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La nouvelle donne des prestataires au domicile
C’est un secteur d’activité qui progresse mais qui doit encore trouver des repères. Missionnée en 2019 sur le métier des prestataires et distributeurs de matériel au domicile, l’Inspection générale des affaires sociales vient de rendre son rapport. Des évolutions sont d’ores et déjà engagées, qui tracent aussi, malgré les exigences et la concurrence, l’avenir du matériel médical à l’officine.
En 2018, pas moins de 2 400 entreprises prestataires de services et distributrices de matériel au domicile sont enregistrées par l’Assurance maladie. Avec une grande hétérogénéité des activités et des structures : des groupes cotés en Bourse côtoient des TPE familiales, qui sont la majorité des intervenants. Il faut aussi compter avec les filiales de grossistes-répartiteurs, certains fabricants ou encore La Poste. « L’entrée continue de nouveaux acteurs sur certains marchés sectoriels, notamment le diabète et le respiratoire, est un reflet de l’attractivité de ces secteurs », pointe l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport rendu public sur son site internet le 28 juillet. Cette pluralité assure une large couverture du territoire en même temps qu’elle aiguise une vive concurrence, à l’origine de pratiques déjà relevées dans un précédent rapport en 2013. L’Igas fait état d’une stratégie d’entrisme dans les établissements hospitaliers. « Les prestataires ont déployé, dans les services les plus intéressants en termes d’opportunité de prescriptions, des délégués qui sont souvent des professionnels de santé, voire d’anciens soignants du service. » Pour s’imposer au détriment de leurs concurrents et notamment des pharmaciens d’officine, des prestataires vont jusqu’à rédiger les ordonnances des patients en sortie d’hospitalisation, de sorte que les médecins n’aient plus qu’à les signer. « Des hôpitaux eux-mêmes sont à l’origine de ces dérives », dénonce Fabrice Camaïoni, président de l’UNPDM (Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux), qui représente majoritairement les pharmaciens. Il demande « Plus de contrôles et de sanctions », au même titre que l’Igas. Et qu’Arnaud Fayolle, directeur général adjoint de Bastide-Le Confort Médical. « Il n’y a pas de contrôle des prescripteurs hospitaliers. Pendant la crise sanitaire, les demandes d’entente préalable ont été suspendues. Elles sont de toute façon refusées dans moins de 1 % des cas. Voilà du temps qui pourrait être récupéré par l’assurance maladie pour faire des contrôles. » A la tête de la Fedepsad (Fédération des prestataires de santé à domicile), Charles-Henri des Villettes tempère : « Si, dans certains cas, ces situations peuvent exister et si les médecins font cette demande, c’est faute de temps administratif et à cause de la complexité de la nomenclature. Ce problème va se régler lorsque l’assurance maladie aura avancé sur les outils d’aide à la prescription. » A ce jour, la visite du prestataire auprès du prescripteur n’est pas uniquement à visée commerciale. Selon le président de la Fedepsad, elle permet aussi d’informer le prescripteur sur le suivi de ses patients au domicile. Une charte de la visite médicale est en cours d’élaboration, qui devrait aboutir dans quelques mois.
Des prestataires devenus incontournables
Les pharmaciens d’officine n’ont déontologiquement pas cette possibilité de promouvoir leur activité. Arnaud Fayolle évoque pourtant une situation plus équilibrée qu’il n’y paraît. « les hôpitaux ont de moins en moins de personnels qualifiés pour former, par exemple, les patients stomisés. Nous les prenons en charge en sortie d’hospitalisation. Et lorsqu’ils sont plus à l’aise pour sortir de chez eux, c’est à l’officine qu’ils vont chercher leur matériel de stomie. » Ce sont donc les patients qui devraient pouvoir trancher. « Pour cela, ils doivent être mieux informés. Lors de l’hospitalisation, il faut prévoir la sortie et désigner son médecin, son infirmière, son pharmacien et, si besoin, un prestataire de santé », estime Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Les prestataires sont en majorité reconnus pour leur professionnalisme et leur réactivité. De plus, selon l’Igas, ils pallient la coordination défaillante entre services hospitaliers et acteurs de premier recours. Egalement à leur crédit, des actions d’éducation thérapeutique et de télésuivi pour l’observance du traitement. Elles les mènent plus loin que des « prestataires techniques », tels que mentionnés dans le Code de la santé publique. « Nous ne sommes pas établissements de santé, ni professionnels de santé, même si plus de 20 % de nos effectifs sont des médecins, pharmaciens ou infirmiers. Ce que nous voulons, c’est être reconnus comme acteurs de santé et être mieux intégrés dans le parcours de soin en complémentarité avec les autres acteurs », affirme Charles-Henri des Villettes. Ceci afin de pouvoir mieux dialoguer avec les autorités de santé, et envisager de nouvelles prises en charge, comme la chimiothérapie au domicile. Tout cela ne pourra se faire sans assurance qualité. L’Igas relève le faible niveau d’exigence réglementaire en termes de diplômes pour exercer l’activité. Elle recommande que d’ici à 2024 le conventionnement à l’Assurance maladie soit conditionné à une certification délivrée par un organisme externe. Des réunions ont débuté sur ce point avec la direction de la Sécurité sociale et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 devrait le valider. Les délais seront difficiles à tenir faute d’organismes certificateurs en nombre suffisant.
