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Leclerc dans un fauteuil
Avec une autorisation d’extension de sa surface de vente, un remboursement et un conventionnement de tiers payant, le Centre Leclerc de Pont-l’Abbé a tout obtenu pour se lancer, probablement dès cet été, dans la vente de matériel médical, en commençant par les fauteuils roulants. Une expérience qui pourrait faire tâche d’huile.
Coup dur pour la profession. Un jugement du Conseil d’Etat va permettre au Centre Leclerc de Pont-l’Abbé, dans le Finistère, de vendre des fauteuils roulants. Pour Leclerc, il s’agira d’un « laboratoire expérimental ». Les officinaux du Finistère s’étaient mobilisés contre le projet dès son annonce début 2008. Un recours devant le Conseil d’Etat avait été déposé par le syndicat du Finistère et Jean-Luc Pérard pour faire annuler la décision de la Commission nationale d’équipement commercial qui accordait au Centre Leclerc de Pont-l’Abbé une extension de sa parapharmacie (voir Le Moniteur n° 2711). Le 9 mars dernier, le Conseil d’Etat a rejeté la requête, condamnant le syndicat et le titulaire à 2 000 euros d’amende chacun pour frais de justice. Le Conseil d’Etat a estimé que l’« offre commerciale [du Centre Leclerc] n’apparaît pas, compte tenu de son emprise sur le marché de la zone concernée et du type de produits offerts à la vente, de nature à compromettre dans la zone de chalandise en cause l’équilibre entre les différentes formes de commerce » !
« Un concurrent pour qui tous les coups sont permis »
Jean-Luc Pérard, installé à un kilomètre du Centre Leclerc, se dit « complètement résigné » : « On ne peut rien faire. Nous sommes contraints à respecter des règles que la GMS bafoue. Ces règles, je les respecte en tant que professionnel de santé avant tout. Comme la grande majorité de mes confrères, je ne suis pas un business man. Nous n’avons pas le droit de communiquer sur les prix, or nous avons en face de nous un concurrent pour qui tous les coups sont permis. Et seul le prix intéresse le public. »
La Fédération nationale des accidentés du travail, des handicapés et de la vie (FNATH) ne le conteste pas : « Les prix des fauteuils roulants posent un vrai souci et le reste à charge peut être important. Si l’autorisation de leur vente dans une para Leclerc fait entrer un peu de concurrence sur le secteur et permet une discussion sur les tarifs, ce peut être une bonne chose, déclare son secrétaire général Arnaud De Broca. Toutefois, je ne suis pas persuadé que la meilleure solution tarifaire soit de passer par la vente en GMS. On ne va pas acheter un fauteuil roulant comme un paquet de sucre. Les patients ont besoin d’accompagnement, de conseils avertis, de professionnels formés, de suivi. Là réside le risque et, effectivement, nous n’y voyons pas très clair ».
Côté conseil, Leclerc devra faire ses preuves. Côté remboursement, il peut rassurer ses patients, l’affaire est dans le sac. Il a en effet obtenu de l’Assurance maladie un conventionnement pour la vente de véhicules pour handicapés physiques qui lui permettra de pratiquer le tiers payant. Jean-Pierre Lesage, responsable du service Action sanitaire et sociale de la CRAM, explique que la demande respectait leurs exigences, à savoir la présentation de différents modèles, l’accessibilité aux handicapés et la mise à disposition d’une surface dégagée de 16 mètres carrés pour faire des essais. En outre, le Centre Leclerc de Pont-l’Abbé a fourni une attestation de stage du Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés pour son vendeur, ce qui était une « exigence complémentaire mais facultative » de la CRAM bretonne, gage d’un « savoir-faire acquis ». Si Jean-Pierre Lesage souligne que le conventionnement est totalement déconnecté du débat que suscite la décision du Conseil d’Etat, il estime qu’il représente un « critère de qualité ».
