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AU CŒUR DU RÉSEAU CARDIAUVERGNE

Publié le 30 septembre 2011
Par Serge Trouillet
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Les Auvergnats atteints d’une insuffisance cardiaque peuvent, depuis le mois dernier, être pris en charge par le réseau Cardiauvergne. Présidé par François Maeder, titulaire à Saint-Georges-de-Mons, il réunit différents professionnels de santé autour d’un même objectif : améliorer les conditions de vie des patients.

L’insuffisance cardiaque est une pathologie extrêmement fréquente, meurtrière et coûteuse, dont nous devons absolument changer le mode de prise en charge. Nous pouvons faire beaucoup mieux, au service du patient, pour beaucoup moins cher », affirme François Maeder, titulaire à Saint-Georges-de-Mons et président de Cardiauvergne, le tout récent réseau de coordination des soins de l’insuffisant cardiaque. L’insuffisance cardiaque touche en effet 2 % de la population française après l’âge de 60 ans. Elle est la première cause d’hospitalisation des patients, toutes pathologies confondues : 150 000 par an, dont 5 500 en Auvergne.

Une coopération interprofessionnelle

« L’insuffisance cardiaque est la plus grave des pathologies prises en charge en cardiologie. L’espoir de survie à cinq ans, toutes causes confondues, n’est guère supérieur à 30 %. Pour ceux dont la cause de l’insuffisance cardiaque est une cicatrice d’infarctus, ceux que nous avions sauvés, elle est de 25 %. Pour les causes d’insuffisance cardiaque par cœur dilaté, souvent liées à l’alcool, le pronostic est un peu moins mauvais : 35 % à cinq ans, détaille Jean Cassagnes, cardiologue, ancien chef du pôle de cardiologie du CHU de Clermont-Ferrand et directeur médical de Cardiauvergne. On peut grandement améliorer ces pronostics si les soins sont mieux organisés et coordonnés. Faire vivre les gens le plus longtemps et le mieux possible est l’un de nos objectifs, malgré des contraintes budgétaires majeures. »

La création du groupement de coopération sanitaire (GCS) Cardiauvergne s’inscrit pleinement dans le cadre de la loi HPST, visant à faciliter la coopération entre les établissements de santé et les professionnels libéraux. Son administrateur, Jean-Pierre Bastard, qui a dirigé le CHU de Clermont-Ferrand, souligne qu’il ne s’agit en aucun cas d’un établissement de soins : « Nous recenserons toutes les informations de terrain que nous coordonnerons, et lorsqu’il y aura une alerte, grâce à des indicateurs, nous solliciterons le professionnel libéral le plus directement concerné », explique-t-il. Inspiré d’exemples américains et canadiens, et du modèle Icalor mis en œuvre en Lorraine, le réseau auvergnat s’appuie sur une structure de coordination légère : un cardiologue, un médecin libéral à mi-temps, une infirmière et une secrétaire.

« Dès la sortie de l’hospitalisation, nous proposerons au patient, avec son accord, un planning de suivi. Seront alors sollicités les intervenants de proximité qu’il aura choisis : le cardiologue, le médecin, l’infirmière, mais aussi le pharmacien, qui jouera un rôle essentiel en matière d’éducation thérapeutique, la diététicienne, parce que le suivi diététique de ces patients est un élément essentiel pour le résultat, et le masseur-kinésithérapeute parce que, dans l’insuffisance cardiaque, la reprise d’une activité physique régulière permet d’en transformer le pronostic », explique François Maeder.

Une surveillance des patients à distance

Tous les actes dérogatoires de ces professionnels non pris en charge par la Sécurité sociale seront rémunérés de manière forfaitaire par le GCS. Par exemple, le pharmacien touchera 10 euros par an pour le suivi personnalisé de chacun de ses patients. L’outil de travail du GCS sera triple : un lien téléphonique régulier pour pérenniser l’éducation thérapeutique, un dossier médical partagé et une première base de « télésurveillance ».

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Dans un premier temps, il s’agira de surveiller le poids du patient, critère déterminant pour savoir si sa maladie s’aggrave, celle-ci entraînant rétention d’eau et de sel. Cela se fera grâce à une balance équipée d’un télétransmetteur mise à la disposition du patient. Le réseau pourra ensuite télésurveiller la fréquence cardiaque, la tension artérielle, etc. Un système génère les messages d’alerte à partir des informations saisies à plusieurs niveaux : les données cliniques, par l’infirmière équipée d’une tablette fournie par le réseau ; les données biologiques, par le laboratoire d’analyses ; les données thérapeutiques, par le pharmacien qui pourra apprécier l’adaptation ou non des doses et des classes thérapeutiques ainsi que l’adhésion du patient à son traitement et à son régime.