Une révision des tarifs
Autre chantier majeur de l’évolution de ce secteur, la refonte de la tarification. La liste des produits et prestations remboursables (LPPR) est peu précise et rarement actualisée. « C’est un outil de tarification qui n’a pas vocation à décrire en détail les prestations faisant l’objet d’un remboursement », rapporte l’Igas. De plus, il manque des données médico-économiques qui pourraient éclairer les décisions tarifaires. Pour Fabrice Camaïoni, la rémunération sur la vente du dispositif, comme une ceinture lombaire, ne prend pas en compte le travail réalisé à l’officine. A l’instar de l’Igas, il veut une facturation qui dissocie fourniture du matériel et prestation. « Si on fait le parallèle avec le médicament, il y a des baisses de prix mais les honoraires de dispensation sont préservés. » A l’inverse, les représentants des prestataires, qui peuvent fournir à eux seuls matériel et prestation, plaident pour une prise en charge forfaitaire. « Elle serait garante d’une maîtrise de la dépense et permettrait d’intégrer un paiement à la performance, explique le président de la Fedepsad. Dans le traitement de l’apnée du sommeil, cela fonctionne bien. Le remboursement est modulé selon le degré d’observance du patient qui dépend notamment de la bonne adaptation du matériel ». L’édifice de la nouvelle tarification devrait voir le jour en 2024. La première pierre étant, dès l’année prochaine, l’élaboration de référentiels et de critères de valorisation de la prestation par la Haute Autorité de santé (HAS).
Une carte à jouer pour l’officine
De tout cela, les officinaux investis dans le maintien et la prestation au domicile seront également parties prenantes. « Ce n’est pas un autre métier sans être tout à fait le même qu’au comptoir. Les pharmaciens ne peuvent pas tout faire. S’ils le font, il faut le faire bien », soutient Gérard Raymond. Des structures locales regroupant plusieurs dizaines de pharmaciens permettent de mutualiser les achats et la mise à disposition d’un parc de matériel. Il reste aussi la possibilité de faire appel à des sous-traitants, comme les prestataires émanant des grossistes-répartiteurs (Alcura, Orkyn, etc.) ou encore des sociétés spécialisées. « Les officinaux font souvent appel à deux ou trois prestataires, le premier réalisant 75 à 80 % des prestations, le second 20 à 25 % », indique Guillaume Champault, directeur général des opérations d’ABM Pharma, partenaire privilégié de Giphar ayant des accords avec quarante groupements de pharmacies. Quel que soit leur investissement et en dépit de l’environnement concurrentiel, les pharmaciens ont leur place dans cette activité, d’autant qu’ils franchissent de plus en plus le seuil du domicile. Ce qui fait dire à Pierre-Xavier Franck, directeur général de Giphar Groupe : « Lorsqu’il reste en dehors de la boucle, le pharmacien ne sait pas toujours qu’un patient est maintenu au domicile. Ce n’est pas envisageable car il doit avoir une vision holistique du patient. » Et c’est écrit noir sur blanc dans le rapport de l’Igas : l’engagement de la profession dans une démarche de qualité et la répartition harmonieuse sur le territoire sont d’autres points forts de l’officine. Elles lui donnent toute légitimité à s’investir dans la fourniture et l’installation de matériel au domicile du patient.
Quelle rentabilité pour le MAD ?
La fourniture de matériel au domicile est rentable, considère François Gillot, expert-comptable du cabinet CAA-G. Surtout en zone rurale ou semi-rurale, où il y a moins de concurrence et plus de surface de stockage qu’en ville. En faisant appel à un sous-traitant, donc sans nécessité pour l’officine de stocker, livrer et désinfecter, la marge atteint près de 30 % en moyenne. « Elle est de 100 % sur la location de lits médicalisés après amortissement de l’achat au terme de 52 semaines de location. A cela, il faut bien sûr retrancher une partie du temps passé à la livraison, l’installation et la désinfection. » Les méthodes de financement varient en fonction de l’investissement : autofinancement, emprunt, leasing. « Le matériel médical peut représenter entre 1 et 3 % du chiffre d’affaires. Soit tout de même de 20 000 à 60 000 euros pour un total de 2 millions d’euros. » La rentabilité de cette activité tient également à la connaissance que le pharmacien a du patient et de ses besoins au domicile.
À RETENIR
– Après un précédent en 2013, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de produire un rapport sur les activités des prestataires et fournisseurs de matériel au domicile.
– L’Igas met à nouveau en cause des pratiques anticoncurrentielles au sein des services hospitaliers. Des contrôles doivent être menés pour y remédier.
– D’ici à 2024, une certification externe sera exigée du prestataire pour être enregistré par l’Assurance maladie. Une refonte de la tarification devrait également intervenir avec l’appui de la Haute Autorité de santé.
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