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Virologie : l’importance d’éviter les réactions en chaîne… médiatiques
Durant l’été, le virus monkeypox ou la découverte du virus de la polio dans les eaux usées à Londres et New York ont agité les médias. Avec un traitement qui rappelait celui du Covid-19. Comment se préparer à une nouvelle pandémie sans provoquer la psychose ? Des experts répondent.
Pour expliquer la nouvelle appétence médiatique pour les virus émergents, Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne université et au centre de recherche Saint-Antoine (Paris), pointe l’effet de sidération provoqué par le Covid-19. « Grâce aux vaccins, aux antiviraux et aux antibiotiques, nos sociétés se sont longtemps senties protégées des maladies infectieuses comme la peste, le choléra ou la grippe espagnole. Or, avec le Sars-CoV-2, on s’est aperçu avec stupeur qu’un virus apparaissant un jour sur un marché à Wuhan, en Chine, pouvait se retrouver le lendemain en Italie et en France. Et provoquer entre 15 et 16 millions de morts à travers le monde, avec des impacts sociétaux qui dépassent largement les problématiques de l’infectiologie. »
Pour Eric d’Ortenzio, épidémiologiste et responsable du département stratégie et partenariats de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) maladies infectieuses émergentes, les craintes suscitées par le virus de la variole du singe (monkeypox) de par le monde et la légionellose en Argentine cet été étaient légitimes. « Par définition, l’apparition d’un événement émergent inhabituel doit susciter l’inquiétude, car personne ne sait comment la situation peut évoluer, rappelle-t-il. Il est donc normal que les journalistes s’emparent du sujet. » « Surtout lorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclenche le niveau d’alerte maximale, comme pour la variole du singe le 23 juillet dernier », ajoute le sociologue de la santé Benjamin Derbez.
Du côté des autorités sanitaires, la vigilance reste de mise. « Désormais, dès qu’un événement inhabituel intervient, l’ANRS maladies infectieuses émergentes réunit un groupe de scientifiques composés de virologues, de cliniciens, d’épidémiologistes et d’experts en sciences sociales pour discuter des actions à mener en matière de surveillance et de recherche, en lien avec les agences chargées de la surveillance : Santé publique France et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) », assure Eric d’Ortenzio. Même le gouvernement semble avoir pris conscience de la nécessité de se préparer à de futures émergences. Il a instauré en juillet dernier un Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, présidé par Brigitte Autran. Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a, de son côté, lancé l’année dernière deux programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR). « Le premier, Prezode (pour Prévenir les risques d’émergences zoonotiques et de pandémies) a vocation à financer des travaux de recherche afin de comprendre comment les maladies infectieuses émergent et de mieux les anticiper, rappelle Eric d’Ortenzio. Le second, MIE (Maladies infectieuses émergentes), s’intéresse, quant à lui, à la recherche fondamentale, en santé publique et en sciences humaines et sociales, dont les traitements et les stratégies vaccinales, pour lutter contre ces pathologies. »
Une veille internationale plus efficace
Pour Vincent Maréchal, ces mesures vont dans le bon sens. « A l’heure où tout le monde parle de santé globale, il va effectivement falloir mettre en place une vraie communauté de réflexion qui transcende les clivages entre santé humaine et animale, car 60 à 70 % des maladies émergentes proviennent d’interactions entre l’homme et la faune sauvage, d’élevage ou domestique. Les dispositifs internationaux de veille et de surveillance des pathologies humaines et animales devront se montrer encore plus efficaces, en se concentrant notamment sur les régions du monde qui constituent plus que d’autres des berceaux d’émergence. Je pense à la Chine, à l’Afrique ou à l’Amérique du Sud où les contacts entre l’homme et la faune sont nombreux. Quant à la France, il lui faudra aussi déployer un système d’alerte précoce intégrant tous les signaux, y compris l’épidémiologie des eaux usées. »
