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Le paludisme
l’essentiel – Le paludisme tue chaque année près de 3 millions de personnes en zone intertropicale. En France, le paludisme d’importation concerne 6 000 personnes et provient surtout d’Afrique. Si l’accès palustre avec frissons, fièvre et sueurs est typique, les signes cliniques de la primo-invasion sont peu spécifiques et toute fièvre chez un sujet revenant de zone endémique doit faire envisager un paludisme. Le diagnostic s’effectue par frottis sanguin. Le paludisme est une urgence thérapeutique, avec un risque d’évolution en quelques heures vers une forme grave voire mortelle lorsqu’il est dû à Plasmodium falciparum. Sa prise en charge, bien codifiée, fait appel à la quinine, la méfloquine ou l’halofantrine dans les formes non compliquées, et à la quinine en IV dans les formes graves. La prophylaxie associe la protection contre les piqûres de moustiques et la prise d’un antipaludéen adapté à la zone géographique.
ORDONNANCE
Une jeune femme préparant un voyage touristique au Sénégal
Avant de partir en voyage touristique au Sénégal, une jeune femme consulte l’Institut Pasteur pour les vaccinations nécessaires et la mise en place d’une prophylaxie du paludisme. Quelques jours plus tard, son médecin généraliste lui prescrit de quoi traiter un éventuel épisode de diarrhée aiguë.
LE CAS
Un mois avant son départ pour un voyage touristique de 15 jours au Sénégal, Pauline P., 24 ans, 47 kg, 1 m 60, se rend à l’Institut Pasteur pour l’administration du vaccin antiamarile. Ses autres vaccinations de base sont à jour (diphtérie, tétanos, polio). Mlle P. n’a pas d’antécédents particuliers. Le médecin de l’Institut Pasteur lui recommande en complément une vaccination contre la fièvre typhoïde et contre l’hépatite A. Après l’administration de ces trois vaccins, Pauline P. se voit remettre une ordonnance pour une prophylaxie antipaludique et une fiche de conseils pratiques pour lutter contre les moustiques. Huit jours avant son départ, Mlle P. consulte son médecin généraliste pour constituer une trousse à pharmacie de première urgence, notamment en cas d’épisode de diarrhée aiguë.
LES PRESCRIPTIONS
Ordonnance de l’Institut Pasteur
-#gt; Malarone : 1 comprimé par jour au moment du repas à commencer la veille ou le jour du départ. Continuer le traitement pendant la durée du séjour et sept jours après avoir quitté la zone d’endémie.
Ordonnance du médecin généraliste
-#gt; Primpéran 10 mg : 1 comprimé 3 fois par jour, 1/4 d’heure avant les repas en cas de nausées ou vomissements.
-#gt; Spasfon Lyoc : 2 comprimés sous la langue au moment de la crise douloureuse, à renouveler en cas de spasmes importants.
-#gt; Imodium : 2 gélules en une prise en cas de diarrhée, puis 1 gélule après chaque selle liquide.
-#gt; Ercéfuryl 200 mg : 1 gélule 4 fois par jour.
qsp 7 jours.
DÉTECTION DES INTERACTIONS
Il y a une interaction médicamenteuse entre Malarone et Primpéran, mentionnée dans le Vidal comme une simple précaution d’emploi. Toutefois il est précisé que l’association atovaquone-métoclopramide entraîne une diminution significative de la concentration plasmatique de l’atovaquone. De ce fait, il n’est pas certain que la chimioprophylaxie soit alors suffisante.
ANALYSE DES POSOLOGIES
Toutes les posologies de l’ordonnance sont correctes.
AVIS PHARMACEUTIQUE
Prophylaxie du paludisme
Le Sénégal fait partie des pays du groupe 2, où le paludisme est endémique mais où le parasite responsable, Plasmodium falciparum, est de chimiorésistance modérée à la chloroquine. Deux chimioprophylaxies sont possibles : l’association chloroquine-proguanil (Nivaquine + Paludrine, ou en association : Savarine) ou l’association atovaquone-proguanil (Malarone), dont l’avantage est de nécessiter un traitement plus court au retour (prise pendant 7 jours après le retour de voyage au lieu de 4 semaines avec les autres antipaludéens), ce qui permet une meilleure observance.
Choix de l’antiémétique
Il est indispensable que la chimioprophylaxie, complément des mesures de protection contre les piqûres de moustiques, soit pleinement efficace.
Le risque de diminution de l’efficacité de l’atovaquone mentionné dans le Vidal, même s’il semble peu important (précaution d’emploi), et l’absence de caractère irremplaçable du Primpéran justifient d’appeler le médecin généraliste pour lui proposer de modifier la prescription de l’antiémétique. Au téléphone, le médecin justifie son choix de Primpéran en précisant que, à sa connaissance, l’interaction n’est significativement clinique que pour une coprescription prolongée. Toutefois, il modifie sa prescription en remplaçant Primpéran par Motilium (dompéridone) qui possède à la fois une action dopaminobloquante périphérique et une action stimulante de la motricité intestinale, et qui sera sans effet sur la pharmacocinétique de l’atovaquone. Motilium est prescrit à raison de un comprimé 3 fois par jour 1/4 d’heure avant les repas.
Prise en charge de la diarrhée
-#gt; Imodium doit être réservé aux diarrhées apyrétiques, non glaireuses et non sanglantes. En effet, les diarrhées fébriles et/ou glairosanglantes étant généralement le signe d’une diarrhée bactérienne, la prise du lopéramide peut induire une stase dans le tube digestif qui majore le risque d’invasion tissulaire par les micro-organismes.
-#gt; La prescription d’Ercéfuryl est controversée en cas de diarrhée aiguë survenant en pays tropical. Le nifuroxazide est un antiseptique intestinal efficace uniquement en cas de diarrhée bactérienne non invasive. Si les signes cliniques suggèrent un phénomène invasif (fièvre élevée, sang ou glaires dans les selles), il faut recourir à des antibiotiques à diffusion systémique (fluoroquinolones, cotrimoxazole, doxycycline…).
Contacter le médecin
Ne pas délivrer Primpéran qui diminue l’efficacité de la Malarone. Contacter le médecin pour qu’il prescrive un autre antiémétique.
VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS
-#gt; Malarone (atovaquone et chlorhydrate de proguanil)
– Association de 2 antipaludéens inhibiteurs de la réplication de l’acide désoxyribonucléique du Plasmodium.
