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L’ordonnance d’une patiente sous pilule avec un abcès du sein
Cette ordonnance a pour objectif thérapeutique le traitement d’un abcès du sein par une antibiothérapie à visée antistaphylococcique (Pyostacine), la résorption de l’oedème mammaire et l’inhibition de la lactation grâce à Lasilix Faible et la prise en charge de la douleur et de la fièvre liées à l’abcès par Aspégic.
En outre, la patiente, en post-partum, reçoit une contraception orale microprogestative (Cerazette).
Validation du choix des médicaments
– Lasilix Faible 20 mg (furosémide) est un salidiurétique hypaliémiant de l’anse de Henlé. Il traite toutes les formes de rétention hydrosodée, la réponse étant dose-dépendante.
Il est indiqué dans le traitement des oedèmes d’origine rénale, hépatique ou cardiaque et dans celui de l’hypertension artérielle. Son utilisation dans le cadre d’un oedème mammaire non mentionné dans l’autorisation de mise sur le marché est néanmoins courante en gynécologie.
Pour les oedèmes modérés, la posologie de Lasilix Faible varie de 1 à 2 comprimés par jour.
– Aspégic 500 mg (acétylsalicylate de DL-lysine) est antalgique, antipyrétique, anti-inflammatoire et antiagrégant plaquettaire.
Il est indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs d’intensité légère à modérée et/ou des états fébriles ainsi que dans les affections rhumatismales.
Chez l’adulte et l’enfant à partir de 50 kg (à partir de 15 ans), pour le traitement symptomatique des douleurs et/ou de la fièvre, la posologie est de un sachet à 500 mg. Elle est doublée en cas de maux intenses. Le renouvellement de la dose peut intervenir après 4 heures au minimum. Dans cette indication, la quantité de 3 g/j ne doit pas être dépassée.
– Pyostacine 500 mg (pristinamycine) est un antibiotique de la famille des streptogramines apparenté aux macrolides. Bactériostatique, il peut devenir bactéricide en cas de fortes concentrations tissulaires.
Il est indiqué notamment dans les infections staphylococciques (sauf les méningites) dont les infections cutanées et celles des tissus mous.
Chez l’adulte, la posologie est de 4 à 6 comprimés à 500 mg, soit 2 à 3 g/j, en 2 à 3 prises lors des repas. Dans les infections sévères, cette posologie peut être portée à 4 g/j.
– Cerazette (désogestrel 75 mg) est un contraceptif progestatif microdosé antigonadotrope. L’effet contraceptif est obtenu par une modification de l’endomètre le rendant inapte à la nidation, par un épaississement de la glaire cervicale la rendant impropre au passage des spermatozoïdes et par l’inhibition de l’ovulation.
Chaque jour, un comprimé est avalé toujours à la même heure de sorte que l’intervalle entre la prise de 2 comprimés soit toujours de 24 heures. La pilule est prise en continu pendant les 28 jours du cycle.
Détection des interactions médicamenteuses
L’ordonnance de Julie G. présente une interaction entre Lasilix Faible et Aspégic.
Cette association nécessite des précautions d’emploi. L’effet du Lasilix Faible peut être réduit car les AINS inhibent la synthèse des prostaglandines rénales vasodilatatrices et/ou entraînent une rétention hydrosodée, à l’origine d’un risque d’insuffisance rénale aiguë chez un patient déshydraté. Néanmoins, cette interaction concerne les salicylés à fortes doses.
Elaboration d’une opinion pharmaceutique
– Contexte
La contraception hormonale orale est un moyen réversible efficace pour prévenir une grossesse. Le choix d’une contraception progestative est généralement motivé par une contre-indication aux estrogènes.
– L’effet contraceptif d’un progestatif est lié à des effets périphériques, notamment une modification de la glaire cervicale (diminution de la sécrétion et augmentation de la viscosité), une inhibition de la prolifération endométriale induisant une hypotrophie de la muqueuse utérine empêchant la nidation et, accessoirement, une diminution de la mobilité tubaire. Certains progestatifs inhibent l’ovulation.
