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Comment traiter la diarrhée aiguë ?

Publié le 19 janvier 2002
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Le traitement de la diarrhée a plusieurs objectifs :

– prévenir ou corriger la déshydratation,

– réduire l’intensité de la diarrhée grâce à un traitement symptomatique par antidiarrhéiques ou adsorbants locaux,

– éventuellement lutter contre l’agent infectieux responsable de la diarrhée.

Traitement symptomatique

Quelle que soit l’origine de la diarrhée, l’élément clé du traitement est la réhydratation.

La réhydratation

Lors d’un épisode de diarrhée, les pertes hydroélectrolytiques doivent être compensées.

Voie orale

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La réhydratation précoce et orale vise la prévention de graves conséquences cliniques (surtout chez l’enfant et la personne âgée).

Chez l’adulte, elle est habituellement réalisée par la prise de boissons sucrées complétées par des aliments solides bien salés (riz, purée bien salée…).

Les solutés de réhydratation (Adiaril, Alhydrate, GES 45, Lytren, Hydrigoz…) peuvent être utilisés, en particulier chez la personne âgée, plus sensible à la déshydratation. Ces solutés, qui contiennent tous un hydrate de carbone, du NaCl et du KCl, permettent un cotransport glucose-sodium au niveau de l’épithélium intestinal et améliorent la réhydratation.

Voie intraveineuse

En cas de déshydratation sévère (perte de poids supérieure à 10 % du poids corporel), le malade doit être hospitalisé pour une réhydratation parentérale. On utilise du sérum glucosé à 5 % enrichi en NaCl, KCl, gluconate de calcium et gluconate de magnésium.

Les antidiarrhéiques opiacés

Ce sont des dérivés naturels ou synthétiques de la morphine qui renforcent le tonus de repos de la musculature du grêle et du côlon et limitent les mouvements péristaltiques. Ils ralentissent le transit intestinal et augmentent ainsi le temps de contact entre la muqueuse intestinale et le contenu intestinal, ce qui favorise l’absorption des liquides.

Les différentes molécules

-> La poudre d’opium (élixir parégorique) est actuellement remplacée par des morphiniques de synthèse (diphénoxylate, lopéramide) du fait de la pharmacodépendance qu’elle peut entraîner.

-> Le diphénoxylate, molécule proche de la péthidine, est difficilement maniable car responsable de sédation et de dépression respiratoire en cas de surdosage. La présence d’atropine dans la seule spécialité à base de diphénoxylate (Diarsed) peut être responsable d’une augmentation de sa toxicité.

-> Le lopéramide (sous forme de chlorhydrate comme dans Imodium et de nombreux médicaments familiaux), analogue structural des opiacés, est doté d’une grande affinité pour les récepteurs périphériques des opiacés et d’une sélectivité pour le tube digestif, d’où une bonne tolérance.

L’oxyde de lopéramide (Arestal), inactif, est progressivement réduit en lopéramide par le contenu intestinal, ce qui permet une absorption moindre et une plus grande concentration en principe actif dans la partie distale du tube digestif. L’Arestal entraînerait moins de constipation secondaire que le chlorhydrate de lopéramide.

Limites d’utilisation

Les antidiarrhéiques opiacés sont à utiliser avec précaution dans les diarrhées bactériennes, car la stase engendrée peut augmenter l’invasion tissulaire par les micro-organismes.

Ils peuvent également favoriser le développement d’un mégacôlon toxique et sont donc contre-indiqués en cas d’affection intestinale inflammatoire.

Les antisécrétoires

Seul représentant de cette nouvelle classe de principes actifs, le racécadotril ou acétorphan (Tiorfan) exerce une activité antidiarrhéique rapide, sans ralentir le transit intestinal.

Mécanisme d’action

Le racécadotril est un inhibiteur de l’enképhalinase, enzyme responsable de la dégradation des enképhalines au niveau du tube digestif, et renforce donc l’action des enképhalines endogènes. Ces enképhalines sont des neuropeptides qui inhibent la sécrétion d’eau et d’électrolytes.

Effets indésirables

Quelques cas de somnolence ont été décrits durant les essais cliniques.

Le racécadotril n’entraîne pas de constipation secondaire car il n’agit qu’en cas d’hypersécrétion.

Les topiques adsorbants

A base d’argile ou de lactoprotéines méthyléniques, ce sont des adsorbants à haut pouvoir de fixation, en particulier vis-à-vis des toxines bactériennes. Leur administration prolongée et à fortes doses peut entraîner une constipation.

La diosmectite (Smecta) et l’attapulgite (Actapulgite)

Ce sont des silicates d’aluminium ou d’aluminium-magnésium ayant un grand pouvoir couvrant de la muqueuse digestive et formant un pansement gastro-intestinal. Ils ne modifient pas le temps de transit intestinal.

Les lactoprotéines méthyléniques (Sacolène) Elles agissent par effet d’adsorption.

Produits d’origine microbienne

Ils sont soit à base de cellules vivantes déshydratées ou lyophilisées, soit à base de micro-organismes tués.

Flore vivante

La prescription d’une flore de substitution (Ultra-Levure, Bacilor, Lyo-Bifidus…) est une pratique ancienne qui vise à coloniser la lumière de l’intestin et concurrencer par ce biais les germes pathogènes. Selon certains auteurs, ces levures ou ferments lactiques réduiraient l’adhésion des bactéries invasives aux entérocytes et sécréteraient une substance à activité antimicrobienne. L’efficacité de ces produits est controversée. Saccharomyces boulardii (Ultra-Levure) aurait une action dans les diarrhées dues à une antibiothérapie et dans les colites pseudo-membraneuses.

