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Nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux

Publié le 9 mars 2024
Par Stéphanie Satger et Maïtena Teknetzian
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Plus de 360 000 Français par an sont traités par chimiothérapie anticancéreuse. Les nausées et vomissements sont des effets indésirables fréquents et parmi les plus redoutés. Ils dépendent du traitement et de facteurs liés au patient.

 

LES NAUSÉES ET VOMISSEMENTS CHIMIO-INDUITS EN 3 QUESTIONS

1 De quoi parle-t-on ?

La nausée est caractérisée par une sensation d’inconfort général et une envie de vomir. Elle est souvent accompagnée de symptômes liés à la stimulation du système nerveux autonome : tachycardie, sueurs froides, pâleur, hypersalivation, diarrhée, douleurs abdominales et troubles de la respiration. La plupart du temps, cette sensation disparaît après les vomissements.

Les vomissements sont des réflexes mécaniques qui se traduisent par une fermeture du pylore (situé entre l’estomac et l’intestin grêle) associée à une contraction violente des muscles abdominaux, de l’estomac et du diaphragme avec ouverture du cardia (situé entre l’estomac et l’œsophage), à l’origine d’un rejet par la bouche d’une partie ou de l’ensemble du contenu de l’estomac.

La temporalité de survenue des nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) est variable. On distingue les nausées et vomissements :

anticipatoires (incidence de 20 à 60 %), qui font généralement suite à des NVITAC importants au cours du premier cycle de traitement et se déclenchent, par anxiété, avant même l’administration de la chimiothérapie. Ils surviennent typiquement le matin du cycle suivant, jusqu’à l’arrivée dans le service hospitalier ;

aigus, qui se déclenchent au cours des 24 premières heures après l’administration de la chimiothérapie (avec un pic entre 5 et 6 heures) ;

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retardés, qui se manifestent au-delà des 24 premières heures qui suivent l’administration de la chimiothérapie (avec un pic entre 48 et 72 heures) ;

réfractaires, qui surviennent à n’importe quel moment malgré une prophylaxie antiémétique bien menée.

La sévérité des symptômes est évaluée en utilisant la classification NCI-CTCAE.

2 Quels sont les facteurs de risque ?

Le risque de survenue de NVITAC dépend du niveau émétisant du protocole de chimiothérapie et également de facteurs individuels.

Potentiel émétisant du traitement anticancéreux

Quatre niveaux de risque émétique sont définis, différenciant les médicaments hautement émétisants (fréquence de vomissements sans antiémétique supérieure à 90 %), moyennement émétisants (fréquence entre 30 et 90 %), faiblement émétisants (risque de 10 à 30 %) et très faiblement émétisants (inférieur à 10 %).

A titre d’exemple, parmi les molécules moyennement à hautement émétisantes, on trouve, entre autres, les anthracyclines, le cyclophosphamide, l’irinotécan, les dérivés du platine, le méthotrexate à fortes doses, la procarbazine, la vinorelbine orale. Tandis que la capécitabine, le chlorambucil, la cladribine, le 5-fluorouracile, les dérivés de l’if (ou taxanes) et anticorps monoclonaux sont faiblement à très faiblement émétisants. 

En cas de protocole associant plusieurs médicaments anticancéreux, le risque émétisant est déterminé par celui de la molécule la plus fortement émétisante du protocole.

Ce risque est majoré par les fortes doses, l’administration par voie intraveineuse (notamment rapide), la durée du traitement et en cas d’association avec la radiothérapie.

Facteurs individuels

L’apparition de NVITAC est plus élevée chez les patients d’âge inférieur à 55-60 ans et de sexe féminin.

Les antécédents de nausées et vomissements gravidiques ou de mal des transports, les antécédents de nausées et vomissements anticipés ou lors d’un précédent traitement de chimiothérapie, l’anxiété, un temps de sommeil insuffisant la veille de la chimiothérapie (inférieur à 7 heures avant le traitement) ou la fatigue augmentent aussi le risque de survenue de NVITAC.

Inversement, l’incidence des NVITAC semblerait moins importante chez les patients ayant des antécédents d’alcoolisme chronique.

3 Quelles sont les complications ?

En l’absence de prise en charge efficace, les NVITAC ont des répercussions psychologiques sur le patient avec un risque de mauvaise adhésion au traitement anticancéreux, notamment lorsqu’ils surviennent au cours de la première cure de chimiothérapie.

Ils peuvent être à l’origine d’une part de complications métaboliques graves comme un amaigrissement, une dénutrition, une déshydratation, des troubles hydroélectrolytiques (notamment une alcalose métabolique avec hypokaliémie susceptible d’aggraver des effets indésirables cardiaques de certains traitements comme les anthracyclines) ou une insuffisance rénale aiguë, mais aussi d’une perforation de l’œsophage. Ces complications nécessitent le plus souvent une prise en charge hospitalière.

Une réduction de la posologie des cytotoxiques, un espacement plus important des cycles voire un arrêt du traitement peut être nécessaire, avec un risque de compromettre l’efficacité de la chimiothérapie. 

PHYSIOPATHOLOGIE ET PHARMACODYNAMIE

Les nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) sont le résultat d’un processus complexe faisant intervenir la sérotonine, la substance P et la dopamine. Les protocoles antiémétiques font appel à différents antagonistes des récepteurs à ces neuromédiateurs.

Physiopathologie

Le vomissement est un processus complexe résultant d’une interconnexion neuronale de plusieurs structures aboutissant à l’activation du centre du vomissement, situé dans le bulbe rachidien, en réponse à des stimulations périphériques (afférences vagales du tube digestif) et centrales. Ce centre reçoit également des informations de la zone chémoréceptrice, ou CTZ pour chemoreceptor trigger zone, située dans l’area postrema, en dehors de la barrière hémato-encéphalique.

La cytotoxicité des anticancéreux sur les cellules entérochromaffines de l’intestin provoquent une libération de sérotonine, de substance P (neurokinine de type 1, ou NK1) et, dans une moindre mesure, de dopamine. La sérotonine, libérée de manière transitoire, est impliquée dans les nausées et vomissements aigus. La substance P est, quant à elle, libérée de façon prolongée (jusqu’à 96 heures) et impliquée dans les nausées et vomissements aigus et retardés.