Les pharmaciens craignent un phénomène de meute
« Nous sommes à l’aube d’une profonde modification de la distribution du matériel médical, estime Jean-Jacques Le Bian, président du syndicat du Finistère. Les magasins actuels sont indépendants ou appartiennent à des chaînes qui se veulent proches du patient. La parapharmacie de Leclerc sera simplement un show-room, du libre-service. Tout ce qui ne rapporte rien ou est contraignant ne sera pas fait. La semaine dernière, nous avions une réunion avec Philippe Gaertner, le président de la FSPF. Et nous voyons bien que la GMS cherche une caution, un gage de sérieux. En outre, la grande distribution a atteint un palier et cherche de nouveaux marchés. Après Leclerc, il y aura Carrefour, Auchan, etc., qui vont venir voir ce qui se passe. »
Philippe Moati, directeur de recherche du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, confirme : « La volonté de Leclerc d’investir le secteur du matériel médical ne m’étonne pas car la grande distribution est à l’affût de nouveaux leviers de croissance. Elle a pu le faire par le passé pour l’essence, la téléphonie mobile et, plus récemment, pour l’électricité. On peut dire que rien ne résiste à la grande distribution. Et, en apparaissant comme pionnier, Leclerc augmente ses chances de réussite. Le matériel médical est un secteur en friche, où il n’existe pas encore de méthodes de distribution moderne. Leclerc devrait avoir une approche plus marchande et, surtout, pour la première fois, marketée du matériel médical. »
Entretenir la confusion entre matériel médical et pharmacie
Pour argumenter en faveur du lancement de ce marché, Patrick Bellec, le patron du Centre Leclerc de Pont-l’Abbé, met en avant la supposée carence en distribution de matériel médical dans le pays bigouden. Argument contesté par les pharmaciens. Pour Jean-Jacques Le Bian, « on avait suffisamment de distributeurs et de professionnels pour répondre aux besoins des patients. La grande distribution provoque le besoin, tandis que le pharmacien y répond ». Même son de cloche chez Jean-Luc Pérard : « Les vingt et un officinaux du pays bigouden sont très actifs et impliqués dans la vente de matériel médical. » Tous les ans, ces mêmes pharmaciens tiennent un stand commun à la foire-exposition de Pont-l’Abbé pour y exposer le matériel médical, distribuer des leaflets d’information, etc.
Aux yeux de Jean-Luc Pérard, « outre vendre du matériel médical, l’objectif de Leclerc est surtout d’avoir le droit de détenir au total 400 m2 de surface commerciale [NdlR : à la suite de la décision du Conseil d’Etat, la parapharmacie Leclerc de Pont-l’Abbé passera de 138 m2 à 399 m2]. Surface qui lui permettra d’ouvrir une pharmacie bricolée. Il communique déjà sur le remboursement par la Sécurité sociale des produits qu’il va vendre pour entretenir la confusion dans l’esprit du public entre parapharmacie et matériel médical d’un côté, et pharmacie de l’autre. Leclerc maintient en outre le trouble dans l’esprit du public en évoquant le monopole des pharmaciens. Or, le matériel médical n’a jamais fait partie de notre monopole ! »
Lorsque l’on interroge le principal intéressé, Patrick Bellec, il nous refuse tout commentaire : « Les pharmaciens ont été particulièrement désobligeants à mon égard. Nous n’appartenons pas au même monde. Je suis un marchand de fruits et de nouilles, je ne suis pas un docteur… , ironise-t-il. Je m’adapte au comportement de mes interlocuteurs ! »
Selon une source officinale, le magasin de fauteuils roulants du Centre Leclerc de Pont-l’Abbé ouvrira cet été.
Le médicament, un produit d’appel ?
D’après une étude du cabinet Iri parue la semaine dernière, le volume des ventes dans les supermarchés et hypermarchés a baissé l’an dernier de 1,8 % (« une première depuis une trentaine d’années »). Ainsi, Carrefour a enregistré en 2008 une chute spectaculaire de 44,7 % de son bénéfice net ! Et annonce qu’il se concentrera sur l’Hexagone pour retrouver des parts de marché. Son directeur général, Lars Olofsson, a déclaré au Figaro : « Il faut réinventer l’hypermarché. Nous devons avant tout penser au client et lui proposer toutes les solutions en termes d’offre, de service et de concept. » Sachant que la GMS s’intéresse de près au médicament, non pas pour être plus rentable mais pour se donner une image de marque et attirer le chaland, l’officine a du souci à se faire.
Leclerc condamné pour exercice illégal
Leclerc teste aussi le Finistère pour y vendre des tests de grossesse. Sans succès pour l’instant ! Au mois de janvier, le Centre Leclerc de Pont-l’Abbé avait été condamné à verser 2 000 euros à l’ordre national des pharmaciens pour en avoir vendu. Leclerc avait alors été reconnu coupable d’exercice illégal de la pharmacie. C’est au tour de l’hypermarché de Douarnenez d’être poursuivi par l’ordre des pharmaciens devant le tribunal correctionnel de Quimper pour les mêmes raisons. L’Ordre porte également plainte contre la société Juva Santé pour complicité. Le jugement sera rendu le 14 mai.
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