– Indiqué notamment dans la prophylaxie du paludisme à Plasmodium falciparum dans les zones de résistance à la chloroquine.
– Chez l’adulte et l’enfant de 40 kg et plus, la posologie est de 1 comprimé par jour à heure fixe, à débuter la veille ou le jour de départ en zone d’endémie et à poursuivre pendant la durée du risque d’impaludation et 7 jours après. Durée maximale d’administration : 3 mois.
-#gt; Primpéran 10 mg (métoclopramide)
– Neuroleptique antagoniste de la dopamine, stimulant de la motricité intestinale.
– Indiqué dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements.
– Réservé à l’adulte et à l’enfant de plus de 20 kg. La posologie chez l’adulte est de 1/2 à 1 comprimé 3 fois par jour, avant les repas en respectant un intervalle d’au moins 6 h entre les prises.
-#gt; Spasfon-Lyoc (phloroglucinol)
– Antispasmodique musculotrope agissant de façon directe au niveau des fibres musculaires lisses du tube digestif.
– Indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs liées aux troubles fonctionnels du tube digestif et des voies biliaires.
– La posologie usuelle chez l’adulte est de 2 lyophilisats oraux, à prendre au moment de la crise. Elle peut être renouvelée en cas de spasmes importants.
-#gt; Imodium (lopéramide)
– Antidiarrhéique opiacé, ralentisseur du transit colique.
– Indiqué dans le traitement symptomatique des diarrhées (toujours en association à la réhydratation).
– Pour un adulte, la posologie est de 2 gélules en une prise puis 1 gélule après chaque selle diarrhéique. La dose maximale par 24 h est de 8 gélules.
-#gt; Ercéfuryl (nifuroxazide)
– Anti-infectieux intestinal, antibactérien bactériostatique de la famille des nitrofuranes.
– Indiqué dans le traitement des diarrhées aiguës présumées d’origine bactérienne en l’absence de suspicion de phénomènes invasifs (altération de l’état général, fièvre, signes toxi-infectieux…), en association à la réhydratation.
– Pour un adulte, la posologie usuelle est de 200 mg 4 fois/j pendant 3 à 7 j.
INITIATION DU TRAITEMENT
– Paludisme
-#gt; Le traitement par Malarone peut être commencé le jour du départ, mais, pour évaluer sa tolérance digestive, il est prudent de prendre le premier comprimé la veille du départ.
– Diarrhée
-#gt; En cas de survenue d’une diarrhée, le premier réflexe doit être de s’hydrater. Le traitement antinauséeux, antispasmodique et antidiarrhéique est purement symptomatique et doit être arrêté dès que les symptômes disparaissent. Ercéfuryl doit être pris pendant 3 à 7 jours.
SUIVI DU TRAITEMENT
– Paludisme
Il est important de prévenir Mlle P. qu’aucune prophylaxie médicamenteuse n’assure une protection totale contre le paludisme et que tout accès fébrile pendant le séjour ou après le retour doit être considéré comme un accès palustre jusqu’à preuve du contraire. C’est alors une urgence thérapeutique.
– Diarrhée
En cas de diarrhée aiguë persistant plus de 48 h, la consultation d’un médecin est indispensable. Des examens complémentaires sont pratiqués : NFS à la recherche d’une hyperéosinophilie (diarrhée parasitaire) ou d’une hyperleucocytose (diarrhée infectieuse), ionogramme pour apprécier le retentissement de la diarrhée, examen direct des selles avec coproculture voire hémoculture si la fièvre persiste.
CONSEILS À LA PATIENTE
PLAN DE PRISE CONSEILLÉ- Malarone : a prendre lors d’un repas ou avec une boisson lactée pour favoriser son absorption. – Motilium : l’administration 1/4 d’heure avant toute prise de boisson ou prise alimentaire permet d’éviter les vomissements liés à l’absorption de nourriture.- Spasfon-Lyoc : à faire fondre sous la langue. Les lyophilisats peuvent être également dissous dans un peu d’eau.- Imodium et Ercéfuryl : à prendre avec un verre d’eau 1/4 d’heure après la prise de Motilium. Ne pas dépasser 8 gélules d’Imodium par 24 h.Respecter la prophylaxie
-#gt; Rappeler l’impératif du respect des posologies et de la durée du traitement, notamment 7 jours après le retour.
-#gt; Le comprimé de Malarone doit être avalé avec un repas riche en graisse ou une boisson lactée pour favoriser l’absorption, et jamais à jeun.
-#gt; La prise doit se faire à heure fixe.
-#gt; L’apparition de légères nausées, de vomissements temporaires ou d’une diarrhée ne doit pas conduire à arrêter la chimioprophylaxie mais plutôt à consulter si les symptômes persistent.
Se protéger des moustiques
-#gt; Porter des vêtements couvrants et resserrés aux chevilles à partir du coucher du soleil (les moustiques transmettant le paludisme piquent surtout la nuit).
-#gt; Appliquer des produits repellents ayant fait la preuve de leur efficacité (DEET, repellent 3535…) et à concentration suffisante.
-#gt; Dormir sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide (deltaméthrine ou perméthrine).
-#gt; Utiliser des insecticides en diffuseur électrique, en bombe, en tortillon fumigène…
-#gt; Imprégner les parties externes des vêtements par pulvérisation ou trempage dans une solution de perméthrine.
Eviter la turista
La prévention repose sur des mesures d’hygiène :
-#gt; lavage fréquent des mains ;
-#gt; précautions alimentaires : plats cuits servis immédiatement après cuisson, eau minérale (décapsulée en présence du voyageur) ou boissons gazeuses en évitant l’eau du robinet et les glaçons ;
-#gt; désinfection de l’eau par ébullition ou comprimé désinfectant.
En cas de diarrhée
Assurer une bonne hydratation (2 litres/jour) : boissons légèrement sucrées ou salées. En cas de nausées ou de vomissements, les prises seront fractionnées.
Les aliments à privilégier : riz, pâtes, pommes de terre, poissons, viandes maigres, bananes. Ceux à éviter : fruits de mer, lait, crudités, fruits, légumes verts, aliments et boissons glacées…
Garder en tête le risque d’accès palustre
Même plusieurs semaines après le retour, et même si la chimioprophylaxie a été correctement suivie, le risque d’accès palustre n’est pas totalement écarté. Il est impératif de réagir vite et de consulter un médecin en cas d’apparition de tout symptôme inhabituel : fièvre, céphalées intenses, myalgies au cours du séjour ou dans les mois qui suivent le retour.