La dopamine ainsi qu’une partie de la sérotonine et de la substance P libérées dans le sang atteignent la CTZ. L’autre partie de la sérotonine et de la substance P excite les fibres afférentes du nerf vague puis agit sur le noyau du tractus solitaire, situé dans le bulbe rachidien. Ce noyau stimule ensuite le centre du vomissement et la CTZ qui elle-même agit indirectement sur le centre du vomissement. 

Ce dernier peut également être excité par des stimuli centraux (odeurs, émotions, peurs d’anticipation, par exemple).

A la suite de ces stimulations périphériques et centrales, le centre du vomissement émet des efférences vers les muscles abdominaux aboutissant à la contraction du diaphragme et à un relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage (cardia), provoquant la remontée du contenu de l’estomac et son évacuation par la bouche. 

Les médicaments antiémétiques utilisés dans la prévention des NVITAC bloquent sélectivement les récepteurs sérotoninergiques 5HT3, NK1 de la substance P ou dopaminergiques D2.

Il est à noter que, contrairement à d’autres types de nausées et vomissements (gravidiques ou mal des transports, notamment), les afférences vestibulaires qui impliquent l’histamine et l’acétylcholine ne semblent pas jouer de rôle dans la genèse des NVITAC. C’est pourquoi les médicaments ciblant leurs récepteurs ne sont pas utilisés dans les protocoles.

Mécanisme d’action des médicaments antiémétiques

Les antagonistes sérotoninergiques 5HT3

Les sétrons (granisétron, ondansétron, palonosétron), hautement sélectifs des récepteurs 5HT3 localisés au niveau des terminaisons vagales du tractus gastro-intestinal, de la CTZ et du centre du vomissement, sont surtout efficaces sur les vomissements aigus.

Les antagonistes sélectifs NK1 

L’aprépitant et le nétupitant sont efficaces sur les vomissements aigus et retardés, ils agissent au niveau périphérique et au niveau central en bloquant l’action de la substance P sur les récepteurs NK1 présents sur les fibres vagales, la CTZ et le centre du vomissement.

Les antagonistes dopaminergiques D2 

Le métoclopramide, l’alizapride et la métopimazine agissent au niveau cérébral en bloquant l’action de la dopamine sur les récepteurs D2 présents sur les structures impliquées dans le vomissement. Ils peuvent être proposés dans les NVITAC, notamment si la chimiothérapie est faiblement émétisante ou comme traitement de secours (ajouté au protocole antiémétique, en cas de nausées et vomissements réfractaires).

L’olanzapine est un antipsychotique, qui a une affinité particulière pour les récepteurs D2 et 5 HT3. Son efficacité sur les NVITAC est prouvée. Elle est utilisée hors autorisation de mise sur le marché pour les vomissements aigus et retardés liés aux chimiothérapies hautement émétisantes, et aussi proposée en cas de vomissements réfractaires.

Les corticoïdes 

Employés en association avec des antiémétiques, et parfois seuls en cas de chimiothérapie faiblement émétisante, ils présentent une efficacité dans les nausées et vomissements aigus ou retardés. Leur mécanisme d’action est encore mal élucidé mais serait lié à la diminution de synthèse de prostaglandines.

THÉRAPEUTIQUE

Comment prévenir et traiter les nausées et vomissements chimio-induits ?

Soins de support en oncologie, la prévention et le traitement des nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) participent considérablement à l’amélioration de la qualité de vie des patients. Ils reposent sur l’application de protocoles établis en fonction du pouvoir émétisant des molécules et adaptés au profil du patient.

Stratégie thérapeutique

La prise en charge médicamenteuse des NVITAC repose sur l’application de recommandations émises par différentes sociétés savantes : le référentiel de 2017 de l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos) et le consensus de décembre 2023 de la Société européenne d’oncologie médicale et de l’Association multinationale des soins de support du cancer (Esmo/Mascc).

L’objectif principal est d’éviter la survenue des nausées et vomissements pendant les cycles de chimiothérapies. L’obtention d’une réponse complète, c’est-à-dire aucun vomissement (grade 0) ou des nausées de grade 1 (simple perte d’appétit), est visée pour améliorer de la qualité de vie du patient, lui faire moins redouter les cycles suivants et éviter les nausées et vomissements anticipatoires.

Nausées et vomissements anticipatoires

Ils sont liés à l’anxiété. Leur prise en charge est essentielle car la peur de vomir à cause de la chimiothérapie est un facteur de risque de nausées et vomissements survenant après l’administration de la chimiothérapie. Elle fait appel à un traitement anxiolytique par benzodiazépine, en amont de la chimiothérapie (la veille et le matin même du traitement anticancéreux). Les molécules à demi-vie courte comme l’alprazolam (à la dose de 0, 25 à 0,5 mg) doivent être privilégiées.   

Prophylaxie primaire

Une prophylaxie dite primaire est à mettre en œuvre, lors du premier cycle de la thérapie anticancéreuse, afin de contrôler les NVITAC dès cette étape et de rassurer les patients pour les cycles suivants.

Le choix du protocole antiémétique dépend en premier lieu du potentiel émétisant du traitement anticancéreux (voir partie « Pathologie »).

Il tient compte également de la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque individuels (moins de 55-60 ans, sexe féminin, antécédents de nausées, temps de sommeil inférieur à 7 heures la veille de la chimiothérapie, anxiété, antécédents de NVITAC, etc.). La présence d’un ou plusieurs facteurs de risque doit faire considérer une augmentation du niveau de prophylaxie (on parle de « surclassement du risque ») afin d’optimiser la prise en charge, c’est-à-dire que la chimiothérapie sera considérée comme  étant de niveau de risque émétisant supérieur.

Les protocoles antiémétiques font appel aux antagonistes 5HT3 ou sétrons (ondansétron, granisétron), aux antagonistes dopaminergiques D2 (métoclopramide, métopimazine, alizapride), aux antagonistes NK1 (aprépitant, nétupitant), aux corticoïdes (dexaméthasone, méthylprednisolone, prednisone ou prednisolone), utilisés seuls ou en association en fonction du risque émétisant. L’olanzapine est recommandée par le consensus Esmo/Mascc dans la prévention des nausées et vomissements des chimiothérapies hautement émétisante. La dompéridone n’est pas recommandée en première intention du fait d’un manque de données sur son utilisation en cancérologie.

