La lamotrigine, qui constitue l’un des traitements majeurs de l’épilepsie et des troubles bipolaires, notamment chez la femme en âge de procréer, expose à un risque de toxidermies sévères. Une titration progressive et une surveillance clinique adéquate sont requises
Mécanisme d’action
La lamotrigine (Lamictal et génériques) exerce une activité dite « stabilisatrice de membrane » pré- et postsynaptique en inhibant les canaux sodiques voltage-dépendants. Cela a pour effets de bloquer la propagation des potentiels d’action dans les neurones et de diminuer la libération de glutamate (neuromédiateur impliqué dans la genèse des crises d’épilepsie) dans les fentes synaptiques.
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Indications
La lamotrigine est indiquée chez l’adulte et l’enfant à partir de 2 ans dans le traitement des épilepsies focales ou généralisées. Elle est plus particulièrement un traitement de choix au cours de la grossesse du fait de son faible potentiel tératogène comparé au valproate ou au topiramate.
Elle est également utilisée en prévention des épisodes dépressifs chez les adultes bipolaires avec prédominance d’épisodes dépressifs. Son mode d’action dans cette indication est moins bien étayé que dans l’épilepsie, mais il reposerait vraisemblablement aussi sur l’effet stabilisant de membrane.
Pharmacocinétique
Absorption :administrée per os,la lamotrigine est rapidement et bien absorbée par le tube digestif, sans influence du bol alimentaire.
Distribution : elle est largement distribuée dans l’organisme et se diffuse au travers du placenta et dans le lait maternel.D’après le résumé des caractéristiques du produit, les taux plasmatiques chez les enfants allaités sont très variables, allant jusqu’à 50 % de ceux de la mère. Le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) indique, quant à lui, chez les enfants allaités, des concentrations plasmatiques dans la fourchette thérapeutique d’un adulte traité. En 2023, une étude française réalisée sur 5 enfants allaités a aussi montré sur 4 d’entre eux des taux plasmatiques proches de ceux des adultes traités*.
Élimination : les métabolites sont principalement éliminés par la voie rénale. La demi-vie de la lamotrigine est d’environ 33 heures. Elle peut être allongée, jusqu’à 70 heures, en cas d’association avec le valproate (inhibiteur d’UGT). Inversement, elle est réduite à 14 heures lorsqu’elle est combinée avec des inducteurs d’UGT et de CYP450 (millepertuis, rifampicine, carbamazépine, phénytoïne, etc.).
Effets indésirables
Éruptions cutanées potentiellement graves
La lamotrigine peut induire, très fréquemment, des éruptions cutanées, généralement dans les 8 premières semaines de traitement, ce qui nécessite une titration progressive. Si la majorité des éruptions sont bénignes (à type d’exanthème maculopapuleux), d’autres, rares, sont potentiellement létales comme la nécrolyse épidermique toxique (NET), atteinte bulleuse avec décollement cutané rapidement extensive aux muqueuses, ou le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse avec éosinophilie et symptômes systémiques (Dress), toxidermie sévère associée à une défaillance multiviscérale débutant généralement par un œdème du visage. Le risque d’éruption grave est plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte et majoré par l’utilisation de doses initiales élevées ou par l’association avec l’acide valproïque (voir « Interactions »).
Des manifestations de photosensibilisation, faisant recommander une protection adéquate en période d’ensoleillement, sont également possibles.
La molécule peut, en outre, être fréquemment responsable de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées) et plus rarement d’atteintes hépatiques. Des troubles neuropsychiques sont également susceptibles d’apparaître (fatigue, perte de vigilance et difficulté à se concentrer, somnolence, céphalées, tremblements, agressivité, irritabilité, plus rarement des troubles oculaires, tels que nystagmus, diplopie, vision floue), voire des anomalies hématologiques (leucopénie, anémie, thrombopénie).