Par L. Chorfa Bakir-Khodja, M. Farines, C. Vermorel et Pr J. Calop, CEEPPPO, CHU de Grenoble, et le Dr O. Faure, service de parasitologie, CHU de Grenoble
PATHOLOGIE
Qu’est-ce que le paludisme ?
Le paludisme est la maladie infectieuse actuellement la plus meurtrière dans le monde. Endémique en particulier en Afrique subsaharienne, il touche également les voyageurs mal protégés.
ÉPIDÉMIOLOGIE
L’épidémiologie du paludisme est largement dominée par sa présence dans la ceinture tropicale dite « de pauvreté ».
Dans le monde
Selon l’OMS, le paludisme tue chaque année entre 1,5 et 2,7 millions de personnes, dont 1 million d’enfants de moins de 5 ans. Deux milliards d’individus, soit 40 % de la population mondiale sont exposés. On recense 300 à 500 millions de nouveaux cas par an.
Une centaine de pays dans le monde sont touchés, principalement les zones tropicales défavorisées d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.
Avec plus de 90 % des cas, l’Afrique est de loin le continent le plus atteint.
En France
Selon le Centre national de référence pour les maladies d’importation, en France, le nombre de cas de paludisme dit d’importation a fortement progressé depuis 1996. En 2001, on dénombrait plus de 8 000 cas (dont une vingtaine de décès), soit une proportion de 1 à 2 % de personnes ayant séjourné dans un pays vecteur (93 % des paludismes d’importation sont originaires d’Afrique subsaharienne, donc le plus souvent à Plasmodium falciparum, forme la plus grave). Ces malades n’avaient souvent pas suivi de prophylaxie ou une prophylaxie inadaptée.
Exceptionnellement, des cas de paludisme dit « d’aéroport » ont été observés chez des patients travaillant sur les sites d’aéroports, infectés par des anophèles contagieux arrivés par avion.
PHYSIO-PATHOLOGIE
Quatre espèces de parasites sont responsables de paludisme. Ils diffèrent par leur répartition géographique et leur gravité potentielle.
– Plasmodium falciparum, responsable de la forme mortelle, est présent dans les zones tropicales d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique où il est dominant.
– Plasmodium vivax est réparti dans le monde comme la forme précédente, ainsi que dans certaines zones tempérées.
– Plasmodium ovale, le plus rare, sévit surtout en Afrique de l’Ouest. Il peut entraîner des rechutes 4 ou 5 ans après la première crise mais non mortelles.
– Plasmodium malariae, qui peut donner des rechutes 20 ans après mais ne tue pas non plus, est réparti de manière très inégale dans le monde.
Les plasmodiums ont un cycle biologique complexe qui comporte deux phases : un cycle de reproduction asexué chez l’homme et un cycle de reproduction sexué chez le moustique (voir page 7).
Chez l’homme
L’anophèle femelle, vecteur du plasmodium, infecte l’homme par piqûre en lui injectant un parasite sous forme de sporozoïte. Celui-ci migre rapidement par la circulation sanguine vers les cellules du foie (hépatocytes). Le sporozoïte pénètre à l’intérieur de l’hépatocyte et s’y divise activement pour donner naissance en quelques jours à de très nombreux mérozoïtes (nouveaux parasites). En éclatant, la cellule du foie les libère dans le sang. Les mérozoïtes pénètrent alors à l’intérieur des globules rouges et s’y multiplient. Lorsque ces derniers éclatent, les mérozoïtes sont libérés et infectent de nouveaux globules rouges.
Parallèlement, dans le sang d’un sujet infecté, des cellules sexuées mâles et femelles (gamétocytes) se différencient.
Chez l’anophèle
Lorsqu’un moustique pique un sujet infesté, il ingère les gamétocytes mâles et femelles, qui se transforment en gamètes. Après fécondation, l’oeuf se transforme en sporozoïte dans les glandes salivaires du moustique. Un nouveau cycle peut alors commencer.
Formes d’attente du parasite
Pour les Plasmodium vivax et ovale, les rechutes sont parfois tardives, quatre à cinq ans après la première infection, car le parasite peut demeurer sous forme latente dans la cellule hépatique.
Par contre, pour les Plasmodium malariae les rechutes sont dues à la persistance de formes quiescentes dans le réseau lymphatique.
CONTAMINATION
-#gt; L’homme est le seul réservoir de virus du paludisme humain. La transmission de plasmodium se fait d’un sujet malade à un sujet sain par l’intermédiaire d’un moustique vecteur, l’anophèle. La contamination directe interhumaine n’est possible que par voie transplacentaire, lorsque la femme enceinte infectée contamine son enfant. Le dépistage des donneurs de sang permet d’éviter une contamination par transfusion sanguine en France.
Par contre, lors d’une greffe d’organe, la contamination reste possible.
-#gt; L’homme ne dispose d’aucune immunité naturelle vis-à-vis du paludisme, mais s’il est soumis à des réinfestations répétées il peut développer une immunité relative, qui limite les effets pathogènes du parasite.
Cette immunité est strictement spécifique de l’espèce en cause. C’est une immunité acquise. Ces sujets sont alors des porteurs asymptomatiques de l’infection. S’ils cessent d’être soumis à ces réinfestations cette immunité naturelle s’atténue et disparaît.
SIGNES CLINIQUES
Les manifestations cliniques du paludisme sont très diverses dans leur expression et dans leur gravité. Toute fièvre chez un sujet qui vient d’une zone d’endémie doit faire envisager le diagnostic de paludisme.
Primo-invasion
Les signes cliniques du premier accès de paludisme chez un sujet non immun sont peu caractéristiques. L’incubation, asymptomatique, dure au minimum sept jours, jusqu’à trente jours. L’accès de primo-invasion débute par un syndrome grippal (fièvre continue ou par poussées irrégulières pluriquotidiennes, céphalées, myalgies, asthénie…) souvent accompagné de nausées, vomissements, diarrhée.
L’examen clinique peut montrer un foie un peu augmenté de volume et sensible. Traité, l’accès de primo-invasion évolue de façon favorable en quelques jours. Non traité, il évolue vers une fièvre intermittente et une splénomégalie.