Les médicaments prophylactiques des nausées et vomissements aigus se prennent le jour de la cure de chimiothérapie (J1). Dans le cas où la chimiothérapie est administrée sur plusieurs jours consécutifs, chaque jour de traitement doit être considéré comme un J1 et la prophylaxie des nausées et vomissements aigus est alors administrée sur plusieurs jours, avant la chimiothérapie.

La prophylaxie des nausées et vomissements retardés, survenant au-delà des 24 premières heures suivant l’administration de la chimiothérapie, repose sur l’utilisation d’antiémétiques à J2, J3 voire J4 (en fonction du niveau émétisant de la chimiothérapie). Les sétrons ne sont pas recommandés en première intention, car ils sont surtout efficaces sur les nausées et vomissements aigus.   

Risque hautement émétisant

D’après les recommandations de l’Afsos, la prophylaxie des nausées et vomissements aigus repose sur l’utilisation de dexaméthasone (ou équivalent), d’aprépitant (125 mg par jour) et d’un sétron. L’association fixe palonosétron/nétupitant, dite Nepa (commercialisée sous le nom Akynzéo), est particulièrement recommandée en cas de chimiothérapie par cisplatine. Les dernières recommandations Esmo/Mascc de décembre 2023 préconisent l’ajout à ces protocoles d’olanzapine hors autorisation de mise sur le marché (AMM) : 10 mg ou 5 mg chez la personne âgée ou en cas de somnolence indésirable.

La prophylaxie des NVITAC retardés repose sur l’utilisation pendant 2 jours d’aprépitant (80 mg par jour), s’il a été utilisé à J1 et/ou de corticoïde de J2 à J4. Si le Nepa a été employé à J1, il n’est, en revanche, pas utile de l’administrer sur J2 et J3 (comme c’est le cas de l’aprépitant), du fait de la demi-vie plus longue du nétupitant. Selon les recommandations Esmo/Mascc, l’olanzapine peut être associée de J2 à J4. 

Risque modérément émétisant

La prophylaxie des NVITAC aigus fait appel à un antagoniste NK1, à un sétron et à un corticoïde à J1. Si l’aprépitant a été utilisé à J1 (à 125 mg par jour), on l’utilise à J2 et J3 (à 80 mg par jour) pour prévenir les nausées et vomissements retardés.

Risque faiblement émétisant

La prophylaxie des NVITAC aigus repose sur l’utilisation d’un seul agent antiémétique choisi par le prescripteur parmi le métoclopramide, un sétron ou un corticoïde. Aucun antiémétique n’est systématiquement prescrit en prévention des NVITAC retardés.

Risque très faiblement émétisant

Aucune prophylaxie primaire n’est recommandée en systématique pour les NVITAC qu’ils soient aigus ou retardés.

Cas particuliers

Pédiatrie. Chez l’enfant, le granisétron injectable a une AMM à partir de 2 ans. L’ondansétron injectable, orodispersible et en sirop, à partir de 6 ans. L’aprépitant peut être utilisé à partir de six mois. L’association palonosétron/nétupitant n’a pas d’AMM en pédiatrie. Responsable d’effets neurologiques graves (dyskinésies précoces, notamment) et de méthémoglobinémie, le métoclopramide ne peut être utilisé qu’à partir de 1 an, à la posologie la plus faible possible sur une durée la plus courte possible (inférieure à 5 jours). La métopimazine orodispersible est indiquée à partir de 6 ans et la présentation en suppositoire chez l’enfant pesant plus de 7,5 kg, mais elles n’ont pas d’AMM spécifique dans les NVITAC. L’alizapride et l’olanzapine ne sont pas autorisées chez l’enfant.   

Chimiothérapie en continu. Dans le cas de traitement anticancéreux en continu, un traitement au long cours par corticoïde n’est pas envisageable en raison d’effets indésirables dose et temps-dépendants de la corticothérapie (effet diabétogène, troubles hydroélectrolytiques, ostéoporose, immunodépression, notamment). Un traitement par antagoniste dopaminergique 1 heure avant l’administration du traitement anticancéreux ou éventuellement par sétron (quotidien) sera privilégié.

Traitement de secours. La survenue d’un vomissement et/ou de nausées d’un niveau de grade 2 ou supérieur nécessite de recourir à un traitement dit de secours : une dose supplémentaire d’ondansétron, par exemple, un antagoniste dopaminergique (oral ou injectable), une benzodiazépine. Les différentes sociétés savantes suggèrent aussi, pour les NVITAC réfractaires, l’utilisation de l’olanzapine (aux doses recommandées de 5 mg par jour, selon l’Afsos, et 10 mg par jour, selon l’Esmo/Mascc), si celle-ci n’a pas été utilisée en prophylaxie primaire. L’association de l’olanzapine avec un autre antiémétique antagoniste dopaminergique est toutefois évitée en pratique du fait d’un risque d’addition d’effets indésirables de même nature. 

Prophylaxie secondaire

Il s’agit de traitements mis en place à la suite de la survenue de NVITAC lors d’un précédent cycle de chimiothérapie, malgré la prescription d’une prophylaxie primaire adéquate, pour prévenir des nausées et vomissements lors des cycles suivants.

Avant d’apporter des modifications au protocole antiémétique de prophylaxie primaire, il est important de vérifier la bonne observance du patient. Si tel est bien le cas, le traitement sera renforcé en ajoutant un agent antiémétique qui n’aurait pas été utilisé au cycle précédent.

Traitements

Les antagonistes 5 HT3

Les sétrons sont remboursés selon la procédure des médicaments d’exception.

Ils sont indiqués dans la prévention et le traitement des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie moyennement à hautement émétisante.

Trois molécules sont disponibles en France : l’ondansétron et le granisétron, sétrons de première génération, et le palonosétron, molécule de deuxième génération, commercialisée en association avec le nétupitant, antagoniste des récepteurs NK1 (dite Nepa).

L’ondansétron et granisétron présentent une efficacité équivalente sur les nausées et vomissements aigus et peu d’efficacité sur les vomissements retardés. Le palonosétron, dont la demi-vie est plus longue (40 heures) que celles de l’ondansétron et du granisétron (respectivement 4 heures et 9 heures en moyenne), présenterait une meilleure efficacité que les sétrons de première génération sur les NVITAC retardés.

