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Les triptans

Publié le 1 juin 2024
Par Nathalie Belin
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Les triptans sont des traitements spécifiques contre la crise migraineuse. Leur délivrance doit s’accompagner de conseils d’utilisation, notamment en raison du risque potentiel de céphalées par surconsommation.

De quoi s’agit-il ?

• Les triptans s’opposent spécifiquement au processus qui déclenche la crise de migraine (voir Comment agissent-ils ?) à la différence des antalgiques/anti-inflammatoires comme les AINS qui ont une action globale.

• Sept molécules sont commercialisées : almotriptan, élétriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptan.

• Toutes sont disponibles par voie orale. Le sumatriptan est également disponible en solution intranasale et injectable (non remboursée).

• Outre le traitement de la crise migraineuse, le sumatriptan par voie injectable est également indiqué dans le traitement de la crise d’algie vasculaire de la face (Imiject). Dans cette indication, le sumatriptan injectable a un statut de médicament d’exception.

Comment agissent-ils ?

• Ce sont des agonistes sélectifs des récepteurs de la sérotonine 5-HT1B et 5-HT1D, présents notamment au niveau post-synaptique sur les artères cérébrales et au niveau de neurones présynaptiques. La stimulation de ces récepteurs induit une vasoconstriction et inhibe la libération de neuropeptides pro-inflammatoires et de facteurs vasodilatateurs impliqués dans la genèse de la crise migraineuse : peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP), substance P…

• Les triptans sont plus efficaces que l’ergot de seigle, les AINS ou le paracétamol pour soulager la crise migraineuse. Ils améliorent également les symptômes associés (nausées et vomissements, photophobie et phonophobie). En revanche, ils ne sont pas efficaces sur les symptômes de l’aura qui précèdent la survenue de la crise migraineuse : troubles visuels notamment (points lumineux, vision floue…) ou, moins souvent, sensitifs ou du langage.

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Quelles sont leurs spécificités ?

• Par voie orale, le sumatriptan est la molécule dont la biodisponibilité est la plus faible.

La plupart des triptans ont une demi-vie courte : 2 heures pour le sumatriptan qui a la demi-vie la plus courte, tandis que le frovatriptan a la demivie la plus longue (environ 26 heures).

• En pratique, il existe peu de différence d’efficacité entre les différents triptans oraux(1). En revanche, en raison de facteurs pharmacocinétiques et génétiques, un patient ne répondant pas à un triptan peut répondre à d’autres, et un patient ne tolérant pas un triptan peut en tolérer d’autres(1).

Quelles modalités d’emploi dans la migraine ?

• L’objectif du traitement de la crise est d’obtenir un soulagement significatif (complet ou « acceptable ») de la douleur deux heures après la prise du médicament, avec une réponse prolongée pendant 24 heures et pas ou un minimum d’effets indésirables. Un triptan doit être testé sur au moins 3 crises distinctes avant de conclure à son inefficacité et d’en changer. Les comprimés orodispersibles et le spray sont notamment privilégiés en cas de vomissements associés.

• En pratique, les dernières recommandations(1) préconisent la prescription d’un AINS et d’un triptan pour le traitement d’une crise de migraine.

– L’AINS est indiqué si la céphalée est légère ; la prise du triptan étant conseillée en cas de réponse insuffisante après une heure.

– Le triptan est recommandé si l’intensité de la céphalée est modérée à sévère ; l’AINS devant être ajouté en cas de réponse insuffisante au bout d’une heure.

– En cas de migraine avec aura, l’AINS est pris au début de l’aura, le triptan au début de la céphalée.

– La prise simultanée en début de crise du triptan et de l’AINS peut être recommandée dans les céphalées migraineuses sévères.

• Au cours d’une crise, en cas d’amélioration initiale des symptômes mais de réapparition de ces derniers, la prise du triptan peut être renouvelée une fois (voire davantage pour le sumatriptan oral et le zolmitriptan) après un délai de 2 à 4 heures selon les molécules.

Quels effets indésirables ?

• Les plus fréquents sont des fourmillements, palpitations, sensations de chaleur ou de gorge serrée. Ils sont liés à la vasoconstriction périphérique et réversibles en quelques heures. Une sensation d’oppression thoracique intense nécessite un avis médical.

