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L’ordonnance d’une patiente souffrant de diarrhée aiguë

Publié le 19 janvier 2002
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Les objectifs thérapeutiques du traitement prescrit sont les suivants :

– le ralentissement du transit intestinal par Tiorfan,

– le traitement des nausées et vomissements par Motilium,

– la prise en charge des spasmes douloureux accompagnant la diarrhée par Spasfon Lyoc.

Validation du choix des médicaments

Tiorfan (racécadotril, anciennement nommé acétorphan) est un antidiarrhéique, antisécrétoire intestinal pur. Il agit par inhibition de l’enképhalinase, enzyme impliquée dans les échanges hydroélectrolytiques transmembranaires. Le racécadotril exerce un effet antidiarrhéique rapide, sans entraîner de constipation secondaire ni de ballonnements.

La posologie adulte est de une gélule d’emblée puis une gélule avant chaque repas. Le traitement ne doit pas être poursuivi plus de 7 jours.

Motilium (dompéridone) est un stimulant de la motricité intestinale agissant par blocage dopaminergique périphérique. Il possède une activité antiémétique puissante, augmente la vitesse de vidange de l’estomac et s’oppose au reflux des solides et liquides vers l’oesophage.

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Il est indiqué notamment dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements.

Chez l’adulte, la posologie est de un à deux comprimés trois fois par jour 1/4 d’heure avant chaque repas.

Spasfon Lyoc (phloroglucinol) est un antispasmodique musculotrope. Le phloroglucinol lève le spasme des fibres musculaires lisses et calme la douleur.

Il est indiqué notamment dans le traitement symptomatique des douleurs liées aux troubles fonctionnels du tube digestif et des voies biliaires.

La posologie usuelle chez l’adulte est de deux lyophilisats oraux, à prendre au moment de la crise, et peut être renouvelée en cas de spasmes importants.

Elaboration d’une opinion pharmaceutique

Cette ordonnance ne comporte pas d’interaction médicamenteuse.

Contexte

La diarrhée aiguë se caractérise par l’apparition soudaine de selles abondantes et liquides, apparues depuis moins de 2 semaines, et non récidivante.

Elle est très souvent d’origine virale (gastroentérite virale ou « grippe intestinale »), caractérisée en général par des vomissements, une diarrhée aqueuse et des douleurs abdominales à type de crampes. La diarrhée peut rester importante pendant 5 à 7 jours, entraînant une déshydratation isotonique, surtout chez les nourrissons et les jeunes enfants. Une fièvre supérieure à 39 °C s’observe dans 30 % des cas.

Analyse des posologies

Les posologies de l’ordonnance sont correctes.

Mise en place du traitement

Pendant les 3 premiers jours d’évolution d’une diarrhée, il n’est pas toujours aisé de la rattacher à une étiologie (virale, bactérienne, parasitaire, iatrogène ou diarrhée chronique…).

L’interrogatoire doit rechercher en premier lieu :

-> une cause médicamenteuse (antibiotique, AINS, cytolytique, colchicine…), qui nécessiterait la suspension du médicament suspecté ;

-> une toxi-infection alimentaire collective, pour éviter de nouveaux cas de contamination.

L’interrogatoire doit également faire préciser :

-> l’évolution générale de la diarrhée (date et modalités d’apparition, évolution…) ;

-> l’aspect des selles (présence de glaires, pus, sang, graisse…) ;

-> les antécédents de voyage à l’étranger (possibilité d’étiologie bactérienne ou parasitaire) ;

-> le retentissement de la diarrhée sur l’état général et les signes associés (fièvre, douleurs, arthralgies, manifestations cutanées).

Ici, le diagnostic de diarrhée d’origine virale se justifie par les signes cliniques (diarrhée, vomissements, fièvre) et par le contexte d’épidémie. Le traitement instauré est donc purement symptomatique :

-> prévention de la déshydratation (boissons abondantes) ;

-> réduction de l’intensité et de la durée de la diarrhée. Le racécadotril a une action antisécrétoire pure et ne présente pas les inconvénients des ralentisseurs du transit opiacés (risque de diffusion bactérienne systémique par augmentation de la stase intestinale en cas d’infection bactérienne) ;

-> atténuation des douleurs abdominales grâce à un antispasmodique.

