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Les principales causes de non-respect de l’AMM

Publié le 25 septembre 2010
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L’utilisation hors AMM est répandue dans toutes les spécialités de la médecine et peut figurer dans des recommandations de prise en charge. Elle reste incontournable pour les populations intéressant peu la recherche, comme les patients atteints de maladies rares ou les enfants. Justifiée dans certains cas (par les données de la littérature, par l’efficacité chez le patient, etc.), elle peut être franchement abusive dans d’autres ou relever tout simplement d’une ignorance.

Des prescriptions dans les pathologies rares

Peu de médicaments sont testés dans les maladies rares. En conséquence, comme l’indique, Jean-Paul Labouebe, chargé de mission pour l’association Alliance maladies rares, « certains experts de la pathologie considérée peuvent prescrire un médicament ayant prouvé son efficacité dans une autre indication et bénéficiant d’une AMM dans cette indication, si celui-ci présente un certain degré d’efficacité dans la pathologie, mais sans preuve formelle ».

Les Centres de référence « maladies rares » de la pathologie considérée (voir la liste des centres de références sur le site Internet CHU Réseau [http://web.reseau-chu.org/accueil.do] et sur Orphanet), le Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) consultable sur le site de la HAS comptent parmi les outils de référence. Le PNDS explique la prise en charge optimale et le parcours de soins d’un patient admis en ALD, les traitements possibles, le suivi et aborde l’éducation thérapeutique. Certains protocoles proposent un guide patients.

Exemple de prescription

Le ranibizumab (Lucentis), dans le pseudoxanthome élastique (PXE), dont les symptômes sont très similaires à ceux de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, une pathologie pour laquelle ce produit bénéficie d’une AMM européenne (dans le traitement de la forme humide de la DMLA).

Dans le domaine de la pédiatrie

Il manque des médicaments adaptés aux besoins spécifiques des enfants (absence ou rareté des essais cliniques réalisés chez l’enfant du fait notamment de leur coût élevé pour les laboratoires, absence de recommandations spécifiques dans le libellé officiel de nombreux produits). Résultat : de nombreux médicaments sont administrés aux enfants en dehors des conditions de leur AMM, c’est-à-dire dans une indication, une posologie, une forme galénique ou un âge différent de ceux de l’AMM. « Ces prescriptions sont très fréquentes en pédiatrie, tout d’abord parce qu’il existe très peu de médicaments ayant une AMM pédiatrique. Une autre situation de prescription hors AMM concerne les médicaments ayant une AMM chez l’enfant mais pas dans l’indication de la prescription », déclare Patrick Tounian, pédiatre et secrétaire général de la Société française de pédiatrie. Domaine de la pédiatrie tout particulièrement concerné : la néonatalogie, incluant les nouveau-nés et les prématurés.

Les travaux collectifs, les ouvrages de pharmacopédiatrie, les publications dans la littérature, les études de pharmacocinétique, les extrapolations des informations nécessaires à partir des données adultes, sont des sources qui apportent notamment des indications sur l’adaptation posologique chez l’enfant lorsqu’il n’y a pas d’AMM pédiatrique.

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Exemples de prescription

→ Les statines, dans l’hypercholes-térolémie chez l’enfant (leur AMM n’est accordée dans cette indication qu’à partir de 18 ans).

→ L’oméprazole, dans l’œsophagite avant l’âge d’un an (il n’est autorisé dans cette indication qu’au-delà d’un an).

→ Les antibiotiques non autorisés chez l’enfant (fluoroquinolones…) en cas de germe multirésistant notamment.

→ Certains produits de cardiologie, certains antiasthmatiques, certains antiépileptiques.

Un décalage entre les données scientifiques et les délais de modification de l’AMM

Des indications peuvent être justifiées par le dossier d’évaluation clinique mais ne figurent pas dans l’AMM, restée en décalage avec l’évolution des connaissances. « Le médecin peut prescrire un médicament dans une nouvelle indication qui n’a pas encore été validée par l’Afssaps. Il existe des données acquises mais on est dans l’attente de l’évolution de l’AMM », commente Patrick Romestaing, président de la section Santé publique du Conseil national de l’Ordre des médecins.

Les dossiers d’évaluation clinique, les recommandations des sociétés savantes, les publications des revues internationales servent de base.

Exemples de prescription

→ La doxylamine, dans le traitement des nausées et des vomissements de la grossesse (traitement de référence au Canada), mais officiellement indiquée dans l’insomnie occasionnelle.

→ la toxine botulique, pour des patients souffrant de troubles vésicosphinctériens d’origine neurologique. Parmi ses indications actuelles figurent les troubles de l’oculomotricité, le blépharospasme, le spasme hémifacial, le torticolis spasmodique, l’hyperhidrose, la spasticité des membres, le traitement des rides intersourcilières. Mais des travaux récents suggèrent également son intérêt potentiel dans diverses situations d’hypertonie du muscle lisse, comme les hypertonies sphinctériennes, les pathologies urologiques ou digestives.

Habitudes de prescriptions, utilisations abusives

Contacter et discuter avec le médecin prescripteur des raisons de la prescription, des données sur lesquelles il se base est nécessaire.? La mention NR (« non remboursable ») doit être impérativement indiquée.

