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Le don d’ovocytes

Publié le 1 décembre 2018
Par Caroline Bouhala
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Offrir ses ovules en vue d’une assistance médicale à la procréation est un acte généreux mais non anodin. Il nécessite un engagement important de la part de la donneuse.

C’est quoi ?

• Le don d’ovocytes consiste en l’apport, par un tiers, de gamètes féminins (les ovocytes ou ovules, voir lexique) en vue d’une assistance médicale à la procréation (AMP). Il vise à pallier le déficit ovarien ou à prévenir le risque de transmission de maladies génétiques d’une femme en âge de procréer, ayant avec son conjoint un désir de parentalité.

• La première naissance issue d’un don d’ovocytes a eu lieu en Australie en 1983 et en 1986 en France, où le processus est encadré de façon légale depuis 1994 avec la loi de bioéthique.

Comment fonctionne le cyclel ovarien ?

• À la naissance, les ovaires possèdent déjà tout leur stock d’ovocytes, plusieurs milliers, voire un à deux millions. Chaque ovocyte est dans une petite cavité cellulaire appelée follicule ovarien. Ces structures, immatures, deviendront matures à partir de la puberté sous l’influence des sécrétions hormonales.

• Cette réserve ovarienne varie selon les femmes et l’âge. Elle diminue peu à peu au cours du temps en raison d’une dégénérescence spontanée qui démarre dès l’enfance et se poursuit jusqu’à épuisement du stock.

• À la puberté, cette dégénérescence s’accompagne du développement d’une dizaine d’ovocytes chaque mois sous l’influence des sécrétions hormonales qui se mettent en place afin de sélectionner un seul ovocyte mature, destiné à être fécondé.

Pour cela, à partir du 1er jour du cycle menstruel – c’est le 1er jour des règles -, deux hormones, la FSH (follicle stimulating hormon) et la LH (luteinizing hormon), sont sécrétées par l’hypophyse sous l’influence de la GnRH (gonadotropin-releasing hormon) sécrétée par l’hypothalamus. La FSH et la LH permettent le développement des follicules engagés dans le cycle, mais un seul sera conservé, le plus mature, appelé follicule dominant. Il est soumis, vers le 12e jour du cycle, à une libération importante de LH qui déclenche l’ovulation, c’est-à-dire l’expulsion de l’ovocyte mature dans les trompes de Fallope, 36 à 40 heures après le pic de LH, soit autour du 14e jour du cycle. L’ovocyte est apte à rencontrer un spermatozoïde.

À savoir : parfois, deux follicules peuvent atteindre le stade mature et libérer leur ovocyte, conduisant à la naissance potentielle de « faux » jumeaux.

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À qui est destiné le don ?

• Le don d’ovocytes est réservé à des couples composés d’un homme et d’une femme, pas forcément mariés, vivants et en âge de procréer mais qui ne peuvent pas réaliser leur désir de devenir parents pour des raisons médicales. Il n’est donc pas destiné aux femmes seules, ni aux couples homosexuels.

• Les raisons médicales : un dysfonctionnement ovarien primaire tel qu’une ménopause précoce, ou ovarien secondaire (cause iatrogène, chirurgicale…), un risque de transmettre une maladie très grave à l’enfant, un échec des techniques d’assistance médicale à la procréation intraconjugale, c’est-à-dire uniquement avec les gamètes du couple.

• L’« âge de procréer » n’est pas défini, mais l’Assurance maladie impose la limite de 42 ans révolus (avant l’anniversaire des 43 ans) pour la prise en charge. Les spécialistes s’accordent sur le respect de cette limite d’âge, avec une tolérance jusqu’à 45 ans pour celles qui ont des embryons congelés. L’âge limite recommandé pour le conjoint est de 60 ans.

• Différents éléments sont pris en compte pour attribuer les ovocytes à un couple : l’origine géographique, mais aussi le groupe sanguin, la couleur des yeux/cheveux…

Qui peut donner ?

• Une femme à partir de 18 ans et jusqu’à 37 ans inclus car au-delà, le risque de transmettre une maladie génétique augmente et la qualité ovocytaire est également moins bonne.

