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LES ANTIBIOTIQUES

Publié le 12 janvier 2013
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CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Une éruption suspecte

Il y a trois jours, Mme R. avait fait venir SOS Médecins pour sa fille Elise, âgée de 6 ans, qui avait très mal à la gorge et de la fièvre. Le lendemain matin, elle était venue à la pharmacie chercher de l’amoxicilline 500 mg/5 ml (1 cuillère-mesure 2 fois/j pendant 6 j). Aujourd’hui, elle téléphone car Elise, qui semble très fatiguée, a toujours de la fièvre et des boutons sont apparus sur son torse et ses épaules. Mme R. se demande si sa fille est allergique à l’antibiotique.

Elise est-elle allergique à l’amoxicilline ?

Un érythème survenant sous amoxicilline peut avoir d’autres étiologies possibles.

ANALYSE DU CAS

• Les pénicillines, du fait de leur noyau chimique bêtalactame, sont les antibiotiques les plus fréquemment impliqués dans la survenue de réactions allergiques. L’allergie aux pénicillines peut se manifester par des réactions précoces, voire immédiates, à type d’urticaire (accompagnée ou non de prurit et survenant dès les premiers jours de traitement, ou dans l’heure suivant l’instauration), d’œdème de Quincke ou de choc anaphylactique, et par des réactions retardées comme la maladie sérique (s’exprimant cliniquement par une éruption urticarienne, des arthralgies et éventuellement de la fièvre). Il est donc légitime de penser, dans le cas présent, à une manifestation allergique précoce.

• Pour autant, d’autres causes ne sont pas à exclure. L’amoxicilline peut provoquer des troubles cutanés graves comme une pustulose exanthématique aiguë, que peut faire suspecter la survenue d’un érythème généralisé fébrile en début de traitement. D’autres manifestations toxidermiques de type syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson sont également rapportées, mais elles surviennent généralement une semaine au moins après l’instauration du traitement. Il s’agit d’érythèmes diffus s’étendant rapidement sur tout le corps et évoluant en lésions bulleuses ou en érosions cutanées. Ces syndromes, qui peuvent se compliquer de troubles hydroélectrolytiques, menacent le pronostic vital. Leur survenue est majorée par l’association de l’amoxicilline à l’allopurinol.

• Par ailleurs, l’amoxicilline peut, chez les patients atteints de mononucléose infectieuse (mais également en cas d’infection à mycoplasme), provoquer un érythème polymorphe. Or, la mononucléose peut se manifester par une angine. Le médecin qui a vu Elise a peut-être fait une prescription d’antibiotiques sans avoir fait de Strepto-test. Si Elise n’a pas une angine bactérienne, mais une mononucléose, l’administration d’amoxicilline a pu déclencher une éruption cutanée, pouvant être confondue avec une réaction allergique. Le fait qu’Elise ait toujours de la fièvre après 48 heures d’antibiothérapie et qu’elle soit fatiguée, peut être en faveur de ce diagnostic.

ATTITUDE À ADOPTER

Quel que soit le mécanisme physiopathologique exact qui a déclenché l’éruption, celle-ci est vraisemblablement d’origine iatrogène. Il convient d’arrêter immédiatement l’amoxicilline et de contacter le pédiatre.

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CAS N° 2 – EFFETS INDÉSIRABLES

Enzo a les fesses rouges

Madame A. souhaite acheter un tube de Mitosyl pour Enzo, âgé de six mois. Elle explique que ses fesses sont très rouges et que l’application de Bépanthène n’a servi à rien. Elle voudrait essayer autre chose. Mme A. demande également au pharmacien ce qu’il pense des plaques blanches qu’Enzo a dans la bouche depuis quelques jours. Le pharmacien se souvient avoir récemment délivré Zinnat 125 mg/ml (céfuroxime, C2G) pour Enzo, qui avait une otite.

Que penser de ces lésions buccales ?

Ces dépôts blanchâtres sont évocateurs d’une candidose buccale, très probablement liée au traitement antibiotique.

ANALYSE DU CAS

• Les bêtalactamines déséquilibrent les flores commensales et peuvent induire des mycoses buccales, intestinales ou vaginales. Le principal agent fongique impliqué dans la survenue de ces mycoses est Candida albicans. Selon le RCP, la prolifération de candidas est un effet indésirable fréquent du céfuroxime (plus de 1 %).

• Les lésions observées semblent typiquement celles d’une candidose buccale. Mais la demande d’une crème pour traiter un érythème fessier récalcitrant retient l’attention du pharmacien, qui suspecte également une mycose du siège. En effet, il est probable que la mycose d’Enzo se soit étendue à l’ensemble du tube digestif.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien conseille une consultation chez le pédiatre, afin non seulement de confirmer le diagnostic de mycose buccale qui nécessitera une prescription d’antifongique, mais aussi de faire examiner le siège d’Enzo.

CAS N° 3 – EFFETS INDÉSIRABLES

Des douleurs à la cheville

En début de semaine, Monique, 66 ans, qui souffrait de bronchite, était venue à l’officine avec une ordonnance de ciprofloxacine 500 mg, 2 fois/j pendant 10 jours, et d’acétylcystéine. Aujourd’hui, Monique revient acheter une bande cohésive et un baume décontracturant car elle se plaint de douleurs au talon et à la cheville droite. Elle est étonnée car elle ne se souvient pas s’être tordu la cheville.

Monique s’est-elle fait une entorse ?

Des douleurs au niveau de la cheville, survenant chez une patiente sous fluoroquinolones doivent faire suspecter un problème iatrogène.

ANALYSE DU CAS

Les fluoroquinolones peuvent être responsables d’atteintes arthrotendineuses, uni– ou bilatérales, à type de douleurs musculaires ou articulaires et de tendinites parfois sévères, pouvant survenir dès les deux premiers jours de traitement et touchant, entre autres, le tendon d’Achille. Le risque de tendinite sous fluoroquinolone est plus important chez les patients pratiquant une activité sportive intense et les personnes de plus de 65 ans, ou en cas de corticothérapie associée. La molécule la plus fréquemment impliquée dans la survenue de tendinites est la péfloxacine, même en monodose.

ATTITUDE À ADOPTER

Il convient impérativement de signaler ces douleurs au prescripteur, car si l’origine iatrogène en est confirmée, elles justifient l’arrêt du traitement pour éviter la rupture tendineuse. Le soir même, Monique revient avec une prescription mentionnant l’arrêt de la ciprofloxacine, remplacée par de la josamycine, et une chevillère (pour mettre au repos le tendon d’Achille). Les douleurs peuvent persister quelques mois. La survenue d’une tendinite sous fluoroquinolones contre-indique des traitements ultérieurs par cette classe d’antibiotiques.

