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Pleine conscience dans le cancer : des bienfaits à méditer
Parmi les pratiques complémentaires proposées au sein des soins oncologiques de support, la méditation de pleine conscience occupe une place de choix. Différents protocoles, appuyés par des preuves scientifiques, font l’objet de recommandations nationales et internationales.
La pleine conscience est l’une des formes les plus courantes de méditation. Cette pratique mentale se définit comme « une prise de conscience qui naît en prêtant attention, volontairement, au moment présent, sans porter de jugement », selon les termes de Jon Kabat-Zinn. Biologiste moléculaire et professeur émérite de médecine à l’université du Massachusetts (Etats-Unis), c’est à lui que l’on doit le premier protocole clinique de pleine conscience. Il développe son programme dans les années 1970, en conciliant les techniques méditatives bouddhistes et les exigences de la médecine occidentale fondée sur les preuves.
MBSR, MBCT, MBCR : de quoi parle-t-on ?
Derrière ces sigles se cachent différents protocoles de méditation de pleine conscience appliqués en cancérologie. Le précurseur, le MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction, réduction du stress basée sur la pleine conscience) de Jon Kabat-Zinn, comprend 31 heures de cours supervisés par un instructeur. Il se déroule sur huit semaines, à raison d’une séance hebdomadaire de 2 h 30 et d’une journée entière de formation. L’entraînement à la pleine conscience est progressif, accompagné d’exercices à poursuivre dans la vie quotidienne grâce à des méditations guidées. C’est le protocole le plus souvent retenu dans les études scientifiques cherchant à évaluer les effets de la pleine conscience sur la santé. A noter qu’ici le terme de « stress » fait référence aux états psychologiques désagréables au sens large.
« Le programme MBSR est devenu la référence. Il a donné lieu à plusieurs déclinaisons, notamment un programme un peu jumeau construit pour prévenir les dépressions récurrentes, le MBCT », explique Gilles Bertschy, psychiatre et coordinateur du diplôme universitaire de médecine, méditation et neurosciences à l’université de Strasbourg (Bas-Rhin). Mise au point dans les années 2000, cette Mindfulness-Based Cognitive Therapy (thérapie cognitive basée sur la pleine conscience) inclut des cours de méditation, couplés à une éducation thérapeutique sur la dépression et les signes avant-coureurs de rechutes.
Plus récent, le programme MBCR (Mindfulness-Based Cancer Recovery ou rétablissement du cancer basé sur la pleine conscience), développé par des psycho-oncologues, associe méditation et yoga.
Avec près de 2 000 occurrences sur le moteur de recherche PubMed, plus de 150 méta-analyses et revues systématiques, la méditation de pleine conscience et ses effets chez des patients atteints de cancer sont dans le viseur des chercheurs. « Les bienfaits démontrés sont globalement les mêmes que dans toutes les maladies chroniques, avec un intérêt principalement face au syndrome anxiodépressif et à la douleur », détaille Bénédicte Mastroianni, pneumo-oncologue et responsable du développement des thérapies complémentaires au sein du centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard de Lyon (Rhône).
Plusieurs méta-analyses récentes confirment ces conclusions : réduction significative des symptômes de la dépression, de l’anxiété, mais aussi de la fatigue liée au cancer. Avec des bénéfices qui se maintiennent au moins trois mois pour les deux derniers1. Les protocoles MBSR et MBCT ont aussi prouvé leur efficacité dans le soulagement de la douleur chronique, jusqu’à quatre semaines après la fin des programmes2.
Un stress mieux maîtrisé et une amélioration de la qualité de vie3 font également partie des bénéfices constatés chez des patients atteints ou en rémission de cancer, entraînés à la méditation. La peur de la récidive se voit également atténuée grâce aux protocoles de mindfulness.
A plus petite échelle, certaines études se sont penchées sur des effets plus spécifiques concernant les personnes soignées en cancérologie. La méditation présenterait un intérêt pour réduire les troubles cognitifs provoqués par la chimiothérapie, les troubles du sommeil ou encore les incapacités fonctionnelles résiduelles consécutives au traitement, immédiatement après le programme mais aussi à distance.
« Quand on sait que l’état de santé général du patient contribue très largement à la manière dont il tolère les traitements anticancéreux, que la survie est nettement améliorée rien qu’en traitant les symptômes associés du cancer comme la dépression, l’apport de la méditation de pleine conscience est donc majeur », insiste Bénédicte Mastroianni.