• Des troubles digestifs sont également possibles : nausées, douleurs abdominales, sécheresse buccale…

• Une utilisation prolongée ou l’abus de triptans peut aggraver les céphalées migraineuses et favoriser leur chronicisation. Ainsi, il est recommandé de mettre en place un traitement de fond de la migraine lorsque les traitements de la crise (AINS ou triptans) sont utilisés 8 jours ou plus par mois depuis au moins 3 mois.

Quelles contre-indications et précautions ?

• Les triptans sont contre-indiqués en cas d’antécédents d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral ou d’accident ischémique transitoire, de pathologie cardiaque ischémique ou de pathologie vasculaire ischémique, d’hypertension sévère ou mal contrôlée.

• Ils sont contre-indiqués, hormis le zolmitriptan, en cas d’insuffisance hépatique sévère. Certains nécessitent une adaptation des doses chez l’insuffisant rénal : almotriptan, élétriptan, naratriptan, rizatriptan.

• Ils ne sont pas recommandés après 65 ans et s’administrent avec prudence chez des patients ayant des facteurs de risque de maladie cardiaque ischémique, comme les gros fumeurs.

• En cas de grossesse, le centre de référence des agents tératogènes (Crat) recommande de privilégier le sumatriptan en cas d’échec du paracétamol, et le zolmitriptan ou le rizatriptan après échec du sumatriptan. En cas d’allaitement, le Crat préconise de recourir au sumatriptan, à l’élétriptan, au rizatriptan ou au zolmitriptan.

Y a-t-il des interactions ?

• Tous les triptans sont contre-indiqués avec les dérivés de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (dihydroergotamine, ergotamine, méthylergométrine) ou le linézolide en raison d’un risque d’HTA et de vasoconstriction.

• Pour la même raison, les triptans métabolisés par la mono-amine oxydase (MAO) sont contre-indiqués avec les IMAO (iproniazide, moclobémide, rasagiline…) : almotriptan, sumatriptan, rizatriptan, zolmitriptan. Pour les autres triptans, cette association est déconseillée.

• L’association aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine doit prendre en compte le risque de syndrome sérotoninergique.

• Les inhibiteurs puissants du cytochrome P450 (CYP) 3A4 (azolés, clarithromycine…) peuvent augmenter les concentrations plasmatiques de l’élétriptan. Les inhibiteurs puissants du CYP1A2 peuvent augmenter le taux plasmatique du frovatriptan.

Quels conseils donner ?

• Des gestes simples limitent les symptômes de la crise : idéalement, s’isoler et s’allonger dans une pièce sombre, au calme ; appliquer localement du froid ou du menthol (type macaron au menthol, usage reconnu par l’Agence européenne du médicament).

• Mettre en garde contre les antalgiques à base de caféine disponibles en automédication : ils favorisent eux aussi l’entretien de la céphalée.

• Tenir un agenda qui permet de surveiller l’efficacité des traitements, la fréquence des crises et de détecter un abus médicamenteux : en version papier (à télécharger sur sfemc.fr ou lavoixdesmigraineux.fr) ou via l’application mobile Apo Migraine mise au point par des neurologues et des patients.

• La migraine avec aura est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire, en particulier d’accident vasculaire cérébral. Le sevrage tabagique est fortement recommandé. Chez la femme, elle contre-indique la contraception estroprogestative.

• En prévention des récidives : identifier si possible des facteurs déclenchants (alcool, chocolat…), pratiquer une activité physique régulière et avoir un rythme de vie régulier (dormir suffisamment, ne pas sauter de repas). Les thérapies cognitives et comportementales ou les approches de gestion du stress (méditation de pleine conscience…) peuvent être utiles(2).

(1) Revised guidelines of the French headache society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 2 : Pharmacological treatment. Revue Neurologique 2021. Traduction française : https://sfemc.fr/wpcontent/uploads/2023/02/recommandations-2021-pour-le-diagnostic-et-laprise-en-ch_2022_la-presse-m-d.pdf

(2) Revised guidelines of the French headache society for the diagnosis and management of migraine in adults. Part 3 : Nonpharmacological treatment. Revue Neurologique 2021.