Effets indésirables : les plus fréquents sont les céphalées, les bouffées de chaleur et la constipation pouvant se compliquer en occlusion. Plus rarement, un syndrome extrapyramidal (dystonies, dyskinésies, etc.), des vertiges (notamment en cas d’injection trop rapide), une élévation transitoire et asymptomatique des transaminases, des troubles visuels transitoires et des manifestations allergiques immédiates peuvent s’observer. Il existe un risque d’allongement de l’intervalle QT chez des personnes prédisposées ou présentant des troubles hydroélectrolytiques. Avant le début du traitement, la correction d’une éventuelle hypokaliémie ou d’une hypomagnésémie est nécessaire. L’afsos recommande la réalisation d’un électrocardiogramme (ECG).

Interactions : l’association avec d’autres médicaments susceptibles de favoriser des torsades de pointe (érythromycine, amiodarone, ß-bloquants, par exemple) ou cardiotoxiques (anthracyclines, trastuzumab, céritinib, notamment) impose une surveillance clinique et de l’ECG. L’apparition d’un syndrome sérotoninergique (troubles de la conscience, troubles neuromusculaires) est possible en association avec les antidépresseurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), ainsi que la buprénorphine. L’association avec d’autres ralentisseurs du transit (opiacés, notamment) majore le risque de constipation et d’iléus. Des études montrent que l’ondansétron diminuerait l’effet antalgique du tramadol.

Les antagonistes NK1

Ils sont indiqués dans la prévention des nausées et vomissements aigus et retardés associés à des chimiothérapies modérément à hautement émétisantes. Ce sont des médicaments d’exception.

Deux molécules sont commercialisées en France : l’aprépitant et le nétupitant, qui est toujours associé au palonosétron, association désignée par l’acronyme Nepa. Le Nepa est préféré avec les chimiothérapies à base de cisplatine.

Du fait de sa demi-vie de 92 heures, le nétupitant présente une action prolongée, qui explique son administration en une prise unique à J1, alors que l’aprépitant est administré à J1 (à 125 mg par jour chez l’adulte) et à J2 et J3 (à 80 mg par jour chez l’adulte).

Effets indésirables : les effets secondaires les plus fréquents sont une asthénie, des céphalées, une constipation.

Interactions : Les anti-NK1 sont inhibiteurs du cytochrome P450 (CYP) 3A4 et inducteurs du CYP2C9, du CYP 3A4 et de la glucuronidation. Leur profil inducteur et inhibiteur enzymatique les implique dans de nombreuses interactions pharmacocinétiques. En particulier, leur association avec les corticoïdes nécessite d’abaisser les posologies de ces derniers : la dexaméthasone sera ainsi prescrite à la dose de 12 mg au lieu de 20 mg, et de 8 mg au lieu de 12 mg (pour les autres corticoïdes, se référer au tableau des équivalents dexaméthasone). La prudence s’impose également lors de l’association avec les antivitamines K (surveillance très renforcée de l’international normalized ratio, ou INR), aux contraceptifs hormonaux (risque d’inactivation imposant une contraception mécanique avec l’aprépitant), aux antidépresseurs (augmentation du risque de syndrome sérotoninergique avec les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA). L’association de l’aprépitant avec l’ifosfamide (à l’hôpital) est à éviter en raison de la majoration du risque d’encéphalopathie liée à l’inhibition du métabolisme de l’agent alkylant. 

Les antagonistes dopaminergiques

Métoclopramide, métopimazine, alizapride

Malgré une faible efficacité, ils sont indiqués dans la prévention des nausées et vomissements liés à une chimiothérapie faiblement émétisante. Ils sont aussi utilisés en prophylaxie secondaire ou en traitement de secours en cas de vomissements réfractaires. Concernant l’alizapride et la métopimazine, seules les formes injectables ont l’indication NVITAC. La durée de traitement maximale recommandée est de 5 jours en raison de leurs potentiels effets indésirables.

Effets indésirables : du fait de leur antagonisme dopaminergique, ces médicaments peuvent induire des effets neurologiques (somnolence, dystonies précoces à type de grimaces ou de trismus en particulier chez l’enfant et le jeune adulte, dyskinésies tardives chez les personnes âgées, syndromes extrapyramidaux), des troubles endocriniens (gynécomastie, galactorrhée, aménorrhée, surtout en cas de traitement prolongé), voire un syndrome malin. La métopimazine, qui possède des propriétés anticholinergiques, peut provoquer des effets atropiniques (hypotension orthostatique, sécheresse buccale, constipation, troubles de l’accommodation, rétention urinaire). Le métoclopramide peut induire une méthémoglobinémie chez les nourrissons et peut être impliqué dans la survenue de troubles du rythme cardiaque grave.  

Interactions :  La consommation d’alcool est déconseillée et l’association avec les autres dépresseurs du système nerveux central majore le risque de somnolence. L’association de métopimazine à d’autres anticholinergiques augmente la charge anticholinergique, notamment chez le sujet âgé.

Olanzapine

Neuroleptique de deuxième génération, l’olanzapine agit sur les récepteurs D2, mais aussi 5HT2, 5 HT3 et H1. Elle est utilisée hors AMM dans les NVITAC. Lors de la délivrance, il convient d’expliquer au patient qu’elle est utilisée comme agent antiémétique (dont l’efficacité est prouvée), afin qu’il ne soit pas étonné par les indications antipsychotiques de la notice. Elle est efficace sur les NVITAC aigus et retardés et recommandée par le consensus Esmo/Mascc en cas de chimiothérapie hautement émétisante en association avec les antagonistes 5HT3, les anti-NK1 et les corticoïdes. Elle est proposée aussi en traitement de secours en cas de vomissements réfractaires à la dose de 10 mg par jour pendant 3 jours (pouvant être abaissée chez la personne âgée à 5 mg par jour).

Effets secondaires : somnolence, sensations vertigineuses, hypotension orthostatique, effets anticholinergiques (bouche sèche, constipation), fatigue et dyskinésies.

Interactions : l’association avec les agonistes dopaminergiques ou la dopathérapie est déconseillée (antagonisme). L’alcool majore la sédation.

UNE CHIMIOTHÉRAPIE SURCLASSÉE

Un cancer du côlon a été diagnostiqué, il y a 7 mois, à Géraldine K., 43 ans. Après un premier traitement de chimiothérapie, le cancérologue change son protocole à la suite d’une progression tumorale. Il décide d’instaurer le Folfiri (5-FU et acide folinique associés à de l’irinotécan) en perfusion intraveineuse tous les 15 jours, administrée en hôpital de jour, et lui prescrit une prophylaxie antiémétique. Le lendemain de sa consultation oncologique, Mme K. présente trois ordonnances à la pharmacie.