« Il faut savoir qu’après une première poussée d’insuffisance cardiaque, un patient sur trois va revenir pour un second séjour à l’hôpital dans les trois mois qui suivent et un sur deux reviendra dans les six mois, principalement en raison d’une mauvaise observance (soit le traitement est compliqué, soit il n’est pas toléré immédiatement). Les patients adhèrent généralement mal au régime alimentaire, qui est très contraignant, mais il s’agit de la condition essentielle pour obtenir la stabilisation de leur état », relate Jean Cassagnes. Et de souligner que les traitements ne sont pas toujours réadaptés comme ils devraient l’être dans les semaines et les mois qui suivent l’hospitalisation. La mise en œuvre du traitement optimal ne peut se faire que par étapes. Ainsi, les patients sortent avec des doses très élevées de diurétiques et des doses tolérables de certaines classes thérapeutiques comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Après quelques semaines, il faut diminuer les premiers, augmenter les seconds et introduire des bêtabloquants. « Hélas, cela n’est pas fait très souvent, ou alors de manière insuffisamment adaptée. Une récente étude allemande fait la preuve que 70 % des réadmissions pourraient être évitées ! », note le cardiologue.

2 000 insuffisants cardiaques pourraient être suivis en 2014

Le budget du GCS Cardiauvergne est complété par des aides du Conseil régional et des conseils généraux, de Sanofi ou encore de l’Association régionale de cardiologie d’Auvergne. Il permet de démarrer avec 125 patients en 2011, puis 500 en 2012, 1 000 en 2013 pour atteindre un rythme de croisière de 2 000 les années suivantes, correspondant aux niveaux les plus invalidants de cette pathologie en Auvergne. Il faut aussi savoir qu’un insuffisant cardiaque coûte aujourd’hui 20 000 euros par an à la société. L’hospitalisation représente 92,6 % des dépenses de soins car elle est longue (10,5 jours en moyenne) et répétée. Quant aux traitements médicamenteux, ils ne représentent que 2,6 % du coût total.

« Le modèle lorrain Icalor a permis de réduire de 40 % les réhospitalisations des patients insuffisants cardiaques, et de 35 % à 17,8 % le taux de mortalité dans l’année qui suit la poussée de décompensation cardiaque. Il a également conduit à diminuer le coût annuel de ces patients : 14 000 euros par an contre 20 000 euros auparavant. Pour les patients, pour les professionnels de santé et pour la société, c’est tout bénéfice. Faire aussi bien sera notre premier objectif », conclut François Maeder.

François Maeder en 4 dates

• 1977 Diplôme de la faculté de pharmacie de Clermont-Ferrand.

• 1987 Installation à Saint-Georges-de-Mons ; président du syndicat départemental FSPF, puis USPO en 2001 et membre du bureau national.

• 2007 Administrateur de la coopérative Ospharea (services aux pharmaciens, statistiques, formation).

• 2011 Président de l’URPS pharmacie d’Auvergne et du groupement de coopération sanitaire (GCS) Cardiauvergne.

Les avantages de Cardiauvergne

• Pour les patients « La diminution du nombre de réhospitalisations, l’amélioration de la qualité et de l’espérance de vie sont des apports déterminants », explique Jean Cassagnes.

• Pour les professionnels de santé « Grâce aux informations partagées, aux protocoles mis en place, aux formations proposées sur l’éducation thérapeutique et aux alertes, chacun va pouvoir exercer sa profession dans de meilleures conditions. Le médecin interviendra plus précocement, le pharmacien et l’infirmière joueront pleinement leur rôle de professionnels de santé, la diététicienne et le masseur-kinésithérapeute seront intégrés à part entière au groupe d’intervenants grâce à des actes rétribués par Cardiauvergne. Leur activité sera fiabilisée », remarque François Maeder.

• Pour la société « Ce groupement de coopération sanitaire est un excellent moyen de maîtriser les coûts, de revaloriser les professions paramédicales et de fédérer les professionnels de santé. Il pourra par ailleurs être dupliqué à d’autres pathologies lourdes (diabète, hypertension…) », espère François Maeder.