Des séances d’aérosol dans une otite séreuse

Prescription

Dr M., oto-rhino-laryngologiste

Loïc S. 9 ans, 29 kg

Orelox sp

1 dose 29 kg matin et soir pendant 7 jours.

Solupred 20 mg orodispersible

1 cp et demi pendant 5 jours.

Location d’un appareil aérosol manosonique pendant 10 jours avec masque

Faire 1 séance de 10 minutes matin et soir avec la moitié du mélange suivant :

2 dosettes d’Oflocet auriculaire,

1 flacon de Solu-Médrol 40 mg,

1 flacon de Mucomystendo,

10 ml de sérum physiologique.

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

– Oflocet, Solu-Médrol et Mucomystendo sont prescrits hors AMM dans la nébulisation, donc non pris en charge. Cela est courant en pathologie respiratoire ou ORL. La prescription et la délivrance engagent la responsabilité du médecin et du pharmacien qui décidera.

– La prise en charge de la location d’un aérosol manosonique est effective après avis d’un pédiatre ou d’un ORL, c’est le cas ici. La prescription doit être rédigée sur une ordonnance à part, ce qui est rarement respecté. Le médecin rectifiera.

Contexte

C’est quoi ?

L’aérosol manosonique oriente vers une otite séreuse ou séro-muqueuse. Très fréquente chez l’enfant, cette otite chronique non douloureuse entraîne une baisse plus ou moins forte de l’audition. En cause, une mauvaise ventilation de la trompe d’Eustache – ou trompe auditive –, qui relie le rhinopharynx à l’oreille moyenne et qui a pour rôle d’équilibrer la pression de l’air de chaque côté du tympan.

Elle peut être favorisée par l’hypertrophie des végétations adénoïdes, ce qui n’est pas le cas de Loïc – le médecin aurait proposé de les enlever – ou par des otites aiguës à répétition. L’otite séreuse favorise des épisodes d’otite moyenne aiguë.

Qu’a dit le médecin ?

L’ORL a confirmé la guérison de l’épisode d’otite aiguë. En revanche, il a diagnostiqué une otite séreuse unilatérale du côté gauche. L’examen ORL – otoscopie sous microscope – a révélé un liquide au niveau de l’oreille moyenne ; cet épanchement rétro-tympanique est à l’origine d’une sensation gênante de plénitude de l’oreille (oreille bouchée) et/ou de gêne auditive.

Les examens audiométriques ont révélé une perte auditive. Loïc n’est pas gêné, mais sa maman a constaté qu’il était plus facilement irritable et fatigué. Il compense sûrement la perte avec l’autre oreille ; avec un possible impact sur son bien-être.

Quelle est l’évolution ?

Elle peut être spontanément favorable, parfois sur plusieurs mois ou années. Certaines formes prolongées se compliquent gravement : perforation du tympan… L’otite séreuse est à surveiller. Si elle entraîne une perte auditive importante, elle est traitée pour ne pas gêner les apprentissages. En cas d’échec, un aérateur transtympanique sera envisagé.

Objectifs

Éviter une surinfection

L’antibiothérapie orale a pour objectif d’éviter une surinfection bactérienne car le liquide d’épanchement de l’otite séreuse contient des bactéries, proches de celles des otites moyennes aiguës telles que pneumocoque et Haemophilus influenzae. Des études ont montré l’intérêt d’associer une corticothérapie orale de quelques jours.

Favoriser la ventilation

Les aérosols génèrent une surpression au niveau de la trompe d’Eustache, afin de retrouver une ventilation efficace.

Médicaments

Orelox (cefpodoxime proxétil)

Cette céphalosporine de troisième génération est indiquée dans les otites moyennes aiguës. Les deux prises sont données avec une pipette graduée en dose-poids.

Solupred (prednisolone)

Corticoïde indiqué notamment dans certaines otites séreuses. Posologie : de 0,5 à 2 mg/kg/jour en traitement d’attaque.

Médicaments nébulisés

→ Oflocet (ofloxacine) : quinolone (antibiotique) en solution auriculaire en unidoses indiquée dans les otorrhées (écoulements de l’oreille) purulentes.

→ Solu-Médrol (méthylprednisolone) : corticoïde à usage parentéral, voie IM ou IV, après reconstitution de la solution injectable (poudre et solvant de 2 ml).

→ Mucomystendo (acétylcystéine) : mucolytique fluidifiant les sécrétions, utilisé en instillation endotrachéale dans l’encombrement des voies respiratoires chez les trachéotomisés.

→ Le sérum physiologique : diluant.

Le volume de nébulisation doit être au moins de 3 ml, ce qui est bien le cas ici.

Matériel

Aérosol manosonique

Il est constitué d’un générateur pneumatique – qui délivre de l’air comprimé afin de produire un aérosol à partir d’un liquide –, sur lequel est ajouté un circuit supplémentaire permettant l’émission de vibrations à 100 Hz. Ces dernières favorisent la diffusion des particules dans les voies respiratoires et l’application temporaire d’une surpression réglable. Ces trois fonctions font pénétrer les médicaments au niveau de la trompe d’Eustache.

Kit de nébulisation

Il comporte le nébuliseur, récipient où l’on place le liquide à nébuliser, les deux tubulures reliant le nébuliseur au générateur, l’une destinée aux vibrations et l’autre à la pression, et l’interface (embout narinaire).

Repérer les difficultés

– Vérifier auprès de la maman le poids de l’enfant pour l’Orelox.