CAS N° 4 – EFFETS INDÉSIRABLES

« Ma femme n’a pas eu sa piqûre ! »

Ayant refusé d’être hospitalisée pour soigner sa pyélonéphrite – ce qu’avait pourtant suggéré son médecin compte tenu de son âge , Christiane D. (71 ans) est traitée depuis deux jours par ceftriaxone 1 g, 1 injection IV le soir, et gentamicine 80 mg, 2 injections IM/j, qsp 3 jours, à l’issue desquels un relais oral sera envisagé. En ce début d’après-midi, Monsieur D., inquiet, vient acheter un nécessaire de toilette pour Christiane qui a été hospitalisée. Il explique à la pharmacienne que depuis la veille elle se plaignait de vertiges et que ce matin elle titubait légèrement quand elle a ouvert à l’infirmière venue faire l’injection de gentamicine. Cette dernière a alors immédiatement téléphoné au médecin, qui a décidé d’une hospitalisation. Monsieur D. avoue être pris de court et ne pas comprendre grand-chose à cette situation : « Mon épouse doit passer tout un tas d’examens, mais n’a même pas eu sa piqûre ce matin ! »

Que s’est-il passé ?

Il est fort probable qu’un effet indésirable de la gentamicine ait imposé l’arrêt du traitement. L’hospitalisation est désormais rendue indispensable pour traiter la pyélonéphrite de Mme D. mais aussi pour la mettre dans des conditions optimales de surveillance.

ANALYSE DU CAS

• Les aminosides sont des médicaments toxiques sur la VIIe paire de nerfs crâniens (auditifs) et ototoxiques. Les facteurs favorisant la survenue de ces effets indésirables sont l’âge, l’altération de la fonction rénale, la durée du traitement, un traitement antérieur récent par aminosides ainsi que l’association à d’autres médicaments ototoxiques (dérivés du platine…).

• L’ataxie (troubles de l’équilibre) de Christiane a alerté l’infirmière. C’est en effet un signe d’atteinte vestibulaire, qui peut précéder une atteinte cochléaire grave car irréversible. L’atteinte cochléaire, liée à une stimulation des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) et à une destruction des cellules ciliées, se traduit par une baisse de l’audition dans les fréquences aiguës et elle peut aller jusqu’à la surdité définitive.

• Ainsi, les premiers signes d’une atteinte vestibulaire (acouphènes, vertiges) doivent imposer l’arrêt du traitement par aminosides, pour éviter la surdité. C’est la raison pour laquelle l’injection de gentamicine n’a pas été pratiquée ce matin. Joint par l’infirmière, le médecin a jugé préférable de faire hospitaliser madame D. afin de revoir la stratégie thérapeutique de la pyélonéphrite en fonction de l’antibiogramme, mais aussi de rechercher par un audiogramme une atteinte cochléaire et d’évaluer la fonction rénale (les aminosides étant également néphrotoxiques).

ATTITUDE À ADOPTER

Après avoir écouté M D. avec empathie, la pharmacienne lui explique les raisons pour lesquelles la gentamicine n’a pas été injectée ce matin. La pharmacienne prend également soin de le rassurer : la pyélonéphrite est désormais traitée en milieu hospitalier, sous surveillance étroite. Par ailleurs, elle note l’incident dans l’historique de Mme D. : un traitement ultérieur par aminosides sera en effet, dans la mesure du possible, à éviter, l’ototoxicité étant dose-dépendante et cumulative.

CAS N° 5 – EFFETS INDÉSIRABLES

« Puis-je donner de l’Imodium à Lucas ? »

Il y a trois jours, au sortir d’une consultation chez le pédiatre qui avait diagnostiqué une otite gauche chez son fils Lucas, 22 kg, âgé de 5 ans, Mme T. était venue avec une ordonnance d’amoxicilline + acide clavulanique 500/62,5 (1 sachet 3 fois/jour pendant 8 jours) et Doliprane 300 mg (1 sachet toutes les 6 heures si fièvre ou douleur). Aujourd’hui, la pharmacienne reçoit un appel téléphonique de Mme T. lui faisant part d’importantes diarrhées qui incommodent Lucas. Elle voudrait savoir si elle peut lui donner Imodium en suspension buvable, dont elle dispose dans son armoire à pharmacie.

Est-ce une bonne idée ?

Non ! Le lopéramide ne doit pas être utilisé en cas de diarrhées survenant au cours d’un traitement antibiotique à large spectre.

ANALYSE DU CAS

• Les antibiotiques sont susceptibles de provoquer des diarrhées par déséquilibre de la flore intestinale. Le plus souvent bénignes, ces diarrhées peuvent (bien que très rarement) se compliquer d’une prolifération de Clostridium difficile, bacille anaérobie Gram positif qui sécrète des toxines à l’origine de colites pseudo-membraneuses. Ces colites, survenant pendant le traitement antibiotique ou jusqu’à 6 semaines après, se manifestent par des diarrhées verdâtres, éventuellement hémorragiques, avec émission de fausses membranes, ainsi que par de la fièvre et une altération de l’état général.

• Les antibiotiques les plus impliqués dans la survenue de colites pseudo-membraneuses sont ceux à large spectre (lincomycine, clindamycine, amoxicilline et céphalosporines…). Des cas sont également rapportés sous fluoroquinolones et cotrimoxazole. Certains autres médicaments favorisent la sélection de Clostridium difficile. Il s’agit des médicaments ralentisseurs du transit, responsables d’une stase fécale, et des inhibiteurs de la pompe à protons, qui diminuent l’acidité du suc gastrique et permettent le développement de bactéries pathogènes.

ATTITUDE À ADOPTER

• Après avoir conversé avec madame T. et s’être assurée que Lucas ne présentait pas de fièvre et de sang dans ses selles, la pharmacienne déconseille formellement l’administration d’Imodium pour stopper les diarrhées de Lucas. Elle préconise l’utilisation de levures (type Lactéol ou Ultra-levure), en expliquant à madame T. qu’elles permettent de corriger le déséquilibre de la flore intestinale induit par l’antibiothérapie, et en lui précisant qu’elles sont disponibles sans ordonnance. Si cela s’avérait insuffisant pour soulager les diarrhées de Lucas, un pansement intestinal (type Smecta) pourrait aussi être conseillé, en veillant à respecter un intervalle de 2 heures avec les autres médicaments.

• La pharmacienne rappelle également à la jeune maman les conseils hygiénodiététiques de base à respecter en cas de diarrhées.

• Enfin, elle prévient madame T. qu’au cas où Lucas présenterait une diarrhée glaireuse et fébrile dans les jours qui viennent et/ou quand le traitement antibiotique sera fini, il faudrait impérativement consulter un médecin.

CAS N° 6 – EFFETS INDÉSIRABLES

Une cystite qui tombe mal !