Quel est le contexte des ordonnances ?

Que savez-vous de la patiente ?

L’annonce de son cancer a été d’autant plus anxiogène pour Mme K. qu’elle a deux enfants de 15 et 12 ans, auxquels elle consacre beaucoup de temps, à la fois pour leur scolarité et leurs loisirs. Depuis, elle vient très souvent à la pharmacie chercher du réconfort. Elle a bénéficié d’un premier traitement par 5-FU associé au bévacizumab, un anti-VEGF, au cours duquel Mme K. avait souffert de nausées et vomissements, malgré un traitement préventif. Elle appréhende vraiment cette nouvelle chimiothérapie.

Mme K. est, par ailleurs, sous contraception hormonale œstroprogestative (Leeloo) prescrite par son gynécologue. Cette contraception est particulièrement importante car le 5-FU est fœtotoxique. 

Que lui a dit l’oncologue ?

Pour rassurer Mme K., l’oncologue lui a expliqué que la nouvelle chimiothérapie n’entraîne pas systématiquement de nausées et vomissements. En outre, le protocole antiémétique est d’autant plus efficace qu’elle le prend correctement, dès la première cure. Celui-ci est plus intense que le précédent et comprend en plus un neuroleptique pourvu d’une efficacité antiémétique prouvée.

Les prescriptions sont-elles cohérentes ?

Sont-elles recevables ?

Oui. L’aprépitant et l’ondansétron sont des médicaments remboursés selon la procédure des médicaments d’exception. Ils ont bien été prescrits sur des ordonnances adaptées.

Que comportent-elles ?

L’aprépitant est un antagoniste sélectif des récepteurs NK1 de la substance P. Il est indiqué dans les nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) aigus et retardés. La boîte contient une gélule dosée à 125 mg et 2 gélules dosées à 80 mg.

L’ondansétron est un antagoniste des récepteurs 5-HT3 à la sérotonine. Les sétrons agissent principalement sur les NVITAC aigus.

La prednisolone est un corticoïde utilisé dans les protocoles antiémétiques des NVITAC aigus et retardés.

L’olanzapine est un neuroleptique antipsychotique de seconde génération qui inhibe notamment les récepteurs D2 et 5HT3, utilisé, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), dans les NVITAC aigus et retardés.

Sont-elles conformes à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui, la prescription est conforme aux dernières recommandations Esmo/Mascc* de 2023. Considérant la molécule la plus émétisante de son nouveau protocole, l’irinotécan, la chimiothérapie de Mme K. est moyennement émétisante. Cependant, les sociétés savantes préconisent de « surclasser » le potentiel émétisant en présence de facteurs de risque individuels. Mme K., du fait de son âge (moins de 55 ans), de son sexe et de son tempérament anxieux, est concernée par ce « surclassement » et sa chimiothérapie peut donc être considérée comme hautement émétisante.

Y a-t-il des interactions médicamenteuses ?

L’aprépitant, inducteur/inhibiteur du cytochrome P450 (CYP) 3A4 et inducteur du CYP 2C9, est impliqué dans de nombreuses interactions. Il peut notamment diminuer l’efficacité des contraceptifs hormonaux. Il faut donc recommander à Mme K. d’utiliser en complément de sa pilule, une autre méthode contraceptive de type mécanique (préservatifs) pendant la totalité de la période sous Emend et les 2 mois qui suivent la dernière prise.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui. L’aprépitant inhibe la métabolisation du corticoïde, ce qui nécessite d’en diminuer de la dose. Les doses de prednisolone prescrites correspondent bien à celles recommandées.

La dose d’olanzapine préconisée par les recommandations Esmo/Mascc est de 10 mg par jour.

Quels conseils de prise donner ?

Comment utiliser les médicaments ?

Le pharmacien incite Mme K. à être particulièrement observante et à bien respecter les horaires de prise.

Le protocole de prévention des nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) doit être commencé le matin de sa première cure de chimiothérapie, qui correspond à J1. Le pharmacien attire l’attention de la patiente sur les différents dosages de gélules d’Emend présent dans la boîte.

La gélule rose d’aprépitant à 125 mg sera prise à J1, 1 heure avant le début de la séance, les gélules blanches à 80 mg seront prises à J2 et J3, le matin, avec ou sans nourriture. Le comprimé d’ondansétron est à prendre 2 heures avant la séance de chimiothérapie à J1. Les comprimés de prednisolone seront avalés au moment du petit déjeuner de J1 à J4. Les comprimés d’olanzapine seront pris le matin (1 heure avant la chimiothérapie le premier jour), avec ou sans nourriture de J1 à J4. 

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Les effets indésirables les plus fréquents sous aprépitant sont les céphalées, l’asthénie, les vertiges, une diminution de l’appétit, le hoquet et la constipation. Des céphalées, des bouffées de chaleur et une constipation peuvent survenir sous ondansétron. Cependant, le protocole cytotoxique de Mme K. peut induire des diarrhées ; si toutefois elle était constipée à cause des antiémétiques, le pharmacien pourra lui recommander de prendre un laxatif doux de type osmotique. Les céphalées pourront être soulagées par du paracétamol.

Pour limiter le risque de désordres hydroélectrolytiques liés à la cortisone, il est conseillé d’adopter un régime pauvre en sodium.

L’olanzapine entraîne parfois une somnolence, qui, en fonction de son importance, peut nécessiter une diminution de la posologie à 5 mg/j et/ou une administration le soir.

Conseils complémentaires

Le pharmacien rappelle à Mme K. qu’elle doit signaler son traitement aux autres prescripteurs qu’elle consulterait, du fait des nombreuses interactions avec ses traitements. Elle doit éviter toute automédication.

Il lui prodigue des conseils hygiénodiététiques qui permettent de limiter les nausées et vomissements (fractionner les repas, manger sans attendre la sensation de faim, éviter les aliments gras et fortement odorants notamment).

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Savoir prodiguer au malade, mais également à son entourage, les conseils adéquats pour limiter les nausées et vomissements est fondamental pour éviter une dénutrition.

