Dues à des pathogènes d’origine digestive, principalement la bactérie Escherichia coli, les infections urinaires sont les deuxièmes infections communautaires les plus fréquentes après celles des voies respiratoires.
Les germes responsables des infections urinaires sont majoritairement des bactéries d’origine intestinale. Le choix de l’antibiothérapie se fonde sur les germes le plus souvent impliqués, le degré de gravité de l’infection (bénin pour une cystite simple, ce qui rend inacceptable un effet indésirable grave du traitement) et l’impact de la molécule sur le microbiote intestinal, l’objectif étant de limiter le risque d’antibiorésistance.
Une antibiothérapie probabiliste monodose, sans examen cytobactériologique des urines (ECBU) préalable, n’est une option que dans les cystites simples. Dans les autres situations, l’antibiothérapie est prescrite sur plusieurs jours, adaptée d’emblée ou secondairement aux résultats de l’ECBU.
Chloé R., 22 ans, est sujette aux cystites. Elle se présente ce samedi matin à la pharmacie avec une ordonnance d’antibiotique datant de juin 2023 qui n’a pas encore été délivrée. La jeune femme se plaint de signes urinaires qu’elle connaît bien : envies urgentes et fréquentes d’uriner. Elle voudrait également de l’ibuprofène.
La stratégie de prise en charge et les conseils à délivrer diffèrent selon l’origine de l’infection. Il est dans tous les cas important d’expliquer le bon usage des antibiotiques et des bandelettes urinaires et, selon la situation, de rappeler les mesures qui limitent les récidives de cystite.
LES INFECTIONS URINAIRES EN 5 QUESTIONS
1 COMMENT CLASSER LES INFECTIONS URINAIRES ?
On distingue les infections urinaires simples des infections urinaires à risque de complication (anciennement nommées « compliquées »). Ces dernières surviennent chez des patients ayant au moins un facteur de risque susceptible de rendre l’infection plus grave et/ou plus difficile à traiter (voir tableau). Un diabète, même insulinodépendant, n’est pas considéré comme un facteur de risque de complication bien que les infections urinaires soient plus fréquentes chez le patient diabétique.
2 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?
La cystite se manifeste par au moins un des signes suivants : pollakiurie ,mictions impérieuses et/ou brûlures et douleurs à la miction. La présence d’une hématurie (dans 30 % des cas) ne constitue pas un signe de gravité. Ni fièvre ni douleurs lombaires ne sont présentes. Les cystites récidivantes sont définies par la survenue d’au moins 4 épisodes pendant 12 mois consécutifs.
La pyélonéphrite associe des signes de cystite (de manière inconstante) à des signes témoignant de l’atteinte du parenchyme rénal : fièvre, frissons, douleurs lombaires typiquement unilatérales irradiant vers les organes génitaux externes, spontanées ou provoquées par la palpation ou la percussion de la fosse lombaire. Des signes digestifs (diarrhées, vomissements, météorisme abdominal) peuvent être au premier plan. Des formes frustres existent également avec simple fébricule et lombalgie provoquée.
Chez le sujet âgé, les signes urinaires sont souvent moins marqués et la fièvre peu élevée, voire absente. Les signes cliniques peuvent aussi se limiter à un syndrome confusionnel, une anorexie, des chutes répétées, des nausées ou des vomissements. Les colonisations urinaires sont fréquentes chez le sujet âgé.
Les infections urinaires masculines peuvent recouvrir un large éventail de présentations cliniques allant de formes peu symptomatiques sans fièvre au sepsis. L’atteinte prostatique est toujours à craindre du fait de sa communication avec les voies urinaires. Les signes urinaires peuvent préexister en cas d’adénome de la prostate : c’est alors leur modification récente qui doit alerter (accentuation de la pollakiurie, par exemple).
3 QUELS SONT LES FACTEURS FAVORISANTS ?
Les infections urinaires sont plus fréquentes chez les femmes du fait de facteurs anatomiques ou physiologiques particuliers : méat urétral proche du vagin et de l’anus, urètre court, ménopause induisant des modifications hormonales (déficit en œstrogènes) à l’origine d’une élévation du pH vaginal, ce qui favorise la colonisation du vagin par des bactéries du microbiote intestinal qui progressent ensuite vers le méat urétral, prolapsus génito-urinaire, incontinence urinaire, grossesse à l’origine d’une dilatation physiologique des voies urinaires, d’une compression des uretères par l’utérus, d’un reflux vésico-urétéral, de modifications hormonales.
Dans les cystites récidivantes, les rapports sexuels sont le facteur de risque prépondérant. Les spermicides (dont l’utilisation est rare), favorisant un déséquilibre du microbiote vaginal, sont également incriminés ainsi qu’une première infection urinaire avant l’âge de 15 ans, des antécédents maternels de cystites et l’obésité.
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Chez l’homme, avec l’âge, l’hypertrophie prostatique et la diminution des sécrétions acides prostatiques (naturellement bactéricides) augmentent le risque d’infection.
Dans les deux sexes, une gyclosurie, une immunodépression, des anomalies organiques ou fonctionnelles du tractus urinaire favorisent les infections.
4 QUELS EXAMENS RÉALISER ?
Cystite simple
Le diagnostic est établi devant des symptômes évocateurs et une bandelette urinaire positive. Sans pathologie gynécologique associée (prurit, pertes vaginales), cette association a une valeur prédictive positive supérieure à 90 %.
Dans les autres cas
Un examen cytobactériologique des urines (ECBU) est indiqué. Dans ce cas, la bandelette urinaire n’est qu’une aide au diagnostic.
En cas de cystite récidivante, l’ECBU n’est réalisé que pour les premiers épisodes afin de connaître le profil de sensibilité des bactéries aux antibiotiques. Secondairement, une bandelette urinaire positive peut permettre « d’autodéclencher » un traitement.
Chez l’homme, toute infection urinaire oblige à rechercher une pathologie du bas appareil urinaire (dysurie préexistante, toucher rectal évaluant le volume de la prostate).
D’autres examens sont discutés en cas de pyélonéphrite à risque de complication, d’infection urinaire masculine ou de cystite récidivante chez la femme ménopausée ou présentant des facteurs de risque de complication : uroscanner, échographie des voies urinaires, voire mesure du résidu postmictionnel, débitmétrie urinaire, cystographie rétrograde, etc.
5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?
