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L’hémophilie
Maladie hémorragique héréditaire, l’hémophilie est liée à l’absence ou au déficit d’un facteur de la coagulation. Sa transmission explique que les garçons sont porteurs de la maladie et que les femmes la transmettent.
De quoi s’agit-il ?
• L’hémophilie est une maladie génétique héréditaire grave qui se traduit par l’impossibilité pour le sang de coaguler. La coagulation est un processus complexe qui met en jeu plusieurs facteurs de coagulation – des protéines – qui s’activent en cascade (voir Dico+).
• Elle est liée à un déficit complet ou partiel d’un facteur de la coagulation : le facteur VIII dans l’hémophilie A ; le facteur IX dans l’hémophilie B.
• L’hémophilie A est la forme la plus fréquente, avec une prévalence de 1 cas sur 5 000 naissances de garçons – soit 6 000 patients en France -, contre 1 cas sur 30 000 naissances de garçons pour l’hémophilie B.
• La maladie se manifeste par des hémorragies, dont la sévérité varie en fonction des taux circulants de facteur de coagulation, VIII ou IX. Elle peut se présenter sous trois formes :
→ sévère, lorsque le taux de facteur de la coagulation est inférieur à 1 % ;
→ modérée, s’il se situe entre 1 et 5 % ;
→ mineure, s’il est compris entre 5 et 40 %. À noter que la normale du taux de facteur de coagulation est de 100 %. « Mais, entre 40 et 50 %, il n’y a pas de risque de saignement, raison pour laquelle les femmes conductrices de la maladie, qui ont pour la plupart des taux allant de 40 à 80 %, voire plus, ne sont pas hémophiles » explique le professeur Jean-François Schved, hématologue, du Centre régional de traitement de l’hémophilie, au CHU de Montpellier (34).
Comment se transmet-elle ?
• Mutation génétique le plus souvent. Le gène codant pour la synthèse des facteurs de la coagulation VIII et IX est situé sur le chromosome X. Selon le cas, ce gène peut être absent – on parle de délétion – ou endommagé du fait de mutations, ce qui provoque un déficit plus ou moins important du facteur de coagulation.
→ La maladie se transmet selon un mode récessif. Chez les filles, l’anomalie est en général compensée complètement ou partiellement par l’autre chromosome X, sain. Elles sont « conductrices » de la maladie mais ne la développent pas ou, parfois, présentent le plus souvent des formes mineures, voire modérées. Un suivi est toutefois nécessaire, en particulier en cas de chirurgie ou d’accouchement. Les garçons ne peuvent compenser la maladie et sont atteints de formes plus ou moins sévères (voir schéma). « Lorsqu’un diagnostic d’hémophilie est posé chez un garçon, un antécédent familial est le plus souvent retrouvé chez un frère, un cousin, un oncle ou un grand-père hémophile », indique le Pr Schved.
→ Chez une femme, une forme sévère d’hémophilie est rare mais possible, par exemple lorsque les deux chromosomes X sont atteints par la mutation : mère conductrice et père hémophile. « C’est le seul cas, exceptionnel, où un père hémophile peut avoir un enfant hémophile », note l’expert.
• Dans un tiers des cas, aucun antécédent familial n’est retrouvé et l’hémophilie est dite sporadique. La mutation a pu apparaître chez la mère, voire la grand-mère, mais est passée inaperçue puisque les femmes conductrices sont presque toujours asymptomatiques.
De quel façon se manifeste la maladie ?
L’hémophilie se traduit par des saignements dont la durée est allongée. Il s’agit rarement d’hémorragies extériorisées, mais plutôt d’hémarthroses ou d’hématomes survenant parfois spontanément pour les hémarthroses, ou à la suite de traumatismes.
• Hémarthroses. Ce sont des saignements de l’articulation survenant spontanément dans les formes sévères, ou à la suite de traumatismes. Genoux, chevilles et coudes sont le plus souvent concernés.
Les signes cliniques sont un gonflement de l’articulation et des douleurs.