• Les femmes qui ont eu des enfants ainsi que celles nullipares, c’est-à-dire qui n’ont pas encore enfanté, depuis la loi de bioéthique de 2011 appliquée en 2016.

Les principes du don

Comme celui des organes, du sang ou de la moelle osseuse, le don d’ovocytes répond à 3 principes. Il doit être :

• volontaire : la donneuse et son partenaire, s’il y en a un, doivent signer un consentement écrit attestant que leur choix est libre – sans contrainte – et éclairé, c’est-à-dire qu’ils ont eu toute l’information nécessaire. Ce consentement est révocable à tout instant dès lors que les ovocytes n’ont pas encore été mis en fécondation avec des spermatozoïdes ;

• anonyme : les « couples » donneuse/receveuse et donneuse/enfant né du don ne peuvent pas connaître leurs identités respectives ;

• gratuit : la loi interdit toute rémunération dans un souci éthique de respect et de nonmarchandisation du corps humain. En revanche, tous les frais médicaux en lien avec le don sont pris en charge par l’Assurance maladie. Les frais dits « non médicaux », comme la perte de salaire liée à l’absentéisme au travail, transport, garde d’enfants, etc., sont pris en charge par l’établissement de santé où est effectué le don sous couvert de justificatifs.

• Le don d’ovocytes est limité à deux cycles complets (stimulation ovarienne et prélèvement d’ovocytes en vue de don) au cours de la vie d’une femme.

L’autoconservation

• Dans le droit actuel, l’autoconservation est autorisée dans 2 situations :

→ la femme a une maladie qui l’expose à un traitement susceptible d’altérer sa fertilité ultérieure ;

→ une donneuse nullipare : la loi l’autorise à conserver une partie des ovocytes à des fins personnelles dans le cas d’une infertilité ultérieure.

• Chaque année, la donneuse est contactée pour savoir si elle souhaite continuer à conserver ses ovocytes. Si elle n’est plus en âge de procréer, ne répond pas pendant plus de dix ans, si elle ne souhaite plus l’autoconservation ou si elle décède, les ovocytes sont réorientés pour un don.

Les étapes du don

• Premier contact et consentement. La potentielle donneuse rencontre un médecin qui l’informe afin de recueillir un consentement libre et éclairé. Interrogatoire des antécédents médicaux et bilan de santé sont réalisés. Plusieurs consultations s’assurent de l’absence de contre-indication au don, avec :

→ bilan sanguin : groupe sanguin, dosages hormonaux, recherche d’infections sexuellement transmissibles (IST), caryotype, etc. ;

→ bilan gynécologique : contrôle du bon fonctionnement des ovaires de la donneuse via des échographies ;

→ enquête génétique avec recherche d’antécédents de maladies génétiques au sein de la famille ;

→ consultation pré-anesthésique afin de choisir le mode d’anesthésie le plus adapté ;

→ proposition systématique d’un entretien avec un psychiatre ou un psychologue afin d’identifier ses motivations et l’existence éventuelle d’une pression exercée sur elle. Facultatif pour les femmes déjà mères, il est obligatoire pour les nullipares.

• L’équipe pluridisciplinaire évalue le dossier et prescrit d’éventuels bilans complémentaires, puis si tout est dans les normes acceptables, un traitement de stimulation est prescrit.

• La stimulation. Le protocole de stimulation ovarienne vise :

→ à stimuler les ovaires pour provoquer la croissance de plusieurs follicules ovariens jusqu’à leur maturation finale, contre un seul dans un cycle naturel, et ainsi obtenir plusieurs ovocytes ;

→ à mettre au repos l’hypophyse pour bloquer le risque d’ovulation spontanée ;

→ à déclencher l’ovulation en vue du recueil des ovocytes.

• Plusieurs protocoles existent, mais le plus utilisé est celui dit « antagoniste ».

→ Il peut être précédé par la mise au repos des ovaires – via l’axe hypothalamo-hypophysaire – par la prise d’une pilule oestroprogestative commencée en début de cycle afin d’empêcher le développement des follicules, le temps d’organiser la suite de la stimulation. Cela permet aussi de la démarrer sur une population folliculaire de maturation plus homogène. Une fois la pilule arrêtée, le cycle ovarien redémarre.

