Cancers : les bienfaits de la méditation

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Cancers : les bienfaits de la méditation

Publié le 26 juin 2023
Par Violaine Badie
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Avec près de 2 000 occurrences sur le moteur de recherche PubMed, plus de 150 méta-analyses et revues systématiques, la méditation de pleine conscience et ses effets chez des patients atteints de cancer sont dans le viseur des chercheurs. « Les bienfaits démontrés sont globalement les mêmes que dans toutes les maladies chroniques, avec un intérêt principalement face au syndrome anxiodépressif et à la douleur », détaille Bénédicte Mastroianni, pneumo-oncologue et responsable du développement des thérapies complémentaires au sein du centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard de Lyon (Rhône).

Plusieurs méta-analyses récentes confirment ces conclusions : réduction significative des symptômes de la dépression, de l’anxiété, mais aussi de la fatigue liée au cancer. Avec des bénéfices qui se maintiennent au moins trois mois pour les deux derniers. Les protocoles Mindfulness-Based Stress Reduction MBSR (réduction du stress basée sur la pleine conscience) et Mindfulness-Based Cognitive Therapy MBCT (thérapie cognitive basée sur la pleine conscience) ont aussi prouvé leur efficacité dans le soulagement de la douleur chronique, jusqu’à quatre semaines après la fin des programmes.

Un stress mieux maîtrisé et une amélioration de la qualité de vie font également partie des bénéfices constatés chez des patients atteints ou en rémission de cancer, entraînés à la méditation. La peur de la récidive se voit également atténuée grâce aux protocoles de mindfulness.

A plus petite échelle, certaines études se sont penchées sur des effets plus spécifiques concernant les personnes soignées en cancérologie. La méditation présenterait un intérêt pour réduire les troubles cognitifs provoqués par la chimiothérapie, les troubles du sommeil ou encore les incapacités fonctionnelles résiduelles consécutives au traitement, immédiatement après le programme mais aussi à distance.

« Quand on sait que l’état de santé général du patient contribue très largement à la manière dont il tolère les traitements anticancéreux, que la survie est nettement améliorée rien qu’en traitant les symptômes associés du cancer comme la dépression, l’apport de la méditation de pleine conscience est donc majeur », insiste Bénédicte Mastroianni.

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Des mécanismes biologiques et neurologiques identifiés

Plusieurs marqueurs neurophysiologiques ont pu être observés chez les patients méditants, qui peuvent expliquer ces effets de la méditation. Une étude de 2011 avait mis en évidence différents mécanismes d’action au niveau cérébral, avec une augmentation de la concentration en matière grise dans l’hippocampe gauche, le cortex cingulaire antérieur, la jonction temporo-pariétale et le cervelet chez les patients pratiquant le MBSR. L’imagerie fonctionnelle a également permis de visualiser une diminution de l’activité cérébrale dans des zones comme l’amygdale. Ces différents facteurs contribuent à une meilleure régulation de l’attention, à une meilleure conscience corporelle, à une meilleure gestion des émotions. Ils concourent également à une réévaluation cognitive : les événements paraissent moins difficiles à surmonter.

En résumé, la pratique de la pleine conscience induit une modification de l’attitude du patient face à ses symptômes. « C’est notable particulièrement vis-à-vis des douleurs. Ce n’est pas le stimulus douloureux qui est réduit à proprement parler mais sa perception. La méditation favorise une meilleure tolérance face aux douleurs », explique le psychiatre et coordinateur du DU de médecine « Méditation et neurosciences » à l’université de Strasbourg (Bas-Rhin) Gilles Bertschy.

D’autres processus sous-jacents à la pratique méditative ont pu être révélés : une amélioration des fonctions immunitaires – dont l’implication est primordiale dans le contrôle de la progression tumorale –, une diminution de l’inflammation, et notamment des cytokines pro-inflammatoires, du cortisol, de la pression artérielle, une augmentation du taux de sérotonine plasmatique.

La « bonne » pratique

Sans surprise, seul un entraînement régulier à la méditation permet d’en retirer pleinement les bienfaits. Les protocoles cliniques complets étant plutôt contraignants en matière d’emploi du temps, des adaptations sont proposées dans les départements de soins de support : « A Léon-Bérard, nous avons mis en place des ateliers de méditation menés par une instructrice formée au MBSR, sous la forme de quelques cours guidés. Leur objectif est d’instaurer puis d’encourager une pratique régulière à domicile », explique Bénédicte Mastroianni.

Il faut compter plusieurs séances de 5 à 10 minutes chaque semaine, au minimum. « Plus le patient va pratiquer et plus les bénéfices seront marqués, poursuit-elle. Il pourra devenir parfaitement autonome et mettre à profit sa pratique à des moments clés : angoisse de résultats d’examen, attente de perfusion de chimiothérapie en hôpital de jour. »

L’oncologie moderne se veut de plus en plus intégrative, en apportant des soins complémentaires aux traitements classiques, « quand un besoin est identifié », précise la spécialiste. « La méditation de pleine conscience est intéressante pour tout patient qui rencontre des difficultés à affronter ce qui ce joue dans le moment présent. » Annonce du diagnostic, médicaments avec effets secondaires… La pleine conscience peut trouver sa place tout au long du parcours de soins en cancérologie.