Leur traitement, via l’injection du facteur de la coagulation VIII ou IX (voir Traitement), l’application de froid et l’immobilisation, est une urgence car la présence répétée de sang altère à la longue le cartilage et peut entraîner des déformations voire des destructions articulaires ; on parle alors d’arthropathie hémophilique.
• Ecchymoses et hématomes. Survenant après un traumatisme, même minime, les ecchymoses sont superficielles et sans gravité, nécessitant l’application de froid. « En revanche, certains hématomes touchant des muscles ou des organes plus profonds peuvent engager le pronostic fonctionnel en comprimant un vaisseau sanguin ou un nerf, voire vital », explique le Pr Schved. Ils nécessitent l’injection immédiate du facteur VIII ou IX et un avis spécialisé. Les plus graves sont les hématomes intracérébraux.
• Hémorragies extériorisées. Elles sont en général bénignes à type d’épistaxis (= saignement de nez) ou de saignement prolongé après une coupure, ou encore d’hématuries (= présence de sang dans les urines), nécessitant une bonne hydratation pour éviter la formation de caillots dans les voies urinaires.
Comment poser le diagnostic ?
• Il est évoqué devant des symptômes évocateurs d’hémorragies, qui se manifestent d’autant plus précocement que le déficit en facteur de la coagulation est important. Ainsi, pour les formes sévères, le diagnostic est en général établi entre l’âge de 1 et 2 ans. Les parents sont alertés par des ecchymoses, des saignements prolongés ou des hémarthroses qui apparaissent avec l’apprentissage de la marche.
• Le diagnostic repose sur :
→ la mise en évidence de l’allongement du temps de céphaline activée (TCA), qui explore différents facteurs de la coagulation, dont les facteurs VIII et IX ;
→ un temps de Quick (TP) (voir Dico+) explorant d’autres facteurs de la coagulation ;
→ une numération des plaquettes, qui sont dans les valeurs normales.
→ Puis les facteurs VIII, IX et XI sont dosés afin de différencier la forme d’hémophilie.
• Lorsque le contexte familial est connu, un diagnostic prénatal (= avant la naissance) peut être réalisé. Si le fœtus est de sexe masculin et à la demande des parents, un prélèvement des cellules fœtales est réalisé afin de rechercher l’anomalie génétique. Si le fœtus est porteur d’une mutation dont on sait qu’elle conduit à une forme sévère de la maladie, une interruption de grossesse peut être proposée.
Quelle prise en charge ?
Les progrès thérapeutiques de ces dernières années permettent aux patients de mener une vie quasi normale et d’avoir une espérance de vie proche de celle de personnes indemnes.
La prise en charge et le suivi au long cours sont assurés par des centres spécialisés, dont la liste est accessible sur le site de la Filière de santé des maladies hémorragiques constitutionnelles (mhemo.fr). Les thérapeutiques consistent essentiellement en l’administration de facteurs de la coagulation.
• Facteurs de la coagulation.
→ Les concentrés de facteurs VIII (Advate, Elocta, Factane, Kovaltry…) et IX (Betafact, Rixubis…), délivrés à l’hôpital, constituent le traitement de référence. Ils s’administrent par voie intraveineuse en hospitalisation de jour au début, puis à domicile par un infirmier spécialisé ou par le parent, un proche ou le patient lui-même formé aux modalités d’administration.
→ Deux approches thérapeutiques sont possibles. Soit une administration dite « prophylactique » dans les formes sévères, deux à trois fois par semaine, afin d’éviter des atteintes articulaires, notamment jusqu’à l’adolescence. Soit à la demande, dans les formes moins sévères, uniquement en cas d’hématomes ou d’hémarthrose ou parfois d’hémorragies extériorisées.