Accès palustre
Bien plus caractéristique que la primo-invasion, l’accès palustre est dû à l’éclatement des globules rouges infectés. Pour P. falciparum, l’accès palustre peut suivre immédiatement la primo-invasion. Pour P. vivax et P. ovale, il survient plusieurs mois ou années après et correspond à une reviviscence par réveil des formes hépatiques latentes.
Chaque accès palustre dure typiquement une dizaine d’heures et se déroule en trois phases :
– frissons intenses, tremblements et sensation de froid (1 heure),
– fièvre élevée dépassant 40 °C (3 à 4 heures),
– disparition de la fièvre et sueurs froides, fatigue (2 à 4 heures).
En l’absence de traitement, les accès palustres se renouvellent une dizaine de fois de façon rythmée. La périodicité des cycles dépend de l’espèce de parasite en cause. Elle est à rythme tierce (cycle de 48 heures) pour P .falciparum, vivax et ovale, et à rythme quarte (cycle de 72 heures) pour P. malariae. L’accès de fièvre correspondant à l’éclatement des globules rouges, sa répétition entraîne une anémie. A l’examen clinique on retrouve souvent une splénomégalie.
DIAGNOSTIC
C’est un diagnostic d’urgence simple et rapide, qui est apporté par l’observation du plasmodium sur un frottis sanguin, après prélèvement d’une goutte de sang au bout d’un doigt. La goutte est étalée sur une lame, puis une coloration révèle la présence de parasites à l’intérieur des globules rouges. Les différentes espèces de plasmodium peuvent être distinguées par un biologiste expérimenté.
Si l’infection est trop faible, il faut réaliser « une goutte épaisse », c’est-à-dire une concentration plus importante de globules rouges sur la lame. Le diagnostic est alors plus délicat et demande 24 heures.
L’examen permet également de fournir le degré de parasitémie.
COMPLICATIONS
CYCLE DU PLASMODIUM FALCIPARUM ET LIEU D’ACTION DES ANTIPALUDÉENSUn diagnostic et un traitement précoce et bien adapté évitent le risque d’évolution vers le paludisme grave, appelé autrefois neuropaludisme ou accès pernicieux.
Paludisme pernicieux
L’accès pernicieux est dû exclusivement à Plasmodium falciparum. Il résulte du blocage des vaisseaux sanguins irriguant le cerveau par les globules rouges infectés (cytoadhérence aux parois vasculaires et cascade de cytokines), entraînant une anoxie cérébrale. Le paludisme grave se voit surtout chez les sujets à risque tels que les enfants de moins de 4 ans, les femmes enceintes et les voyageurs non immunisés ou suivant une prophylaxie inadaptée.
La symptomatologie est dominée par des signes neurologiques : fièvre à 40-41 °C, troubles de la conscience, coma, convulsions, signes méningés cliniques (céphalées, vomissements, raideur de la nuque)… L’anémie entraîne une dyspnée et une tachycardie. Un ictère et une hépatomégalie sont souvent constatés. Un syndrome hémorragique est fréquent (épistaxis, pétéchies, hémoglobinurie…).
Le pronostic de l’accès pernicieux dépend de la rapidité du traitement. L’évolution spontanée est mortelle surtout chez l’enfant et l’adulte non immun (voyageur).
Paludisme viscéral évolutif
Cette forme survient en zone endémique chez des sujets soumis à des inoculations répétées de parasites, au début de la phase d’acquisition de l’immunité, donc principalement chez l’enfant de 2 à 5 ans. Les signes majeurs sont une anémie hémolytique souvent intense avec dyspnée d’effort, tachycardie, parfois souffle cardiaque, un foie et une rate augmentés de volume, une fièvre modérée, irrégulière.
Sans traitement, l’évolution peut se faire vers des complications d’ordre anémique, vers la cachexie, parfois vers la cirrhose du foie. Une volumineuse splénomégalie peut parfois aboutir à une rupture de la rate. A l’inverse, l’évolution spontanée peut aussi se faire vers la guérison.
Fièvre bilieuse hémoglobinurique
Fréquemment observé entre 1910 et 1940 chez des Européens expatriés ayant pris de la quinine de façon irrégulière en traitement préventif ou curatif, ce syndrome n’est plus guère rencontré. C’est une réaction immunologique et non une conséquence directe du plasmodium. Le pronostic est le plus souvent mauvais.
Par le Dr Béatrice Paillat
THÉRAPEUTIQUE
Comment prévenir et traiter le paludisme ?
Face à l’évolution galopante des chimiorésistances, l’idéal consiste bien sûr en une prévention adaptée à la zone de séjour. Quant à la lourde mortalité du paludisme à Plasmodium falciparum, elle impose un traitement précoce, qui aujourd’hui est bien codifié.
LES MÉDICAMENTS
Tous les antipaludéens ont pour mécanisme d’action une inhibition de la multiplication du parasite à un stade donné de son cycle, la plupart agissant comme antimétabolites (voir page 7). Les différentes molécules sont indiquées soit en prophylaxie, soit en traitement curatif, soit les deux, seules ou en association.
-#gt; Deux médicaments sont actifs au niveau du cycle exoérythrocytaire (hépatique) : la primaquine et le proguanil.
-#gt; Les autres antipaludéens agissent à différents stades du cycle érythrocytaire : l’atovaquone, la quinine, la chloroquine et l’amodiaquine sur les trophozoïtes, la chloroquine, l’amodiaquine, la méfloquine, l’halofantrine, la sulfadoxine, la dapsone, les cyclines et la clindamycine sur les formes schizontes matures ou immatures.
-#gt; Outre son activité sur le cycle hépatique, la primaquine agit également comme gamétocytocide sur la phase de gamétogenèse amorçant le cycle sexué du plasmodium.
-#gt; L’artémisinine a été utilisée durant des siècles par les Chinois comme traitement traditionnel de la fièvre et du paludisme. Cette lactone est extraite de l’Artemisia annua, aussi appelée qinghaosu. Le qinghaosu et ses dérivés sont des schizonticides érythrocytaires, mais n’ont pas d’AMM en France. L’artémisinine est recommandée uniquement pour le traitement des souches polyrésistantes, mais pas pour la prophylaxie.
