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Quels indicateurs pour suivre l’épidémie ?

Publié le 10 octobre 2020
Par Magali Clausener
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Dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, le gouvernement et Santé publique France s’appuient sur différents indicateurs de suivi. Que signifient-ils ? Sont-ils pertinents pour mesurer l’évolution de la pandémie ? Décryptage.

Le taux de reproduction R est le nombre moyen de personnes infectées par un cas atteint du Covid-19 sur une fenêtre temporelle mobile de sept jours », explique Santé publique France (SPF). Il s’agit cependant d’estimations basées au départ sur le nombre d’hospitalisations liées au Covid-19 et, plus récemment, sur le nombre de tests PCR positifs ainsi que sur les passages aux urgences pour suspicion de Covid. « Les valeurs de R ne doivent donc pas être interprétées de façon isolée, mais doivent être mises en perspective avec les autres données épidémiologiques disponibles et l’analyse fine de la situation locale », précise SPF. Selon Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris, « il a tendance à être de plus en plus biaisé au cours du temps, car il sous-estime le nombre de nouveaux cas ».

Le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas rapportés à la population sur une semaine) est estimé sur la base du nombre de tests RT-PCR positifs pour 100 000 habitants. Après le confinement, ce taux pouvait paraître un bon indicateur, mais avec l’engorgement des laboratoires de biologie médicale et l’allongement des délais de rendu des résultats, il est connu de plus en plus tard. Les épidémiologistes, ainsi que SPF, jugent que ce taux est sous-estimé et ne reflète pas le vrai nombre de cas contaminés.

Un taux relativement fiable

Le taux de positivité est la proportion de tests RT-PCR positifs par rapport au nombre total de tests validés. Il peut être calculé sur 24 heures ou sur sept jours. Contrairement au taux d’incidence, le taux de positivité n’est pas rapporté à 100 000 habitants. Il ne varie donc pas dans les mêmes proportions que le taux d’incidence. Il s’agit d’un indicateur relativement fiable. SPF indique le taux de positivité par tranche d’âge, chez les personnes symptomatiques et chez les asymptomatiques.

Quant aux clusters (au moins trois cas confirmés ou probables, dans une période de sept jours, au sein d’une même communauté ou d’un même rassemblement), l’agence note dans son point du 1er octobre : « Face à l’augmentation de la circulation virale sur l’ensemble du territoire, le nombre de clusters identifiés est probablement largement sous-estimé (…). La dynamique du nombre de signalements hebdomadaires ne constitue donc plus un indicateur pertinent dans le suivi de l’épidémie. »

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L’indicateur le plus fiable, puisque factuel, est le nombre de patients Covid en réanimation. Mais ce chiffre souffre aussi d’un décalage, puisque ces patients ont été contaminés deux à trois semaines auparavant. En outre, la part de ces patients dans les services de réanimation est calculée aujourd’hui par rapport au nombre total de lits de réanimation, soit environ 5 000. Or une bonne partie de ces lits est réservée aux patients non-Covid.

Quid des eaux usées ?

C’est le laboratoire de recherche et développement (R&D) de l’opérateur public Eau de Paris qui a détecté le premier des traces du génome viral du Covid-19 dans les eaux usées de stations d’épuration franciliennes. « Dès mars, nous avons pu constater la présence du virus dans les eaux usées d’Ile-de-France. Fin juin, nous avons de nouveau observé sa présence, alors que ce n’était pas le cas après le confinement. C’est un indicateur supplémentaire très performant et pertinent pour suivre l’épidémie », relate Laurent Moulin, docteur en microbiologie et responsable R&D chez Eau de Paris.

Les résultats sont transmis à SPF et aux ARS concernées. Néanmoins, les autorités sanitaires n’évoquent pas cet indicateur dans leurs points réguliers sur la situation. Pour autant, Eau de Paris, avec cinq autres partenaires publics, a lancé le projet Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées), soutenu par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Le but ? Etendre le suivi dans toute la France avec 150 stations d’épuration. Pour l’heure, 50 participent déjà au projet. « Nous devrions atteindre notre objectif vers la mi-octobre », précise Laurent Moulin.