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Les alphabloquants urinaires

Publié le 30 août 2023
Par Nathalie Belin
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Traitement de première intention de l’hypertrophie bénigne de la prostate, les alphabloquants peuvent induire des effets indésirables, notamment une hypotension orthostatique.

De quoi s’agit-il ?

• On distingue deux grands types de récepteurs adrénergiques sur lesquels agissent des catécholamines (adrénaline et noradrénaline) : les récepteurs alpha, eux-mêmes divisés en alpha-1 (récepteurs post-synaptiques) et alpha-2 (récepteurs présynaptiques provoquant surtout une inhibition de la libération des catécholamines), et les récepteurs bêta cardiaque, bronchique, vasculaire, utérin…).

• Les récepteurs adrénergiques alpha-1 sont situés dans les systèmes nerveux périphérique et central. Au niveau périphérique, ils sont localisés dans les muscles lisses. Leur activation entraîne une action constrictrice expliquant leur utilisation dans l’hypotension orthostatique (heptaminol), pour induire une mydriase (phényléphrine – Néosynéphrine -) ou comme décongestionnant nasal (naphazoline – Derinox -, oxymétazoline – Aturgyl, Pernazène…).

• Des récepteurs alpha-1 sont aussi présents au niveau de la vessie, de l’urètre et de la prostate. Leur blocage favorise le relâchement des muscles lisses et du sphincter vésical, améliorant ainsi le débit des mictions et prévenant une rétention aiguë des urines.

• Cinq molécules médicamenteuses alphabloquantes présentent un tropisme pour les récepteurs alpha-1 urinaires : alfuzosine, doxazosine, silodosine, tamsulosine et térazosine. Elles ne sélectionnent pas seulement ces récepteurs et peuvent aussi agir sur des récepteurs alpha-1 vasculaires ou encore situés au niveau de l’iris, expliquant certains de leurs effets indésirables.

Quelles indications ?

• Ces molécules sont indiquées dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) dont elles atténuent les symptômes « obstructifs » comme la diminution de la force du jet, la sensation de miction incomplète, la miction en plusieurs temps et la nécessité de pousser. Ces molécules sont aussi remboursées à titre dérogatoire dans les troubles urinaires de la sclérose en plaques(1), sauf silodosine.

• Certaines molécules et certains dosages (Doxazosine LP 8 mg…) sont aussi indiqués dans l’hypertension artérielle.

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Quelle place dans l’HPB ?

• Les alphabloquants urinaires constituent, avec la phytothérapie (Serenoa repens – Permixon), un traitement de première intention de l’HBP. Leur délai d’action est rapide, supérieur à celui des inhibiteurs de la 5-alpharéductase. Ces derniers, à action anti-androgénique (dutastéride – Avodart -, finastéride – Chibro-Proscar), exposent notamment à une baisse de la libido, une gynécomastie ou une dysfonction érectile. Ils sont indiqués dans l’HBP lorsque les symptômes sont modérés à sévères, en général lorsque le volume de la prostate est important.

• Une monothérapie est toujours proposée en première intention. En cas d’échec, une bithérapie peut être envisagée. Une association tamsulosine/dutastéride est disponible (Combodart).

• Le tadalafil, inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (Cialis 5 mg), est indiqué dans l’HBP chez les hommes souffrant d’une dysfonction érectile associée. Il n’est pas remboursé.

Quelles modalités de prise ?

• Tous se prennent en une seule prise quotidienne sauf l’alfuzosine dosé à 2,5 mg (voir tableau ci-contre). Lorsque différents dosages existent, le traitement est en général introduit à dose progressive.

• Les formes à libération prolongée de doxazosine sont entourées d’un enrobage inerte destiné à contrôler la libération du principe actif. Le patient ne doit pas s’inquiéter s’il retrouve cette matrice dans les selles.

Quels effets indésirables ?

• Les troubles cardiovasculaires sont parmi les plus fréquents : hypotension orthostatique, palpitations, sensations de vertiges voire syncope.

