Pathologies Réservé aux abonnés

Qu’est-ce que l’arthrose ?

Publié le 27 octobre 2001
Mettre en favori
FRANCK L’HERMITTE

L’arthrose, parfois qualifiée du terme vague de rhumatisme, est une maladie de l’articulation caractérisée par une usure du cartilage, des remaniements constants de l’os sous-chondral, la production d’ostéophytes et une inflammation intermittente de la membrane synoviale. La dégradation articulaire s’accompagne progressivement de phénomènes douloureux et d’une diminution de la fonction articulaire.

Véritable problème de santé publique, l’impact socio-économique de l’arthrose va croître en raison du vieillissement de la population.

Epidémiologie

Maladie très courante, l’arthrose touche préférentiellement les articulations des doigts, du genou et de la hanche. Entre 4 et 5,5 millions de Français souffriraient d’arthrose.

Sa fréquence augmente avec l’âge. La fréquence de la gonarthrose symptomatique de la femme est de 10 % entre 55-64 ans, de 15 % entre 65-74 ans et de plus de 30 % au-delà de 85 ans.

Après 80 ans, 80 % de la population a au moins une localisation arthrosique.

– Avant 50 ans, la répartition des arthroses des membres inférieurs est égale entre hommes et femmes. Au-delà, elle prédomine chez la femme en raison de la fréquence de la gonarthrose. Les courbes se rejoignent chez la population âgée.

– L’incidence de la maladie, très mal connue, est de l’ordre de 2 pour 1 000 adultes par an pour la gonarthrose et seulement de 0,5 pour 1 000 adultes par an pour la coxarthrose.

Publicité

– Il ne s’agit pas d’une maladie génétique : aucun gène n’a été identifié pour l’arthrose commune. En revanche, les études montrent une prédisposition génétique avec un risque 2 à 3 fois plus élevé chez les apparentés au 1er degré.

Physiopathologie

– Le cartilage normal est composé d’un seul type de cellules au métabolisme faible, les chondrocytes. La matrice du tissu cartilagineux est organisée pour assurer la résistance aux forces de tension et de compression. Un réseau rigide de fibres de collagène de type II emprisonne d’autres molécules que les chondrocytes : les protéoglycannes, qui se comportent comme des éponges, responsables de la fonction élastique du cartilage. La cohésion de cet ensemble architectural est assurée par de nombreuses molécules non collagéniques qui servent aussi à stocker les facteurs de croissance.

– On ne connaît pas le mécanisme initiateur de la maladie, même s’il semble clairement établi qu’il soit associé à une surcharge mécanique trop importante dans un compartiment articulaire. Après cette agression, deux grandes phases se succèdent (schéma ci-dessous).

– Une tentative initiale de réparation par les chondrocytes échoue en raison d’une synthèse de protéoglycannes défaillante.

– La dégradation de la matrice se traduit par des fissures superficielles. Le chondrocyte activé par différents agents (monoxyde d’azote, phospholipides membranaires, cytines) se comporte comme le principal agent de la destruction de sa propre matrice en produisant des enzymes.

– La dégradation du cartilage pourrait être rythmée par des épisodes d’irritation de la membrane synoviale, qui produit cytines et enzymes dans le liquide synovial.

– A un stade avancé, les chondrocytes meurent. L’usure du cartilage aboutit à la mise à nu de l’os sous-chondral qui réagit en fabriquant un nouvel os (ostéophytes) à la périphérie articulaire.

Signes cliniques

La douleur, principal motif de consultation, s’installe progressivement.

– Au début, elle est intermittente. La douleur est dite « mécanique » : elle survient essentiellement à l’effort (marche, montée ou descente d’escaliers…). Elle cède au repos sans recrudescence la nuit, sauf parfois aux changements de position.

– Le patient arthrosique se réveille avec un certain degré d’ankylose qui cède rapidement. La gêne fonctionnelle (limitation du jeu articulaire) est variable.

– Des poussées congestives peuvent ensuite s’installer. Elles sont caractérisées par un épanchement de liquide synovial (vulgairement appelé épanchement de synovie), une douleur plus vive et survenant volontiers la nuit.

– Le siège de la douleur est variable.

– Il est classiquement diffus au genou sauf dans l’arthrose fémoropatellaire où la douleur est très antérieure.

– Il s’agit du pli de l’aine pour la coxarthrose. Une douleur du genou peut être la seule expression d’une arthrose de la hanche.

– L’arthrose digitale qui touche les interphalangiennes distales (IPD) et/ou proximales (IPP) est souvent asymptomatique et responsable de déformations inesthétiques. Elle est plus souvent douloureuse dans les localisations au pouce et gêne la préhension.

– L’arthrose peut également toucher les différents niveaux de la colonne vertébrale, les pieds ou encore l’épaule.

Diagnostic

– Le diagnostic d’arthrose est d’abord clinique : il est évoqué devant une douleur mécanique chez un adulte de plus de 50 ans.