Patricia, 32 ans, qui a une cystite, présente une ordonnance de norfloxacine 400 mg 1 cp 2 fois/jour pendant 3 jours. Elle confie à la préparatrice que cela tombe mal car elle part le lendemain à la Martinique et craint que ses vacances ne soient gâchées.

Les vacances de Patricia sont-elles compromises ?

Non, mais en regard de son traitement par fluoroquinolones, il sera important de prendre certaines précautions.

ANALYSE DU CAS

A l’instar des cyclines et des sulfamides, les fluoroquinolones sont des molécules photosensibilisantes qui, suite à l’exposition aux rayons ultraviolets (solaires ou artificiels), sont susceptibles de déclencher une photodermatose. Celle-ci se manifeste le plus souvent par un érythème douloureux – limité aux zones exposées – apparaissant dans les heures qui suivent l’exposition ou par des lésions eczématiformes – liées à une photoallergie – qui peuvent parfois s’étendre au-delà des zones découvertes et qui surviennent plusieurs jours après l’exposition.

ATTITUDE À ADOPTER

La préparatrice rassure Patricia sur l’évolution de sa cystite : le traitement antibiotique devrait permettre une amélioration rapide des symptômes. En revanche, la persistance des signes cliniques à l’issue du traitement doit la mener à consulter un médecin et à faire pratiquer un ECBU. La préparatrice insiste sur le risque de photosensibilisation et conseille à Patricia d’éviter l’exposition au soleil pendant son séjour (port d’une casquette et de vêtements couvrants). De plus, elle lui explique qu’en cas de douleurs au tendon d’Achille, elle devra consulter un médecin.

CAS N° 7 – EFFETS INDÉSIRABLES

Monsieur B. est encore malade

Il y a 10 jours, monsieur B., 56 ans, avait développé une infection de la prostate qui a nécessité, après un premier traitement par ceftriaxone injectable, un relais oral par cotrimoxazole 800/160 à raison de 3 cp/j pendant 2 semaines. Aujourd’hui, Mme B. dépose sur le comptoir une boîte de paracétamol 500 et des pastilles pour la gorge à base de tétracaïne. Elle explique au pharmacien que ces médicaments sont destinés à son mari, qui n’a aucune envie de retourner chez le médecin.

M. B. peut-il se dispenser d’une consultation ?

Non ! Une angine accompagnée de fièvre peut signer une leucopénie due au cotrimoxazole.

ANALYSE DU CAS

Les sulfamides peuvent induire des troubles hématologiques (thrombopénie, neutropénie, agranulocytose, aplasie médullaire, anémie hémolytique) relevant d’un mécanisme immunoallergique. Chez le sujet âgé ou carencé en acide folique, ces troubles sont plus fréquents et relèvent d’un mécanisme myélotoxique dose- et durée-dépendant par interférence avec le métabolisme de l’acide folique.

ATTITUDE À ADOPTER

Même si monsieur B. n’est pas à proprement parler un patient à risque, la durée et la dose de son traitement par sulfamides peuvent faire craindre une hématotoxicité. Le pharmacien déconseille formellement à monsieur B. l’automédication et lui préconise de consulter impérativement son médecin. Il téléphone lui-même à ce dernier pour discuter du problème et obtenir rapidement un rendez-vous. Le médecin décide de faire pratiquer une NFS (numération-formule sanguine) en urgence. Si une neutropénie était confirmée, elle imposerait l’arrêt immédiat et définitif du cotrimoxazole.

PHARMACOLOGIE

L’ANTIBIOTHéRAPIE

Du bon usage des antibiotiques

• Elaborés par des micro-organismes, ou obtenus par voie de synthèse, les antibiotiques sont des substances capables de tuer (effet bactéricide) ou d’inhiber le développement des bactéries (effet bactériostatique). Ils sont inactifs sur les virus. Les bêtalactamines, les fluoroquinolones, les aminosides et les nitro-imidazolés sont considérés comme bactéricides. Les macrolides et leurs apparentés, les cyclines et le cotrimoxazole sont considérés comme bactériostatiques.

• L’antibiothérapie doit tenir compte de certains critères conditionnant le choix de la molécule, comme :

– le diagnostic clinique de l’infection et éventuellement l’identification bactériologique du germe causal, suivie d’un antibiogramme ;

– les caractéristiques pharmacocinétiques de l’antibiotique (biodisponibilité conditionnant la voie d’administration, distribution et capacité à diffuser dans certains organes, mode d’élimination pouvant justifier des adaptations posologiques chez les insuffisants rénaux).

• La durée du traitement dépend de l’infection traitée. Il est nécessaire de respecter les posologies et de bien conduire le traitement à terme (même si le patient se sent mieux) pour éviter non seulement les rechutes, mais également l’émergence de résistances.

• Une antibiothérapie ne doit en aucun cas faire l’objet d’une automédication et nécessite une surveillance du traitement en termes d’efficacité (qui s’apprécie cliniquement au bout de 48 à 72 heures) et de tolérance.

PRINCIPAUX ANTIBIOTIQUES

Les aminosides

• Les aminosides provenant – ou copiés à partir – des souches d’Actinomyces ont une DCI se terminant en -micine, ceux provenant de Streptomyces en –mycine, et ils ne doivent pas être confondus avec des macrolides.

• Leur biodisponibilité après administration orale est très faible, justifiant ultérieurement une voie injectable ou locale.

• Les aminosides sont utilisés dans le traitement d’infections urinaires sévères, de septicémies ou d’endocardites.

Principaux effets indésirables

• Néphrotoxicité, par atteintes des tubules proximaux, pouvant mener à une insuffisance rénale aiguë.

• Ototoxicité avec atteinte vestibulaire (vertiges, troubles de l’équilibre) réversible, précédent une atteinte cochléaire irréversible et provoquant une baisse de l’audition.

• Atteintes motrices par effet curarisant.

Principales interactions

Le risque d’effets indésirables est majoré par l’association à d’autres néphrotoxiques ou ototoxiques (amphotéricine B intraveineuse, ciclosporine, cisplatine) et aux diurétiques.

Les bêtalactamines

Il s’agit des pénicillines et des céphalosporines (identifiées respectivement par le suffixe –cilline et le préfixe cef– de leur DCI).

• Les pénicillines du groupe G (benzylpénicilline) sont indiquées dans la prophylaxie de rechutes du rhumatisme articulaire aigu et le traitement de la syphilis. Les pénicillines V (phénoxyméthylpénicilline) sont essentiellement utilisées dans les infections à streptocoques (prophylaxie de l’érysipèle, des rechutes du RAA, de la scarlatine). Les pénicillines du groupe M (oxacilline, cloxacilline) sont indiquées dans les infections ostéoarticulaires, pulmonaires et rénales à staphylocoques. Les pénicillines du groupe A (amoxicilline) sont utilisées dans les infections ORL, bronchopulmonaires et urogénitales.