Une cystite simple évolue spontanément vers la guérison dans 25 à 45 % des cas. Une cystite à risque de complication peut plus fréquemment donner lieu à une pyélonéphrite ou récidiver. La pyélonéphrite impose une consultation en urgence. Elle peut évoluer vers une septicémie, voire un choc septique.Chez la femme enceinte, 20 à 40 % des colonisations urinaires se compliquent d’une pyélonéphrite qui peut avoir des conséquences graves : fausse couche, retard de croissance intra-utérin, accouchement prématuré. Un dépistage chaque mois par bandelette urinaire est recommandé dès le 4e mois de grossesse. En cas de positivité, un ECBU est réalisé.Chez l’homme, les principales complications sont la rétention aiguë d’urines, le choc septique et l’abcès prostatique.
Physiopathologie et pharmacodynamie
La physiopathologie
L’arbre urinaire est normalement stérile à l’exception des derniers centimètres de l’urètre distal colonisés par le microbiote digestif (entérobactéries, par exemple), cutané (staphylocoques, entre autres) et génital (lactobacilles, notamment chez la femme). Plusieurs mécanismes de défense assurent la protection du tractus urinaire : une diurèse suffisante et des vidanges régulières et complètes de la vessie, la présence d’inhibiteurs de l’adhésion bactérienne (glycoprotéine Tamm-Horsfall sécrétée par le rein), les conditions physicochimiques de l’urine (pH, osmolarité, concentration en urée et ammoniaque limitant le développement des germes).
Le plus souvent, la colonisation des voies urinaires se fait par voie ascendante par des bactéries venant de la flore intestinale, celles-ci adhérant aux cellules de la muqueuse urétrale puis de la vessie et y proliférant (cystite). La pyélonéphrite est liée à l’atteinte des voies urinaires hautes (uretère) et du parenchyme rénal. Les facteurs de virulence des souches responsables de cystites sont différents de ceux des souches responsables de pyélonéphrites.
Les bactéries en cause sont Escherichia coli (70 % à 95 % des cas, toutes formes cliniques confondues) et d’autres entérobactéries, proteus et klebsielles (10 % à 25 % des cas). Staphylococcus saprophyticus (1 à 7 % des cas), responsable de cystites, est retrouvé chez la femme jeune le plus souvent (de 15 à 30 ans).
Plusieurs facteurs prédisposent aux infections urinaires : anatomiques, obstacles sur les voies excrétrices, malformation à l’origine d’un reflux vésico-urétéral, glycosurie . Une prédisposition génétique intervient également via le nombre et la nature des récepteurs aux adhésines bactériennes (comme les courts filaments appelés fimbriae qui permettent à E. coli de se fixer sur les cellules urothéliales) présents à la surface de la muqueuse.
La présence de bactéries dans les urines chez un patient asymptomatique traduit une colonisation urinaire. Celle-ci est due à des bactéries commensales qui auraient un rôle protecteur vis-à-vis de souches invasives.
Chez l’homme, toute infection urinaire peut atteindre la prostate à la suite d’un reflux d’urine dans les canaux prostatiques par voie rétrograde urétrale.
L’antibiothérapie dans les infections urinaires
Fosfomycine-trométamol. Après passage dans le cytoplasme bactérien, la fosfomycine inhibe la pyruvyl-transférase impliquée dans la synthèse du peptidoglycane, composant de la paroi bactérienne qui maintient la forme des cellules et assure une protection mécanique et physique.
β-lactamines et apparentés. Les céphalosporines, les pénicillines et le pivmécillinam bloquent la synthèse du peptidoglycane, un constituant essentiel de la paroi bactérienne. Pour cela elles se fixent aux protéines de liaison à la pénicilline (PLP) qui sont des protéines membranaires intervenant dans ce processus de synthèse.
Nitrofurantoïne. Après réduction de son groupement nitré sous l’action d’enzymes bactériennes, la nitrofurantoïne provoque des coupures et des lésions de l’ADN bactérien.
Triméthoprime. Il inhibe la dihydrofolate-réductase, enzyme permettant la réduction de l’acide dihydrofolique en forme active impliquée dans la synthèse des bases puriques. Le sulfaméthoxazole (dans Bactrim) entre en compétition avec l’acide para-aminobenzoïque (Paba) qui intervient dans la synthèse bactérienne de l’acide dihydrofolique.
Fluoroquinolones. Elles inhibent des topoisomérases, indispensables à l’élongation de l’ADN bactérien.
Comment traiter les infections urinaires féminines ?
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
Les recommandations de prise en charge des infections urinaires tiennent compte de l’évolution des résistances bactériennes aux antibiotiques et notamment de l’émergence d’entérobactéries productrices de β-lactamases à spectre élargi (BLSE).
Ainsi, les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e génération par voie orale ne sont plus recommandées depuis plusieurs années au cours des cystites. Dans toutes les autres infections urinaires, les fluoroquinolones ne doivent pas être utilisées de manière probabiliste si le patient a déjà eu recours à cette famille d’antibiotiques dans les 6 mois précédents.
En 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a élaboré des fiches synthétiques de prise en charge des infections urinaires féminines en partenariat avec, entre autres, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf). Trois paramètres déterminent le choix de l’antibiotique : son efficacité sur la souche en cause et sa diffusion au site infecté, sa tolérance et enfin son impact sur le microbiote intestinal (et le risque de sélection de bactéries résistantes).
Cystites
Cystite simple
Après confirmation du diagnostic par une bandelette urinaire, la fosfomycine 3 g en dose unique est recommandée en 1re intention et le pivmécillinam (400 mg 2 fois par jour) pendant 3 jours en solution de remplacement. Un examen cytobactériologique des urines (ECBU) n’est indiqué qu’en cas de persistance ou d’aggravation des symptômes après 3 jours de traitement ou de récidive précoce dans les 2 semaines suivant le traitement. L’antibiothérapie est alors adaptée aux résultats de l’antibiogramme.
Dans les situations exceptionnelles où ces 2 molécules ne seraient pas adaptées, il est recommandé de réaliser un ECBU et de suivre les choix proposés dans les cystites à risque de complication.
Cystite à risque de complication
Un ECBU doit être réalisé et l’antibiothérapie, sur 7 jours, doit si possible être différée et adaptée aux résultats de l’antibiogramme en privilégiant par ordre de préférence les molécules suivantes : amoxicilline (1 g 3 fois par jour), pivmécillinam (400 mg 2 fois par jour), nitrofurantoïne (100 mg 3 fois par jour).
