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“Vite, quelque chose contre la diarrhée SVP !”

Publié le 27 juin 2023
Par Nathalie Belin
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1 Je questionne

Préciser la demande

« Douleurs abdominales, vomissements, fièvre… sont-ils présents aussi ? » et « Pas de sang ou de glaires dans les selles ? » évaluent la symptomatologie et la gravité.

Rechercher certains critères

« Y a-t-il d’autres malades autour de vous ? », « Avez-vous mangé des fruits de mer, de la viande ou du poisson cru ? », « Êtes-vous parti à l’étranger récemment ? » et « Avez-vous débuté un nouveau médicament ? » évaluent le contexte. « Êtes-vous suivi pour une maladie particulière ? » recherche des facteurs de risque de complications de l’infection ou de déshydratation.

2 J’évalue

La prise en charge des diarrhées aiguës repose sur des conseils hygiéno-diététiques, la prévention de la réhydratation et, si besoin, un traitement symptomatique pour le confort. Un avis médical s’impose si la diarrhée persiste plus de trois jours, est très gênante ou avec douleurs abdominales importantes, vomissements répétés ou fièvre > 38,5 °C, si elle survient après un voyage en zone tropicale ou avec sang ou glaires dans les selles, si suspicion de cause iatrogène, si elle alterne avec une constipation, si le patient est immunodéprimé, âgé ou polymédiqué (risque de déshydratation ou de décompensation).

3 Je passe en revue

SRO

Les solutés de réhydratation par voie orale (SRO) apportent de l’eau, des glucides, des électrolytes et des agents alcalinisants visant à compenser les pertes hydroélectriques. Ils conviennent aux très jeunes enfants, aux personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques. Exemples. À reconstituer dans 200 ml d’eau : Adiaril, BioGaia SRO, Novalac Hydranova… Prêts à l’emploi : Ydrovit dès 3 ans ; en association à du zinc(*) et à un postbiotique(**) Lactobacillus LB inactivé dans un milieu de culture fermenté : LB SRO. En pratique. Les solutions se conservent 24 heures au réfrigérateur. Chez le bébé, poursuivre l’allaitement maternel, l’alimentation et/ou le lait artificiel, interrompus au maximum quatre heures.

Antidiarrhéique moteur

Dérivé opiacé, le lopéramide ralentit le transit colique et a une activité antisécrétoire intestinale. Exemples : Diaretyl, Diastrolib, gamme Imodium, dont Imodiumduo (+ diméticone ciblant ballonnements et douleurs abdominales). En pratique. En automédication, dès 15 ans (12 ans pour Imodiumduo), à réserver aux diarrhées très liquides ou urgentes(1) et pas plus de deux jours Précautions. Pris en excès, le lopéramide peut constiper. Induisant une stase intestinale, il expose à un risque de prolifération bactérienne, d’où ses contre-indications : diarrhées sanglantes ou glaireuses, suspicion de diarrhée invasive, ou liées à un antibiotique (risque de colite pseudomembraneuse liée à Clostridium difficile, avec diarrhée abondante, douleurs abdominales et fièvre).

Antidiarrhéique antisécrétoire

Le racécadotril diminue l’hypersécrétion intestinale d’eau et d’électrolytes sans modifier le temps de transit. Exemples : Diarfix, Tiorfast… En pratique. Dès 15 ans en automédication, pour atténuer les symptômes(1) au début des repas. Précautions. Association aux IEC déconseillée, prudence avec sartans ou gliptines, avec hausse du risque d’angiœdème (œdème dermo-hypodermique et/ou sous-muqueux brutal, pouvant obstruer les voies respiratoires).

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Adsorbants intestinaux

La diosmectite a un effet protecteur et couvrant de la muqueuse digestive limitant l’adhésion des micro-organismes pathogènes mais d’action limitée par rapport aux antidiarrhéiques. Chez l’enfant, convient en complément de la réhydratation(2). En pratique. Dès 2 ans (Smecta…) ou 15 ans (Smectalia…). Précautions. Contre-indiquée avant 2 ans et chez la femme enceinte ou allaitante en raison de l’éventuelle présence de plomb(3). Espacer les prises de deux heures avec tout autre traitement afin de ne pas en diminuer l’absorption.

Action sur le microbiote

Les probiotiques sont susceptibles de diminuer la durée et/ou l’intensité de la diarrhée(4) via différents mécanismes : inhibition de l’adhésion des pathogènes, production de substances antimicrobiennes, restauration de la fonction « barrière intestinale ». Les meilleures preuves d’efficacité concernent la diarrhée aiguë de l’enfant et la prévention de la diarrhée liée aux antibiotiques et sont obtenues avec la levure Saccharomyces boulardii et la souche Lactobacillus rhamnosus GG(4 et 5). D’autres souches ont fait l’objet d’études, comme le postbiotique(**) Lactobacillus LB, inactivé après culture dans un milieu à base de lactose (Lactéol). Exemples. S. boulardii : Ultra Levure, Ultra Baby, ArkoLevure (+ inuline), Physionorm Plus (+ autres souches), Gastrofluryl (+ plantes)… ; L. rhamnosus GG : P’tit Probiolog DIA Plus, Babybiane Imedia, Probiolog Flash (+ probiotiques + montmorillonite)… Association des deux : Smebiocta Protect… En pratique. À poursuivre quelques jours après la diarrhée pour reconstituer le microbiote. Précautions. Non recommandés en cas d’immunodépression. S. boulardii est contre-indiquée dans ce cas, ainsi qu’en cas de chambre implantable.

