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Quand bébé se fait désirer

Publié le 27 juin 2023
Par Annabelle Alix
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Accompagner les femmes et les couples dans la procréation médicalement assistée. Accueillir avec bienveillance, ouvrir un espace et être attentif permettent de bien conseiller et/ou d’orienter.

La procréation médicale assistée (PMA), késaco ?

De l’infertilité à la PMA

→ L’infertilité est l’incapacité pour un couple de concevoir un enfant à un instant donné(1). Elle peut être liée à un problème féminin (un tiers des cas), à un problème masculin (un tiers des cas) ou d’infertilité mixte.

→ On parle d’infertilité d’un couple hétérosexuel en l’absence de grossesse après douze à vingt-quatre mois de rapports sexuels complets, réguliers – deux à trois fois par semaine -, sans contraception. L’avancée dans l’âge, la consommation de tabac ou de drogues, le surpoids, l’exposition à certains pesticides, polluants, perturbateurs endocriniens(2) augmentent le risque d’infertilité qui, contrairement à la stérilité, n’est pas irréversible.

→ Les traitements varient en fonction de l’assistance nécessaire. La stimulation ovarienne vise à booster la capacité à ovuler. L’insémination se traduit par une injection de sperme dans les voies génitales. La fécondation in vitro (FIV) consiste à reproduire le processus naturel de fécondation avec ou sans don de gamètes, avant de (ré)implanter l’ovocyte fécondé dans l’utérus.

Un rôle à jouer pour l’officinal

→ Un couple sur six est concerné par la PMA. 25 % des officines sont implantées à proximité d’un médecin impliqué dans la PMA(1) et 20 % des officinaux délivrent plusieurs fois par mois, ou par semaine, des traitements relatifs à la PMA.

Cette délivrance requiert des explications pour le bon usage car les traitements ne sont pas dénués d’effets indésirables : douleurs, bouffées de chaleur, etc. Une rigueur dans les prises est nécessaire et le respect de règles hygiéno-diététiques adéquates favorise les chances de succès.

→ Détecter une vulnérabilité et des essais bébé répétés pour orienter les femmes fait partie du rôle de professionnel de santé publique de proximité de l’officinal. Telle cliente est en larmes, a l’air déprimée ? Telle autre enchaîne les tests de grossesse depuis un an ? C’est le moment de questionner et d’orienter vers un psychologue, un médecin, un gynécologue.

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Cibler l’accompagnement

Positionnez-vous

Vous êtes un professionnel de santé avec plusieurs atouts.

→ Vous êtes un point de repère fixe, un relais entre l’hôpital et la ville pour les couples qui multiplient les examens et rendez-vous techniques.

→ Vous êtes un soutien technique et psychologique. Un professionnel du médicament, mais aussi une personne de confiance, un interlocuteur à visage humain. Vos patients vous connaissent. Les femmes ou les couples concernés ont besoin de sentir que vous maîtrisez et comprenez les enjeux de la PMA.

→ Vous êtes un professionnel attentif et consciencieux. Les traitements de PMA sont contraignants, modifient le quotidien. La relation de couple peut pâtir de ce désir d’enfant qui tarde à venir, de la sexualité « organisée », des fortes émotions liées aux effets indésirables des traitements… L’attention ou la capacité de mémorisation peut être altérée ou n’est pas toujours optimale. Accueillir avec bienveillance et veiller à la bonne compréhension du traitement sont primordiaux.

→ Vous orientez. Votre rôle n’est pas de jouer les psychologues, mais d’apporter, si besoin, une première écoute, de dépister une vulnérabilité éventuelle, comme une difficulté à gérer la situation ou un effet indésirable, telle une hyper-stimulation ovarienne. Puis d’orienter, le cas échéant, vers une association, un psychologue, le médecin traitant…

→ Un acteur de la prévention. Des achats répétés de tests d’ovulation ou de compléments alimentaires favorisant la conception peuvent amener à questionner : « Avez-vous un projet de grossesse ? », puis à orienter.

Anticipez

→ Un peu de temps… À toute femme présentant une ordonnance de PMA, demandez-lui de prévoir un « petit » temps de disponibilité pour le moment où elle reviendra chercher son traitement. L’idée est d’éviter les retraits express et d’ouvrir un espace de dialogue.

Si la demande surprend, dites : « Ainsi, nous pourrons faire le point sur la façon de réaliser les injections/de s’organiser à la maison/revoir ensemble les posologies, afin d’éviter les erreurs de manipulation ou de conservation des produits ». Ajouter : « Nous le ferons dans un endroit au calme si vous le souhaitez ».

→ Faire le point en amont sur les associations de soutien. Notez les coordonnées, répertoriez les sites Internet, rassemblez les affichettes éventuelles pour les remettre aux patientes qui en auraient besoin.

→ L’affichage est un moyen d’amener subtilement l’information. Informez : « Notre équipe – ou untel de notre équipe – est formée à la PMA. N’hésitez pas à envoyer un courriel, nous sommes à votre disposition pour vous aider à optimiser votre traitement, à l’abri des regards ».