Si l’antibiothérapie ne peut être différée (signes cliniques très gênants), la nitrofurantoïne (100 mg 3 fois par jour) ou, en 2e intention, la fosfomycine (3 g en prise unique) sont recommandées.
Un ECBU de contrôle n’est pas recommandé sauf en cas d’évolution défavorable après 3 jours ou de récidive précoce dans les 2 semaines.
Cystite récidivante
En cas d’épisodes peu fréquents (moins d’un par mois) et en l’absence de facteurs de risque de complications, le traitement est identique à celui d’une cystite simple. En compléments de certaines mesures (apports hydriques suffisants, régulation du transit, etc.), la canneberge (Vaccinium macrocarpon) peut être proposée en prévention des cystites à Escherichia coli, à la dose d’au moins 36 mg par jour de PAC A, ces dernières agissant comme des analogues des récepteurs cellulaires aux fimbriae d’E. coli. Chez la femme ménopausée, la correction locale de la carence œstrogénique peut être indiquée après avis gynécologique.
Si les récidives sont fréquentes (au moins 1 par mois avec échec des mesures précédentes), une antibioprophylaxie sur 6 mois ou plus peut être indiquée en se fondant sur les résultats de l’ECBU : fosfomycine ou triméthoprime en 1re intention, cotrimoxazole en 2e intention. En cas de cystite post-coïtale, ces antibiotiques se prennent dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport. Dans tous les cas, la nitrofurantoïne est exclue du fait de ses effets indésirables hépatiques et pulmonaires, majorés par des prises répétées.
La présence de facteurs de risque de complications relève d’une prise en charge pluridisciplinaire.
Pyélonéphrites
En cas de pyélonéphrite simple, une antibiothérapie probabiliste est instaurée dès l’ECBU réalisé, en privilégiant une fluoroquinolone (ciprofloxacine, 500 mg 2 fois par jour, ou lévofloxacine, 500 mg par jour) en l’absence d’exposition à la classe dans les 6 mois précédents. Sinon, une céphalosporine de 3e génération (C3G) injectable est indiquée (ceftriaxone, 1 g par jour, ou 2 g par jour si signes de gravité ou obésité). En cas de contre-indication, un aminoside est proposé (amikacine à l’hôpital, gentamicine, tobramycine) ou l’aztréonam, une β-lactamine. L’antibiothérapie de relais, administrée par voie orale pendant 7 ou 10 jours en fonction de la molécule, est adaptée aux résultats de l’antibiogramme en préférant une molécule à spectre étroit : amoxicilline, cotrimoxazole, amoxicilline-acide clavulanique, ciprofloxacine ou lévofloxacine ou ofloxacine, céfixime, ceftriaxone.
En cas de pyélonéphrite à risque de complication, les traitements antibiotiques probabilistes ou de relais sont comparables mais la durée de l’antibiothérapie est d’au moins 10 jours.
Une hospitalisation est justifiée en cas de forme hyperalgique ou de vomissement rendant la voie orale impossible, par exemple. Une pyélonéphrite aiguë grave (sepsis, nécessité d’un drainage) justifie une bithérapie initiale par C3G injectable, voire carbapénème et amikacine (à l’hôpital).
Un ECBU de contrôle n’est réalisé qu’en cas d’évolution défavorable après 3 jours (persistance de la fièvre) ou de récidive.
Chez la femme enceinte
Colonisation urinaire. Un antibiotique adapté aux résultats de l’antibiogramme est prescrit, par ordre de préférence : amoxicilline, pivmécillinam, fosfomycine, triméthoprime (en l’évitant avant 10 semaines d’aménorrhée), nitrofurantoïne ou cotrimoxazole ou amoxicilline/acide clavulanique. En présence d’un streptocoque B (reflet d’une forte colonisation vaginale), une antibiothérapie per-partum (commencée en début de travail) est indiquée pour éviter une infection néonatale bactérienne précoce.
Cystite. L’antibiothérapie probabiliste repose sur la fosfomycine en 1re intention, le pivmécillinam en 2e intention. En cas d’échec sont proposés par ordre de préférence : amoxicilline, triméthoprime, nitrofurantoïne, cotrimoxazole ou amoxicilline/acide clavulanique.
Pyélonéphrite. L’ECBU doit être réalisé en urgence et l’hospitalisation initiale est recommandée. L’antibiothérapie probabiliste comporte une C3G injectable ou la ciprofloxacine en solution de remplacement.
Durée du traitement. 7 jours en cas de colonisation urinaire ou de cystite (sauf fosfomycine, en prise unique), 10 jours en cas de pyélonéphrite. Un ECBU de contrôle est réalisé 8 à 10 jours après la fin du traitement puis chaque mois jusqu’à l’accouchement.
TRAITEMENTS
Fosfomycine-trométamol
La fosfomycine (associée au trométamol, utilisé comme substance tampon) est efficace sur E. coli producteur de BLSE mais pas sur Staphylococcus saprophyticus. La molécule est éliminée sous forme active dans les urines avec un pic de concentration obtenu en 4 heures et persistant 48 heures.
Le taux de sensibilité des bactéries au pivmécillinam, un apparenté aux pénicillines, est élevé dans les cystites simples (supérieur à 90 %), compatible avec un usage probabiliste. Le pivmécillinam est actif sur des entérobactéries productrices de BLSE, peu sur S. saprophyticus.
Effets indésirables : essentiellement troubles digestifs (nausées, diarrhées), moins fréquemment candidoses et éruptions cutanées. Des ulcérations œsophagiennes sont décrites.
Interactions : voir tableau.
Nitrofurantoïne
La nitrofurantoïne est réservée au traitement de la cystite documentée à germes sensibles de la femme, de l’adolescente et de la petite fille à partir de 6 ans. Active sur S. saprophyticus, elle est notamment recommandée en traitement probabiliste de la cystite à risque de complication. Du fait de ses effets indésirables, elle est proscrite dans les cystites récidivantes et le traitement est limité à 7 jours.
Effets indésirables : coloration brune des urines, troubles gastro-intestinaux ; rares mais graves, hépatites et pneumopathies lors de traitements prolongés ou répétés.
Interactions : les antiacides doivent être pris à au moins 2 heures d’intervalle.
Triméthoprime
Le triméthoprime n’est utilisé qu’après documentation bactériologique. Son association avec le sulfaméthoxazole, sulfamide antibactérien (dans Bactrim), vise à agir sur des souches qui lui résistent mais qui restent rares néanmoins.
