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L’innovation, le saint du sein
Cancer le plus fréquent, le cancer du sein bénéficie d’une recherche médicale dynamique. Avec la caractérisation génétique moléculaire des tumeurs, sa prise en charge devient de plus en plus individualisée.
Il y a 20 ans, le trastuzumab (Herceptin) arrivait sur le marché et bouleversait la prise en charge du cancer du sein HER2 +. Depuis, les innovations thérapeutiques se sont succédé et le pronostic associé au cancer le plus fréquent en France n’a cessé de progresser. Selon les dernières données de Santé publique France, datant de 2010, l’amélioration de la survie globale de la maladie à cinq ans est passée de 79 à 89 % entre 1990 et 2015. La recherche clinique se poursuit aujourd’hui avec deux objectifs conjoints en ligne de mire : l’amélioration de la qualité de vie et la désescalade thérapeutique.
« Parmi les innovations de ces cinq dernières années, il faut citer celles qui aujourd’hui bénéficient aux femmes en phase métastatique, insiste Florence Coussy, gynécologue-oncologue à l’Institut Curie (Paris). Les premières concernent les inhibiteurs des protéines CDK4/6 qui régulent normalement le cycle cellulaire. En association à l’hormonothérapie, ces thérapies orales offrent une amélioration nette de la survie globale chez les femmes présentant une tumeur métastatique exprimant les récepteurs hormonaux, soit 70 % des patientes à ce stade de la maladie ». Le palbociclib (Ibrance), le ribociclib (Kisqali), l’abémaciclib (Verzenios) sont d’ores et déjà sur le marché et d’autres sont en développement. « Le second progrès important correspond aux inhibiteurs de PARP qui offrent quant à eux une réelle avancée aux femmes porteuses d’une altération des gènes BRCA1 ou BRCA2 ». Aujourd’hui, ils améliorent la survie sans progression et offrent une efficacité et une qualité de vie supérieures à celles apportées par la chimiothérapie dans les stades avancés ou métastatiques. Ils devraient bientôt être indiqués en phase adjuvante chez les patientes à haut risque de récidive.
Aide à la décision
En la matière, l’existence de tests d’analyse génomique est précieuse : « Il faut pouvoir différencier les femmes qui ont un bon pronostic, et qui ne tireront pas de bénéfice d’une chimiothérapie postopératoire, de celles dont le pronostic sera amélioré par ce traitement adjuvant », explique Florence Coussy. Il existe des critères cliniques et anatomopathologiques afin de s’orienter, mais les tests de signatures génomiques qui sont arrivés sur le marché (Oncotype Dx, Mammaprint, EndoPredict, Prosigna) constituent une aide à la décision médicale en déterminant l’expression moléculaire d’un panel de gènes précis à partir d’une biopsie tissulaire. « Certains de ces tests sont actuellement utilisés en routine clinique dans des cas définis en fonction de l’envahissement ganglionnaire, de la taille tumorale, du grade, de l’index de prolifération et du statut ménopausique. » Ils constituent une étape importante dans la personnalisation des traitements.
Les techniques de séquençage nouvelle génération (NGS) forment un autre élément en ce sens : « L’analyse génétique permettait déjà de rechercher une mutation constitutionnelle au sein d’une famille, comme une mutation BRCA, mais les NGS sont de plus en plus envisagées dans le cadre d’une approche somatique, afin d’identifier les anomalies spécifiques des cellules tumorales », précise la spécialiste. Ce séquençage reste pour l’heure réservé aux femmes n’ayant pas répondu aux premières lignes de traitement afin de rechercher sur la tumeur ou les cellules tumorales circulantes issues d’une prise de sang des caractéristiques qui rendraient leur tumeur potentiellement éligible à un traitement ciblé existant, mais n’ayant pas toujours une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le cancer du sein (voies impliquant MEK, EGFR, HER2, HER3, PIK3CA, etc.) dans le cadre d’un essai clinique. « Ces analyses participent dans le même temps à la recherche en offrant des données pour étudier ultérieurement les facteurs de réponse ou de résistances aux traitements mis en œuvre ». Ce qui pour l’heure n’est envisagé qu’au cas par cas prendra sans doute une place croissante à l’avenir.
Côté thérapeutique, il faut s’attendre aussi à deux axes importants de développement, encore émergents : l’immunothérapie va faire son entrée dans le champ du cancer du sein avec le pembrolizumab, Keytruda (anti-PD1) qui bénéficie d’une autorisation d’accès précoce (AAP) dans la prise en charge des tumeurs triple négatif en première ligne métastatique. Un accès dès la phase néoadjuvante devrait bientôt être possible. La seconde classe thérapeutique innovante est celle des anticorps-drogue conjugués (ADC) : « C’est probablement l’avenir des traitements pour nos patientes », insiste la cancérologue. Leur principe est d’utiliser un anticorps monoclonal qui cible un antigène tumoral spécifique, comme HER2, et sur lequel est fixé un traitement cytotoxique. Deux de ces ADC sont aujourd’hui autorisés – le trastuzumab-déruxtecan ou téruxtecan (Enhertu) et le trastuzumab-emtansine (Kadcycla) – et un troisième est en AAP (sacituzumab-govitecan, Trodelvy). La délivrance in situ de la drogue conjuguée permet de mettre en œuvre des molécules très efficaces, mais dont la toxicité n’était pas satisfaisante en administration systémique.
Limiter les avancées aux seules innovations thérapeutiques serait toutefois incomplet. D’importants progrès ont aussi été réalisés en matière de radiothérapie, avec une évolution des modalités et des technologies. Elles permettent aujourd’hui de soumettre la tumeur à des doses moins élevées et de façon plus ciblée pour un même résultat clinique, et une moindre toxicité, avec notamment une meilleure épargne des tissus sains alentours.
Désescalade en chirurgie
« Ce principe de désescalade est aussi largement engagé en chirurgie, explique Marion Cortet, chirurgienne des sphères sénologique et gynécologique aux Hospices civils de Lyon (Rhône). Avec l’amélioration du pronostic du cancer du sein, la question du surtraitement s’est imposée en thérapeutique, mais également en chirurgie. On réalise aujourd’hui beaucoup moins de curage ganglionnaire chez les femmes à faible envahissement ganglionnaire, depuis que des études cliniques ont montré que le pronostic de ces tumeurs était le même avec ou sans retrait des ganglions après un traitement adjuvant médical. Cette désescalade est au service de la qualité de vie ». De même, l’amélioration des approches chirurgicales permet de poser plus sereinement la discussion avec les patientes, et de mieux répondre à leurs attentes. « Pour la mastectomie, par exemple, nous utilisons maintenant des techniques employées en chirurgie plastique. Ce sont des techniques de réduction mammaire qui permettent d’enlever des volumes tumoraux importants tout en conservant un résultat esthétique satisfaisant. On peut aussi plus souvent proposer une reconstruction immédiate postmastectomie, y compris lorsque la tumeur est multifocale. »
Enfin, « il faut souligner les importantes évolutions qui concernent les soins de support, insiste la spécialiste. Un effort permanent est réalisé pour améliorer leur accès, leur coordination, et leur visibilité auprès des professionnels de ville comme des patients. » Si l’incidence du cancer du sein a progressé de + 1,1 % par an en moyenne entre 1990 et 2018, principalement sous l’effet du vieillissement de la population, les réponses faites aux femmes sont de plus en plus adaptées et compatibles avec une qualité de vie satisfaisante.
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