→ Le protocole antagoniste est alors mis en place avec des injections de gonadotrophines à activité principalement FSH (voir « ordonnance » Porphyre n° 545, septembre 2018). Elles stimulent la croissance des follicules engagés dans le cycle ovarien.

→ Un antagoniste GnRH est administré afin de bloquer l’hypophyse et donc de prévenir la sécrétion de FSH, mais surtout de LH, qui pourrait provoquer une ovulation incontrôlée.

→ Des dosages hormonaux et des échographies endovaginales sont réalisés régulièrement afin de contrôler le bon déroulement de la stimulation, chaque femme réagissant différemment au traitement. Le but est de réussir à faire mûrir plusieurs follicules.

→ Lorsque la taille et le nombre de follicules apparaissent optimaux à l’imagerie et les dosages hormonaux bons, un pic de LH est simulé, avec l’injection d’un analogue de la GnRH, ou un analogue de la gonadotrophine chorionique humaine (hCG).

→ La date de prélèvement est programmée afin de ponctionner les follicules matures, de sorte que l’intervention ait lieu juste avant l’ovulation.

• Le prélèvement. La donneuse est hospitalisée en hôpital de jour et le recueil s’effectue au bloc opératoire. Elle rentre chez elle le jour même, environ 3 heures après la ponction, à condition d’être accompagnée.

→ Le prélèvement a lieu sous échographie par voie vaginale en une dizaine de minutes. Différents modes d’anesthésie sont possibles selon les situations : locale ou générale de courte durée.

→ Les ovocytes recueillis sont soit directement fécondés avec le sperme du couple receveur, soit conservés par vitrification dans l’attente de leur attribution. Il s’agit d’une congélation rapide qui permet de conserver les ovocytes et de s’affranchir des contraintes organisationnelles : incertitude sur le nombre de couples à contacter, préparation du couple receveur à synchroniser sur le cycle de la donneuse…

• Durée totale. Deux à trois mois sont habituellement nécessaires entre le premier entretien et la réalisation du don selon les disponibilités de chacun. Une fois que la stimulation est commencée, compter une quinzaine de jours avant le prélèvement.

• De très rares effets indésirables. La période de stimulation est relativement bien supportée par la donneuse étant donné que les doses sont adaptées aux résultats échographiques et biologiques.

Dans les heures ou jours qui suivent le don, la donneuse peut ressentir des douleurs de type syndrome menstruel, pesanteur, crampes dans le bas du ventre, et de légers saignements. Ce sont des symptomes bénins et qui ne durent pas. En cas de troubles plus intenses, reprendre contact avec le centre.

Dico +

→ Gamète : cellule reproductrice mâle ou femelle qui contient un seul chromosome.

Chez l’homme, c’est le spermatozoïde, chez la femme, c’est l’ovule, cellule la plus grosse du corps humain.

Info +

→ En 2016(1) : 746 femmes ont donné des ovocytes et 256 naissances sont issues d’un don, soit 1 % des enfants nés grâce à une assistance médicale à la procréation (AMP).

→ Taux de réussite d’une fécondation in vitro (FIV) avec don d’ovocytes : environ 30 % en 2016.

(1) www.agencebiomedecine.fr

Info +

→ La plupart du temps, les ovocytes issus d’un don restent dans le centre où ce don a eu lieu, mais dans certains cas, les centres les mutualisent, notamment en cas de profil ethnique de la donneuse rare : femme noire, métisse, asiatique…

→ Un don d’ovocytes ne diminue pas la réserve ovarienne car le protocole stimule uniquement les ovocytes entrés dans le cycle et qui auraient naturellement régressé. Ainsi, il ne diminue pas les chances d’une grossesse ultérieure et n’avance pas l’âge de la ménopause.

À qui s’adresser ?

→ En France, plus d’une vingtaine de centres d’assistance médicale à la procréation, composés d’équipes médicales pluridisciplinaires, pratiquent l’activité de don d’ovocytes. Coordonnées sur www.dondovocytes.fr

→ Autre site utile : www.dondespermatozoides.fr