Les flores de substitution contiennent des cellules vivantes. Elles ne doivent pas être mélangées à un liquide ou un aliment trop chaud, trop froid ou alcoolisé.

Micro-organismes tués

Composé de Lactobacillus acidophilus tués par chauffage dans leur milieu de culture (Lactéol, Lactéol fort), ils agissent par l’intermédiaire des produits métaboliques élaborés par cette souche : action bactériostatique, immunostimulation, stimulation de la croissance de la flore acidogène bénéfique…

Traitements étiologiques

La plupart des diarrhées (en France) étant d’origine virale, seul un traitement symptomatique est nécessaire, l’évolution étant spontanément favorable.

Lorsque la diarrhée est suspectée d’origine bactérienne ou parasitaire, la mise en route d’un traitement antibiotique est la plupart du temps indispensable. La place des antiseptiques intestinaux reste à définir.

Les antibiotiques

L’antibiothérapie n’est indiquée que dans les diarrhées bactériennes invasives, c’est-à-dire avec syndrome dysentérique ou gastroentérite fébrile, chez les terrains fragiles, les tableaux cliniques sévères, les bactériémies, les entérocolites sévères à l’endoscopie et les patients présentant des complications extra-intestinales.

Le traitement antibiotique permet essentiellement d’éviter la diffusion extra-intestinale du germe (salmonellose). Il peut parfois réduire la contagiosité (choléra) et diminuer l’intensité de la diarrhée.

L’antibiotique choisi dépend du germe en cause, mais en attendant les résultats bactériologiques ou en l’absence de coproculture, les antibiotiques utilisés sont principalement les fluoroquinolones, le cotrimoxazole, les céphalosporines de troisième génération, les tétracyclines et les macrolides.

Plus récemment, des études sur l’efficacité thérapeutique de la ciprofloxacine ou de l’ofloxacine en monodoses ont ouvert d’intéressantes perspectives.

Les antiseptiques intestinaux

Les antiseptiques intestinaux (voir tableau p. 13) sont des produits chimiques non résorbés – du moins lorsque la muqueuse intestinale n’est pas lésée – possédant une activité antibactérienne locale de contact. Il peut s’agir d’antibiotiques non absorbés par la muqueuse intestinale donc dépourvus d’action anti-infectieuse générale.

Leur efficacité est inconstante et discutée. Elle est plus nette quand le traitement est débuté précocement. Dans les diarrhées dont l’origine bactérienne est suspectée et dont la gravité le nécessite, les antibiotiques doivent être préférés.

L’association tiliquinol-tilbroquinol (Intétrix) n’a plus d’indication que dans les amibiases intestinales.

Perspectives thérapeutiques

Un vaccin oral contre les diarrhées à Rotavirus, mis sur le marché en août 99 aux Etats-Unis, devait permettre de lutter contre les 600 000 décès d’enfants de moins de 5 ans dans le monde liés aux gastroentérites à ce virus, en particulier dans les pays en développement. L’apparition d’invaginations intestinales au décours de la vaccination a provoqué le retrait du vaccin. De nouveaux vaccins contre les Rotavirus chez l’enfant devraient voir le jour vers 2005.

Prise en charge à l’officine

– Certaines diarrhées peuvent être prises en charge à l’officine, sous réserve d’un interrogatoire précisant le retentissement de la diarrhée et éliminant certaines étiologies nécessitant d’emblée des explorations complémentaires.

– Trois points sont à préciser :

-> Y a-t-il un risque vital lié à la diarrhée elle-même ? : déshydratation majeure, nourrisson, personne âgée, terrain à risque (immunosuppression, sida…).

-> Y a-t-il un risque élevé de diarrhée d’origine parasitaire ou bactérienne ? : voyage tropical récent, diarrhée sanglante ou glaireuse…

-> Y a-t-il un effet iatrogène possible ? : traitement médicamenteux débuté dans les deux mois (en particulier AINS, colchicine, antiacide à base de magnésium, olsalazine, Lévothyrox… mais la liste est longue) ou antibiothérapie en cours ou récente (risque de colite à Clostridium difficile).

– Lorsque la diarrhée peut être prise en charge à l’officine, le traitement comporte trois volets : réhydratation, réalimentation adaptée, amélioration du confort du patient (ralentisseur du transit, argile, produits d’origine microbienne…).

Contre-indications

Lopéramide, poudre d’opium, diphénoxylate

– Poussée aiguë de rectocolite hémorragique.

– Dysenterie aiguë (présence de sang dans les selles et fièvre).

– Diarrhée survenant au cours d’une antibiothérapie à large spectre.

Racécadotril

Grossesse et allaitement.

Attapulgite

Affections sténosantes du tube digestif.

Saccharomyces boulardii

Patients porteurs d’un cathéter veineux central (risque d’infection fongique systémique).

Diarrhée sous antibiotiques

– Si la diarrhée est due à un déséquilibre de la flore bactérienne, le traitement repose sur l’arrêt de l’antibiotique, lorsque cela est possible. La régression spontanée est de règle. Saccharomyces boulardii diminue l’incidence des diarrhées postantibiotiques « simples ».

– Si la diarrhée est liée à la prolifération de Clostridium difficile, le traitement nécessite, outre l’arrêt de l’antibiotique, la prescription de vancomycine ou de métronidazole. Malgré ce traitement, l’éradication de C. difficile n’est pas toujours réalisée et les récidives sont possibles.

– Dans tous les cas, les ralentisseurs du transit doivent être évités car ils peuvent induire une dilatation du côlon.