rompre l’isolement

 

Se reconstruire après un cancer est un cheminement long, entravé par de nombreux obstacles. Le premier : l’isolement. « Il est adapté lorsqu’il permet de se ressourcer. Il devient problématique lorsque la personne est centrée sur des pensées désagréables », nuance Sophie Lantheaume, coauteure du livre S’aimer même avec un cancer (Editions In Press 2023). Comment reconnaître le deuxième cas de figure ? « Ce sont en général des personnes qui sont beaucoup dans la plainte ou, au contraire, parlent peu. Poser des questions ouvertes aide à évaluer si un soutien social est bien présent et si celui-ci est positif. » La maladie modifie parfois profondément les relations, familiales comme amicales, peut renforcer un manque de communication déjà existant ou même amener de nouvelles problématiques. « Il n’est pas rare que les proches côtoient la même officine, il peut être intéressant d’engager la conversation avec eux aussi, pour éventuellement les inviter à échanger. »

 

Dans les cas où un soutien extérieur pourrait s’avérer bénéfique, de nombreuses associations offrent des espaces de communication (en présentiel, via des forums, des groupes Facebook, etc.), ciblés sur une pathologie spécifique ou bien plus généralistes. Le site d’Unicancer en liste quelques-unes, très actives, sur son « Espace patients », dans la rubrique « Boîte à outils ». « Discuter avec des patients pairs peut être un premier pas pour renouer un lien social. Savoir que d’autres personnes traversent les mêmes problèmes, cela permet de se sentir moins seul face à l’adversité », reconnaît la psychologue.

 

Pour celles et ceux qui ne seraient pas prêts à passer le cap de se confier, le format podcast offre également une opportunité d’écouter des témoignages. Parmi les plus populaires : Le Jour d’après évoque le cancer du sein métastatique, En chemin tend le micro à des patients atteints de cancers divers, ou encore Deuxième vie retrace le parcours d’un homme touché par une tumeur du testicule. Le catalogue est vaste, les plateformes recensent des centaines d’émissions consacrées aux cancers.

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Quand un soutien psychologique s’impose

 

« Entre 30 et 50 % des patients développent des troubles de l’humeur, comme l’anxiété ou la dépression, après l’annonce d’un cancer, et environ 20 % de ces troubles persistent à long terme », signale Sophie Lantheaume. Un repli sur soi important, qui perdure, des pleurs quotidiens, une perte d’envie ou d’appétit sont autant de signes qui doivent interpeller. L’experte met en garde : « Ce sont parfois les personnes ayant subi des traitements moins lourds qui présentent les détresses psychologiques les plus importantes. Elles se sentent en général moins légitimes pour demander de l’aide et se sont vu proposer moins de soins de support pendant leur parcours. »

 

Se tourner vers un psychologue peut s’avérer utile, ne serait-ce que pour effectuer un bilan. « Le soutien psychologique en post-cancer est pris en charge par l’Assurance maladie. Il suffit d’une prescription de l’oncologue ou du médecin traitant », développe la docteure en psychologie. Ces soins de supports remboursés concernent les patients ayant terminé leur traitement « actif » (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, etc.) depuis moins d’un an. Ils ouvrent également droit à des séances d’activité physique adaptée et de suivi diététique. La coordination des professionnels affiliés aux programmes post-cancer est confiée à des organismes différents selon la région (la Ligue contre le cancer s’en charge dans certains départements). Les centres d’oncologie sont en mesure de fournir les coordonnées de ceux qui possèdent la liste des psychologues du secteur pouvant être consultés.

Un rituel pour les peaux meurtries

 

Traitements systémiques et locaux engendrent des effets secondaires visibles. Certains disparaissent assez rapidement quand d’autres ont tendance à persister. Candice Lesage, oncodermatologue à l’Institut du cancer de Montpellier (Hérault) évoque quelques atteintes fréquentes au niveau de la peau : « Parmi les toxicités cutanées, citons les folliculites acnéiformes [avec éruptions de type acnéique, NdlR], qui touchent le visage et le tronc et disparaissent en général en 4 à 6 semaines après l’arrêt du traitement. Le syndrome main-pied (réaction inflammatoire de la paume des mains et/ou de la plante des pieds) est aussi très répandu. Il rentre dans l’ordre en 3 à 4 semaines en moyenne après l’arrêt des traitements. » Des hyperpigmentations peuvent survenir avec l’administration de certaines chimiothérapies ou thérapies ciblées. Elles perdurent parfois plusieurs mois, voire peuvent persister au long cours. Ce qui peut arriver aussi avec des alopécies chimio-induites, « permanentes dans 10 à 15 % des cas ».

 

Au-delà de ces symptômes bien spécifiques, adopter un rituel de soin adapté pendant et après les traitements contribue à soulager les sécheresses, irritations et autres sensibilités cutanées. L’oncodermatologue recommande trois produits essentiels, quelle que soit la pathologie cancéreuse concernée : « Un gel lavant surgras ou un syndet sans parfum pour la toilette, un émollient neutre non parfumé et une photoprotection avec écran solaire 50 ou 50+. »

 

Quelques marques se positionnent dans l’accompagnement de personnes atteintes d’un cancer, comme Même ou Ozalys, quand d’autres proposent des gammes hypoallergéniques appropriées à ces problématiques (La Roche-Posay, Avène, notamment). « Elles sont le gage d’une composition correcte, mais ce ne sont pas les seules, commente Candice Lesage. Il faut savoir aussi s’adapter aux moyens financiers du patient. L’essentiel est de privilégier des produits avec une phase plutôt grasse, comme des textures baumes ou pommades, et surtout d’éviter la présence de parfums. Ils favorisent l’hyperpigmentation et les inflammations sur des peaux déjà irritées. »

 

Dans la catégorie des soins esthétiques, les maquillages médicaux (souvent proposés par les marques citées ci-dessus) peuvent être utiles pour couvrir les traces visibles des traitements ou tout simplement pour la mise en beauté des épidermes fragiles. « Ils sont très riches en pigments, ce qui camoufle bien les toxicités cutanées, les hyperpigmentations, mais peut nécessiter quelques ajustements pour bien les appliquer comme utiliser peu de produit, bien l’estomper… », indique Candice Lesage. Besoin d’astuces et de conseils personnalisés ? Des ateliers de socio-esthétique se développent partout en France. Ils proposent des soins adaptés aux personnes fragilisées par la maladie, apportent une expertise précieuse quant au choix des cosmétiques et à leur emploi, améliorent le confort et la confiance en soi. L’offre est très vaste, une simple recherche sur Internet permet d’en mesurer l’ampleur. Mais il faut s’assurer que les ateliers soient menés par des professionnels spécifiquement formés (diplôme universitaire ou spécialisation dans le cursus d’esthétique-cosmétique).