Tabac : Derrière la fumée les profits

« Le Moniteur » : Pourquoi tant de virulence envers les cigarettiers ?

Gérard Dubois : Mon livre n’est à mon sens pas vraiment virulent. Il met au jour des vérités toutes tirées de documents internes à l’industrie du tabac et rendus publics par l’administration américaine. Ils démontrent que les industriels connaissaient parfaitement les problèmes de dépendance et le danger liés au tabac. Mais ils ont tout fait pour les renforcer. Les additifs représentent désormais 10 à 15 % du poids des cigarettes alors qu’ils n’y en avait pas dans les années 70 ! Les firmes ont, entre autres, utilisé l’ammoniaque que pour augmenter le taux de nicotine libre. Par ailleurs, elles n’ont pas hésité à cultiver des plants de tabac génétiquement modifiés enrichis en nicotine.

Dédiez-vous ce livre spécialement aux fumeurs ?

Pas seulement ! Tous les Français doivent réaliser les agissements d’une industrie responsable de la pire pandémie de toute l’humanité. Une épidémie qui se trouve devant nous avec 100 millions de décès au xxe siècle et 1 milliard prévu au xxie siècle. Les industriels ont travaillé en meute, sans foi ni loi, au profit de leurs finances et au mépris du droit et de la vie humaine. Ils ont manipulé les politiques et même les scientifiques en finançant par exemple des études sur le tabagisme passif pour faire planer un doute sur ses méfaits. Sans parler de la contrebande organisée pour contrebalancer le ralentissement des ventes dû à la hausse des prix…

Quelles actions peuvent mener les pharmaciens dans la lutte antitabac ?

Ils ont tout d’abord un rôle d’information générale. Car les Français sous-estiment les méfaits du tabac alors qu’il tue un consommateur sur deux. Ouvrir le dialogue sur le tabagisme a une efficacité réelle. Ne serait-ce qu’avec un conseil minimal en posant juste une ou deux questions : Vous fumez ? Connaissez-vous les conséquences du tabagisme sur la santé ? Les pharmaciens se trouvent réellement en première ligne dans le sevrage tabagique, au même titre que les médecins, car ils disposent désormais d’une vaste batterie de moyens.

Pourrait-on envisager de commercialiser des cigarettes moins nocives ?

Il n’existe pas de cigarettes sans dangers. Ajout de filtres ou produits light…, les réponses apportées jusqu’ici sont fallacieuses. Le simple fait d’inhaler un produit de combustion est cancérigène. D’ailleurs, la commercialisation de cigarettes sans nicotine en officine est incompréhensible, voire même dangereuse.

* Aux éditions du Seuil.