Ces effets indésirables surviennent surtout en début de traitement ou lors d’une augmentation des doses. Ces effets vasodilatateurs exposent aussi à l’aggravation d’un angor.

• Des troubles digestifs (nausées, douleurs abdominales, dyspepsie, constipation, diarrhée), urinaires (dysurie, aggravation d’une incontinence urinaire), neuropsychiques (céphalées, anxiété, dépression) peuvent survenir.

• Plus rarement, des troubles visuels comme un myosis ou un syndrome de l’iris flasque peropératoire (voir Dico+ page ci-contre) peuvent survenir au cours d’une chirurgie de la cataracte. La tamsulosine semble être la molécule la plus souvent associée à ce risque(2). En 2006, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) recommandait de ne pas initier un alphabloquant chez un patient pour lequel une chirurgie de la cataracte est prévue ou d’arrêter le traitement deux semaines avant l’intervention(3).

• Une dysfonction érectile et une éjaculation rétrograde (le sperme passant dans la vessie lors de l’éjaculation) sont possibles. De rares cas de priapisme (érection douloureuse et prolongée non liée à l’activité sexuelle) sont rapportés. Ils nécessitent une prise en charge rapide.

Quelles interactions ?

• L’association des alphabloquants urinaires et des antihypertenseurs majore le risque d’hypotension orthostatique. Elle est déconseillée avec les alphabloquants antihypertenseurs urapidil (Eupressyl LP, Mediatensyl LP) et prazosine (Alpress LP). Pour la même raison, associer les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 doit se faire avec précaution.

• L’association de l’alfuzosine, de la silodosine et de la tamsulosine aux inhibiteurs puissants du CYP 3A4 (dérivés azolés, clarithromycine…) est déconseillée en raison d’un risque d’augmentation des concentrations plasmatiques de l’alphabloquant.

Quelles contre-indications ?

• Les alphabloquants urinaires sont contre-indiqués en cas d’hypotension ou d’antécédents d’hypotension orthostatique.

• La tamsulosine est contre-indiquée en cas d’antécédents d’angio-oedème et la doxazosine en cas d’antécédents d’occlusion gastro-intestinale ou oesophagienne. Ces molécules ne sont pas recommandées en cas d’insuffisance hépatique sévère.

• L’alfuzosine est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère.

Quels conseils donner ?

• Mettre en garde contre le risque d’hypotension orthostatique en début de traitement, particulièrement sous anti-hypertenseurs. L’effet peut apparaître quelques heures après la prise du médicament. Il est alors préférable de recommander une prise de l’alphabloquant le soir. Se lever dans tous les cas de manière progressive. Si des signes annonciateurs apparaissent, telles une sensation de vertiges, des sueurs ou de la fatigue, il faut s’asseoir et attendre qu’ils s’estompent avant de se relever. Prudence de fait en cas de conduite automobile.

• Attention à certains médicaments d’automédication à effet atropinique en particulier qui peuvent aggraver les troubles mictionnels liés à l’HBP et sont formellement contre-indiqués chez ces patients : anti-H1 sédatifs à visée hypnotique (doxylamine) ; antitussive (oxomémazine) ; antiémétique (diménhydrinate ou diphénhydramine…), pseudoéphédrine…

(1) Arrêté du 3 mai 2011 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023950850

(2) Nouhaud F. Quels sont les effets secondaires ophtalmiques des traitements urologiques ? Progrès en urologie FMC 2016.

(3) https://archiveansm.integra.fr/S-informer/Informations-de-securite-Lettres-auxprofessionnels-de-sante/Information-importante-surle-syndrome-de-l-iris-flasqueperoperatoire-intraoperative-floppy-iris-syndrome-IFIS-et-latamsulosine1

Dico +

→ Syndrome de l’iris flasque peropératoire : il se traduit par une perte de la tonicité de l’iris durant la chirurgie augmentant le risque de complications.