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Protéger la mère et le futur bébé

Publié le 1 juin 2024
Par Florence Dijon-Leandro
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Accompagner les femmes enceintes. L’officine est le passage incontournable des futures mamans. Profitez de ce contact pour aborder les principaux messages de prévention, sans inquiéter ni juger.

Adopter la bonne attitude

Trouver le ton adapté

La grossesse est un état physiologique et non une maladie. Cependant, elle est souvent associée à des symptômes bénins, bien que gênants (hémorroïdes, etc.), voire à des pathologies présentant un risque pour la mère et pour le fœtus (diabète gestationnel, etc.).

→ Ne pas minimiser, ni dramatiser : « Vous avez des douleurs au dos, c’est normal, ça va aller ! », « Vous avez mal ? Attention, ça peut être très grave ! »

→ Prendre du recul : « Décrivez-moi votre problème et je vous dirai s’il peut être pris en charge à l’officine ou si un avis médical serait préférable. Au cours de la grossesse, il vaut mieux être prudent. »

S’adapter

Une grossesse peut être vécue de façon très diverse en fonction de l’histoire personnelle, familiale et médicale de la femme. Il peut être utile de l’interroger régulièrement sur la perception de cet événement pour savoir quel ton adopter au cours des échanges.

→ Poser des questions ouvertes :« Comment se passe votre grossesse ? »

→ Se montrer à l’écoute : « Si quelque chose vous préoccupe, vous pouvez m’en parler. »

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Repérer la grossesse

→ Des pistes évidentes. La prise en charge à 100 % au titre de l’assurance maternité apparaît sur la carte Vitale à partir du début du 6e mois de grossesse et jusqu’au 12e jour après la date de l’accouchement. Cependant, de nombreuses situations peuvent clairement mettre sur la voie : « Je voudrais des vitamines adaptées à la grossesse », « J’ai une ordonnance pour de l’acide folique ».

→ Confirmer. Si on ne vous le dit pas directement, il faut s’assurer que la personne est enceinte ou que la demande concerne une femme enceinte. Pour pouvoir fournir un conseil de qualité et en toute sécurité, vous pouvez poser la question directement : « Pour vous conseiller au mieux, j’ai besoin de savoir si vous êtes enceinte. » Mais si la personne est accompagnée ou qu’il y a du monde dans la pharmacie, vous pouvez, pour ne pas l’obliger à annoncer son état contre son gré, contourner la question : « Certains produits que je vais vous conseiller sont à éviter dans certaines situations, notamment au cours de la grossesse. »

→ Pas de jugement de valeur positif ou négatif : « Est-ce que vous attendez un heureux événement ? Félicitations ! » alors qu’il s’agit peut-être d’une grossesse non désirée, ou « Y a-t-il un risque de grossesse ? » alors que la personne a surmonté beaucoup d’obstacles pour concevoir.

→ Éviter les impairs. Un ventre arrondi ne signifie pas forcément qu’une femme est enceinte ! Certaines femmes conservent un ventre proéminent après avoir accouché ou alors que la grossesse n’a pas été menée à son terme. Le cas échéant, il est pertinent de noter l’information sur le dossier de la cliente, et d’en informer rapidement le reste de l’équipe. Pour Gaëlle Ambroise, sage-femme échographiste au CHRU de Nancy (54) : « Les officinaux doivent être sensibilisés au fait que toutes les grossesses ne vont pas à terme (fausse couche tardive, mort fœtale, interruption). Il est important de savoir aborder le sujet sereinement. »

Se placer dans de bonnes conditions

Accueillir

→ Anticiper et mettre à l’aise. La station debout prolongée est parfois pénible pour la femme enceinte : « Est-ce que vous préférez vous asseoir pendant que nous discutons ? »

→ Expliquer pourquoi une attention particulière est nécessaire : « Au cours de la grossesse, certains produits et comportements sont utiles mais d’autres présentent un risque pour vous et votre bébé. Que diriez-vous de prendre quelques minutes pour en discuter ensemble. »

Choisir les bons mots

→ Éviter de comparer. S’abstenir de tout commentaire personnel : « Pour mon deuxième, moi aussi j’avais beaucoup de reflux, un enfer ! », « Vous verrez, c’est une période magique, que du bonheur ! »

→ S’exprimer simplement. Adoptez un discours clair, en éliminant les termes trop scientifiques voire anxiogènes. Évitez : « L’insuffisance veineuse favorise les complications thrombœmboliques graves. » Dites : « Les bas de contention sont utiles pour préserver les vaisseaux sanguins, limiter la douleur et éviter des complications. »