Effets indésirables : troubles digestifs essentiellement. Des troubles cutanés (prurit, urticaire, etc.) sont décrits, certains graves (syndromes de Lyell et Stevens-Johnson), ainsi que des troubles hématologiques et oculaires. L’association avec le sulfamide expose à des troubles rénaux (cristalluries, notamment), hématologiques et à des toxidermies. Risque de photosensibilisation (jusqu’à 2 à 3 jours après la fin du traitement).
Principales interactions : voir tableau. Prudence en cas d’association du triméthoprime avec des médicaments hyperkaliémiants (majoration de l’hyperkaliémie) et la metformine (augmentation des concentrations plasmatiques en metformine).
Céphalosporines
Leur place est limitée en raison du risque de résistance et de leur impact sur le microbiote intestinal. L’amoxicilline et le céfixime ne sont recommandés qu’après documentation bactériologique. La ceftriaxone par voie injectable est une option possible en traitement probabiliste des pyélonéphrites (et des infections urinaires masculines).
Seules la ciprofloxacine et la lévofloxacine sont recommandées en traitement probabiliste, uniquement dans les pyélonéphrites (et les infections urinaires masculines). Le taux de résistance bactérienne à ces 2 souches, inférieur à 10 %, et leur bonne biodisponibilité les font préférer à l’ofloxacine, utilisable après documentation bactériologique. La norfloxacine, du fait d’une moindre biodisponibilité, n’est pas retenue dans les recommandations. Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), si une fluoroquinolone est nécessaire au cours de la grossesse, la ciprofloxacine est à privilégier.
Effets indésirables : outre des troubles digestifs, des effets indésirables rares mais graves, potentiellement irréversibles peuvent apparaître dès les premières 48 heures et jusqu’à plusieurs mois après l’arrêt du traitement : risque de tendinopathies pouvant aller jusqu’à la rupture, notamment au tendon d’Achille, et accru par la prise concomitante de corticoïdes systémiques, l’âge avancé, une atteinte rénale, une activité sportive intense, la reprise de la marche après un alitement prolongé ; troubles cardiaques (allongement de l’intervalle QT, valvulopathies, anévrisme et dissection aortique en particulier chez les personnes âgées ou en présence de facteurs de risque tels que des antécédents familiaux d’anévrisme, des maladies préexistantes des valves cardiaques, etc.) ; neuropathies périphériques, photosensibilisation et troubles neuropsychiatriques (de la vision, du goût, de l’audition, céphalées, vertiges, troubles du sommeil, pensées suicidaires, etc.). Risque également de diminution du seuil épileptogène et de troubles de la glycémie.
Principales interactions : le sucralfate, les sels de magnésium, aluminium, fer et zinc doivent être pris à au moins 2 heures d’intervalle. L’association avec des médicaments allongeant le QT ou abaissant le seuil épileptogène (tramadol, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, etc.) doit se faire avec prudence. La ciprofloxacine inhibe le cytochrome P450 1A2 et peut augmenter les concentrations sériques de certains médicaments : ropinirole, duloxétine, sildénafil, zolpidem, par exemple (voir tableau).
Autres
Aminosides. La gentamicine et la tobramycine, ainsi que l’amikacine à l’hôpital, sont indiquées dans l’antibiothérapie probabiliste des infections urinaires compliquées. Les résistances acquises aux aminosides sont rares, mais leurs effets indésirables (rénaux et cochléovestibulaires) limitent leur utilisation (5 jours de traitement au maximum).
Aztréonam. Soumis à prescription hospitalière, cette β-lactamine de la famille des monobactames est recommandée en association ou non avec un aminoside en cas d’allergie aux céphalosporines ou aux carbapénèmes, après avis spécialisé.
Perspectives
Des essais cliniques portant sur des préparations sublinguales de souches bactériennes les plus fréquemment rencontrées dans les cystites, inactivées, sont en cours. Les résultats de cette stimulation de l’immunité sont prometteurs, en particulier pour Uromune qui renferme des souches sélectionnées de 4 espèces bactériennes*.
Pas de fosfomycine pour Chloé R.
Quel est le contexte de l’ordonnance ?
Que savez-vous de la patiente ?
Chloé R., étudiante en master de droit, passe occasionnellement à la pharmacie pour renouveler sa contraception orale ou acheter une boîte d’ibuprofène pour soulager des migraines.
Au mois de juin dernier, à la suite d’un nouvel épisode de cystite, le 2e en 6 mois, le médecin avait rédigé une ordonnance de fosfomycine afin que la patiente puisse elle-même instaurer l’antibiothérapie en cas de récidive. La jeune femme n’a pas eu à recourir à ce traitement jusqu’à aujourd’hui.
Quels sont ses symptômes actuels ?
Depuis la veille, Chloé R. a des mictions fréquentes et ressent des brûlures en urinant. Un peu de sang est présent dans ses urines. En plus de ces symptômes, elle a de la fièvre et des frissons et souhaite de l’ibuprofène.
LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?
Que comporte la prescription ?
La fosfomycine est un antibiotique ayant une bonne diffusion urinaire, dont le spectre englobe la plupart des bactéries responsables des infections. Elle est indiquée dans le traitement des cystites de la femme et de l’adolescente.
Les bandelettes urinaires visant à diagnostiquer une cystite (autotests Biosynex, Medisur ou MyTest Viatris, par exemple) détectent la présence de nitrites (marqueur d’infection à entérobactéries) et de leucocytes (témoins de l’inflammation). Chez une femme, une bandelette positive (leucocytes et/ou nitrites positifs) associée à des signes cliniques évocateurs permet de poser le diagnostic de cystite.
Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique ?
Dans un contexte de récidives fréquentes d’épisodes de cystite simple, il peut être proposé à la patiente un traitement antibiotique « autogéré », à prendre après confirmation du diagnostic à la suite d’une bandelette urinaire positive. La fosfomycine est l’antibiotique de 1re intention.
Toutefois, Chloé ne semble pas avoir une cystite mais une pyélonéphrite comme l’évoquent la fièvre et les frissons associés. La fosfomycine n’est pas adaptée à cette situation et un examen cytobactériologique des urines (ECBU) doit être systématiquement réalisé avant la mise en route de l’antibiothérapie pour pouvoir l’adapter à la sensibilité de la bactérie en cause. Le pharmacien oriente la patiente vers un cabinet médical ouvert ce samedi matin ou, à défaut, vers les urgences hospitalières. Il déconseille la prise d’ibuprofène susceptible d’aggraver l’infection et propose du paracétamol à la place.