Des mécanismes biologiques et neurologiques identifiés
Plusieurs marqueurs neurophysiologiques ont pu être observés chez les patients méditants, qui peuvent expliquer ces effets de la méditation. Une étude de 20114 avait mis en évidence différents mécanismes d’action au niveau cérébral, avec une augmentation de la concentration en matière grise dans l’hippocampe gauche, le cortex cingulaire antérieur, la jonction temporo-pariétale et le cervelet chez les patients pratiquant le MBSR. L’imagerie fonctionnelle a également permis de visualiser une diminution de l’activité cérébrale dans des zones comme l’amygdale. Ces différents facteurs contribuent à une meilleure régulation de l’attention, à une meilleure conscience corporelle, à une meilleure gestion des émotions. Ils concourent également à une réévaluation cognitive : les événements paraissent moins difficiles à surmonter.
En résumé, la pratique de la pleine conscience induit une modification de l’attitude du patient face à ses symptômes. « C’est notable particulièrement vis-à-vis des douleurs. Ce n’est pas le stimulus douloureux qui est réduit à proprement parler mais sa perception. La méditation favorise une meilleure tolérance face aux douleurs », explique le psychiatre Gilles Bertschy.
D’autres processus sous-jacents à la pratique méditative ont pu être révélés : une amélioration des fonctions immunitaires – dont l’implication est primordiale dans le contrôle de la progression tumorale –, une diminution de l’inflammation, et notamment des cytokines pro-inflammatoires, du cortisol, de la pression artérielle, une augmentation du taux de sérotonine plasmatique.
La « bonne » pratique
Sans surprise, seul un entraînement régulier à la méditation permet d’en retirer pleinement les bienfaits. Les protocoles cliniques complets étant plutôt contraignants en matière d’emploi du temps, des adaptations sont proposées dans les départements de soins de support : « A Léon-Bérard, nous avons mis en place des ateliers de méditation menés par une instructrice formée au MBSR, sous la forme de quelques cours guidés. Leur objectif est d’instaurer puis d’encourager une pratique régulière à domicile », explique Bénédicte Mastroianni.
Il faut compter plusieurs séances de 5 à 10 minutes chaque semaine, au minimum. « Plus le patient va pratiquer et plus les bénéfices seront marqués, poursuit-elle. Il pourra devenir parfaitement autonome et mettre à profit sa pratique à des moments clés : angoisse de résultats d’examen, attente de perfusion de chimiothérapie en hôpital de jour. »
L’oncologie moderne se veut de plus en plus intégrative, en apportant des soins complémentaires aux traitements classiques, « quand un besoin est identifié », précise la spécialiste. « La méditation de pleine conscience est intéressante pour tout patient qui rencontre des difficultés à affronter ce qui ce joue dans le moment présent. » Annonce du diagnostic, médicaments avec effets secondaires… La pleine conscience peut trouver sa place tout au long du parcours de soins en cancérologie.
Au-delà des ateliers organisés dans les centres de soins, de nombreux stages d’initiation à la méditation de pleine conscience sont référencés sur le site de l’Association pour le développement de la mindflulness (association-mindfulness.org). Tous sont encadrés par des instructeurs formés aux protocoles cliniques.
- 1. Chayadi E., Baes N., Kiropoulos L. The effects of Mindfulness-Based interventions on symptoms of depression, anxiety, and cancer-related fatigue in oncology patients : a systematic review and meta-analysis. Plos One. 2022;17(7):e0269519. doi: 10.1371/journal.pone.0269519.
- 2. Lin L. Y. et coll. Effects of Mindfulness-Based therapy for cancer patients: a systematic review and meta-analysis. J. Clin. Psychol. Med. Settings. 2022;29(2):432-445. doi: 10.1007/s10880-022-09862-z.
- 3. Zhang Q., Zhao H., Zheng Y. Effectiveness of Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR) on symptom variables and health-related quality of life in breast cancer patients : a systematic review and meta-analysis. Support Care Cancer. 2019;27(3):771‑81.
- 4. Hölzel B. K. et coll. Mindfulness practice leads to increases in regional brain gray matter density. Psychiatry Res. 2011;191(1):36-43. doi: 10.1016/j.pscychresns.2010.08.006.
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