• Les céphalosporines de 1re génération (C1G) sont utilisées dans le traitement d’infections ORL, respiratoires ou urinaires. Les C2G et C3G sont utilisées pour traiter des infections ORL, bronchopulmonaires ou urinaires.

Principaux effets indésirables

• Manifestations allergiques : urticaire, œdème de Quincke, choc anaphylactique.

• Syndromes d’hypersensibilité cutanée (type Lyell ou Stevens-Johnson) associés à des signes viscéraux (DRESS).

• Troubles gastro-intestinaux (nausées, diarrhées voire colite pseudo-membraneuse), plus fréquents avec les céphalosporines et lorsque l’amoxicilline est associée à l’acide clavulanique.

• Troubles de l’hémostase (certaines céphalosporines).

Principales interactions

• Les pénicillines majorent la toxicité hématologique du méthotrexate par diminution de son élimination urinaire (association déconseillée).

• Le risque de réactions cutanées sous amoxicilline est accru si le patient est traité par l’allopurinol (interaction à prendre en compte).

Les cyclines

Les cyclines sont indiquées dans le traitement d’infections urogénitales, ORL, pulmonaires ou dermatologiques, comme l’acné. La doxycycline est également indiquée dans la chimioprophylaxie du paludisme.

Principaux effets indésirables

• Photosensibilisation, œsophagites.

• Dépôts dentaires qui fragilisent l’émail et peuvent provoquer une dyschromie chez l’enfant.

Principales interactions

• L’association cyclines-rétinoïdes est contre-indiquée (risque d’hypertension intracrânienne).

• Les sels de Fe, Ca, Zn diminuent l’absorption intestinale des cyclines.

• La doxycycline est inactivée par les anticonvulsivants inducteurs enzymatiques.

Les (fluoro)quinolones

Spectre d’activité et indications

Si les quinolones de 1re génération sont utilisées dans le traitement d’infections urinaires basses non compliquées, elles ne sont toutefois plus recommandées du fait de résistances importantes. Les quinolones de 2e génération ou fluoroquinolones (identifiées par leur DCI en –oxacine) sont indiquées dans les infections urinaires basses et hautes, ORL, ostéoarticulaires et bronchiques. A noter l’émergence inquiétante de souches de E. coli résistantes aux fluoroquinolones.

Principaux effets indésirables

• Photosensibilisation.

• Arthropathies et tendinites (voire rupture du tendon d’Achille), imposant l’arrêt du traitement.

• Troubles psychiatriques, baisse du seuil épileptogène.

• La moxifloxacine et la ciprofloxacine peuvent allonger l’intervalle QT sur l’ECG, avec un risque d’arythmie.

Principales interactions

• Les fluoroquinolones interagissent avec les cations métalliques (sels de Fe, Zn, Mg, Ca) qui diminuent leur absorption digestive.

• L’énoxacine est contre-indiquée en association avec la théophylline et déconseillée avec la caféine, dont elle diminue le métabolisme.

• La moxifloxacine et la ciprofloxacine interagissent avec les médicaments hypokaliémiants et torsadogènes.

Les macrolides et apparentés

Identifiés par leur DCI en –mycine, les macrolides sont utilisés dans le traitement d’infections ORL (en 2eintention en cas d’allergie aux bêtalactamines), respiratoires, cutanées et génitales. La clarithromycine est indiquée dans l’éradication de Helicobacter pylori.

Principaux effets indésirables

• Hormis de fréquents troubles digestifs et un risque d’atteintes hépatiques réversibles, les macrolides font partie des antibiotiques les mieux tolérés.

• Toutefois, l’érythromycine IV et l’azithromycine peuvent allonger l’espace QT.

• La télithromycine peut aggraver une myasthénie et provoquer des troubles du SNC (étourdissements, vertiges, pertes de connaissance) ainsi que des troubles visuels avec diplopie, déconseillant la conduite automobile et justifiant une administration au coucher.

Principales interactions

A l’exception de la spiramycine, les macrolides sont inhibiteurs enzymatiques et interfèrent sur le métabolisme de nombreux médicaments (dérivés ergotés, statines et colchicine, entre autres).

Les nitro-imidazolés

Le métronidazole possède des propriétés antiparasitaires et est indiqué dans les trichomonases et les giardiases. Il est aussi utilisé pour traiter des infections dentaires et la colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile.

Principaux effets indésirables

• Effet antabuse.

• Nausées, diarrhées, glossite et dysgueusie.

• Coloration brune des urines.

Principales interactions

• L’association du métronidazole au disulfirame est déconseillée (risque de bouffées délirantes).

• Le métronidazole diminue le métabolisme des AVK (association nécessitant de renforcer les contrôles d’INR).

Les sulfamides

Les sulfamides, identifiés par le préfixe –sulfa de leur DCI, sont indiqués, entre autres, dans le traitement d’otites, d’infections respiratoires, urinaires basses et hautes, et celui de la pneumocystose (ils connaissent actuellement de nombreuses résistances).

Principaux effets indésirables

• Troubles digestifs : nausées, vomissements, diarrhées.

• Manifestations cutanées : photosensibilisation, rash cutané, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson. Le risque d’allergie est croisé avec les sulfamides hypoglycémiants.

• Hématotoxicité : leuconeutropénie et thrombopénie.

• Atteintes rénales du fait d’une cristallurie, nécessitant une bonne hydratation pendant le traitement.

• Le cotrimoxazole passe dans le lait maternel et peut provoquer une carence en acide folique chez le nourrisson (allaitement contre-indiqué chez le nourrisson de moins de un mois).

Principales interactions

• Les sulfamides sont des médicaments à forte affinité pour les protéines plasmatiques, susceptibles de déplacer les AVK (risque hémorragique), le chlorpropamide et le tolbutamide (risque d’hypoglycémie) de leurs liaisons à l’albumine.

• L’association du cotrimoxazole (sulfaméthoxazole + triméthoprime) au méthotrexate est contre-indiquée en raison d’un risque d’augmentation de la toxicité hématologique du méthotrexate par diminution de son élimination rénale, et addition d’effets inhibiteurs sur la synthèse d’acide folique.

CAS N° 8 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Comment traiter l’angine de M. P. ?

Monsieur P. s’est vu prescrire clarithromycine 500 LP (1 cp/j qsp 5 jours) et paracétamol 1 g pour une angine. En consultant le DP de ce patient qu’il ne connaît pas, le pharmacien découvre qu’une autre pharmacie lui délivre régulièrement de la simvastatine 20 mg. Cet historique le préoccupe.

Qu’est-ce qui préoccupe le pharmacien ?

Une interaction entre l’hypocholestérolémiant et l’antibiotique.