QUELQUES HEURES PLUS TARD
Mlle R. a pu consulter un médecin et revient dans la fin de matinée avec une nouvelle prescription comportant de la ciprofloxacine, antibiotique de la famille des fluoroquinolones, notamment indiquée dans les infections urinaires.
La nouvelle prescription est-elle conforme aux recommandations ?
Oui. En cas de pyélonéphrite aiguë sans facteur de risque de complication, l’antibiothérapie probabiliste repose sur une fluoroquinolone en l’absence de prescription antérieure de cette classe les 6 mois précédents. Le traitement est ensuite adapté aux résultats de l’antibiogramme en choisissant une molécule au spectre le plus étroit possible.
Les posologies sont-elles cohérentes ?
Oui, la posologie habituelle de la ciprofloxacine dans les pyélonéphrites est de 500 mg 2 fois par jour. La durée recommandée du traitement est de 7 jours en l’absence de facteur de risque de complication.
Quels conseils de prise donner ?
Chloé n’a pas souvenir d’avoir déjà pris cet antibiotique.
La ciprofloxacine se prend indépendamment des repas. Une prise à jeun permet toutefois une absorption plus rapide. Si l’administration se fait en dehors d’un repas, il est déconseillé d’avaler le comprimé avec un produit laitier ou une boisson riche en minéraux qui peuvent, par chélation, réduire l’absorption de la molécule.
L’antibiotique ne doit être commencé qu’une fois l’ECBU réalisé. Une prise au repas de midi est possible en veillant à ce que la suivante ait lieu au moins 6 heures après.
En cas d’oubli, prendre la dose omise dès que possible en respectant un intervalle de 6 heures avec la prochaine prise.
La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?
Oui, dans un délai de 72 heures, en particulier si elle note la disparition de la fièvre (signe que la bactérie est sensible à l’antibiotique) et sous réserve d’une bonne observance. Sinon, un avis médical est nécessaire ainsi que la réalisation d’un nouvel ECBU.
Quels sont les effets indésirables de l’antibiotique ?
Les troubles digestifs (nausées, diarrhée) sont fréquents. Certains effets indésirables peuvent apparaître dès les premières 48 heures de la prise d’une fluoroquinolone et jusqu’à plusieurs mois après son arrêt : douleurs musculosquelettiques, troubles neuropsychiatriques (troubles du sommeil, céphalées voire confusion, vertiges, dépression, troubles de la vision ou de l’audition), paresthésies des mains et des pieds, réactions de photosensibilité, tendinites voire ruptures du tendon d’Achille. Les tendinites sont notamment favorisées par une activité physique intense.
Les fluoroquinolones exposent également à un risque d’allongement de l’intervalle QT se manifestant par des palpitations et une sensation de battements irréguliers du cœur. Des cas d’anévrisme et de dissections aortiques sont rapportés ainsi que des valvulopathies.
Quels sont ceux gérables à l’officine ?
La prise de probiotiques ou de levures peut aider à limiter la survenue d’une diarrhée (Ultra-levure, Lactibiane ATB, Ergyphilus Plus, Smebiocta ATB Protect, etc.) en veillant à les prendre à distance de l’antibiotique. Des vêtements couvrants et/ou une protection solaire adaptée préviennent le risque de photosensibilisation en cas d’exposition au soleil.
Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?
Toute suspicion de tendinite (gonflement, boule, douleur en regard du tendon ou à la palpation) nécessite un avis médical et l’arrêt de l’antibiotique. Il en est de même en cas d’apparition d’une douleur ou d’une faiblesse musculaire, de confusion, d’idées suicidaires, de palpitation, d’œdème des jambes ou de difficultés à respirer ou en cas de troubles de la vision ou de l’audition.
Accompagner le patient
LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTS
Impact sur la vie quotidienne
Les symptômes sont gênants, douloureux et perturbent les activités quotidiennes. Des récidives fréquentes peuvent entraîner un absentéisme au travail. Dans le cas des cystites postcoïtales, l’intimité peut être perturbée et la perspective d’un rapport sexuel appréhendée.
Impact psychologique
La répétition fréquente des infections urinaires peut être une source d’angoisse car l’épisode peut se déclarer à tout moment. Les patientes ont l’impression d’enchaîner les épisodes, sans parvenir à s’en sortir.
À DIRE AUX PATIENTS
A propos de la pathologie
Une cystite qui se caractérise par des signes urinaires sans fièvre ni douleurs lombaires ne relève pas d’une urgence, même si les symptômes peuvent être particulièrement gênants. En l’absence de facteurs de complication, le diagnostic est confirmé par une bandelette urinaire s’il n’y a ni perte ni prurit vaginaux associés. Il s’agit alors d’une cystite simple, qui peut guérir spontanément sous réserve notamment d’une hydratation suffisante. Des solutions d’automédication peuvent être essayées. Les symptômes peuvent toutefois persister plusieurs jours, d’où l’intérêt d’une antibiothérapie qui guérit très rapidement l’infection.
Un avis médical est nécessaire en présence de facteurs de risque de complication : notamment grossesse, immunodépression, reflux vésical connu, âge supérieur à 65 ans. Le diabète n’est pas un facteur de complication des infections urinaires mais il peut favoriser des cystites.
Une consultation s’impose en urgence en cas de fièvre et/ou de douleurs lombaires qui évoquent une pyélonéphrite. A noter que cette situation concerne également toute suspicion d’infection urinaire chez l’homme ou l’enfant.
En attendant un avis médical, conseiller de boire régulièrement. Il est parfois préconisé la prise de vitamine C ou de jus de citron pour acidifier les urines et limiter la prolifération bactérienne mais sans preuve d’efficacité. Le paracétamol peut être recommandé en cas de douleur. Attention toutefois car il peut masquer la fièvre. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne sont pas recommandés.
Au cours de la grossesse. Les modifications anatomiques et hormonales favorisent les infections urinaires et notamment les pyélonéphrites : la réalisation d’un test par bandelette urinaire est donc recommandée chaque mois, dès le 4e mois de grossesse et jusqu’à l’accouchement. En cas de bandelette positive sans signe d’infection, on parle de colonisation urinaire. Celle-ci n’est habituellement pas traitée mais doit l’être dans un contexte de grossesse en raison d’un risque d’évolution vers une pyélonéphrite. Un examen cytobactériologique des urines (ECBU) sera alors pratiqué, et une antibiothérapie prescrite et adaptée aux résultats. Un ECBU mensuel sera ensuite réalisé jusqu’à l’accouchement.