Contre-indications et précautions
Chez des enfants allaités par une mère sous lamotrigine, une somnolence affectant la prise alimentaire et des atteintes hépatiques et hématologiques ont été rapportées. Selon le Crat, du fait de la variabilité interindividuelle de l’exposition à la lamotrigine chez les enfants allaités, la conduite à tenir n’est pas univoque. Ainsi, si l’allaitement chez une femme traitée par lamotrigine est entrepris, une surveillance des concentrations plasmatiques de lamotrigine et des transaminases devrait être réalisée chez l’enfant au bout de 2 à 3 semaines. Selon la monographie, les bénéfices de l’allaitement doivent être évalués et, si celui-ci est autorisé, une surveillance clinique de l’enfant est à instaurer (somnolence, état cutané, poids).
Interactions
L’association avec le millepertuis (inducteur de CYP 450) est contre-indiquée (tendance à une réduction de l’efficacité de la lamotrigine). Celle avec l’acide valproïque et le valpromide (inhibiteurs d’UGT) est déconseillée en raison d’un risque majoré de réactions cutanées sévères par addition d’effets indésirables cutanés et augmentation des concentrations de lamotrigine. Cependant, si elle est nécessaire, la dose initiale de lamotrigine doit être diminuée (voir encadré) et une surveillance étroite de l’état cutané s’impose. Lorsque la lamotrigine est associée à des inducteurs du CYP3A4, dont certains sont par ailleurs inducteurs d’UGT, comme la carbamazépine, la phénytoïne, le phénobarbital, la primidone ou la rifampicine, ses posologies doivent être adaptées à la hausse (éventuellement doublées).
La contraception œstroprogestative peut réduirel’efficacité de la lamotrigine et nécessiter une augmentation de sa posologie. Il convient d’éviter de commencer ce type de contraception orale pendant la période de titration de la lamotrigine. Celle-ci ne semble pas, en revanche, diminuer l’efficacité des contraceptifs hormonaux.
Le ritonavir est susceptible de diminuer les concentrations plasmatiques de lamotrigine (probablement en induisant sa glucuronisation), ce qui implique parfois de réévaluer sa posologie.
Bon usage de la lamotrigine
En septembre 2023, afin de prévenir le risque de toxidermie sévère, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé les règles de bon usage de la lamotrigine :
– respecter une titration de 4 semaines à l’instauration du traitement ;
– lors de la délivrance, informer le patient que les boîtes contiennent une carte d’alerte, à conserver sur soi, et indiquer la conduite à tenir : en cas de survenue d’une éruption cutanée, la lamotrigine doit être immédiatement arrêtée si son imputabilité est suspectée, et une consultation médicale s’impose. Celle-ci est urgente en cas de cloques, de desquamation, de fièvre, d’ulcération des muqueuses (bouche, nez, organes génitaux), d’adénopathie, d’œdème du visage, de saignements ou de bleus ;
Bon usage de la lamotrigine
En septembre 2023, afin de prévenir le risque de toxidermie sévère, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé les règles de bon usage de la lamotrigine :
– respecter une titration de 4 semaines à l’instauration du traitement ;
– au cas où l’association avec l’acide valproïque ou ses dérivés serait indispensable, les posologies initiales de lamotrigine doivent être réduites de moitié et la période de titration allongée ;
– lors de la délivrance, informer le patient que les boîtes contiennent une carte d’alerte, à conserver sur soi, et indiquer la conduite à tenir : en cas de survenue d’une éruption cutanée, la lamotrigine doit être immédiatement arrêtée si son imputabilité est suspectée, et une consultation médicale s’impose. Celle-ci est urgente en cas de cloques, de desquamation, de fièvre, d’ulcération des muqueuses (bouche, nez, organes génitaux), d’adénopathie, d’œdème du visage, de saignements ou de bleus ;
– déclarer l’effet indésirable à un centre régional de pharmacovigilance ;
– recommander un avis dermatologique et allergologique afin de confirmer ou d’infirmer l’implication de la lamotrigine et de savoir si elle est ou non désormais contre-indiquée.
* « Monitoring of lamotrigine concentrations in five breastfed newborns », Fundamental & Clinical Pharmacology, vol. 37, June 2023.