Elle existe en comprimés ou suppositoires, et ses dérivés sont l’artésunate en injectable IV, la dihydroartémisinine en comprimés et l’artéméther en injectable IM (Paluter), disponible sous autorisation temporaire d’utilisation nominative.
LA PROPHYLAXIE
La diminution du nombre de piqûres réduisant fortement la probabilité de contracter le paludisme, la prophylaxie porte sur deux axes : les moyens de protection contre les moustiques et la chimioprophylaxie, qui n’est pas toujours efficace à 100 %.
Protection contre les piqûres de moustiques
Les mesures de protection contre les piqûres de moustiques représentent toujours le meilleur rapport bénéfice/risque en termes de prophylaxie. Elles résident dans le port de vêtements amples et couvrant dès la tombée de la nuit, l’utilisation de répulsifs adaptés (DEET, repellent 3535…), d’insecticides et de moustiquaires imprégnées de perméthrine. Pour les Européens résidant outre-mer, s’y ajoutent des moyens de prévention collective (assèchement des points d’eau inutiles, destruction des larves d’anophèles…).
Chimioprophylaxie
Elle est un complément de ces mesures de protection. Elle n’empêche pas l’infestation mais a pour objectif d’éviter l’expression de la morbidité.
– Choix de la molécule
Le choix du traitement prophylactique dépend du voyageur (contre-indications et interactions médicamenteuses éventuelles) et du voyage (zones traversées ou visitées, durée, saisons, altitude, conditions du séjour afin d’évaluer les risques réels d’exposition). Les pays font l’objet d’une classification (publiée dans le BEH) en fonction de la chloroquinorésistance qui y règne.
-#gt; Pays du groupe 1 : pas de chloroquinorésistance; chimioprophylaxie basée sur la chloroquine (Nivaquine).
-#gt; Pays du groupe 2 : chloroquinorésistance modérée ; chimioprophylaxie par association de chloroquine et de proguanil (Nivaquine et Paludrine, ou en association : Savarine, à partir de 50 kg), ou par l’association atovaquone-proguanil (Malarone).
-#gt; Pays du groupe 3 : niveau élevé de chloroquinorésistance ou multirésistance ; traitement prophylactique basé sur la méfloquine (Lariam) ou l’association atovaquone-chloroquine (Malarone). La doxycycline (Doxypalu) est utilisée en cas de résistance ou de contre-indication à la méfloquine.
– Durée du traitement
La chimioprophylaxie doit être débutée le jour du départ pour la chloroquine et la veille du départ pour le proguanil associé à la chloroquine ou à l’atovaquone, ainsi que pour la doxycycline. En ce qui concerne la méfloquine, responsable de vertiges et troubles neuropsychiatriques fréquents, deux doses tests sont données 10 jours et 3 jours avant le départ.
Si la durée de séjour n’excède pas 3 mois en zone d’endémie, le traitement chimioprophylactique doit être maintenu durant tout le séjour et poursuivi durant 4 semaines après le retour pour toutes les spécialités, sauf pour la Malarone que l’on maintiendra 7 jours. Pour des séjours d’une durée supérieure à 3 mois, ou pour les expatriés, le traitement sera maintenu sur place aussi longtemps que possible en fonction de l’observance et des éventuels effets indésirables.
– Cas particuliers
Les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants ne doivent être emmenés en zone impaludée qu’en cas d’absolue nécessité. Pour la femme enceinte, seuls le proguanil et la chloroquine peuvent être utilisés.
Traitement de réserve
Il est conseillé aux voyageurs en situation d’isolement, c’est-à-dire à plus de 12 heures d’une structure de soins, de se munir d’un traitement de réserve. Ce traitement est prescrit avant le départ et ne doit être utilisé qu’en cas de fièvre suspectée de cause palustre. Les médicaments utilisables dans ce cas sont par ordre de préférence la quinine par voie orale, la méfloquine et l’association pyriméthamine-sulfadoxine. La doxycycline associée à la quinine est conseillée lorsqu’il existe un risque de polychimiorésistance, en particulier dans les pays du groupe 3 d’Asie du Sud-Est et d’Amazonie. Il est important d’insister auprès des voyageurs pour qu’ils consultent un médecin rapidement en cas de prise du traitement de réserve.
LE TRAITEMENT CURATIF
QUELLES SONT LES INTERACTIONS AVEC LES ANTIPALUDÉENS ?La douzième conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse d’avril 1999 a fait un point précis et détaillé de la prise en charge du traitement curatif du paludisme.
Lorsqu’un patient se présente aux urgences d’un établissement hospitalier et que la suspicion clinique est forte en faveur d’un paludisme, un traitement doit être entrepris, même en l’absence de signes de gravité. Ceci reste valable même si le premier frottis sanguin est interprété comme négatif ou si aucun résultat biologique n’est disponible. Si le choix est possible entre trois médicaments pour le traitement de première intention des formes non compliquées, seule la quinine est utilisable dans les formes graves.
Le traitement de la forme non compliquée
La prise en charge thérapeutique d’une forme non compliquée de paludisme nécessite une hospitalisation d’au minimum 24 heures, afin de s’assurer que le patient ne présente pas d’intolérance au traitement instauré et le suit correctement.
Trois médicaments sont principalement indiqués dans le traitement du paludisme à Plasmodium falciparum dans sa forme non compliquée. Il s’agit de la quinine, de la méfloquine et de l’halofantrine. Le seul critère de choix devant être pris en compte parmi ces médicaments est le rapport bénéfice risque qu’ils apportent au patient considéré. Leur efficacité antimalarique étant comparable, c’est en fonction des effets indésirables que s’effectue la hiérarchisation.
-#gt; L’halofantrine expose le patient à un risque mortel de complication cardiaque. De plus, les données de pharmacovigilance sont pauvres.
-#gt; La méfloquine est connue pour son effet indésirable majeur d’ordre neuropsychiatrique, d’une fréquence relativement élevée puisque comprise entre 1/200 à 1/1 700 traitements curatifs.
-#gt; La quinine quant à elle est généralement bien tolérée per os. Elle est responsable de cinchonisme, atteinte réversible du nerf VIII, se traduisant par des acouphènes, troubles auditifs, nausées et dysphories. Ces troubles apparaissent dès que la concentration active est obtenue (2 à 3 j) et ne doivent pas faire arrêter le traitement. L’usage de quinine par voie IV comporte un risque de complication mortelle en cas d’erreurs d’administration (marge thérapeutique étroite).