Recueil d’urines pour ECBU. Il peut s’effectuer à domicile dans un flacon d’analyse stérile après toilette de la région urétrale et application d’un antiseptique (de type Dakin), en récupérant les urines du mi-jet qui ont séjourné au moins 4 heures dans la vessie pour garantir un temps de stase suffisant. L’échantillon doit être rapidement apporté au laboratoire.
A propos du traitement
Antibiothérapie.Respecter la durée du traitement même si les signes urinaires ou la fièvre ont disparu. Après une prise unique de fosfomycine, la persistance des symptômes urinaires pendant 2 à 3 jours est normale. Quel que soit le traitement, la persistance des signes urinaires ou de la fièvre après 72 heures impose cependant un avis médical.
Automédication. L’apport de canneberge, au moins 36 mg par jour de proanthocyanidines (PAC) A, pourrait contribuer à limiter les cystites à E. coli. Une revue de littérature récente* met en avant des preuves de son efficacité, en prophylaxie, chez les femmes sujettes aux cystites récidivantes mais pas chez les femmes enceintes ou les personnes ayant une dysfonction vésicale ou des problèmes de vidange de la vessie notamment. Son efficacité curative n’est pas démontrée. La canneberge est contre-indiquée en cas d’allergie aux fruits rouges, et prudence pour les personnes sous antivitamines K car il y a un risque d’augmentation de l’international normalized ratio (INR). Des plantes et des huiles essentielles (bruyère, busserole, sarriette notamment) peuvent être essayées en cas de gêne urinaire sans fièvre, en attendant une consultation médicale qui s’impose dans tous les cas en l’absence d’amélioration après 48 heures. Les effets du D-mannose en prévention et en traitement des infections urinaires restent incertains**.
Prévention
Des mesures hygiénodiététiques sont recommandées bien qu’elles ne soient pas toujours clairement documentées : hydratation suffisante (au moins 1,5 litre à 2 litres par jour) afin d’assurer des mictions régulières (5 à 6 par jour) ; régulation du transit ; en cas de cystite postcoïtale, uriner juste après les rapports sexuels et, le cas échéant, arrêter l’usage des spermicides. Il est aussi proposé d’éviter les pantalons et sous-vêtements trop serrés ou en matière synthétique. Rappeler l’importance, chez les femmes, de s’essuyer après avoir uriné d’avant en arrière.
La flore vaginale locale s’oppose à la multiplication des germes pathogènes venant du tube digestif qui peuvent ensuite coloniser l’urètre. En conséquence, proscrire tout excès d’hygiène intime (douches vaginales) et l’usage de savons antiseptiques qui la déstabilisent (et n’ont par ailleurs pas d’incidence sur une infection en cours). Des probiotiques peuvent être essayés par voie orale ou vaginale en cas de cystite récidivante. À la ménopause, un traitement estrogénique local peut être indiqué pour corriger l’atrophie de la muqueuse qui favorise la colonisation bactérienne.
Trod à l’officine
La Convention nationale 2022 a lancé les bases du dépistage généralisé des infections urinaires simples par bandelette à l’officine. Sur demande spontanée d’une patiente éligible au test ou avec une ordonnance conditionnelle d’antibiotique d’un médecin ou d’une sage-femme, le pharmacien proposerait la réalisation, au sein de l’officine, d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod) puis l’interprétation, la prise en charge et la communication des résultats. Cette activité serait rémunérée 1 € pour la bandelette urinaire et 5 € pour l’analyse et l’interprétation. La mise en place effective est suspendue à la publication de textes réglementaires pour en préciser les modalités pratiques.
L’essentiel à retenir
Concernant la pathologie
On distingue les infections urinaires simples de celles à risque de complication pouvant rendre l’infection plus grave : grossesse, anomalies de l’arbre urinaire (résidu vésical, reflux, etc.), immunodépression grave, insuffisance rénale chronique sévère, âge supérieur à 75 ans ou 65 ans si des critères de fragilité sont associés (perte de poids involontaire, marche lente, par exemple). Le sexe masculin est aussi un facteur de complication.
Une cystite se caractérise par des signes urinaires (pollakiurie, brûlures, dysurie, principalement) et l’absence de fièvre ou de douleurs lombaires. Une bandelette urinaire confirme le diagnostic.
Fièvre et douleurs lombaires associées à des signes de cystite témoignent d’une atteinte du parenchyme rénal (pyélonéphrite). Un examen cytobactériologique des urines (ECBU) doit alors être réalisé.
Chez la femme enceinte, une colonisation urinaire (présence de bactéries dans les urines sans signes cliniques infectieux) est systématiquement recherchée à partir du 4e mois de grossesse, en raison d’un risque d’évolution vers une pyélonéphrite aiguë.
Concernant le traitement
Le traitement d’une cystite simple repose sur la fosfomycine en dose unique ou, en solution alternative, le pivmécillinam pendant 3 jours. En cas de cystite à risque de complication, l’antibiothérapie est si possible différée pour être adaptée d’emblée à l’antibiogramme. Si ce n’est pas possible (symptômes invalidants), la nitrofurantoïne durant 7 jours ou, en 2e intention, la fosfomycine monodose sont indiquées.
Chez la femme enceinte, à la différence de ce qui est préconisé en population générale, une colonisation urinaire doit être traitée par une antibiothérapie adaptée aux résultats de l’ECBU et, en cas de cystite, une antibiothérapie probabiliste s’impose (fosfomycine ou pivmécillinam).
Lors de cystites récidivantes, chaque épisode est traité comme une cystite simple. Une antibioprophylaxie (fosfomycine tous les 7 jours ou triméthoprime 150 mg par jour) n’est recommandée qu’en cas d’épisodes très fréquents (au minimum 1 par mois). En cas de cystite postcoïtale, ces antibiotiques se prennent uniquement dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport.
En cas de pyélonéphrite, l’antibiothérapie probabiliste repose sur une fluoroquinolone (ciprofloxacine ou lévofloxacine) ou, en 2e intention, la ceftriaxone en attendant les résultats de l’antibiogramme, durant 7 à 10 jours.