L’autre chantier auquel devra s’atteler la communauté scientifique est la communication avec les médias. « La plupart des scientifiques sont insuffisamment formés, reconnaît Eric d’Ortenzio. Or, lorsque vos propos font écho dans une large partie de la population, il faut être particulièrement attentif à ce que vous dites. Notamment au tout début d’une pandémie lorsque les connaissances scientifiques sont très réduites, et que les experts en sont à formuler des hypothèses. La transparence est un impératif : on doit expliquer ce que l’on sait, et reconnaître qu’il y a beaucoup de choses que l’on ne connaît pas. » « Si l’on prend l’exemple du masque, au début de la pandémie, l’OMS et le gouvernement affirmaient qu’il n’était pas utile dans la population générale, rappelle l’épidémiologiste Yves Buisson. L’Académie nationale de médecine a été la première à recommander son port obligatoire dans l’espace public, doctrine validée par l’existence de porteurs asymptomatiques et par la découverte de la transmission du virus par les aérosols. Pendant plusieurs semaines, ces messages contradictoires ont entretenu une grande confusion chez nos concitoyens. »
Des citoyens qui ont pu aussi être déboussolés par les querelles de chapelle entre médecins. « Si, dans l’ensemble, la communication scientifique pendant le Covid-19 a permis de répondre assez rapidement aux questions que se posait le grand public, il faut reconnaître qu’elle a été souvent cacophonique du fait de l’affrontement de différentes personnalités sur les plateaux. La communauté scientifique était confrontée à des questions inédites face auxquelles certains exprimaient leur opinion de façon péremptoire, quand d’autres observaient une nécessaire prudence, se souvient Yves Buisson. Mais ce qui a fait le plus de mal, c’est l’“affaire Didier Raoult”. Nos concitoyens ne comprenaient pas pourquoi on ne prescrivait pas un traitement prétendument salvateur recommandé par l’un de nos plus éminents spécialistes. » Cette confusion a par ailleurs été alimentée par certains médias. « Pour avoir été interviewé à de nombreuses reprises, j’ai pu constater qu’il y avait, d’un côté, des journalistes scientifiques qui effectuaient un travail d’éducation sanitaire remarquable et, de l’autre, des animateurs télé qui vendaient de l’information dégradée pour faire de l’audimat », note Vincent Maréchal.
Un effort d’acculturation
Pour améliorer la communication entre scientifiques et médias, Eric d’Ortenzio invite ses confrères à suivre des médias training, et les journalistes à mieux identifier les experts possédant une réelle maîtrise du sujet traité. « Le Covid-19 a mis en exergue que nous devions effectuer un travail en amont pour mieux se comprendre les uns les autres, souligne l’épidémiologiste. Ce travail de fond, nous l’avons entrepris à l’ANRS maladies infectieuses émergentes dès les premiers mois de la pandémie en organisant régulièrement des points presse sur des sujets d’actualité comme le Covid-19, le virus monkeypox ou la raison des émergences. » Pour Vincent Maréchal, ce travail d’acculturation devra aussi s’adresser aux plus jeunes. « Je suis frappé de voir que la mémoire scientifique de la population est très volatile. Nous aurions donc tout intérêt à éduquer les enfants dès le plus jeune âge aux notions d’hygiène, pour leur apprendre à vivre avec cette menace », explique-t-il. Selon lui, nos politiques et les élites en général seraient, eux aussi, bien inspirés de se former « parce que ce sont eux qui prendront les décisions en cas de crise ». Pour ce professeur de virologie, il faudra enfin s’attaquer à un dernier champ : les réseaux sociaux. « Pendant la pandémie, les gens s’y sont regroupés par bulles de connivence. Cela a donné lieu à des clashs entre antivax et provax qui nous éloignaient du débat scientifique. » A l’ANRS maladies infectieuses émergentes, le message a été entendu. « Pendant la pandémie, nous avons créé avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) une cellule Détox pour débusquer les fausses informations, confie Eric d’Ortenzio. La violence de la sphère complotiste, antisciences et antivaccins ayant, elle aussi, contribué à brouiller les messages pour la population générale. »
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