– Chez les mères qui allaitent, les contraceptifs oraux combinés (estrogènes + progestatifs) ne sont pas conseillés car les estrogènes passent dans le lait et donc chez le bébé. Les progestatifs seuls sont préférables.
– Chez une femme qui n’allaite pas, la première menstruation est souvent anovulatoire, mais une ovulation peut parfois survenir 4 à 5 semaines après l’accouchement.
Habituellement, les mères qui allaitent n’ovulent pas avant la 10e voire la 12e semaine suivant l’accouchement. Elles peuvent cependant ovuler avant leurs premières règles.
– Le risque thromboembolique normalement accru pendant le post-partum peut être aggravé par les contraceptifs oraux. C’est pour cette raison que l’instauration de ces derniers ne doit pas intervenir pendant les deux premières semaines suivant l’accouchement.
– Le simple arrêt progressif des tétées provoque le tarissement du lait chez une femme ne désirant plus allaiter. Un inhibiteur de la prolactine (bromocriptine, lisuride…) peut être prescrit immédiatement après l’accouchement pour empêcher la montée de lait.
– Si une femme souhaite poursuivre l’allaitement après son traitement, elle peut avoir recours à un tire-lait pris en charge par la Sécurité sociale sous réserve d’entente préalable.
– Analyse des posologies
Les posologies de l’ordonnance sont correctes.
– Gestion de l’interaction Lasilix/Aspégic
Pour Julie G., cette interaction reste relative. Il faut lui rappeler de ne pas augmenter la dose des salicylés durant la cure courte de Lasilix Faible. La vigilance reste de mise d’autant que la patiente est en restriction hydrique.
– Choix du traitement
– Avant de choisir Aspégic, il faut s’assurer que la patiente n’a pas d’antécédents d’ulcère gastrique et/ou duodénal ou d’hémorragie digestive, d’insuffisance rénale, d’asthme, de métrorragies ou de ménorragies.
– Lasilix Faible et Aspégic passant dans le lait, l’allaitement doit être suspendu. De plus, le furosémide diminue la lactation tandis que les salicylés sont déconseillés en cas de prises répétées vu leur toxicité chez le nouveau-né.
– Le choix de l’antibiothérapie probabiliste est judicieux car le staphylocoque est souvent responsable d’abcès mammaire.
– Suivi
– Avant la mise en place du traitement
La prescription d’une contraception est précédée :
– d’un examen clinique. Lors de l’interrogatoire, le gynécologue recherche une contre-indication à l’instauration d’une contraception (accidents thromboemboliques…). L’examen général comprend la prise de la tension artérielle et l’examen des seins. Un examen gynécologique est également pratiqué ainsi qu’un frottis cervicovaginal de dépistage de cancer de l’utérus ;
– d’un bilan biologique s’il s’agit d’une patiente à risque.
– Après la mise en place du traitement
La prise d’un progestatif à faible dose à titre contraceptif pourrait être associée à une fréquence plus élevée de grossesses extra-utérines. Une surveillance médicale périodique est recommandée avec, plus particulièrement, un examen des seins et de l’utérus. En cas d’aménorrhée prolongée, il faut éliminer l’éventualité d’une grossesse.
– Les examens cliniques
La prise d’un contraceptif oral implique un premier contrôle à 3 mois, la consultation suivante étant effectuée 6 mois plus tard, puis tous les ans. Elle comprend la recherche d’effets indésirables, la surveillance du poids, de la tension artérielle, l’examen au spéculum du col, un toucher vaginal et la palpation des seins.
– Le suivi biologique
Le bilan biologique (glycémie à jeun, cholestérolémie et triglycéridémie) fait lors de la 2e consultation – renouvelé tous les cinq ans – est suffisant s’il est normal. Un frottis cervicovaginal est réalisé tous les 3 ans, les deux premiers espacés de un an devant être normaux.
– Evolution du traitement
Julie G. ne désirant plus nourrir son enfant au sein, et en l’absence de contre-indication, un contraceptif oral estroprogestatif pourrait être prescrit une fois l’abcès résorbé.
Propositions de conseils à la patiente
– Abcès : des gestes pour un meilleur confort
– Se masser doucement les seins sous une douche chaude pour les vider de leur lait.