Accompagnez

→ Délivrer en toute confidentialité. Proposez de s’installer à l’abri des regards dans la salle dédiée à la vaccination, aux réunions d’équipe…

→ Expliquer ou réexpliquer le traitement. Rappelez le rôle de chaque spécialité délivrée, les modalités d’administration, les posologies, le protocole en cas d’oubli, les règles hygiéno-diététiques…

→ Rester attentif à la bonne compréhension. Revenez, si besoin, sur tel ou tel point déjà énoncé. Si vous sentez que la femme décroche, est préoccupée, ailleurs, ramenez-la vers vous : « Avez-vous des questions ? Quelque chose ne vous semble pas clair ? »

→ Faire le point sur le matériel nécessaire à la maison pour réaliser les injections : stock de compresses, alcool, collecteurs d’aiguilles…

→ Vérifier la gestion des déchets générés par son traitement.

→ S’enquérir de son état physique et psychique : « Comment vous sentez-vous ? »

S’adapter au besoin

Tous les patients ne souhaitent pas se livrer. La façon de vivre sa PMA et de la partager est très personnelle. Certains ne mettent même pas leurs proches dans la confidence, d’autres en parlent à tout le monde. Certains préfèrent serrer les dents et avancer sans s’appesantir sur leur ressenti, d’autres entament une « diarrhée » verbale à la moindre occasion. Adaptez-vous à la personne.

→ La personne ne dit rien mais n’affiche pas d’émotion particulière. Tentez une approche, notamment après un échec : « Comment vous sentez-vous ? », « Comment le vivez-vous ? » La patiente/le couple doit savoir qu’il est possible de bénéficier d’un soutien technique ou psychologique si le besoin s’en fait sentir.

→ La patiente affiche une tête d’enterrement, pose l’ordonnance sur le comptoir sans dire un mot. N’y allez pas frontalement (« Vous êtes en PMA ? »), ne cherchez pas à la faire parler à tout prix. Ce n’est visiblement pas le moment.

S’ouvrir en face-à-face au comptoir peut également être difficile. La configuration fait qu’il y a peu de zones de confidentialité, d’autres patients attendent et mettent la pression… Votre porte reste ouverte, le message doit passer. Si vous ne dites rien, la personne peut penser que le sujet est tabou, qu’elle n’a pas la possibilité de s’exprimer.

Certaines clientes évitent même leur officine habituelle et en choisissent une autre pour les délivrances de traitements de PMA. Tendez la main : « Si vous le souhaitez/Si vous avez besoin, sachez que nous sommes disponibles pour parler des difficultés que vous pouvez rencontrer ». Certaines reviennent plus tard : « Désolée pour l’autre jour, je n’étais vraiment pas bien… » Elles ne s’ouvriront pas forcément à vous mais la relation de confiance est établie.

→ La patiente se déverse, fond en larmes, montre une grande émotion ou se confie sur des problématiques particulières. C’est parfois le conjoint ou la conjointe qui a besoin d’extérioriser, qui raconte l’envers du décor. Reformulez au plus près de ce qui est manifesté : « Je vois que c’est vraiment difficile pour vous… »

Accueillez les larmes, libérez un petit temps d’écoute. Orientez vers un dispositif de soutien et d’accompagnement (association locale, nationale), un psychologue, son médecin traitant…

Associer un conseil

À vous de décortiquer les messages cachés pour proposer des conseils utiles à votre interlocuteur.

→ Les questions telles que « Comment ça va ? », « Comment vous sentez-vous ? » servent aussi à proposer des compléments utiles, qui n’entravent pas le parcours de PMA : magnésium pour le stress ou le sommeil, etc.

→ Si la PMA est en projet, des produits de micronutrition peuvent contribuer à équilibrer le microbiote, et aider à la fertilité spontanée : vitamine D, oméga 3… Vous pouvez proposer une aide à la perte de poids, un sevrage tabagique…

→ Rectifier les erreurs commises par les patientes qui se complémentent mal en pensant bien faire : stopper le gattilier car il interagit avec le traitement, etc.

Se former

Expliquer une ordonnance de procréation médicale assistée est parfois difficile parce que pas toujours enseigné en centre de formation. Aussi, plusieurs organismes proposent-ils des formations dédiées à la PMA ou autour de la périnatalité. Voici quelques pistes.

→ L’organisme EG-périnatalité. Eugénie Guyennon, pharmacienne, dispense une formation sur l’accompagnement à la PMA en officine : tour d’horizon de la réglementation, physiologie de la procréation, techniques de PMA pratiquées, comment soutenir les couples à l’officine, etc. Contact : EG-périnatalité, tél. : 06 31 22 53 17, mail : formation@eg-perinatalite.fr

→ L’Institut de formation à la fertilité. Cet institut, fondé par une sage-femme, est dédié à la formation des professionnels de santé et du soin en charge de la fertilité. Une formation de niveau 1 sur la physiologie de la fertilité est un préalable. Contact : Marion Vallet, tél. : 07 61 03 55 34, mail : marion.vallet@institut2f.com, site : institut2f.com

Avec l’aimable collaboration d’Eugénie Guyennon, pharmacienne et formatrice en périnatalité (eg-perinatalite.fr), et de Carole Minker, pharmacienne et formatrice à l’Institut de formation à la fertilité.

(1) dune.univ-angers.fr/fichiers/14000013/2022PPHA15490/fichier/15490F.pdf

(2) ameli.fr/assure/sante/themes/sterilite-pma-infertilite/comprendre-sterilite