Les nausées et vomissements vus par les patients

Impact psychologique

Constituant, avec l’alopécie, l’un des effets indésirables liés aux cytotoxiques les plus connus du grand public, les nausées et vomissements sont redoutés par les patients traités par chimiothérapie.

L’anxiété liée au diagnostic, au pronostic et à la mise en œuvre du traitement anticancéreux majore leur incidence.

Impact sur la qualité de vie

Les nausées et vomissements peuvent provoquer une appréhension des repas et constituent une réelle entrave à une correcte alimentation orale. Ils ont des répercussions sur la vie professionnelle et sociale du patient.

Leurs complications (carences alimentaires, anorexie, dénutrition qui peut, par ailleurs, aggraver une immunodépression liée à une leucopénie elle-même chimio-induite, pertes hydroélectrolytiques, insuffisance rénale aiguë fonctionnelle) contribuent à altérer l’état général du patient et sa qualité de vie. 

Impact sur l’entourage

Les nausées et vomissements peuvent s’accompagner de troubles olfactifs et de dysgueusies, également liés au traitement anticancéreux. Souvent méconnus par l’entourage, ces troubles renforcent les nausées et sont parfois source d’incompréhension de l’entourage (aidant, conjoint, par exemple). En effet, ce dernier peut être déçu lorsqu’il a préparé avec soin et dévouement un repas dont il se voit reprocher le mauvais goût et la mauvaise odeur par le patient. Les proches peuvent alors se sentir désemparés et ne plus savoir que faire pour redonner de l’appétit au malade.

À dire aux patients

A propos des traitements antiémétiques

Insister sur l’importance de respecter rigoureusement les protocoles antiémétiques et l’heure de prise des différents médicaments, pour prévenir les complications des nausées et vomissements.

Certains conseils sont importants pour limiter les effets indésirables des antiémétiques et optimiser ainsi l’adhésion au traitement.

Les antagonistes 5HT3 (sétrons) peuvent être responsables de vasodilatation transitoire se manifestant très fréquemment par des céphalées (10 % des cas), mais aussi par des bouffées de chaleur, des flushes faciaux et, éventuellement, par de l’hypotension. Conseiller de prendre du paracétamol pour soulager les céphalées et de réduire les changements brusques de position afin d’éviter les manifestations d’hypotension orthostatique.

Les sétrons et les anti-NK1 sont susceptibles de diminuer le péristaltisme intestinal et d’induire fréquemment une constipation. Il est important d’en informer le patient, notamment en cas de traitements majorant le risque de constipation (risque d’occlusion intestinale), tels que les morphiniques ou la chimiothérapie par vinca-alcaloïdes (qui provoquent une altération de l’innervation neurologique intestinale). Prodiguer des conseils hygiénodiététiques pour éviter la constipation : maintenir une activité physique dans la mesure des capacités du malade, enrichir l’alimentation en fibres, insister sur l’apport hydrique, aménager des conditions d’exonération adaptées à l’état du patient (surélever les pieds avec un tabouret pour améliorer la position défécatoire, prévoir, pour ceux qui ont des difficultés motrices et/ou restent alités, une chaise garde-robe ou un bassin). Si un traitement laxatif n’a pas été prescrit, conseiller un laxatif osmotique (plus efficace que les laxatifs de lest dans un contexte oncologique).

Alerter sur les risques de somnolence, notamment avec l’olanzapine, et déconseiller dans ce cas la conduite automobile.

Afin d’éviter les effets indésirables neurologiques du métoclopramide (dystonies, dyskinésies, syndrome extrapyramidal voire, plus exceptionnellement, syndrome malin de neuroleptiques), bien respecter un intervalle d’au moins 6 heures entre 2 prises (12 heures si forme à libération prolongée), même en cas de vomissement et de rejet de la prise.

A propos des conseils hygiénodiététiques

Alimentation et hydratation

Conseiller de fractionner les repas (en 6 à 8 collations par jour) et de manger lentement dans un environnement calme mais convivial. Manger sans attendre d’avoir le ventre vide (qui peut majorer les nausées).

Se reposer après les repas (en regardant la télévision, en lisant ou en écoutant de la musique) pour diminuer l’anxiété, mais éviter de s’allonger au moins dans les 30 minutes suivant un repas (rester le buste bien droit favorise la vidange gastrique). Si l’état du patient l’oblige à être alité, il doit s’allonger alors de préférence sur le côté droit, dans ce même objectif.

Eviter les plats gras, épicés et les fritures, lourds à digérer (donc susceptibles de rester plus longtemps dans l’estomac et d’être vomis).

Privilégier les aliments qui font envie. Expliquer, en particulier à l’entourage du patient, que certains anticancéreux peuvent induire des troubles olfactifs qui rendent certaines odeurs intolérables (fritures, viandes, poissons, mais aussi les parfums ou le tabac). En cas de gêne due aux odeurs, conseiller au patient, s’il en a la possibilité, de déléguer la préparation des repas. Proscrire les aliments fortement odorants (choux, oignons, ail, par exemple).

Privilégier les repas froids qui limitent les odeurs et sont souvent mieux tolérés. En cas de dégoût pour la viande ou le poisson, opter pour de la volaille ou des œufs ou des produits laitiers.

En cas de dysgueusies ou de sensation de goût métallique dans la bouche, conseiller au patient de sucer des bonbons acidulés ou mentholés pour enlever le mauvais goût et stimuler la salivation (une sécheresse buccale renforce une dysgueusie) et la consommation de fruits frais (en prenant soin de bien les laver et/ou de les peler pour diminuer le risque infectieux).

Insister sur l’importance d’une hydratation suffisante (eau, jus de fruits, tisanes, bouillons ou soupes, boissons gazeuses servies fraîches, eau citronnée), non seulement pour compenser les pertes hydroélectrolytiques dues aux vomissements et prévenir une déshydratation, mais aussi pour maintenir une hydratation buccale satisfaisante. Conseiller au patient de boire par petits volumes, régulièrement répartis dans la journée, de préférence en dehors des repas, mais d’éviter l’ingestion de gros volumes qui ont un effet émétisant. Utiliser éventuellement une paille dans un verre ou une tasse fermé pour favoriser la prise de petites gorgées et limiter les odeurs.

Après un vomissement

Attendre au moins 1 heure avant de manger après un vomissement.