L’examen de l’articulation permet de détecter des anomalies statiques du membre. Il apprécie l’existence d’un épanchement, la douleur aux mouvements et le degré de mobilité.

– Il est dans 90 % des cas confirmé par la radiographie. De la confrontation radioclinique découle le diagnostic d’arthrose dans 90 % des cas, sans qu’il y ait corrélation entre le degré d’atteinte radiologique et les symptômes.

– Les radiographies sont faites en charge (pour le genou, la hanche), comparant l’articulation droite et l’articulation gauche. Un cliché de face et de profil est nécessaire. Des incidences particulières permettent de voir le compartiment postérieur.

– Les lésions caractéristiques radiographiques de l’arthrose associent :

– un pincement localisé de l’interligne, le plus souvent en supéroexterne pour la hanche et fémorotibial interne pour le genou ;

– des ostéophytes, souvent volumineux et précédant le pincement de l’interligne ;

– une condensation de l’os sous-chondral ;

– la présence de géodes (en taille et en nombre variables) dans l’os sous-chondral.

– La radiographie des mains est inutile devant des déformations typiques.

– La VS et la CRP sont toujours normales.

– Le liquide de ponction est peu ou pas inflammatoire.

Etiologie

Les arthroses primitives, sans étiologie particulière mais pour lesquelles des facteurs de risque sont identifiés, se distinguent des formes secondaires, dues à une maladie associée ou préexistante de l’articulation. La frontière entre les deux formes n’est pas toujours évidente, notamment en présence de malformations congénitales des articulations.

– Très souvent chez un même patient se combinent des facteurs généraux et locaux.

– Parmi les facteurs de risque généraux, il y a :

– le surpoids, élément majeur ;

– l’âge, quelle que soit la localisation ;

– le sexe : l’arthrose digitale et la gonarthrose sont plus fréquentes chez les femmes ;

– les facteurs génétiques ;

– l’ethnie : les Noirs américains font plus de gonarthrose ;

– le statut hormonal (les estrogènes auraient un effet plutôt protecteur) ;

– les apports vitaminiques D ou C déficients ;

– le tabac (effet protecteur controversé).

– Les facteurs locaux sont :

– les traumatismes articulaires notamment les atteintes chondrales en cas de choc direct, ou ligamentaires de mécanisme indirect ;

– la méniscectomie étendue ;

– l’activité professionnelle comportant le port de charges ou des activités gestuelles répétées ;

– l’activité sportive de haut niveau, notamment les courses et les sports de saut. La répétition des traumatismes intervient également dans la genèse des arthroses du sportif ;

– la laxité articulaire ;

– l’inégalité des membres inférieurs ( supérieur à 2 cm) ;

– l’obésité, facteur local et général d’arthrose.

Evolution

– L’évolution des arthroses des membres inférieurs est souvent très variable à l’échelon individuel. Cela interdit un pronostic définitif, notamment pour la gonarthrose et, à un degré moindre, pour la coxarthrose dont l’évolution est plus volontiers linéaire avec 50 % de prothèse à 10 ans. La bilatéralisation est la règle aux genoux et aux hanches.

– Trois types d’évolution sont possibles :

intermittente lente, la plus fréquente,

– des poussées congestives entrecoupées de phases de stabilité prolongées,

– une atteinte avec chondrolyse rapide (inférieur à 5 %).

– Les facteurs de la progression sont mal connus. Le surpoids, le stade avancé de la maladie, l’existence d’une désaxation notable sont des facteurs de progression anatomique.

– L’évolution de l’arthrose digitale des articulations distales est additive dans le temps. L’atteinte douloureuse laisse place à des déformations indolores, inesthétiques, assez bien tolérées. L’atteinte du pouce a une évolution plus particulière, avec souvent des périodes douloureuses étalées sur 5 à 10 ans puis une rémission totale au prix d’une déformation importante.

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel d’une arthrose débutante se pose devant une articulation douloureuse mécanique associée à des radiographies normales. Dans ce cas, l’IRM ou la scintigraphie osseuse revêtent un intérêt. Il faut éliminer successivement :

Au genou :

– une ostéonécrose d’un condyle fémoral,

– une fissure de l’os en dessous de l’articulation, chez la personne âgée,

– une algodystrophie posttraumatique.

Il faut se méfier des diagnostics abusifs de lésions méniscales au cours d’une arthrose : les ruptures franches des ménisques dans une arthrose installée sont rares.

A la hanche :

– une ostéonécrose aseptique de la tête fémorale,

– une algodystrophie,

– une ostéochondromatose synoviale.

Une tendinite est souvent associée au moyen fessier dans une coxarthrose. Une atteinte strictement postérieure ne se voit pas sur le cliché de face.

Aux mains :

Les atteintes périphériques des interphalangiennes ne posent pas de problème diagnostique. Elles sont très différentes de la polyarthrite rhumatoïde. Le diagnostic radiologique peut poser problème en présence d’un rhumatisme psoriasique, notamment chez un patient souffrant d’un psoriasis cutané.