– Chez le patient adulte
Le choix se porte en première intention sur la quinine ou la méfloquine. L’halofantrine n’est utilisée qu’avec la plus extrême prudence. L’association atovaquone-proguanil (Malarone), récemment apparue sur le marché, représente une alternative à ces traitements mais sa place n’est actuellement pas définie.
L’association sulfadoxine-pyriméthamine, potentiellement dangereuse car à l’origine d’agranulocytoses et de syndromes de Lyell, est quant à elle réservée aux cas de résistance vraie ou de contre-indications aux antipaludéens précités. Son intérêt, de plus en plus limité par l’augmentation des résistances, fait que ce médicament n’est plus cité dans la 12e conférence de consensus, de même que l’amodiaquine, même si elle conserve un léger intérêt pour les formes résistantes à la chloroquine.
A la sortie de l’hôpital, la surveillance est effectuée par le médecin généraliste au 3e et au 7e jour de traitement. Il n’est pas nécessaire d’instaurer un traitement prophylactique de relais si le traitement curatif a été mené de manière complète.
– Chez la femme enceinte
Le seul médicament utilisable dans cette indication est la quinine durant 7 jours, en IV ou per os. Si le paludisme a été contracté en zone de polychimiorésistance, il est alors nécessaire d’y associer soit de la doxycycline, 100 mg toutes les 12 heures pendant 7 jours (hors AMM), soit de la clindamycine 10 mg/kg toutes les 8 heures pendant 7 jours (hors AMM). L’artéméther est disponible dans cette indication de polychimiorésistance, sous autorisation temporaire d’utilisation nominative.
– Chez l’enfant
Le rapport bénéfice/risque des trois médicaments est différent de celui observé chez l’adulte.
– Le médicament le plus couramment utilisé en pédiatrie est l’halofantrine du fait de sa bonne tolérance et de sa présentation galénique adaptée. Néanmoins la surveillance électrocardiographique est indispensable.
– La méfloquine souffre d’un manque d’évaluation chez cette catégorie de patient.
– Quant à la quinine, on déplore l’absence de formes galéniques adaptées à la pédiatrie, que se soit pour la voie orale ou parentérale. Les schémas thérapeutiques pédiatriques sont entièrement superposables aux schémas adultes.
– Autres plasmodiums
Le traitement du paludisme à Plasmodium vivax, malariae ou ovale diffère du traitement du paludisme à Plasmodium falciparum. Il consiste en la prise de 300 mg de chloroquine par jour durant 3 jours, précédés d’une dose de charge de 600 mg de chloroquine et suivis de 15 mg de primaquine par jour les 14 jours suivants. Il semble même que l’on puisse se dispenser de la prise de primaquine pour Plasmodium malariae. La primaquine 100 mg comprimé est disponible sous autorisation temporaire d’utilisation nominative.
Le traitement de la forme grave
La constatation de signes de gravité est une situation d’urgence, à prendre en charge en service de réanimation.
– Le seul traitement utilisable dans la forme grave est la quinine par voie IV. Le schéma thérapeutique est composé d’une dose de charge de 17 mg/kg perfusée en 4 heures, suivie d’un traitement d’entretien de 8 mg/kg toutes les 8 heures, en perfusion de 4 heures ou en perfusion continue à la seringue électrique. L’objectif thérapeutique est d’obtenir une quininémie comprise entre 10 et 15 mg/kg le plus rapidement possible. Le relais par voie orale est effectué dès que possible sur une durée totale de traitement de 7 jours.
– Si le paludisme a été contracté en zone de polychimiorésistance, il est alors nécessaire d’y associer de la doxycycline 100 mg toutes les 12 heures pendant 7 jours (hors AMM) ou de la clindamycine 10 mg/kg IV toutes les 8 heures pendant 7 jours (hors AMM) en cas de contre-indication aux cyclines.
– L’artéméther n’est utilisé qu’en cas de résistance vraie ou de contre-indication formelle à la quinine. Dans les pays africains, l’OMS recommande l’utilisation d’artémisinine pour faire face au développement de résistances aux antipaludiques. L’artémisinine en monothérapie (Arsumax) expose au risque de sélection de souches résistantes et devrait être remplacée par des bithérapies (artésunate-amodiaquine, ou arthéméther-luméfantrine commercialisée sous le nom de Coartem), le problème du coût demeurant aigu.
– En ce qui concerne les traitements adjuvants, les corticoïdes sont contre-indiqués et l’utilisation d’anticonvulsivants à titre préventif, d’héparine, ou l’exsanguinotransfusion ne présentent aucun bénéfice thérapeutique.
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE DANS LA PRISE EN CHARGE DU PALUDISMEPERSPECTIVES
-#gt; Le programme spécial de recherche sur les maladies tropicales de l’OMS a lancé un nouveau programme de recherche sur un traitement antipaludéen nommé Lapdap, association de chlorproguanil et de dapsone. L’objectif est de valider un médicament sûr, efficace et abordable pour les pays africains.
-#gt; De nouveaux insectifuges, insecticides et vaccins sont quelques-uns des moyens de lutte contre le paludisme susceptibles d’être mis au point grâce aux informations fournies par le séquençage récent du génome du moustique. En effet, la séquence d’Anopheles gambiæ, la principale espèce de moustique vecteur du paludisme, a été décrite dans la revue Science en octobre 2002.
Par Frédéric Chauvelot
L’AVIS DU SPÉCIALISTE
« Moduler la prophylaxie selon le type de séjour »
Dr Olivier Bouchaud, consultation de médecine tropicale et des voyages de l’hôpital Avicenne (Bobigny, 93).
Quelle prophylaxie conseiller pour des séjours en zone impaludée fréquents mais courts, de type voyage d’affaires ?
En Asie et Amérique latine, l’exposition au risque de paludisme est très faible ou nulle car les séjours sont essentiellement urbains : pas de chimioprophylaxie et uniquement prophylaxie d’exposition (répulsifs…). En Afrique, la réponse est plus difficile car le risque est beaucoup plus important : pour des séjours très protégés (en centre-ville, hôtels et lieux climatisés), on peut ne pas conseiller d’antipaludique en insistant fortement sur la prophylaxie d’exposition (surtout vers minuit). Pour les séjours plus exposés, en brousse ou en dehors des centres-villes des grandes villes, il faut maintenir la recommandation de la chimioprophylaxie. Malarone est le médicament le plus adapté car la prise après le retour se limite à 7 jours (associé à des répulsifs).