ANALYSE DU CAS

Tous les macrolides, à l’exception de la spiramycine, sont inhibiteurs de CYP 3A4. Ils diminuent le métabolisme hépatique de nombreux autres médicaments (colchicine, dérivés ergotés, mizolastine, statines…), potentialisant leur effet et majorant leurs effets indésirables. Le niveau de risque diffère selon le macrolide. Ainsi, l’association de la clarithromycine à la simvastatine est contre-indiquée du fait d’un risque accru de rhabdomyolyse ; celle de l’azithromycine à la simvastatine est classée en « précaution d’emploi ». En revanche, la josamycine n’interagit pas avec la simvastatine.

ATTITUDE À ADOPTER

Interrogé, M. P. avoue avoir omis de parler au médecin de son traitement contre le cholestérol. En revanche, il lui a bien précisé qu’il était allergique à la pénicilline. En cas de contre-indications aux bêtalactamines, la clarithromycine, la josamycine ou l’azithromycine sont recommandées pour traiter une angine à streptocoque. Par téléphone, le pharmacien propose au médecin de remplacer la clarithromycine par de la josamycine. Cependant, ce dernier maintient sa prescription de clarithromycine en précisant que compte tenu de sa demi-vie, la simvastatine doit être arrêtée jusqu’à trois jours après l’antibiothérapie.

CAS N° 9 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Marie-Gabrielle est anémiée

Marie-Gabrielle, étudiante d’une vingtaine d’années, sort d’une consultation gynécologique avec une ordonnance mentionnant Yaz (éthinylestradiol, drospirénone) 1 cp/j qsp 6 mois et Tardyferon 80, 1 cp/j pendant 4 mois, traitement à l’issue duquel la NFS et le taux de fer sérique seront contrôlés. Marie-Gabrielle présente aussi une ordonnance de doxycycline 100 (1 cp/j pendant 3 mois) qui lui a été prescrite la veille par un dermatologue pour traiter son acné.

Ces deux ordonnances sont-elles compatibles ?

Il y a une interaction entre Tardyferon et doxycycline. Néanmoins, ils pourront être délivrés en aménageant un plan de prise cohérent.

ANALYSE DU CAS

Les sels de fer (mais aussi de calcium ou de zinc) forment avec les cyclines un complexe difficilement absorbable au niveau intestinal. L’association de Tardyferon à la doxycycline expose donc au risque de diminuer la biodisponibilité et l’efficacité du traitement antibiotique. Cette interaction est classée en « association nécessitant des précautions d’emploi » : il convient de respecter un délai d’au moins 2?heures entre la prise des sels de fer et celle des cyclines.

ATTITUDE À ADOPTER

Les deux ordonnances peuvent être délivrées en prenant soin d’expliquer à Marie-Gabrielle que Tardyferon peut diminuer l’efficacité de son traitement antiacnéique. La doxycycline pouvant être responsable d’épigastralgies, d’œsophagites ou d’ulcérations œsophagiennes, il est conseillé de l’administrer au cours d’un repas avec un grand verre d’eau, et au moins 1 heure avant le coucher. On peut donc suggérer à Marie-Gabrielle de prendre la doxycycline le matin et Tardyferon le soir.

CAS N° 10 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Pas de Prontalgine pour Mme V. !

Ce samedi matin, M. V. tend à Axel, étudiant en pharmacie, une ordonnance d’Enoxor (énoxacine) destinée à son épouse : 400 mg/j en 1 prise pendant 5 jours. M. V. demande également une boîte de Prontalgine. Quand Axel fait contrôler sa dispensation par le pharmacien, celui-ci tique sur la boîte de Prontalgine.

Pourquoi Prontalgine retient-elle l’attention du pharmacien ?

Le pharmacien se demande à qui est destiné cet antalgique.

ANALYSE DU CAS

• Prontalgine est une association de paracétamol, de codéine et de caféine. Or, l’énoxacine est un inhibiteur de l’isoforme 1A2 des cytochromes P450, impliqué dans le métabolisme hépatique de la caféine. De ce fait, l’association de l’énoxacine à la caféine est déconseillée en raison d’un risque d’augmentation importante des concentrations plasmatiques de caféine, pouvant être responsable d’excitation voire d’hallucinations.

• Cette particularité pharmacocinétique de l’énoxacine explique également qu’elle interagisse avec la théophylline, médicament à marge thérapeutique étroite, métabolisée aussi par le CYP1A2 (association contre-indiquée exposant à un risque de convulsions par surdosage en théophylline).

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien demande à M. V. à qui est destiné l’antalgique. M. V. précise que c’est pour sa femme qui a l’habitude de prendre Prontalgine lors de maux de tête, ce qui est le cas aujourd’hui. Le pharmacien déconseille alors l’achat de Prontalgine, en expliquant à M. V. que l’antibiotique qui a été prescrit à son épouse interagit avec la caféine contenue dans cet antalgique. Il préconise l’utilisation de paracétamolpour soulager les céphalées de Mme V.

CAS N° 11 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

« Faut-il continuer Tétralysal ? »

Depuis 3 mois, Clémence S., 18 ans, est traitée pour ses problèmes d’acné par Tétralysal 300 mg (lymécycline), prescrit par son médecin traitant à raison de 1 cp/j pour une durée de 4 mois. Ce traitement s’avérant inefficace, la mère de Clémence présente une ordonnance datée de l’avant-veille prescrite par un dermatologue mentionnant : isotrétinoïne qsp 30 mg/j pendant un mois. Mme S., qui n’a pas assisté à la consultation, se demande si sa fille doit continuer à prendre aussi Tétralysal.

Que lui répondre ?

Les deux traitements ne doivent en aucun cas être associés ! Le nouveau traitement prescrit par le dermatologue remplace le traitement du généraliste, qui doit impérativement être arrêté.

ANALYSE DU CAS

Les rétinoïdes, comme les cyclines, peuvent provoquer des troubles du système nerveux se manifestant en particulier par des signes d’hypertension intracrânienne (céphalées, nausées, vomissements, troubles visuels). C’est pourquoi, l’association d’un rétinoïde à une cycline est contre-indiquée car elle expose à un risque majoré de ces symptômes par addition d’effets indésirables de même nature.

ATTITUDE À ADOPTER

Après avoir contrôlé la date de l’ordonnance et vérifié que les mentions légales obligatoires figuraient bien dans le carnet de surveillance, présenté conjointement à l’ordonnance par Mme S., la pharmacienne délivre l’isotrétinoïne. Elle prend soin d’expliquer que l’association de ces deux médicaments est dangereuse. Elle incite Mme S. à rapporter à la pharmacie les comprimés restants de Tétralysal pour éviter toute erreur. La pharmacienne lui précise que ce nouveau traitement ne sera efficace qu’après un délai de 6 à 8 semaines, et donne des conseils pour bien hydrater la peau et les lèvres de Clémence.

