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Qu’est-ce qu’une diarrhée aiguë ?

Publié le 19 janvier 2002
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La diarrhée se définit comme l’émission quotidienne de selles trop liquides et trop abondantes, ce qui correspond à une excrétion exagérée d’eau fécale. Le caractère aigu de la diarrhée se définit par une évolution de celle-ci depuis moins de deux semaines.

Physiopathologie

Quatre grands mécanismes peuvent être distingués.

La diarrhée osmotique

Elle est secondaire à la présence dans la lumière intestinale de substances osmotiques qui provoquent un appel d’eau dans le grêle ou dans le côlon : magnésium, hydrates de carbone non absorbables (lactulose) ou mal absorbés (lactose lors d’une atrophie villositaire).

La diarrhée sécrétoire

Elle est provoquée par des pertes excessives d’eau et d’électrolytes secondaires à la stimulation de la sécrétion et/ou à l’inhibition de l’absorption au niveau du grêle et du côlon.

Ce mécanisme se retrouve dans les diarrhées aiguës entérotoxinogènes, lors de prise de laxatifs stimulants (séné…) ou au cours des maladies inflammatoires intestinales. La diarrhée ne disparaît pas avec le jeûne.

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La diarrhée par troubles de la motricité intestinale

Ce type de diarrhée provient le plus souvent d’une accélération du transit (colopathie fonctionnelle, pathologie endocrinienne…). Les selles sont de volume modéré mais avec un nombre élevé d’exonération et présence d’aliments intacts dans les selles. Le jeûne et les frénateurs du transit sont très efficaces sur cette diarrhée.

La diarrhée par altération de la muqueuse

Les lésions sont diverses, pouvant aller de la destruction isolée de la bordure en brosse entérocytaire (atteinte virale) à l’abrasion de la paroi intestinale avec inflammation ou ulcération (entérocolite inflammatoire), ou à l’atrophie villositaire (maladie coeliaque, même si dans ce dernier cas il s’agit en général d’une diarrhée chronique).

Lorsque la cause est infectieuse, les selles sont souvent nombreuses avec éventuellement des glaires et parfois du sang et du pus.

Etiologies

La majorité des diarrhées aiguës dans nos contrées tempérées est d’origine virale, mais d’autres étiologies sont parfois à envisager.

Diarrhée virale

La gastroentérite virale est la cause la plus fréquente de diarrhée aiguë en France. De très nombreux virus en sont responsables. Ils entraînent des anomalies morphologiques non spécifiques de la muqueuse de l’intestin grêle.

Les troubles digestifs sont aigus (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées), souvent accompagnés de signes généraux (céphalées, arthralgies, myalgies, fièvre).

Les gastroentérites virales évoluent généralement vers la guérison en quelques jours.

Diarrhée bactérienne

Deux mécanismes sont en cause.

-> Diarrhée non invasive

L’adhésion des germes à la muqueuse de l’intestin grêle, sans pénétration intraépithéliale, provoque la multiplication des bactéries, suivie de la production d’une entérotoxine responsable d’une diarrhée sécrétoire hydroélectrolytique abondante.

-> Diarrhée invasive

Des germes pénètrent dans la muqueuse intestinale à travers et entre les cellules épithéliales. Cette invasion peut provoquer des ulcérations de la muqueuse intestinale responsable d’un syndrome dysentérique.

Diarrhée parasitaire

La fréquence des parasitoses digestives augmente en Europe du fait de la multiplication des voyages intercontinentaux et de l’émergence du sida. Certaines d’entre elles sont rares et banales chez les sujets immunocompétents mais sont fréquentes et parfois graves chez les sujets immunodéprimés.

-> Amibiase intestinale (Entamoeba histolytica), dont le diagnostic repose sur la mise en évidence d’amibes pathogènes lors d’un examen parasitologique.

-> Giardiase (Giardia intestinalis), souvent asymptomatique, mais objectivée par la recherche de kystes à l’examen parasitologique des selles ou/et aux biopsies duodénales.

-> Cryptosporidiose et microsporidie, qui affectent en particulier les malades atteints de sida.

Diarrhée postantibiothérapie

Une diarrhée survient au cours de 15 à 30 % des traitements antibiotiques. On en distingue principalement deux formes de gravité différentes.

-> Diarrhée dite « simple »

Il s’agit de la forme la plus fréquente liée à un déséquilibre de la flore intestinale. La régression est spontanément favorable, il n’y a pas lieu de réaliser d’examens complémentaires.

-> Colite pseudo-membraneuse

Tous les antibiotiques peuvent être responsables d’une colite pseudo-membraneuse due à la prolifération de Clostridium difficile, en particulier aminopénicilline et céphalosporines.

Le plus souvent, les signes surviennent quelques jours après le début de l’antibiothérapie. Il s’agit d’une diarrhée liquide le plus souvent glaireuse. Il existe parfois des rectorragies. Une fièvre modérée est présente dans 75 % des cas. Certaines formes peuvent être sévères.

Le diagnostic repose sur la recherche de la toxine du Clostridium difficile dans les selles.