Dans toutes les situations, une évolution clinique défavorable après 72 heures nécessite un avis médical.
Concernant la prévention
Une hydratation suffisante pour assurer des mictions régulières limite la prolifération et l’adhérence des bactéries au niveau du tractus urinaire.
En cas de cystites récidivantes, il convient si besoin de réguler le transit, de rappeler les gestes de bon sens comme une toilette d’avant vers l’arrière après la miction et les selles et une hygiène intime douce (le microbiote vaginal s’opposant à la prolifération des bactéries digestives susceptibles de coloniser le méat urinaire). La canneberge peut être essayée en recommandant un apport d’au moins 36 mg par jour de PAC A. A la ménopause, des estrogènes locaux peuvent être indiqués en cas d’atrophie vaginale. En cas de cystite postcoïtale, conseiller d’uriner après les rapports.
β-LACTAMASES À SPECTRE ÉLARGI OU ÉTENDU
PAC A
CARBAPÉNЀMES
SYNDROME DE STEVENS-JOHNSON ET SYNDROME DE LYELL
Pr Aurélien Dinh,
« Fièvre et douleurs lombaires sont les deux critères de gravité à prendre en compte »
Chloé souhaite réaliser le prélèvement d’urine chez elle et le rapporter au laboratoire dans 48 heures, lundi matin. Que lui répondez-vous ?
Comment utiliser les bandelettes urinaires ?
POLLAKIURIE Mictions fréquentes, mais souvent peu abondantes.
MICTION IMPÉRIEUSE Besoin urgent d’uriner.
COLONISATION URINAIRE Anciennement nommée bactériurie asymptomatique, elle est définie par la présence de micro-organismes dans les urines sans signes cliniques associés.
PROLAPSUS GÉNITO-URINAIRE Communément appelé « descente d’organes », il correspond au glissement vers le bas d’un ou de plusieurs organes pelviens (utérus et vessie notamment) et peut gêner la vidange complète de la vessie.
VALEUR PRÉDICTIVE POSITIVE Probabilité que la condition (ici, l’infection urinaire) soit présente si le test est positif.
CYSTOGRAPHIE RÉTROGRADE Examen radiologique de la vessie après introduction d’un produit de contraste dans l’urètre.
L’essentiel
– On distingue les infections urinaires simples de celles à risque de complication.
– Une cystite se caractérise par des signes urinaires (pollakiurie, brûlures, etc.) et l’absence de fièvre ou de douleurs lombaires. Une bandelette urinaire confirme le diagnostic.
– Fièvre et douleurs lombaires associées à des signes de cystite témoignent d’une atteinte du parenchyme rénal (pyélonéphrite). Un ECBU doit être réalisé.
– Chez la femme enceinte, la colonisation urinaire est systématiquement recherchée à partir du 4e mois de grossesse en raison d’un risque d’évolution vers une pyélonéphrite aiguë.
Interprétation des tests : bandelettes urinaires et ECBU
Bandelette urinaire. Elle détecte les leucocytes (témoins de l’inflammation, à partir de 104 leucocytes/ml) et les nitrites (à partir de 105 bactéries/ml). Ce seuil n’est atteint que si les urines ont séjourné suffisamment dans la vessie (de préférence plus de 4 heures, au moins 2 heures selon la notice du dispositif Cysti’Test de AAZ). Cependant, certaines bactéries, dont Staphylococcus saprophyticus, ne produisent pas de nitrites. Une bandelette urinaire est négative si les deux paramètres testés sont négatifs ; elle est positive dès lors que l’un des deux est positif. Chez la femme, devant une suspicion de cystite simple, un résultat négatif fait rechercher un autre diagnostic. Chez l’homme, un résultat négatif ne permet pas d’éliminer une infection urinaire.
ECBU. Le seuil de significativité pour la leucocyturie est de 104/ml. Le seuil de bactériurie varie en fonction du sexe du patient et de l’espèce bactérienne. Chez la femme, il est de 103 unités formant colonies (UFC)/ml pour S. saprophyticus ou E. coli et de 104 UFC/ml pour d’autres bactéries.
En chiffres
La prévalence des infections urinaires est nettement plus élevée chez la femme que chez l’homme.
Une femme sur deux présente au cours de sa vie un ou plusieurs épisodes de cystite. Deux pics de fréquence : au début de l’activité sexuelle et après la ménopause.
GLOSSAIRE
Elles sont à l’origine d’une résistance de haut niveau aux pénicillines et céphalosporines mais aussi à d’autres antibiotiques. Leur émergence et leur diffusion sont favorisées par le large usage des antibiotiques, notamment des C3G et des fluoroquinolones.
Les proanthocyanidines de type A, ou PAC A, sont des composants antioxydants responsables de l’inhibition de l’adhérence d’E. coli à la muqueuse vésicale.
β-lactamines à spectre très large (imipénem, méropénem, etc.).
Encore appelées nécrolyses épidermiques toxiques, ces dermatoses bulleuses graves sont potentiellement mortelles. Le syndrome de Lyell concerne les formes les plus étendues.
Infections urinaires masculines
Dans les formes peu symptomatiques, l’antibiothérapie est différée et adaptée aux résultats de l’antibiogramme. Dans les autres situations, l’antibiothérapie probabiliste est calquée sur la stratégie des pyélonéphrites à risque de complication, les fluoroquinolones (ciprofloxacine ou lévofloxacine) restant des molécules de référence pour les traitements des infections urinaires masculines en raison de leur bonne diffusion prostatique. La durée recommandée du traitement est de 14 jours.
Vigilance
Certaines contre-indications aux traitements sont à connaître.
Fluoroquinolones : patients épileptiques (sauf ciprofloxacine, à utiliser avec prudence), antécédent de tendinopathies lié à la prise d’une quinolone.
Nitrofurantoïne : insuffisance rénale (débit de filtration glomérulaire inférieur à 45 ml par minute), tout traitement prophylactique ou prolongé (supérieur à 7 jours).
Triméthoprime : insuffisance rénale ou hépatique sévère, anémie macrocytaire, deux premiers mois de la grossesse (si pas de solution alternative possible, supplémentation maternelle en acide folique).
Point de vue
infectiologue, membre du comité d’infectiologie de l’Association française d’urologie (AFU).
Comment réagir à l’officine face à un patient présentant des signes d’infection urinaire lorsqu’il est difficile d’obtenir rapidement une consultation médicale ?
