- Accueil ›
- Conseils ›
- Pathologies ›
- Le syndrome de Diogène
Le syndrome de Diogène
Spectaculaire quand il est poussé à l’extrême, le syndrome de Diogène évolue pendant des années jusqu’à représenter un danger. Une personne qui s’isole, se néglige, entasse les objets de façon aberrante sans sembler s’en préoccuper doit vous alerter.
De quoi s’agit-il ?
• Le syndrome de Diogène est un trouble du comportement caractérisé par un ensemble de symptômes, mais ce n’est pas une maladie à proprement parler. Il n’est pas défini dans le manuel diagnostique et statistique de santé mentale.
• Dépourvu d’entité clinique stricte, les spécialistes le définissent selon plusieurs critères, dont le principal, constant, est l’apparente indifférence de la personne vis-à-vis de ses troubles. L’autre critère, inconstant, est un rapport pathologique aux objets, au corps et aux autres.
Quels sont les signes ?
• L’absence de demande d’aide extérieure, voire le refus, est spécifique de ce trouble. La personne ne sollicite pas son entourage, ni les soignants ou les services sociaux, alors qu’il est évident qu’elle a besoin d’assistance.
• L’entassement d’objets est caractéristique. Dit aussi collectionnisme ou syllogamie, il concerne des choses hétéroclites et communes, comme des journaux, des emballage, etc., ou encore des matières périssables (nourriture, ordures, etc.), voire des excréments. Ces objets, personnels lors de Diogène « passif » et/ou collectés à l’extérieur dans le cas de Diogène « actif », peuvent envahir l’habitation jusqu’à réduire au minimum l’espace vital. Plus rare, la relation aux objets tend parfois vers l’extrême inverse, avec un intérieur presque vide.
• Les soins élémentaires d’hygiène corporelle et vestimentaire sont typiquement négligés. Cette incurie ou absence de soins concerne aussi le plan médical, administratif avec l’absence de gestion des papiers, des aides, etc., et ménager avec un logement insalubre, des installations défectueuses, etc. Plus rarement, le patient est d’une propreté ou d’une rigueur excessive.
• L’évitement social est fréquent. Le rapport aux autres est misanthropique, avec méfiance sociale. La personne mène une vie recluse et limite ses échanges avec l’extérieur. Quelquefois, un voisin, un proche ou un professionnel peut apporter une aide extérieure pour les courses, etc. Plus rare, elle peut à l’inverse présenter une nature philanthrope excessive.
• Le tableau clinique peut être complet ou partiel. Les signes observés sont très variables. Le syndrome est dit complet quand le patient, qui exprime de manière simultanée tous les critères, est de type entasseur-négligé-reclus. Dans deux tiers des cas(1), il s’agit d’un syndrome partiel car ne sont exprimés qu’un ou deux critères secondaires, même si l’entassement compulsif existe dans 90 % des cas(1).
• Tout n’est pas Diogène ! Présenter une incurie, un collectionnisme, un caractère misanthrope n’est pas synonyme d’un syndrome de Diogène… Le diagnostic est établi par des équipes spécialisées et repose sur la visite de l’habitat.
Quelles sont les causes ?
L’étiologie exacte du syndrome est inconnue.
• Dans la moitié des cas, il est lié à une affection coexistante. Ces syndromes dits secondaires sont principalement associés à :
→ une maladie psychiatrique : schizophrénie, troubles obsessionnels compulsifs, émotionnels ;
→ neuro-dégénérative : maladie de Parkinson, d’Alzheimer, démence fronto-temporale, etc. ;
→ des addictions : alcoolisme, par exemple.
• Dans les autres cas, aucune comorbidité n’est observée. Ces syndromes « primaires » ou « pur s » sont néanmoins le plus souvent retrouvés chez une personnalité atypique, dotée d’un caractère fort et/ou d’une intelligence audessus de la moyenne, et déclenchés par un stress dû à la sensation de vieillir, au deuil, etc.
• Selon certains experts, dans la majorité des cas, un traumatisme initial peut être identifié, entre 0 et 3 ans, avec une carence affective brutale comme un abandon, le décès d’un parent, un placement, après une période de plénitude affective. L’individu atteint intériorise une vision malveillante du monde qui resurgit à l’âge adulte dans certaines circonstances.
Quelle est l’évolution ?
Sans intervention, la situation se dégrade progressivement, au cours des années.
• Non linéaire. La relation aux objets, au corps ou aux autres peut évoluer. Certains spécialistes illustrent ce critère par trois axes sur lesquels zigzaguent des curseurs d’un extrême à l’autre, de l’auto-négligence à une hygiène excessive.
• Vers une situation à risque. À la longue, la situation se dégrade et présente pour l’individu :
des risques médicaux avec dénutrition, infection, décompensation de maladies chroniques, intoxication, trouble psychiatrique, etc. ;
→ une détresse sociale avec perte des aides financières, de l’autonomie, exclusion, etc.