A l’opposé, que conseiller à des expatriés partant en Afrique impaludée ?
Une chimioprophylaxie est souhaitable mais rarement suivie en pratique au-delà de quelques mois. Il faut donc insister sur la prophylaxie d’exposition (répulsifs, moustiquaires imprégnées…). Pour les gens vivant en zone isolée, prévoir un autotraitement curatif en cas d’apparition de fièvre. Pour les autres, il est toujours souhaitable de faire un test diagnostique avant traitement. Pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, une chimioprophylaxie est toujours impérative.
Dr Olivier Bouchaud, interrogé par Florence Bontemps
CONSEILS AUX PATIENTS
Faire prendre conscience du risque
Un voyageur sur trois partant de France vers des zones impaludées est mal protégé. Le paludisme est actuellement responsable de 4 000 hospitalisations et d’une vingtaine de décès chaque année en France. Avec la banalisation des voyages en pays tropicaux, la plupart des voyageurs ne mesurent pas la gravité potentielle d’un accès palustre. Il faut rappeler que non traité, l’évolution peut être mortelle en deux ou trois jours.
Se protéger la nuit
Les moustiques « attaquent » dès la tombée de la nuit et ce jusqu’au lever du soleil.
-#gt; Eviter si possible les dîners dehors. Conseiller le port de vêtements longs et suffisamment épais (le rostre du moustique peut traverser certains tissus).
-#gt; Appliquer sur les parties découvertes un répulsif efficace suffisamment concentré (DEET à 35-50 %, 3535 à 20 %, diméthylphtalate à 40 %…). Le renouvellement des applications (sauf sur les plaies et les muqueuses) est recommandé toutes les 4 à 6 heures selon le niveau d’humidité et l’intensité de la sudation.
-#gt; Pour les enfants, proposer des formules adaptées en prenant soin d’éviter les plis. Ne pas utiliser de formes adultes, trop concentrées ou contenant des molécules toxiques.
-#gt; Il est également possible d’imprégner par pulvérisation ou trempage les vêtements avec un insecticide à base de pyréthrinoïdes. La durée d’efficacité est de 6 semaines et l’insecticide résiste à environ 5 lavages.
-#gt; Au cours de la nuit, la présence de moustiques peut être limitée par la climatisation. La meilleure des protections restant la moustiquaire imprégnée d’insecticide (perméthrine), que l’on prendra soin de border soigneusement sous le matelas. A compléter par des insecticides diffusés par le biais de prises électriques (durée d’action : 8 à 10 heures, mais attention aux coupures de courant !) ou des tortillons fumigènes proposés dans des pièces suffisamment aérées (durée d’action 6 à 8 heures, attention aux contrefaçons fréquentes si achat sur place !).
Bien suivre la chimioprophylaxie
Tous les traitements se poursuivent 4 semaines après le retour, sauf Malarone qui est continué seulement 7 jours.
-#gt; La chloroquine, de tolérance généralement bonne (prise au cours des repas), peut provoquer démangeaisons, rougeurs, et troubles digestifs. Un traitement prolongé à fortes doses peut occasionner des troubles de la vue S’assurer que le patient ne présente pas de rétinopathie.
-#gt; Le proguanil (associé à la chloroquine) doit se prendre avec un verre d’eau après un repas et toujours à la même heure chaque jour. Il expose à des troubles digestifs, boutons et rougeurs de la peau, ainsi qu’à l’apparition d’aphtes et d’inflammation au niveau des gencives.
-#gt; La méfloquine doit être débutée 10 jours avant le départ afin de vérifier sa bonne tolérance. Prendre le comprimé au cours du repas avec un grand verre d’eau. Mettre également en place une contraception efficace pendant la durée du traitement et trois mois après l’arrêt du médicament.
Avertir de la possibilité de vertiges, troubles digestifs et maux de tête. Si des troubles de l’humeur et du comportement persistent (anxiété, agitation, confusion), il est conseillé d’arrêter le traitement.
Rappeler les contre-indications : antécédents convulsifs et troubles neuropsychiatriques, insuffisance rénale ou hépatique, association au valproate de sodium.
-#gt; La doxycycline se prend avec beaucoup de liquide et jamais avant de s’allonger. Prévenir du risque de photosensibilisation et de troubles digestifs.
-#gt; L’association atovaquone-proguanil (Malarone) est recommandée au cours d’un repas riche en graisse ou lors de la prise d’un aliment lacté.
Surveiller le retour
-#gt; Il faut le signaler au voyageur : aucune molécule n’est efficace à 100 %. Même avec une chimioprophylaxie correctement suivie, il n’est pas impossible de contracter un paludisme.
-#gt; Les premiers symptômes sont peu spécifiques et peuvent évoquer plutôt une grippe voire une infection gastro-intestinale. En cas de fièvre associée ou non à des céphalées ou à une diarrhée, une consultation s’avère rapidement indispensable.
Un frottis sanguin réalisé dans les plus brefs délais permettra d’infirmer ou de confirmer l’hypothèse d’un paludisme et de mettre en route un traitement dans les meilleurs délais.
-#gt; Les accès palustres à Plasmodium falciparum peuvent survenir jusqu’à deux mois après le retour, rarement au-delà.
Par Nathalie Hervé
POUR EN SAVOIR PLUS
SE FORMER
Séminaire Médecine des voyages
Faculté de médecine Xavier-Bichat, 16, rue Henri-Huchard, 75018 Paris,
2 et 3 juin 2003. Coût : 150 euros
L’Institut de médecine et d’épidémiologie africaines propose aux médecins, pharmaciens et infirmiers un stage intensif de médecine des voyages.
A partir de situations cliniques, l’ensemble des conseils aux voyageurs sera abordé : évaluation du risque, vaccinations, prévention du paludisme et des autres maladies à transmission vectorielle, pharmacie du voyageur. Les voyageurs à risque particuliers et les principales pathologies du retour seront également abordés.