Pour limiter le risque de survenue de mucite, il est important de conseiller au patient de se rincer la bouche à l’eau froide après un vomissement pour limiter l’exposition buccale aux résidus de principes actifs dans le bol alimentaire (proscrire les bains de bouche contenant de l’alcool qui exacerbent la douleur).

Conseiller au patient et à son entourage de mettre des gants pour nettoyer les vomissures.

Surveillance

Les patients doivent surveiller leur poids : une perte supérieure à 5 % du poids initial peut être un signe de dénutrition qui doit amener à consulter un médecin.

En cas de vomissements sévères, s’assurer que l’ionogramme du patient est contrôlé, ainsi que sa fonction rénale.

L’aprépitant, à la fois inhibiteur et inducteur de cytochrome P450, est impliqué dans de nombreuses interactions : en particulier, veiller à ce que les patients, par ailleurs traités par antivitamine K, bénéficient bien d’une surveillance renforcée de l’international normalized ratio (INR).

L’ESSENTIEL À RETENIR

A propos des nausées et vomissements induits par le traitement anticancéreux (NVITAC)

Les nausées et vomissements sont des effets indésirables redoutés des patients mais souvent insuffisamment pris en charge. Leur prévention correcte est primordiale pour améliorer la qualité de vie des malades, éviter les complications (dénutrition, troubles hydroélectrolytiques, insuffisance rénale) et de compromettre la bonne poursuite de la chimiothérapie. Elle implique une bonne connaissance de la pathogenèse, une évaluation du risque émétisant et la connaissance de l’existence de recommandations de sociétés savantes (Afsos, Esmo/Mascc).

Il existe 4 types de NVITAC : anticipatoires, liés à l’anxiété et survenant avant même l’administration de la chimiothérapie ; aigus, se produisant dans les 24 heures après l’administration de la chimiothérapie ; retardés, survenant dans les jours suivant l’administration de la chimiothérapie ; réfractaires, survenant en dépit d’une prophylaxie bien menée.

Les NVITAC impliquent différents neuromédiateurs, dont principalement la sérotonine, responsable des NVITAC aigus, et la substance P (NK1), responsable des NVITAC aigus et retardés, et, à moindre degré, la dopamine. Les antagonistes 5HT3 sont donc surtout efficaces sur les NVITAC aigus et moins sur les retardés, tandis que les antagonistes NK1 sont efficaces sur les formes aiguës et retardées.

La fréquence des NVITAC dépend du potentiel émétisant des anticancéreux (hautement, modérément, faiblement, très faiblement) et de facteurs individuels. En cas de protocole associant plusieurs cytotoxiques, le niveau de risque est déterminé par la molécule la plus émétisante. La présence de facteurs de risque individuels (âge inférieur à 55-60 ans, sexe féminin, anxiété, antécédents de nausées gravidiques, par exemple) doit faire « surclasser » la chimiothérapie.

A propos du traitement

L’objectif visé est d’éviter la survenue de tout vomissement et que les nausées n’entraînent pas plus qu’une simple diminution de l’appétit mais sans modification des habitudes alimentaires.

Les nausées et vomissements anticipatoires sont prévenus par des benzodiazépines et par une prise en charge optimale, dès le premier cycle de chimiothérapie.

La prophylaxie primaire (concernant le 1er cycle de chimiothérapie) des NVITAC aigus et retardés peut, selon le niveau émétisant déterminé, faire appel aux antagonistes dopaminergiques, aux antagonistes 5HT3, aux antagonistes NK1, aux corticoïdes et à l’olanzapine (hors autorisation de mise sur le marché), dernièrement recommandée par le consensus Esmo-Mascc, en cas de potentiel hautement émétisant.

Si la chimiothérapie est administrée sur plusieurs jours, chaque jour de chimiothérapie doit être considéré comme le premier et amène à prévenir des NVITAC aigus.

En cas de NVITAC réfractaires, un traitement de secours est à envisager. Il consiste à utiliser un antiémétique qui n’était pas dans le protocole antiémétique initial : les antagonistes dopaminergiques injectables et l’olanzapine par voie orale sont en particulier proposés.

En prophylaxie secondaire (au cours d’un nouveau cycle de chimiothérapie, si des NVITAC sont survenus au cours du cycle précédent, en dépit de la prophylaxie primaire), la prophylaxie primaire est intensifiée par l’ajout d’un nouvel agent antiémétique.

En complément du traitement médicamenteux, les conseils hygiénodiététiques sont fondamentaux : fractionner les repas, manger avant d’avoir faim, préférer les repas froids, éviter les aliments gras et fortement odorants, boire par petites gorgées, se rincer la bouche après un vomissement, notamment.

Le point de vue 

oncologue à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif), département interdisciplinaire d’organisation des parcours patients.

Quels sont les messages à diffuser pour optimiser la prise en charge des nausées et vomissements chimio-induits ?

Ces dernières années, il y a eu une évolution concernant l’arsenal thérapeutique et les traitements pour lutter contre les nausées et vomissements, dont on dispose, sont très efficaces. Encore faut-il qu’ils soient correctement utilisés ! En effet, ils sont mal voire sous-utilisés car les recommandations des sociétés savantes* concernant la prévention des nausées et vomissements induits par les anticancéreux sont méconnues. Il faut même noter qu’environ 11 % de patients traités par cisplatine, molécule pourtant hautement émétisante, n’avaient aucun traitement antiémétique dans une enquête européenne dont la France faisait partie ! Je voudrais donc insister sur l’importance de connaître les recommandations et, évidemment, de les appliquer. Pour optimiser la prise en charge, il faut aussi l’individualiser en évaluant les facteurs de risque propres au patient, rechercher un contexte social, professionnel, douloureux, propice à l’anxiété, évaluer la vulnérabilité du patient, afin de mettre en œuvre, conjointement au parcours thérapeutique, un parcours de soins adapté qui peut inclure, par exemple, la consultation d’un diététicien et/ou d’un psychologue. Des thérapies complémentaires peuvent également être utiles comme l’acupuncture, les techniques de relaxation, l’hypnothérapie. Concernant le gingembre, il n’y a pas de niveau de preuve de son efficacité, mais pourquoi ne pas le proposer, si le patient le souhaite, dans la confection des repas ? Enfin, le développement de la télésurveillance, désormais remboursée, est un outil intéressant pour suivre de façon continue le patient et évaluer l’impact des nausées et vomissements sur son poids, son état d’hydratation et rechercher une dénutrition.