Exemples de médicaments

→ Le magnésium dans les malaises et la fatigue, les symptômes nerveux et ostéomusculaires, des épisodes dépressifs, des mouvements involontaires anormaux, souvent à des posologies supérieures à celles habituellement préconisées (son utilisation n’est justifiée, dans le cadre de l’AMM, que dans les carences magnésiennes avérées).

→ Les hypnotiques renouvelés sans cesse, alors que leur indication les réserve aux troubles sévères du sommeil en cas d’insomnie occasionnelle ou d’insomnie transitoire, et que le traitement doit être aussi bref que possible, dans la limite de quatre semaines, sauf cas exceptionnels nécessitant « des évaluations précises et répétées du patient ».

→ Les antihistaminiques per os dans tous les prurits et toutes les allergies (ils sont généralement indiqués dans les rhinites allergiques et les urticaires).

→ Le clonazépam dans le traitement de la douleur (prescription dans les neuropathies, la fibromyalgie, également les insomnies).

→ La trolamine, dans d’autres indications que les plaies, les brûlures, les érythèmes secondaires à la radiothérapie : le dessèchement cutané ou des lèvres, en bain de bouche pour hydrater les gencives abîmées par un appareil dentaire ou dans le contexte d’une chimiothérapie.

→ La L-carnitine, chez le sportif sain, alors qu’elle est indiquée dans les déficits primaires systémiques ou musculaires en carnitine.

Les conférences de consensus

Les conférences de consensus sont organisées par les sociétés savantes et font suite à la réunion d’un jury appelé à faire la synthèse des bases scientifiques, présentées publiquement par des experts.

Les dernières recommandations publiées sur la pathologie ou la prise en charge thérapeutique concernées. Le «  hors AMM » se pose en cas de controverse portant sur une procédure médicale, dans le but d’améliorer la pratique clinique.

Exemple de prescription

→ Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), dans la prévention de la fibrillation auriculaire (FA) chez les malades hypertendus. « Ce traitement, qui n’a pas d’AMM pour la fibrillation auriculaire mais qui possède une indication dans l’hypertension artérielle, a démontré qu’il avait un impact dans la réduction de la FA », explique Paul Milliez, chef de service cardiologie et pathologie vasculaire au CHU de Caen.

→ L’azathioprine dans les aphtoses très sévères.

La prescription par une autorité : hôpital, grand spécialiste

Le prescripteur obéit à des critères conformes aux données actuelles scientifiquement établies de la thérapeutique médicale (utilisation justifiée par un niveau de preuves suffisant, par exemple des études randomisées contrôlées).

Exemples de prescription

→ Le diphémanil méthylsulfate, dans le traitement des bradycardies symptomatiques chez les prématurés, dans l’hyperréflexivité vagale (malaise vagal) chez le nourrisson, pour éviter la mort subite du nourrisson.

→ La chimiothérapie (cyclophosphamide, mitoxantrone), dans le traitement de la sclérose en plaques très évolutive.

→ Le méthotrexate, dans les cas de spondylarthrite sévère (son efficacité n’est démontrée que pour les atteintes périphériques).

L’ignorance de l’AMM exacte par le médecin

Ces erreurs involontaires concernent des médicaments appartenant à tous types de classes, certaines exposant à un risque particulier.

Exemples de prescription

→ Les antiangineux.

→ Les antiarythmiques.

→ Les anticoagulants avec notamment le clopidogrel qui n’est pas toujours utilisé dans le cadre de son indication (dans les 35jours ou 6mois suivant l’événement ischémique).

→ Les antiasthmatiques (dépassement des posologies indiquées dans l’AMM, par exemple).

→ Les anxiolytiques.

→ Les hypnotiques utilisés dans les insomnies non occasionnelles au-delà de la durée de traitement recommandée.

→ Les antidépresseurs dans les symptômes dépressifs ne correspondant pas aux épisodes dépressifs majeurs (seulement la moitié des patients traités par antidépresseurs souffriraient d’un trouble correspondant à l’AMM des antidépresseurs).

→ La fosfomycine trométamol en traitement minute de la cystite chez la femme de plus de 65 ans (AMM pour la femme de moins de 65 ans). n

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone entre les 7 et 8 septembre 2010 sur un échantillon représentatif de 100 pharmaciens titulaires, en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Avez-vous des ordonnances avec des médicaments prescrits en dehors de l’AMM ?

Si oui, ces prescriptions émanent-elles plutôt ?

Et pour quels patients le plus souvent ?

Dans quels domaines ?

Cela concerne-t-il ?*

* Plusieurs réponses possibles

Le prescripteur le précise-t-il sur son ordonnance (mention « Non remboursé » ou autre ?)

Quid du remboursement des « hors AMM »?

En théorie : la prescription hors AMM entraîne une exclusion du droit à remboursement. Les caisses d’Assurance maladie ne sont autorisées à rembourser que dans le cadre de l’AMM (sauf situations très exceptionnelles en pratique au cas par cas sur les maladies orphelines, dans les procédures d’exception à l’AMM prévues dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation ou ATU). L’ordonnance doit donc spécifier la mention NR (« non remboursable »). Le patient prend alors en charge le coût de la prescription.

L’indication étant rarement précisée sur l’ordonnance, sans mention « NR » du médecin (par méconnaissance de la prise de risques, de la législation, etc.), la spécialité a toutes les chances d’être remboursée au patient (hormis toutefois les spécialités très coûteuses dont la prescription fait l’objet de beaucoup plus de contrôles).