→ D’autres risques concernent l’entourage et donnent lieu à un signalement : prolifération d’animaux nuisibles, d’odeurs, risque d’effondrement sous le poids d’objets comme les journaux entassés du sol au plafond, ou encore d’incendie en raison d’éclairage à la bougie, de tabagisme, etc.
Est-ce fréquent ?
• La prévalence est difficile à évaluer tant les cas sont variables et souvent cachés. Elle est estimée à 1 sur 2 000 à 10 000 personnes.
• Hommes et femmes sont touchés, avec une prédominance féminine, le plus souvent après l’âge de 60 ans et quels que soient le niveau social et le logement, en ville ou à la campagne.
Quelle est la prise en charge ?
• Elle se heurte à des difficultés. Le non-accès au domicile et les réticences de la personne entravent le dépistage. Le plus souvent, c’est l’intervention d’un voisin ou d’un bailleur qui déclenche le signalement. Une question éthique se pose également. Quelle limite entre la liberté individuelle et la non-assistance à personne en danger ? Enfin, si les comorbidités peuvent imposer des soins immédiats, la prise en charge du syndrome doit être lente et progressive, souvent durant plusieurs mois ou années. Un changement brutal, avec nettoyage et débarrassage de l’habitat, mise sous tutelle, hospitalisation, est souvent mal vécu, mettant même fréquemment en jeu le pronostic vital de la personne.
• Il n’y a pas de guérison. La prise en charge ne vise qu’à accompagner, vers un lien médicosocial consenti pérenne, afin de limiter le risque de complications pour le patient et l’entourage, et maintenir son autonomie.
• Elle est multidisciplinaire. Idéalement, la prise en charge fait intervenir en réseau des acteurs médico-psychiatriques, médecin, psychiatre, gériatre, etc., sociaux avec service d’aide à la personne, assistance sociale, etc., juridiques (protection de la personne, mandataire) et techniques avec désencombrement et réhabilitation du logement. La personne qui aide au quotidien peut jouer le rôle d’intermédiaire de confiance. La prise en charge est coordonnée par des acteurs de terrain qui peuvent intervenir à domicile comme les Centres locaux d’information et de coordination gérontologique (Clic), les Maisons des aînés et des aidants (M2A) ou les équipes mobiles géronto-psychatriques.
Comment signaler un cas ?
Vous êtes témoin d’une situation fortement dégradée lors d’une livraison de médicaments ? Vous pouvez alerter les services sociaux de la mairie, les services territoriaux personnes âgéespersonnes handicapées (PAPH) ou les plateformes territoriales d’appui (PTA) qui dirigent le signalement vers les structures locales de prise en charge spécialisées.
Diogène, le clochard philosophe
En 1975, le gériatre anglais Anthony Clarck utilise le nom de syndrome de Diogène dans le cadre d’une étude clinique menée chez 30 personnes âgées qui présentent une attitude de négligence de soi et de leur domicile, avec un volumineux entassement(1).
→ Pourquoi Diogène ? Diogène de Sinope, un philosophe grec de l’Antiquité (IVe siècle avant J.-C.), est le plus célèbre représentant de l’école cynique. Il vivait dehors, dans le dénuement, vêtu d’un simple manteau, pourvu d’un bâton, d’une besace et d’une écuelle. Il se contentait d’une jarre à grains pour dormir. Dénonçant l’artifice des conventions sociales et les « grands hommes », il préconisait une vie simple, proche de la nature, afin d’accéder à une plus grande liberté matérielle et mentale. Il était passé maître de l’invective et de la parole tranchante, ne se privant pas de critiquer ouvertement les grands hommes et les philosophes de son temps. Sa petite enfance fut marquée par la fuite avec son père, après avoir fabriqué de la fausse monnaie(2).
(1) Diogenes syndrom: a prospective observational study, J.-C. Monfort, E. Devouche, C. Wong, I. Pean, L. Hugonot-Diener. J. Aging Res. Clin. Practice. 2017;6:153-157.
(1) Clark A., Mankikar G., Gray I. Diogene’s syndrome: a clinical study of gross neglect in old age. Lancet, 1975;15:366-368.
- Aspartame : une pétition réclame son interdiction à l’échelle européenne
- Vapotage de substances psychoactives : l’ANSM tire la sonnette d’alarme
- Que risque-t-on à consommer une pomme de terre dont la peau est verte ?
- Un patient a entendu dire qu’il pouvait désormais prendre son comprimé de Lévothyrox le soir au coucher. Est-ce vrai ?
- Le « challenge paracétamol » : un phénomène inquiétant aux portes de la France ?
- Administration des vaccins : la formation des préparateurs entre dans le DPC
- Prevenar 20, Voltarène, Talzenna… Quoi de neuf côté médicaments ?
- Biosimilaires : 10 milliards d’économies potentielles, un enjeu majeur pour l’officine
- Rémunérations forfaitaires 2024 : il reste deux semaines pour déclarer vos indicateurs
- Quétiapine en rupture de stock : comment adapter la prise en charge des patients ?
![Les dispositifs de série pour abduction des hanches du nourrisson](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/01/3-FrejkacoussindabductionAM-SB-074Kids-680x320.jpeg)