• L’émicizumab (Hemlibra), à tout âge par voie sous-cutanée, est une alternative aux injections prophylactiques de facteur VIII en cas de forme sévère d’hémophilie A, évitant des injections intraveineuses pluri-hebdomadaires. Cet anticorps monoclonal mime l’action du facteur VIII. Indiqué dans l’hémophilie A, il est le seul traitement des hémophiles disponible en ville, en plus de l’être à l’hôpital. Sa délivrance par l’officinal implique le suivi par ce dernier d’une formation à distance dispensée par le laboratoire Roche et le Centre de référence de l’hémophilie, sur la maladie et le bon usage du traitement.
• En cas de développement d’une « résistance ». Le développement d’un « inhibiteur » est une complication redoutée qui survient surtout chez les hémophiles sévères, lors des premières injections prophylactiques de facteurs de la coagulation. Elle correspond au développement d’anticorps dirigés contre le facteur VIII ou IX, les rendant inefficaces. Plusieurs solutions sont proposées :
→ utilisation pluriquotidienne de fortes doses du facteur de la coagulation afin d’induire une tolérance immune (= essoufflement de la production d’inhibiteur) ;
→ recours à des agents « by-passants » à l’hôpital, qui agissent sur la cascade de coagulation en court-circuitant les facteurs VIII et IX ;
→ ou, pour l’hémophilie A, recours à l’émicizumab.
• Autres traitements.
→ Les pansements hémostatiques à l’alginate de calcium (Coalgan, Algostéril…) sont indiqués en première intention en cas d’épistaxis ou de plaies superficielles.
→ L’acide tranéxamique (Exacyl, Spotof) est indiqué dans les petites hémorragies des muqueuses : épistaxis si besoin, chirurgie bucco-dentaire, gynécologie, dont règles prolongées en particulier.
→ La desmopressine, analogue de l’hormone antidiurétique, entraîne une augmentation de la libération du facteur VIII. Elle est utilisée dans des formes mineures de l’hémophilie par voie intraveineuse (Minirin) ou nasale (Octim).
Quels conseils donner ?
L’éducation thérapeutique des parents au départ, puis de l’enfant/adolescent et de l’adulte occupe une place essentielle. Elle est proposée par les associations de patients ou les centres de prise en charge de l’hémophilie. Les principaux messages à rappeler sont les suivants :
• toujours avoir sur soi sa carte d’hémophile et les coordonnées du Centre régional de traitement de l’hémophilie le plus proche (CTRH) ;
• l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont contre-indiqués en automédication ;
• l’activité physique n’est pas contre-indiquée, hormis certains sports de combat notamment ;
• la kinésithérapie occupe une place importante, à tous les âges de la maladie, afin de récupérer souplesse et mobilité articulaire. Elle contribue également à limiter les accidents hémorragiques en améliorant le fonctionnement articulaire et musculaire.
Avec tous nos remerciements au Pr Jean-François Schved, hématologue, du Centre régional de traitement de l’hémophilie, au CHU de Montpellier (34).
Dico+
→ Les facteurs de coagulation sont des molécules impliquées dans la coagulation du sang. Ils sont identifiés par des chiffres romains, avec un « a » indiquant la forme « activée ». Ils circulent dans le sang, excepté le facteur tissulaire (facteur III) libéré par les cellules endothéliales. Les facteurs VIII et IX sont produits au niveau du foie, et le facteur IX est vitamine K-dépendant.
Dico+
→ Le temps de Quick (TQ) est un test chronométrique exprimé en secondes, en pourcentage (taux de prothrombine, ou TP) ou sous forme d’INR (voir ci-dessous), qui explore les facteurs de la voie extrinsèque ou exogène de la coagulation (facteurs VII, X, V, II, et le fibrinogène).
→ L’INR (International Normalized Ratio) correspond au rapport du temps de Quick du malade à celui du témoin, corrigé en fonction de l’indice de sensibilité (ISI) propre au réactif et à l’appareillage. Ce rapport normalisé est sans unité.
En savoir+
→ Association française des hémophiles :
afh.asso.fr
→ Filière de santé des maladies hémorragiques constitutionnelles :
mhemo.fr
→ Protocole national de diagnostic et de soins Hémophilie paru en 2019, sur has-sante.fr
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