La rectoscopie montre la présence de fausses membranes.

Examen clinique

Le but de l’interrogatoire et de l’examen clinique est double :

-> déterminer si la diarrhée entraîne un risque vital pour le patient,

-> évaluer l’étiologie probable et déterminer si des examens complémentaires sont à réaliser.

Appréciation de l’état de déshydratation

Une diarrhée aiguë est susceptible d’entraîner une menace vitale d’autant plus grave qu’elle survient aux âges extrêmes de la vie (enfants et vieillards) et sur des terrains altérés.

Le praticien doit systématiquement rechercher des signes d’alarme cliniques de la déshydratation (plis cutanés, sécheresse de la peau et des muqueuses, tachycardie, baisse de la pression artérielle) et biologiques. Ces derniers sont plus tardifs (élévation de l’hématocrite, de la protidémie, du sodium et du chlore dans le sang).

Recherche de la cause

L’interrogatoire va ensuite consister à rechercher des éléments pouvant orienter vers un diagnostic étiologique autre que viral :

-> séjour dans un pays à risque : une analyse de selles doit être réalisée sans tarder (risque probable d’atteinte bactérienne ou parasitaire) ;

-> présence de glaires et de sang dans les selles : ces symptômes doivent faire penser à une atteinte du rectosigmoïde. Un bilan biologique ainsi qu’une rectoscopie sont alors fortement recommandés ;

-> recherche d’une prise médicamenteuse : antibiothérapie, anti-inflammatoires non stéroïdiens… ;

-> recherche d’un terrain « vasculaire » chez des patients présentant des antécédents d’athérosclérose, a fortiori chez les patients âgés : possibilité de colite ischémique ;

-> diarrhée survenant dans un contexte épidémique : une toxi-infection alimentaire est alors à rechercher par une analyse de selles ;

-> recherche dans les antécédents d’une immunosuppression, en particulier un sida : une analyse de selles est indispensable même en cas de diarrhée n’excédant pas trois jours.

Examens complémentaires

Suivant le contexte, ces examens sont plus ou moins complets :

Examen parasitologique des selles

Il se fait sur une selle spontanée de la veille ou du matin et sur une selle émise au laboratoire (nécessité de selle fraîche pour recherche de protozoaires). Les jours précédant l’examen, il est indispensable de supprimer tout médicament à base de charbon ou de laxatif huileux. Une recherche négative ne permet pas de conclure à l’absence de parasite et nécessite un ou plusieurs contrôles ultérieurs.

Coproculture

Elle n’a qu’un intérêt limité en cas de diarrhée aiguë sporadique en milieu tempéré, la majorité des diarrhées étant d’origine virale et de guérison spontanée.

Le recueil des selles dans un flacon stérile doit être porté immédiatement au laboratoire ou conservé au réfrigérateur (à 4 °C) au maximum 12 heures. Un ensemencement est effectué sur différents milieux sélectifs (cultures spéciales pour certains germes). La présence de E. coli dans les selles est physiologique. Seules certaines souches sont responsables de diarrhée.

Autres examens complémentaires

Selon le contexte, une rectoscopie ou une coloscopie avec biopsies peuvent être pratiquées. Un bilan biologique à la recherche de signes infectieux (hyperleucocytose), inflammatoires (VS, CRP) ou d’une hyperéosinophilie (étiologie parasitaire) ainsi qu’une hémoculture en cas de fièvre persistante peuvent compléter les examens.

Diarrhée du voyageur

– La diarrhée du voyageur ou turista touche un tiers des patients voyageant chaque année dans le monde.

– En général, la diarrhée survient quelques jours après l’arrivée, voire seulement au retour dans certains cas, accompagnée de vomissements et de fièvre. Généralement les signes régressent en quelques jours spontanément ou avec un traitement symptomatique.

– Environ 80 % des diarrhées du voyageur sont d’origine bactérienne. Les micro-organismes en cause sont nombreux mais le germe le plus fréquent est Escherichia coli entérotoxinogène. Parasites et virus sont des étiologies moins fréquentes.

– La prévention repose sur des mesures d’hygiène (lavage des mains) et des précautions alimentaires (plats cuits servis brûlants, eau encapsulée ou désinfectée).

Toxi-infection alimentaire collective

– Il s’agit d’une diarrhée survenant chez au moins deux personnes ayant participé au même repas. Elles s’observent essentiellement dans les collectivités et une surveillance épidémiologique permet de les recenser. Leur déclaration est obligatoire.

– Elles sont liées à la contamination des aliments et à la rupture de la chaîne du froid. Les principaux aliments en cause sont le lait et ses dérivés, les viandes, les fruits de mer, les poissons et enfin les légumes. Les germes les plus souvent responsables sont les salmonelles, puis le Clostridium perfringens, le staphylocoque doré et plus rarement Bacillus cereus.

– La gravité clinique est essentiellement liée au terrain de survenue. Le diagnostic repose sur la recherche du germe ou de sa toxine en fonction des aliments suspects et sur la coproculture dans le cas de la salmonellose.