CAS N° 12 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Madame H. est sous citalopram

Mme H., 40 ans, présente à Odile, la préparatrice, une ordonnance d’Izilox 400 mg (moxifloxacine) 1 cp/j pendant 7 jours, prescrite par son médecin pour traiter une sinusite bactérienne sévère qui a résisté à un premier traitement par amoxicilline-acide clavulanique. Quand Odile enregistre la dispensation sur l’informatique, le logiciel signale une contre-indication avec le citalopram, prescrit depuis quelques mois à Mme H. par ce même médecin. Elle demande conseil au pharmacien.

Odile peut-elle délivrer la moxifloxacine ?

Avant de prendre une décision, il s’agit de vérifier le niveau de l’interaction et les risques encourus par la patiente.

ANALYSE DU CAS

La moxifloxacine est une fluoroquinolone qui peut allonger l’espace QT sur l’ECG de certains patients. Cet effet indésirable, dose-dépendant et fréquent (entre 1 et 10%), est un facteur de risque d’arythmie ventriculaire, et notamment de torsades de pointes, en particulier chez les patients âgés et chez les femmes – qui, ayant à l’état basal un intervalle QT plus long que les hommes, sont plus sensibles à l’action de la moxifloxacine. Du fait de cet effet indésirable, la moxifloxacine est susceptible d’interagir avec d’autres médicaments torsadogènes tels que le citalopram, par addition d’effets indésirables de même nature.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien et Odile consultent dans un premier temps le dictionnaire Vidal. Le RCP de Seropram ne mentionne pas l’interaction avec la moxifloxacine. Le RCP d’Izilox, mentionne de nombreuses interactions (avec les antiarythmiques, les neuroleptiques, les anti-H1 torsadogènes, l’halofantrine, la pentamidine, l’érythromycine IV et les antidépresseurs tricycliques, entre autres), mais pas avec le citalopram. Le pharmacien consulte alors le paragraphe « Médicaments susceptibles de donner des torsades de pointe » du « Thésaurus » de l’ANSM. Il y est mentionné : « L’utilisation d’un médicament torsadogène avec un autre médicament torsadogène est contre-indiquée en règle générale », mais l’interaction citalopram/médicaments susceptibles de donner des torsades de pointes est classée en « association déconseillée ». La banque de données « Thériaque » classe, quant à elle, l’interaction moxifloxacine/citalopram en « association contre-indiquée ».

• La situation est délicate du fait de la divergence des données ! Le pharmacien téléphone au médecin pour s’entretenir avec lui du risque torsadogène lié à la moxifloxacine, et évoquer la possibilité que ce risque soit majoré chez cette patiente traitée par citalopram. Le médecin avoue n’avoir consulté que le dictionnaire Vidal avant de prescrire la moxifloxacine. Mais les données du « Thésaurus » de l’ANSM et du « Thériaque » l’incitent à modifier sa prescription au profit de pristinamycine 500 mg (2 cp 3 fois/j pendant 4 jours).

CAS N° 13 – CONTRE-INDICATIONS

Isabelle souhaite un test de grossesse

Isabelle, 28 ans, est une habituée de l’officine. Elle souffre de cystites récidivantes. Aujourd’hui, elle vient chercher une boîte d’ofloxacine 200 avec une ordonnance datant du mois de septembre dernier, qui mentionne : Monoflocet 200 (ofloxacine) 2 cp en 1 prise, 1 boîte à renouveler si récidive, et une boîte de bandelettes Uritest 2. Elle explique à la pharmacienne qu’elle a des brûlures mictionnelles et que les bandelettes ont révélé la présence de leucocytes et de nitrites dans ses urines. Isabelle souhaite également acheter un test de grossesse car elle a un retard de règles de 5 jours.

L’antibiothérapie est-elle compatible avec une grossesse ?

Ce traitement ne semble pas approprié pour la pharmacienne, pour deux raisons. Premièrement, une infection urinaire survenant chez une femme enceinte doit être considérée comme une cystite compliquée, et les traitements monodoses ne sont pas adaptés à cette prise en charge en raison de preuves insuffisantes de leur efficacité en cours de grossesse. Deuxièmement, par mesure de précaution, un traitement par fluoroquinolones ne doit pas être administré à une femme enceinte.

Analyse du cas

• Bien que les études effectuées chez l’animal n’aient pas mis en évidence d’effet tératogène, et qu’à ce jour aucun cas d’arthropathie secondaire à une exposition in utero n’ait été rapporté (CRAT), il est en effet préférable, d’après le RCP de Monoflocet, de ne pas utiliser de quinolones pendant la grossesse, des atteintes des cartilages articulaires ayant été décrites chez des enfants traités par quinolones.

• Par ailleurs, une prescription répétée de fluoroquinolones doit retenir l’attention d’un pharmacien. En effet, selon le rapport de juillet 2012 de l’ANSM, si la consommation de la plupart des classes d’antibiotiques a globalement diminué en France en 10 ans, la consommation de quinolones a, en revanche, progressé. Alors que, parallèlement, on constate une augmentation inquiétante des résistances à ces médicaments (en 2010, 15 % des souches de E. coli étaient résistantes aux fluoroquinolones). Les recommandations visent donc à restreindre la prescription de fluoroquinolones en première intention, notamment lorsque le patient en a déjà reçu dans les 6 mois précédents. Or, 4 mois auparavant, Isabelle avait déjà suivi un traitement monodose d’ofloxacine. Il convient donc dans, tous les cas – qu’Isabelle soit enceinte ou non –, de faire réévaluer la prescription par le médecin.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne délivre le test de grossesse mais pas le renouvellement de la quinolone, en expliquant à Isabelle que cet antibiotique est à éviter en cas de grossesse. Une consultation médicale est indispensable afin de déterminer l’antibiothérapie la mieux adaptée.

CAS N° 14 – PROFILS PARTICULIERS

« Pourquoi dois-je faire autant d’INR ? »

M. J., 75 ans, est traité depuis plusieurs années par Sintrom (acénocoumarol) dans le cadre d’une fibrillation auriculaire. Il sort aujourd’hui d’une consultation ORL pour une sinusite. La prescription comporte Texodil 200 (céfotiam hexétil) 1 cp matin et soir qsp 5 jours, et du paracétamol 500. Le spécialiste a demandé à M. J. de faire un contrôle d’INR dans 48 heures et un autre à l’issue du traitement antibiotique.

Pourquoi M. J. doit-il faire des INR aussi rapprochés ?

En raison d’une potentielle interaction entre le céfotiam et l’AVK.

ANALYSE DU CAS

• De nombreux cas d’augmentation de l’activité des AVK ont été rapportés chez les patients traités par antibiotiques. Dans un contexte infectieux, il est certes difficile d’attribuer un déséquilibre d’INR à une cause iatrogène, puisqu’une pathologie intercurrente peut en elle-même le déséquilibrer, surtout chez un patient âgé.