– Lors de la commande de l’appareil, stipuler « aérosol manosonique » pour enfant (embout narinaire spécifique).

– Fournir une seringue de 2 ml pour reconstituer la solution de Solu-Médrol.

– Expliquer le déroulement d’une séance.

CE QUE JE DIS AU PATIENT

J’ouvre le dialogue

Rassurer sur le traitement en cours : « Le traitement vous semble lourd, mais il mérite d’être essayé car il est spécifiquement indiqué dans le type d’otite qu’a Loïc. Les aérateurs transtympaniques exposent à des contraintes au quotidien – il ne faut plus d’eau dans l’oreille. Si Loïc peut s’en passer, ce n’est pas négligeable. » Et sur l’évolution de l’otite séreuse : « Loïc est à présent suivi par un ORL qui, si nécessaire, contrôlera régulièrement son audition et lui prescrira un traitement adapté. »

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

→ Le traitement oral lutte contre l’infection et l’inflammation et vise à prévenir une éventuelle surinfection. Il potentialise l’action du traitement local.

→ L’aérosol permet aux médicaments de diffuser directement au niveau de l’oreille moyenne via la trompe d’Eustache. La pression exercée devrait « décoller » la membrane tympanique et assurer à nouveau la ventilation correcte de l’oreille.

Horaires d’administration

→ Orelox : une fois reconstitué, conserver au réfrigérateur. Agiter le flacon avant administration au moment du repas.

→ Solupred : le matin au cours du petit déjeuner pour respecter la sécrétion physiologique et le sommeil. Le laisser fondre dans la bouche, puis boire un verre d’eau, ou le déliter dans un peu d’eau et l’avaler.

→ Séances d’aérosol : matin et soir durant environ 10 minutes.

Effets indésirables

→ Orelox : troubles digestifs (diarrhée…).

→ Solupred : en cure courte, excitation, troubles du sommeil.

→ Séances d’aérosol : aucun en raison du faible passage systémique des principes actifs. L’acétylcystéine nébulisée est malodorante. La surpression, parfois douloureuse, se règle au « ressenti ».

J’accompagne

Déroulement de la séance

→ Préparer le mélange : reconstituer la solution de Solu-Médrol en injectant avec la seringue le solvant dans la poudre de lyophilisat. Mélanger ensuite tous les produits dans le flacon doseur.

→ Verser la moitié dans le nébuliseur et conserver le reste du mélange au réfrigérateur pour la seconde séance du jour.

→ Brancher les tuyaux en suivant les indications : le tuyau « ? pression ? » sur la sortie pression du générateur, le tuyau marqué « vibrations » sur la sortie vibrations.

→ Avant la séance : se moucher et réitérer si besoin en cours de séance.

→ Déroulé de la séance : pendant 2 minutes, inspirer calmement par le nez en soufflant par la bouche. Quand le voyant de surpression s’allume, déglutir ; ceci déclenche une sensation de plénitude ressentie dans l’oreille de manière plus ou moins forte. S’il est difficile de déglutir à plusieurs reprises, à la place, avaler une gorgée d’eau avec une paille pour déclencher la surpression. Effectuer une quinzaine de déglutitions « efficaces » – Loïc doit sentir la surpression –, ce qui correspond à une séance d’environ 10 minutes. Petit à petit, il arrivera à diminuer la surpression nécessaire pour faire passer l’air dans l’oreille moyenne.

→ Fin de la séance : jeter la solution non nébulisée. Débrancher les tuyaux (à utiliser toujours bien secs), laver le nébuliseur à l’eau chaude savonneuse. Désinfecter nébuliseur et embout – tuyaux si sales – après sept jours d’utilisation : eau bouillante 15 minutes minimum ou désinfection à froid (produits biberon…).

Surveillance

Si l’oreille se « débouche » après quelques jours, Loïc ressentira le gain auditif récupéré. L’objectif sera ensuite de maintenir cette ventilation correcte (voir Prévention). Alerter le médecin en cas de manifestations cutanées ou de diarrhée sanglante (colite pseudomembraneuse).

Prévention des récidives

Se moucher matin et soir avec du sérum physiologique ou de l’eau de mer. Faire la manœuvre de Valsalva (une inspiration profonde, puis une expiration bouche fermée en se pinçant le nez) de temps en temps est un « plus » pour aérer l’oreille moyenne.

Vente associée

Une cure de probiotiques et/ou de levures (Ultralevure, Probiolog, Immunostim Levure +…) limite les troubles intestinaux liés à l’antibiotique et aide à rééquilibrer la flore intestinale.

La maman me demande…

« Loïc peut-il aller à la piscine ? »

Non, c’est déconseillé pour le moment, comme prendre l’avion ou faire un séjour en haute altitude (montagne…) sans l’avis du médecin. Ces situations peuvent déclencher une récidive d’otite moyenne aiguë ou d’otite séreuse.

« Qu’est-ce que les aérateurs transtympaniques ? »

Appelés aussi « yo-yo » ou « diabolos », ce sont de petits tubes mis en place dans la membrane tympanique afin de maintenir le tympan ouvert dans le but de créer une aération artificielle de l’oreille moyenne. Ils permettent d’équilibrer les pressions de part et d’autre du tympan ; celui-ci peut vibrer correctement, ce qui permet de retrouver une audition normale. L’aérateur rétablit aussi la fonction de drainage de la trompe d’Eustache.