– Maintenir une hygiène rigoureuse au niveau des seins : nettoyer les mamelons avec de l’eau chaude puis sécher sans frotter et appliquer une gaze stérile pour absorber les éventuels écoulements.
– Des cataplasmes peuvent soulager la douleur de l’abcès : ils peuvent être chauds (cataplasmes à l’Antiphlogistine par exemple) ou froids (application d’une poche de gel réfrigérée).
– La restriction hydrique, sans signifier une abstinence, implique une réduction de la quantité de boissons ingérées à moins de 1 l/j.
– Porter un soutien-gorge en coton.
– Respecter la posologie et la durée du traitement par Pyostacine.
– Contraception progestative : mode d’emploi
– La contraception progestative n’est efficace que si le comprimé est pris sans interruption à la même heure chaque jour. Dès qu’une plaquette de Cerazette est terminée, la plaquette suivante est entamée le lendemain.
– L’heure choisie pour la prise de la pilule doit rester strictement la même. Si l’intervalle entre deux comprimés dépasse 27 heures, la tolérance de l’oubli n’étant que de trois heures, la sécurité contraceptive n’est plus assurée.
– Lors d’un oubli de comprimé ou d’une prise en retard de plus de 3 heures, il faut une contraception supplémentaire.
– En cas de vomissements moins de une heure après la prise de Cerazette, il faut la renouveler.
– Respecter le calendrier des examens cliniques et/ou biologiques établi par le médecin.
– D’éventuels troubles du cycle (irrégularité des règles, spotting, aménorrhée…) sont possibles.
– Observance générale
– Eviter l’automédication. En cas de consultation chez un autre praticien, ne pas oublier de signaler ce traitement.
– Contacter un médecin en cas de symptôme inhabituel (nausées, vomissements, hémorragies liées à la prise de Cerazette ou diarrhées dues à Pyostacine).
LE CAS
Julie G., 32 ans, 65 kg pour 1,70 m, mère d’un enfant de deux mois nourri au sein, est sous Cerazette depuis un mois et demi. Depuis une semaine, en raison de l’apparition de crevasses sur le mamelon droit d’une part, et pour préparer le sevrage d’autre part (Julie G. doit reprendre son travail dans trois semaines), le bébé bénéficie d’un allaitement mixte : une tétée le matin et le soir et deux à trois biberons répartis au cours de la journée. Suite à une importante douleur persistante au sein droit et une température de 38,2 °C, Julie G. consulte son gynécologue qui diagnostique un abcès au stade de galactophorite. Il lui conseille alors un arrêt de l’allaitement avec le sein droit. Cependant la patiente préfère le passage à une alimentation totale au biberon à l’aide d’un lait premier âge. Elle continue la prise de Cerazette à raison de un comprimé chaque jour à la même heure. En parallèle, elle reçoit le traitement suivant :
L’ordonnance
– Lasilix Faible 20 mg : 1 comprimé le matin.
– Aspégic 500 mg : 1 ou 2 sachets toutes les 4 heures sans dépasser 6 sachets par jour.
– Pyostacine 500 mg : 2 comprimés matin, midi et soir.
Restriction hydrique (1 litre/jour).
qsp 8 jours.
Plan de prise conseillé
– Lasilix faible 20 mg : à avaler le matin, en cours ou en fin de repas, pour améliorer la tolérance digestive. La prise en début de journée permet d’éviter les mictions nocturnes.
Aspégic 500 mg : boire la solution obtenue immédiatement après dissolution complète de la poudre dans un grand verre d’eau, de lait ou de jus de fruits.
Pyostacine 500 mg : à prendre de préférence au milieu des repas en respectant les heures et les intervalles de prise.
Cerazette 75 mg : prendre un comprimé tous les jours à la même heure, l’intervalle autorisé entre deux prises n’est que de 27 heures. La plaquette suivante est entamée le lendemain du jour où la précédente a été achevée.
Les pilules progestatives sont indiquées chez les femmes qui allaitent.
Les progestatifs microdosés sont moins efficaces que les estroprogestatifs.
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