• Toutefois, certains antibiotiques sont connus pour potentialiser l’action des AVK : ceux diminuant leur métabolisme (métronidazole, macrolides), les sulfamides, en particulier le cotrimoxazole, qui augmentent les fractions libres d’AVK par déplacement de liaison à l’albumine, les cyclines et les fluoroquinolones (vraisemblablement par modification de l’absorption des AVK, liée au déséquilibre de la flore intestinale), mais aussi certaines céphalosporines qui peuvent provoquer une hypoprothrombinémie (par inhibition de la vitamine K-réductase) et des troubles de l’hémostase.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à M. J. que le céfotiam peut interagir avec son traitement anticoagulant. C’est pourquoi une surveillance biologique rigoureuse est nécessaire. Toute élévation au-delà de l’intervalle cible devra être signalée au médecin traitant, car elle traduit un risque hémorragique.

CAS N° 15 – PROFILS PARTICULIERS

Azad a un furoncle

Mme G. présente une ordonnance du pédiatre pour son fils Azad, âgé de 8 ans, mentionnant : Pyostacine 500 mg (pristinamycine) 1 cp 3 fois/j qsp 5 jours et Fucidine crème 1 application le soir. Elle explique qu’Azad a un vilain furoncle. Après lecture du DP, la pharmacienne décide de consulter le « Vidal ».

Pourquoi la pharmacienne est-elle dubitative ?

La pharmacienne sait que le jeune Azad est suivi à l’hôpital pour une maladie périodique* traitée par Colchicine Opocalcium (1 cp le soir). Elle suspecte une interaction entre la pristinamycine et la colchicine.

ANALYSE DU CAS

A l’instar des macrolides, leurs apparentés (lincosamides, synergistines et kétolides) sont également inhibiteurs de cytochromes P 450. Les synergistines sont ainsi impliquées dans bon nombre d’interactions : la pristinamycine interagit en particulier avec la colchicine dont elle majore les effets indésirables digestifs, neuromyopathiques et hématologiques. La consultation du RCP de Colchicine Opocalcium et du « Thésaurus » de l’ANSM, confirme les soupçons de la pharmacienne : l’association de la pristinamycine à la colchicine est contre-indiquée car potentiellement létale.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne contacte le pédiatre afin de lui rappeler le traitement par colchicine prescrit à Azad en milieu hospitalier et lui faire part du risque d’augmentation de ses effets indésirables par la pristinamycine. Le pédiatre décide alors de remplacer la pristinamycine par de l’acide fusidique.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un traitement antibiotique

Le patient a-t-il déjà reçu l’antibiotique prescrit et l’a-t-il bien toléré ?

• Recherche d’antécédent d’allergie, en particulier aux bêtalactamines et aux sulfamides.

• Recherche d’antécédent de tendinopathie sous quinolones.

Le patient présente-t-il un profil physiopathologique particulier ?

• Enfants : les fluoroquinolones sont contre-indiquées ainsi que les cyclines (enfant < 8 ans).

• Femmes enceintes : les cyclines sont contre-indiquées aux 2e et 3e trimestres de la grossesse.

• Femmes allaitantes : la pristinamycine est contre-indiquée pendant l’allaitement. Les quinolones sont également contre-indiquées ainsi que le cotrimoxazole (si nourrisson < 1 mois).

• Patients traités par AVK : les antibiotiques majorent l’effet des AVK et imposent de renforcer les contrôles d’INR pendant l’antibiothérapie et après son arrêt.

• Patients traités par allopurinol : risque majoré d’éruption avec l’amoxicilline.

Y a-t-il des interactions ?

• L’amoxicilline et le cotrimoxazole interagissent avec le méthotrexate (associations déconseillées et contre-indiquées).

• Les cyclines sont contre-indiquées avec les rétinoïdes.

• Certaines fluoroquinolones allongent l’espace QT et interagissent avec les médicaments hypokaliémiants, bradycardisants et torsadogènes.

• L’énoxacine interagit avec la caféine (association déconseillée) et la théophylline (association contre-indiquée).

• Les macrolides (sauf la spiramycine) sont inhibiteurs enzymatiques et sont impliqués dans de nombreuses interactions.

• Les sels de fer et de calcium diminuent la biodisponibilité des cyclines et des quinolones (respecter un intervalle de 2 heures entre les deux administrations).

Quels conseils donner aux patients ?

• Etre bien observant et conduire le traitement à son terme pour éviter les rechutes et l’émergence de résistances acquises.

• Signaler au médecin la survenue d’éruption cutanée, de diarrhées persistantes, de tendinites (sous quinolones), d’acouphènes et de vertiges (sous aminosides).

• Ne pas stopper une diarrhée due à un antibiotique par un ralentisseur du transit.

• Limiter la pratique sportive sous quinolones.

• Ne pas s’exposer au soleil sous cyclines, quinolones et sulfamides.

• Ne pas consommer d’alcool sous métronidazole.

• Déconseiller la conduite automobile sous télithromycine.

À RETENIR

Les bêtalactamines sont les antibiotiques les plus fréquemment impliqués dans la survenue de manifestations allergiques. Mais la survenue de réactions cutanées, parfois graves, sous amoxicilline peut également être majorée par un contexte infectieux ou une interaction avec l’allopurinol.

L’allergie aux bêtalactamines

• Prévalence : selon une publication de l’Afssaps datant de 2005, l’allergie aux bêtalactamines (pénicilline et céphalosporines) est surestimée avec plus de 80 % des patients la signalant sans être véritablement allergique. Elle n’en reste pas moins potentiellement fatale et doit donc être diagnostiquée, d’autant que les bêtalactamines représentent près des deux tiers des antibiotiques consommés actuellement en ville.

• Diagnostic : les signes en faveur d’une allergie aux pénicillines IgE-dépendante sont : un antécédent de prise de la même molécule sans problème, une réaction immédiate (dans l’heure suivant l’instauration du traitement) et des signes d’anaphylaxie avec urticaire et/ou angio-œdème. Le diagnostic peut être confirmé par des tests allergologiques cutanés ou « prick tests », lesquels sont recommandés en cas de réaction immédiate et/ou anaphylactique.

• Allergie croisée : le risque d’allergie croisée entre pénicillines et céphalosporines est de 1 à 10 %, et moins important avec les C2G et C3G qu’avec les C1G (voir page 10). Ainsi, en cas d’allergie bénigne à la pénicilline, les C2G ou C3G ne sont pas contre-indiquées. En revanche, la réalisation de prick tests positifs à la pénicilline ou des antécédents d’allergie sévère à la pénicilline contre-indiquent l’utilisation des céphalosporines.