Visée antimicrobienne

• Les plantes à tanins, alchemille vulgaire, ronce, salicaire, potentille – ou tormentille -, fraisier, noisetier…, ont des effets antimicrobiens en neutralisant des toxines bactériennes et des propriétés astringentes ; elles « resserrent » les tissus en interagissant avec les protéines des cellules de la muqueuse intestinale et ralentissent les mouvements intestinaux. Exemples : Salicairine, Diarilium, LenoDiar, Ladrôme Tormentille…

• Des huiles essentielles aux propriétés antimicrobiennes sont traditionnellement utilisées en cas de diarrhées infectieuses : basilic tropical, cannelier de Chine, marjolaine à coquille, origan compact, citron… Exemples : Oléocaps+ 2 Pranarôm, Olioseptil Gastro-intestinal, Aroma Gastro-intestinal Copmed… Précautions. Pas avant 7, 12 ou 15 ans selon les formules, ni en cas d’antécédents convulsifs avec huiles essentielles.

4 Je choisis

En attendant de consulter

• SRO : chez le bébé, la personne âgée ou polymédiquée si difficulté à assurer une réhydratation « classique », avec alternance de boissons sucrées et salées.

Selon le contexte

• Diarrhée peu gênante : antisécrétoire ou diosmectite ou probiotiques, voire plantes ou huiles essentielles.

• Diarrhée gênante : lopéramide +/- en relais probiotiques, diosmectite, plantes ou huiles essentielles.

• Prévention de la diarrhée sous antibiotique : probiotiques +/- diosmectite. Avis médical si diarrhée importante.

• Turista : racécadotril, lopéramide si nécessaire +/- diosmectite, probiotiques, plantes ou huiles essentielles.

Selon les comorbidités

• Personnes âgées et/ou polymédiquées : antisécrétoire (sauf si IEC, sartan, gliptine) ou probiotiques.

• Immunodéprimés : pas de probiotiques.

5 J’explique

Une diarrhée aiguë évolue favorablement en moins de deux à trois jours le plus souvent, sinon consulter. Prévenir la déshydratation est le plus important, en parallèle des mesures hygiéno-diététiques. Les traitements n’ont qu’une action symptomatique.

6 Je conseille

Mesures diététiques

Privilégier les aliments peu riches en fibres : riz blanc et autres féculents raffinés, carottes cuites, bananes mûres, volailles ou poissons, compote de pommes, poires ou coings.

Mesures d’hygiène

• Limiter la transmission. Se laver souvent les mains et systématiquement avant les repas, après être allé aux toilettes, si besoin à l’aide d’une solution hydroalcoolique. Éviter tout contact avec des personnes fragiles. Désinfecter les surfaces susceptibles d’être contaminées (poignées de portes…) à l’eau de Javel diluée au 1/10 ou avec un désinfectant surfaces (Baccide, Milton…) ou mains et surfaces (Dettol, SOS Aroma Spray assainissant…).

• Prévenir la turista. Consommer des plats très chauds et des viandes et poissons bien cuits. Laver et peler les fruits et légumes consommés crus. Éviter les glaces artisanales, coquillages et glaçons. Boire que des boissons embouteillées ou de l’eau bouillie une minute au moins ou désinfectée avec des pastilles (Micropur, Oasis, Aquatabs…).

(*) 10 à 20 mg de zinc par jour durant dix à quatorze jours chez l’enfant en cas de diarrhée aiguë dans les pays en voie de développement selon l’OMS.

(**) Substances produites par le microbiote. Ils se définissent comme une « préparation de micro-organismes inanimés et/ou de leurs composants conférant un bénéfice pour la santé de l’hôte » (International Scientific Association for Probiotics and Prebiotics).

(1) Recommandations sanitaires voyageurs, BEH, 2023.

(2) Smecta 3 g orange-vanille, Commission de la transparence, avis du 7 février 2018.

(3) Médicaments à base d’argile dans le traitement symptomatique de la diarrhée aiguë chez l’enfant, ANSM, 16 mars 2021.

(4) Recommandations de prise en charge de la gastroentérite aiguë chez l’enfant, European Society for Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition, 2014.

(5) Probiotiques et prébiotiques, World Gastroenterology Organisation Global Guidelines, 2017.

Le contexte

La diarrhée aiguë est définie par l’émission de plus de trois selles très molles ou liquides par jour depuis moins de quinze jours. La transmission est le plus souvent féco-orale, via les mains, au contact direct du patient ou de l’environnement contaminé, ou par l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés.

→ Causes infectieuses et iatrogènes. Elles sont le plus souvent liées à des virus, voire des bactéries (salmonelles, Staphylococcus aureus…) présentes dans des aliments suite à une rupture de la chaîne du froid ou d’une date de péremption dépassée. La diarrhée du voyageur, ou « turista », est liée à Escherichia coli dans 80 à 90 % des cas, à des virus ou des parasites. Douleurs abdominales, nausées ou vomissements et fièvre peuvent être présents. Antibiotiques, AINS, metformine, colchicine, diacéréine, entacapone, anticancéreux, sels de magnésium, sertraline, paroxétine… sont source de diarrhées. Des diarrhées peuvent révéler une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, un cancer colorectal (alternance diarrhée/constipation), une intolérance au gluten…