Les deux critères de gravité à prendre en considération sont la fièvre et la présence de douleurs lombaires. Si l’un et/ou l’autre sont présents, une pyélonéphrite est à craindre, qui nécessite de réaliser un ECBU et de débuter une antibiothérapie sans attendre. Il faut, dans ce cas, orienter vers les urgences hospitalières si aucun médecin ne peut être consulté rapidement. Autre précaution, la grossesse, une immunodépression ou une insuffisance rénale : ces situations, sans être des urgences, nécessitent de réaliser un ECBU. Une cystite ne présente en revanche pas de caractère d’urgence. Il est possible d’attendre 48 heures avant de consulter même s’il existe une hématurie, néanmoins très anxiogène, ou un facteur de risque de complication (immunodépression, âge supérieur à 65 ans, insuffisance rénale sévère, etc.). Les conseils à donner sont de boire beaucoup et de prendre du paracétamol si besoin. Par prudence, jamais d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : plusieurs études montrent qu’ils ont peu d’intérêt et qu’ils augmentent le risque d’infection urinaire grave.
L’essentiel
– Le traitement d’une cystite simple repose sur la fosfomycine en dose unique ou, en solution de remplacement, le pivmécillinam pendant 3 jours. En cas de cystite à risque de complication, l’antibiothérapie est si possible différée afin d’être adaptée d’emblée à l’antibiogramme sauf pour la femme enceinte, chez qui une antibiothérapie probabiliste est indiquée. Chez celle-ci, à la différence de ce qui est préconisé en population générale, une colonisation urinaire doit être traitée par une antibiothérapie adaptée aux résultats de l’ECBU.
– Lors de cystites récidivantes, chaque épisode est traité comme une cystite simple. Une antibioprophylaxie n’est recommandée qu’en cas d’épisodes très fréquents (supérieurs ou équivalents à 1 par mois).
– En cas de pyélonéphrite, l’antibiothérapie probabiliste repose sur les fluoroquinolones ou le ceftriaxone en attendant les résultats de l’antibiogramme. Le traitement est de 7 à 10 jours parfois plus en cas de risque de complication.
– Dans toutes les situations, une évolution clinique défavorable après 72 heures nécessite un avis médical.
Qu’en pensez-vous ?
1) Non. Le résultat serait faussé.
2) Oui, si elle prend soin de le conserver au réfrigérateur.
Réponse : la qualité des résultats d’un ECBU dépend en grande partie de la qualité du prélèvement et de la conservation du produit. Après un lavage des mains, le prélèvement doit être réalisé précédé, idéalement, d’une toilette intime à l’eau et au savon puis, dans tous les cas, de l’application d’un antiseptique de type hypochlorite de
sodium, d’un seul geste d’avant vers l’arrière chez la femme. Le prélèvement est effectué dans la mesure du possible au moins 4 heures après la dernière miction. Le 2e jet d’urine, recueilli dans un récipient stérile, peut être conservé au maximum 2 heures à température ambiante et 24 heures au réfrigérateur à + 4 °C, selon la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf). Chloé ne peut donc pas attendre 48 heures pour porter le prélèvement au laboratoire. Le mieux est de s’y rendre sans tarder. Il fallait choisir la première proposition.
Dr Antoine B.
Généraliste
Chloé R., née le 15 mai 2021 55 kg
Le 20 juin 2023
Fosfomycine-trométamol (Monuril) 3 g : 1 sachet à jeun ou 2 à 3 heures avant un repas
Bandelettes urinaires : 1 boîte
Dr Simon V.
Généraliste
Chloé R., née le 15 mai 2021 55 kg
Le 2 septembre 2023
Ciprofloxacine (Ciflox) 500 mg : 1 cp 2 fois par jour pendant 7 jours
Paracétamol 1 g : 1 cp en cas de fièvre ou de douleur sans dépasser 3 cp par jour
Question de patient
« La fiabilité des tests par bandelette urinaire dépend du respect des conditions de conservation (température ambiante, récipient bien fermé avec le dessiccant) et d’utilisation. Le dépistage se fait sur des urines ayant séjourné au moins 4 heures dans la vessie (le Cysti’Test de AAZ préconise au moins 2 heures), afin que les bactéries présentes en cas d’infection aient eu le temps de transformer les nitrates d’origine alimentaire en nitrites. Il n’est pas recommandé de passer directement la bandelette urinaire sous le jet d’urine au risque d’obtenir un résultat erroné. La bandelette doit être trempée dans les urines du milieu de jet fraîchement recueillies dans un récipient propre et sec (pas nécessairement stérile). Une toilette préalable n’est pas indispensable. La lecture se fait 1 ou 2 minutes après : un délai trop long rend le résultat ininterprétable. De faux négatifs sont possibles en cas de forte glycosurie, de prise d’acide ascorbique ou d’un traitement diurétique notamment. »
L’essentiel
– En cas de cystite simple, en attendant un avis médical, recommander une hydratation suffisante pour assurer des mictions fréquentes et la prise de paracétamol en cas de douleur.
– En cas de récidives fréquentes, la canneberge peut être essayée. Recommander la régulation du transit (pour éviter constipation ou diarrhée), proscrire l’usage de douches vaginales ou de spermicides. En cas de cystite post-coïtale, conseiller d’uriner après les rapports. À la ménopause, des estrogènes locaux peuvent être utiles.
– Fièvre ou douleurs lombaires imposent une consultation en urgence.
– Rappeler l’importance de respecter la durée du traitement, même si les signes urinaires ou la fièvre ont disparu, et mentionner les effets indésirables qui doivent alerter.
En savoir plus
Haute autorité de santé (HAS)
has-sante.fr
Des fiches synthétiques sur le choix et la durée de l’antibiothérapie dans les infections urinaires féminines sont disponibles.
Association française d’urologie (AFU)
urofrance.org
Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf)
Infectiologie.com
Ces sociétés savantes ont produit des recommandations sur les infections urinaires actualisées en 2017.
* Lorenzo-Gómez M. F., Foley S., Curtis Nickel J. et coll. Sublingual MV140 for prevention of recurrent urinary tract infections. NEJM Evid 2022;1(4).
* Williams G., Hahn D., Stephens J. H. et coll. Cranberry for preventing urinary tract infections. Cochrane Database Syst. Rev. 2023;4(4).
** Cooper T. E., Teng C., Howell M. et coll. D‐mannose for preventing and treating urinary tract infections. Cochrane Database Syst Rev. 2022;8(8).