À RETENIR

Les bêtalactamines favorisent la survenue de mycoses buccales ou vaginales. La survenue chez un nourrisson, d’un érythème fessier important peut être une mycose.

À RETENIR

Les fluoroquinolones peuvent être responsables de troubles arthrotendineux sévères imposant l’arrêt du traitement et contre-indiquant leur utilisation ultérieure.

ATTENTION

Les aminosides sont néphro- et ototoxiques. Tout signe d’une atteinte vestibulaire (acouphènes, vertiges, ataxie) doit alerter le pharmacien et mener à une réévaluation du traitement.

Attention aux aminosides locaux !

• Avant toute prescription de gouttes auriculaires contenant des aminosides, il faut s’assurer de l’intégrité tympanique. En effet, en cas de perforation tympanique, les aminosides peuvent être en contact avec les structures de l’oreille moyenne et interne et provoquer des effets ototoxiques vestibulaires ou cochléaires (troubles de l’équilibre, surdité) irréversibles.

• Ainsi, les spécialités locales à base d’aminosides telles que la néomycine (Antibio-Synalar, Panotile, Polydexa) ou la framycétine (Framyxone) sont contre-indiquées chez les patients ayant une otite à tympan ouvert et chez ceux porteurs de tubes transtympaniques.

• Les gouttes auriculaires antibiotiques indiquées en cas d’otorrhées purulentes sur otite chronique à tympan ouvert ou sur aérateurs transtympaniques sont celles contenant de l’ofloxacine (Oflocet) ou de la rifamycine (Otofa).

À RETENIR

Afin d’éviter une colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile , les ralentisseurs du transit ne doivent pas être utilisés pour stopper des diarrhées liées à une antibiothérapie à large spectre.

Prise en charge d’une colite à Clostridium difficile

• Diagnostic : certains signes cliniques sont évocateurs d’une colite pseudo-membraneuse (diarrhées verdâtres d’allure dysentérique, parfois mucosanglantes, douleurs abdominales, fièvre, altération de l’état général). Les analyses biologiques révèlent une hyperleucocytose, une VS et une CRP élevées ainsi qu’une hypoalbuminémie. Le diagnostic est confirmé par coloscopie et recherche des toxines A et B de Clostridium difficile dans les selles.

• Pronostic : une colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile peut évoluer vers un choc septique (létalité dans 10 à 30 % des cas).

• Traitement : la prise en charge repose sur l’arrêt immédiat de l’antibiotique responsable et la correction de la déshydratation par voie orale ou éventuellement IV. Le traitement de première intention est le métronidazole per os (250 mg 4 fois par jour pendant 10 jours). Réservée à l’usage hospitalier (certains dosages sont disponibles à la Pharmacie centrale des hôpitaux), la vancomycine est utilisée en cas de contre-indications au métronidazole ou de rechutes.

À RETENIR

Les fluoroquinolones, cyclines et sulfamides sont photosensibilisants. Déconseiller aux patients l’exposition solaire pendant le traitement et conseiller un écran total dans les régions (ou périodes) ensoleillées.

ATTENTION

La survenue d’une angine chez un patient sous sulfamides doit faire suspecter une leucopénie. les antibiotiques

Comment agissent les antibiotiques ?

Les antibiotiques se différencient par leur niveau d’action sur la structure bactérienne. Leurs trois cibles principales sont :

• La paroi bactérienne (site d’action des bêtalactamines) Certaines bactéries synthétisent des bêtalactamases, enzymes capables de détruire les bêtalactamines. L’adjonction d’acide clavulanique (inhibiteur de bêtalactamases) permet alors aux bêtalactamines de conserver leur efficacité.

• L’ADN bactérien (site d’action des quinolones, des sulfamides et des nitro-imidazolés).

• Les ribosomes bactériens (site d’action des macrolides, des aminosides et des cyclines).

ATTENTION

Les macrolides sont des inhibiteurs de cytochromes impliqués dans de nombreuses interactions médicamenteuses. Le niveau de risque d’interaction diffère selon les molécules.

À RETENIR

Il convient de respecter un intervalle d’au moins deux heures entre l’administration de médicaments contenant des sels de Fe, de Ca ou de Zn et celle d’une cycline.

À RETENIR

L’énoxacine est un inhibiteur du CYP1A2 qui interagit avec la caféine et la théophylline (associations déconseillées et contre-indiquées).

ATTENTION

Les cyclines sont contre-indiquées en association avec l’isotrétinoïne du fait d’un risque d’hypertension intracrânienne.

À RETENIR

La moxifloxacine allonge l’intervalle QT et est impliquée dans de nombreuses interactions, exposant le patient à un risque de troubles ventriculaires graves. Il est indispensable de croiser les différentes banques de données afin de déceler correctement ces interactions.

Risque de torsades de pointes et antibiotiques

• On appelle torsades de pointes, un trouble particulier du rythme cardiaque avec une tachycardie ventriculaire potentiellement létale. Elles sont favorisées par l’hypokaliémie, la bradycardie, ou un allongement (congénital ou acquis) de l’intervalle QT. L’âge, le sexe féminin et le virus d’immunodéficience humaine sont également des facteurs favorisants.

• Certains antibiotiques sont connus pour allonger l’espace QT. Il s’agit de certaines fluoroquinolones (ciprofloxacine, lévofloxacine et moxifloxacine) et de certains macrolides (érythromycine IV, spiramycine IV et azithromycine).

• Ces antibiotiques sont donc impliqués dans de nombreuses interactions : avec les médicaments hypokaliémiants (diurétiques de l’anse et thiazidiques, laxatifs stimulants, corticoïdes), bradycardisants (antiarythmiques de classe Ia et III, bêtabloquants, digitaliques, diltiazem, vérapamil et anticholinestérasiques utilisés dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, entre autres) et les autres médicaments pourvoyeurs de torsades de pointe** (notamment antiarythmiques et neuroleptiques…).

* Voir Fiche Formation « Torsades de pointes » du n° 2895 du Moniteur des Parmacies.

** Une liste détaillée des médicaments pourvoyeurs de torsades de pointes est disponible dans le paragraphe « Médicaments susceptibles de donner des torsades de pointes » du « Thésaurus » de l’ANSM.

À RETENIR

Par mesure de précaution, il est préférable de ne pas utiliser les quinolones chez une femme enceinte du fait d’une potentielle atteinte des cartilages fœtaux.

ATTENTION

De nombreux antibiotiques potentialisent l’action des AVK. Ainsi, l’instauration d’une antibiothérapie chez un patient sous AVK doit imposer de renforcer la surveillance de l’INR.

À RETENIR

La pristinamycine majore les effets indésirables de la colchicine par diminution de son métabolisme. L’association de ces deux molécules est contre-indiquée.

* Maladie génétique se manifestant par des poussées inflammatoires fébriles (douleurs abdominales, articulaires…).