Les cannabinoïdes peuvent-ils constituer une perspective ?

A ce jour, les cannabinoïdes n’ont pas apporté de preuve formelle pour affirmer leur efficacité dans le cadre d’études cliniques randomisées, on manque de résultats. C’est la raison pour laquelle on ne peut, pour le moment, les inclure dans les recommandations. Mais ils ont très probablement un intérêt. Il reste à préciser le profil de patients à qui ils s’adressent, comme peut-être des patients très anxieux.

Témoignage : Jocelyne, 55 ans, assistante de direction

« A la suite du diagnostic d’un cancer du sein, j’ai été traitée par chimiothérapie pendant 5 mois afin de réduire la tumeur avant d’être opérée. Les cures avaient lieu toutes les 3 semaines. On m’a prescrit un protocole antiémétique, mais j’ai quand même souffert de nausées et de ballonnements au cours des deux premiers mois de chimiothérapie, surtout durant les trois jours suivant mon retour à la maison. C’était très difficile d’avaler quoi que ce soit, même le chocolat dont je raffole pourtant ! C’était d’autant plus éprouvant que la chimio me fatiguait énormément. Au fur et à mesure, j’ai réussi à trouver des astuces pour me soulager. Dès que les symptômes apparaissaient, je posais une bouillotte chaude sur mon ventre. J’avais aussi remarqué que lorsque j’avais le ventre vide, les nausées étaient encore plus importantes. Du coup, je buvais régulièrement de l’eau chaude avec du jus de citron et je mangeais des morceaux de pain pour me caler l’estomac. J’ai aussi essayé d’inspirer des gouttes d’huiles essentielles de menthe poivrée et de citron déposées sur un mouchoir. Cela apaisait un peu mes nausées. »

Certaines contre-indications sont à connaître :

Ondansétron : premier trimestre de la grossesse (sur-risque de fentes labiopalatines), allaitement.

Granisétron, palonosétron : grossesse, allaitement.

Aprépitant, nétupitant : grossesse, allaitement.

Alizapride, métoclopramide : antécédents de dyskinésie tardive aux neuroleptiques et au métoclopramide, phéochromocytome (tumeurs des glandes surrénales).

Métoclopramide : enfant de moins de 1 an, risque d’hémorragie intestinale, obstruction mécanique, perforation digestive, épilepsie, maladie de Parkinson, antécédent de méthémoglobinémie ou de déficit en NADH-cytochrome-b5 réductase (responsable de méthémoglobinémie héréditaire). 

Métopimazine : risque de glaucome à angle fermé, risque de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

Olanzapine : risque de glaucome à angle fermé.

ORDONNANCE DE MÉDICAMENTS D’EXCEPTION

Géraldine K., née le 24 juin 1979

1,67 m, 62 kg

Le 08/03/2024

Aprépitant 125 mg/80 mg : 1 gélule à 125 mg à J1 et 1 gélule à 80 mg à J2 et J3 tous les 15 jours

QSP 7 cycles

ORDONNANCE DE MÉDICAMENTS D’EXCEPTION

Géraldine K., née le 24 juin 1979

1,67 m, 62 kg

Le 08/03/2024

Ondansétron 8 mg : 1 comprimé 2 heures avant la chimiothérapie tous les 15 jours

QSP 7 cycles

ORDONNANCE BIZONE 

Prescription relative au traitement de l’affection de longue durée reconnue

Géraldine K., née le 24 juin 1979

1,67 m, 62 kg

Le 08/03/2024

Aprépitant (Emend) : 125 mg à J1 et 80 mg à J2 et J3, voir ordonnance d’exception

Ondansétron : 1 comprimé à J1, voir ordonnance d’exception

Prednisolone (Solupred) : 3 cp à 20 mg et 3 cp à 5 mg à J1 et 2,5 cp à 20 mg de J2 à J4

Olanzapine 10 mg : 1 comprimé de J1 à J4

QSP 3 mois

En Savoir plus

Société européenne d’oncologie médicale (Esmo)

http://www.esmo.org

Les dernières recommandations de prise en charge des NVITAC sont accessibles sur le site de l’Esmo.

Le lendemain matin de sa cure de chimiothérapie, Mme K. téléphone à la pharmacie. Elle explique qu’elle a vomi environ 20 minutes après avoir avalé sa gélule d’aprépitant à 80 mg mais que, fort heureusement, elle n’avait pas encore pris ni la prednisolone ni l’olanzapine. Elle demande si elle doit reprendre de l’aprépitant en même temps que les autres médicaments. Que lui répondre ?

a) Mme K. doit reprendre une gélule d’aprépitant.

b) Elle ne doit surtout pas réitérer la prise.

Réponse : Mme K. doit reprendre une gélule d’aprépitant car les vomissements sont survenus dans la demi-heure suivant son administration. En revanche, si les vomissements s’étaient produits plus de 30 minutes après la prise d’aprépitant, Mme K. n’aurait pas dû reprendre de gélule. Il fallait choisir la première proposition. Mme K. devra signaler au médecin, lors de sa prochaine cure, qu’il lui manquera une gélule d’aprépitant 80 mg.

L’essentiel

– Les nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) peuvent être anticipatoires, aigus, retardés ou réfractaires. 

– La fréquence des NVITAC dépend du potentiel émétisant des anticancéreux et de facteurs individuels.

– Une prise en charge inefficace des NVITAC peut avoir des conséquences psychologiques et physiologiques sur le patient et risque de compromettre l’efficacité du traitement anticancéreux.

L’essentiel

– Le traitement antiémétique doit être efficace sur les vomissements aigus et retardés.

– Le choix du traitement repose sur l’évaluation du risque émétisant du protocole de chimiothérapie. La présence de facteurs de risque individuels propres au patient doit faire « surclasser » le niveau émétisant du protocole.

– La prise en charge par des benzodiazépines des nausées et vomissements anticipatoires est également importante.

L’ESSENTIEL

– Insister sur l’importance de respecter rigoureusement les protocoles antiémétiques.

– Recommander de fractionner les repas, de les prendre dans le calme et d’éviter les aliments fortement odorants.

– Insister sur l’importance de l’hydratation et de la surveillance du poids.

  • * Société européenne d’oncologie médicale/Association multinationale des soins de support du cancer.