INTERNET
Site Santé-Voyages du CHU de Rouen
http://www.chu-rouen.fr/cap/svhome.html
sante-voyages@chu-rouen.fr – Tél. : 02 32 88 84 48
Depuis de nombreuses années, le CHU de Rouen a mis en ligne un site extrêmement complet dédié aux voyageurs. Au sein du chapitre consacré au paludisme, des liens renvoient vers de très nombreux documents : cartes de chimiorésistances du plasmodium ou de risque de paludisme selon les saisons, cartes de répartition des cas de paludisme d’importation, liste des pays des groupes 0, 1, 2 et 3… Santé-Voyages dispose également d’un standard téléphonique ouvert aux voyageurs comme aux professionnels de santé (en semaine de 9 h 00 à 18 h 00). Des médecins spécialement formés à la médecine du voyage répondent ainsi par téléphone ou par e-mail à toute question relative à la préparation sanitaire d’un voyage.
12e conférence de consensus
La 12e conférence de consensus thérapeutique anti-infectieuse de la Société de pathologie infectieuse de langue française (14.04.99) a eu pour objectif de donner un cadre précis à la prise en charge et à la prévention du paludisme d’importation. Elle expose point par point comment réduire les délais de diagnostic du paludisme d’importation, comment évaluer l’urgence et organiser sa prise en charge, quels sont les traitements de référence en cas de forme non compliquée et en cas de forme grave, comment bien choisir une prophylaxie et quel doit être le traitement de réserve en fonction de chaque situation.
LIVRES
Les maux du voyage
Société de médecine des voyages, Adimi/Edisan, éd. CD Conseil
La première partie de cet ouvrage se présente sous forme de liste alphabétique des différents maux auxquels le voyageur peut être confronté, des plus classiques (chimioprophylaxie du paludisme ou syndrome de la classe économique) au moins connus (maladie du sommeil, myiase ou gnathostomose). La seconde partie de l’ouvrage aborde les particularités épidémiologiques et les principaux risques propres à chaque région du globe, et propose pour chaque région un tableau résumant les vaccinations et la prophylaxie antipaludéenne nécessaires.
Paludisme et grossesse
Le paludisme est une maladie particulièrement dangereuse chez la femme enceinte, même pour celles qui vivent en pays d’endémie car les mécanismes de défense naturelle sont affaiblis pendant la grossesse. Le paludisme peut provoquer une anémie sévère, une fausse couche, la naissance d’un enfant mort-né, une insuffisance de poids à la naissance, un accouchement prématuré, le décès de la mère. Le paludisme grave est plus fréquent pendant la grossesse et plus difficile à traiter chez la femme enceinte.
Toute femme enceinte vivant en pays d’endémie doit prendre un traitement antipaludéen adapté.
Les voyages en zone impaludée doivent être évités chez la femme enceinte. En cas d’absolue nécessité, les mesures de prévention contre les piqûres d’insectes doivent être utilisées au maximum : port de vêtements longs, moustiquaires et vêtements imprégnés d’insecticide. Les repellents pour la peau sont déconseillés chez la femme enceinte.
Diagnostic différentiel
– Une primo-invasion au paludisme peut simuler une infection virale (entérovirose, arbovirose comme la dengue) ou bactérienne (salmonelle…). Les symptômes sont parfois frustres ou peu typiques, surtout en cas de chimioprophylaxie plus ou moins bien suivie.
– Toute fièvre survenant au cours ou au retour d’un voyage en zone impaludée doit faire évoquer un paludisme.
– Tout trouble de la conscience survenant dans un contexte de fièvre chez un sujet revenant d’un pays en zone intertropicale doit faire suspecter un accès pernicieux. Les diagnostics différentiels à discuter sont : les encéphalites, méningites, thrombophlébites cérébrales, comas métaboliques.
– Le paludisme viscéral évolutif présente les mêmes signes qu’une anémie hémolytique fébrile et doit être différencié des autres causes de splénomégalie.
Examens complémentaires
Des recherches biologiques complémentaires permettent d’apprécier la gravité de l’infection.
– L’hémogramme montre une anémie de type hémolytique (élévation du taux de réticulocytes), une lymphopénie et une thrombopénie (baisse du taux de plaquettes) parfois très importante.
– L’observation des leucocytes montre des cellules mélanifères (leucocytes contenant des restes d’hémoglobine phagocytée sous forme de pigment noir).
– Une hypocholestérolémie ainsi que des perturbations hépatiques et rénales sont possibles.
– L’hypoglycémie est fréquente, en particulier chez l’enfant.
– Le sérodiagnostic ne remplace pas le frottis sanguin mais permet de prévenir le paludisme transfusionnel et se révèle utile lors des enquêtes épidémiologiques.
Contre-indications absolues
– Amodiaquine : antécédent d’atteinte hépatique ou hématologique sous amodiaquine, rétinopathie.
– Atovaquone : insuffisance rénale sévère
(Cl créat. #lt; 30 ml/min) pour l’utilisation en traitement prophylactique.
– Chloroquine : rétinopathies.
– Doxycycline : femme enceinte et enfant de moins de 8 ans.
– Halofantrine : allongement congénital ou acquis de l’espace QT, antécédents de cardiopathie ou d’arythmie, antécédents familiaux de mort subite, hypokaliémie, grossesse, allaitement et enfant de moins de un an.
– Méfloquine : antécédents de dépression, de maladie psychiatrique ou de convulsions (pour le traitement prophylactique), femme enceinte, insuffisance hépatique sévère, antécédent de fièvre bilieuse hémoglobinurique.
– Quinine : troubles graves de la conduction auriculoventriculaire, antécédents de fièvre hémoglobinurique.
– Sulfadoxine + pyriméthamine : insuffisance rénale ou hépatique sévère, antécédent d’hépatite à cette association.
Femmes enceintes et enfants
– Chez la femme enceinte, seuls la chloroquine, le proguanil et la quinine sont autorisés.
Il est donc essentiel de les prévenir du danger qu’elle court lorsqu’elle se rend dans des pays de groupe 2 et de surcroît du groupe 3.
– Chez les enfants, les médicaments autorisés sans limitation d’âge sont à titre préventifs : la chloroquine, le proguanil et à titre curatif : la quinine. La méfloquine est contre-indiquée en dessous de 15 kg. Ne pas oublier de placer une moustiquaire imprégnée au-dessus de leur lit ou de leur berceau et garder les antipaludéens hors de leur portée.
L’ingestion de deux comprimés de Nivaquine 100 mg entraînent des troubles cardiaques graves chez un enfant de 10 kilos.
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