Surveillance du traitement

Le cas a priori bénin de Samantha S. ne justifie pas de contrôle biologique immédiat.

L’absence d’amélioration rapide (quelques jours) nécessiterait d’entreprendre des examens complémentaires :

-> NFS à la recherche d’une hyperéosinophilie (diarrhée parasitaire) ou d’une hyperleucocytose (diarrhée infectieuse) ;

-> ionogramme pour apprécier le retentissement de la diarrhée (risque d’hypaliémie et d’hyponatrémie) ;

-> examen direct des selles et coproculture ;

-> hémocultures si persistance de la fièvre.

Propositions de conseils à la patiente

Assurer une bonne hydratation

Les boissons doivent être abondantes, légèrement sucrées (eau, thé léger sucré…) ou salées (bouillon de légumes).

S’alimenter à bon escient

Pendant 4 à 5 jours, il faut privilégier riz, pâtes, pommes de terre, poissons, viandes maigres, bananes et éviter laits, crudités, fruits, légumes verts ainsi que les aliments et boissons glacés… Bien saler les aliments.

Eviter de contaminer son entourage

Il est impératif de se laver soigneusement les mains après chaque selle ou miction et avant chaque repas, ainsi que, pour l’entourage, après un contact direct avec le malade ou ses objets familiers.

LE CAS

Samantha S., 19 ans, 54 kg, étudiante, présente depuis 2 jours une fièvre à 39,5 °C et une diarrhée aqueuse profuse accompagnée de crampes abdominales. Les vomissements initiaux ont cessé au bout de 24 heures.

Devant la persistance des troubles malgré le traitement symptomatique conseillé par son pharmacien (Smecta, Lactéol, Doliprane), Samantha décide de consulter son médecin. L’interrogatoire ne met en évidence aucun séjour à l’étranger récent. L’examen clinique est normal hormis la persistance de la diarrhée et d’un état nauséeux. La température s’élève à 38,5 °C malgré la prise de paracétamol. Mademoiselle S. n’a pas d’antécédents particuliers et ne suit aucun traitement.

Dans un contexte d’épidémie, le diagnostic posé est celui de gastro-entérite virale.

Un nouveau traitement est instauré.

L’ordonnance

-> Tiorfan : 1 gélule tout de suite puis 1 gélule avant chaque repas matin, midi et soir.

-> Motilium : 1 comprimé 3 fois par jour 1/4 d’heure avant toute prise de boissons ou prise alimentaire.

-> Spasfon Lyoc : 2 comprimés en cas de douleurs à laisser fondre sous la langue, à renouveler si besoin.

qsp 5 jours.

Boissons abondantes.

S’il n’y a pas d’amélioration dans 48 heures, faire pratiquer :

– NFS, ionogramme, hémoculture.

– Coproculture et examen parasitologique des selles.

Plan de prise conseillé

Tiorfan : prendre une gélule d’emblée puis une gélule avant chacun des trois principaux repas. La biodisponibilité n’est pas modifiée par la prise d’un repas, mais le pic d’activité est retardé d’une heure et demie.

– Motilium : la prise 1/4 d’heure avant les repas permet d’éviter les vomissements liés à l’absorption de nourriture.

– Spasfon Lyoc : 2 comprimés à faire fondre sous la langue au moment de la crise, à renouveler en cas de spasmes importants. Les lyophilisats peuvent également être dissous dans un peu d’eau mais l’effet est moins rapide.

En France, la plupart des diarrhées aiguës de l’adulte sont bénignes et régressent sous traitement symptomatique en moins de trois jours.

Le traitement symptomatique de la diarrhée doit être associé à une réhydratation per os