Passer les messages clés

Interroger sur la prise de médicaments

Vérifier les traitements en cours en consultant le dossier pharmaceutique ou en interrogeant la personne. Si la femme enceinte est déjà sous traitement pour une pathologie chronique, s’assurer qu’elle n’a pas modifié ou arrêté ses médicaments sans avis médical. Pour Gaëlle Ambroise, « il est important de vérifier auprès de la patiente que le prescripteur a été avisé de la grossesse et a éventuellement adapté le traitement. La réévaluation de la prise en charge est indispensable, notamment pour tous les traitements immunosuppresseurs, antiépileptiques, antidiabétiques et antihypertenseurs ». En cas de doute ou pour répondre à une inquiétude de la patiente, consulter le site du Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) : lecrat.fr.

→ Sensibiliser aux risques : « Dans les premières semaines de la grossesse, certains médicaments augmentent les risques de malformations, comme un bec-de-lièvre. Plus tard, les risques portent sur la croissance du fœtus et le développement des organes. »

→ Attention aux produits pris juste avant la conception : « Certains principes actifs persistent longtemps dans l’organisme et peuvent avoir un effet sur l’embryon même s’ils ont été pris avant la conception. Faites le point avec votre médecin. »

→ Éviter l’automédication. Toute prise de médicaments en automédication est à éviter. À l’officine, repérer les médicaments conseil compatibles avec la grossesse et constituer une liste des spécialités adaptées à mettre à la disposition de l’équipe.

Ne pas négliger les autres produits

→ Les produits dits naturels. Ils ne sont pas sans danger. De façon générale, ne pas utiliser d’aromathérapie ou de phytothérapie pendant la grossesse. En revanche, l’homéopathie peut convenir. Repérer les compléments alimentaires compatibles avec la grossesse et se constituer une liste.

→ Consommation de toxiques. L’alcool, le tabac ainsi que les drogues sont à proscrire. Si la patiente fume encore alors qu’elle est enceinte, évitez de juger. Dites : « Nous savons combien il est difficile d’arrêter de fumer. Nous allons vous accompagner. Savez-vous que vous pouvez utiliser des substituts nicotiniques ? Ils peuvent être prescrits par votre médecin ou votre sage-femme et pris en charge par l’Assurance maladie. » Une consultation avec un addictologue peut être nécessaire.

Prévenir

→ Vaccinations. Il existe trois vaccinations recommandées pendant la grossesse : la coqueluche, la grippe et le Covid¤19. Ces vaccinations sont réalisables à l’officine, mais celle contre le Covid¤19 nécessite une prescription médicale.

→ Se traiter si nécessaire. Certaines pathologies peuvent avoir des conséquences graves pour la mère et l’enfant. Si un traitement est instauré sous contrôle médical, inciter à en respecter scrupuleusement la posologie et la durée.

→ S’appuyer sur des supports. Commander ou télécharger gratuitement des documents d’information disponibles notamment sur le site du Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (Cespharm), cespharm.fr, ou de l’Assurance maladie, ameli.fr.

→ Orienter. La sage-femme, le gynécologue et le médecin traitant sont autant de professionnels de santé à identifier et à contacter en cas de besoin. Encourager la femme enceinte à informer tous les professionnels de santé de son état et à rester prudente quant aux messages diffusés sur Internet. Certains sites de référence peuvent être conseillés : ameli.fr(1), ansm.sante.fr(2), 1000-premiers-jours.fr/fr(3).

Se former

Conseiller une femme enceinte nécessite de se former et d’actualiser ses connaissances. À l’officine, la promotion de la santé, l’accompagnement et le soutien au cours de la grossesse est une attente des futures mamans, que la personne de l’équipe officinale ait elle-même des enfants ou non, qu’elle soit un homme ou une femme, et quel que soit son âge. Ne pas se dire : « Je n’ai jamais eu d’enfant donc je ne suis pas légitime pour aborder le sujet de la grossesse. » Se dire : « Je suis un professionnel de la santé formé sur ce sujet. »

avec l’aimable participation de Gaëlle Ambroise, sagefemme échographiste au CHRU de Nancy (54), maître de conférences au sein du département universitaire de maïeutique de l’université de Lorraine et membre du Collège national des sages-femmes de France.

(1) Dossier « Grossesse : suivi médical et accompagnement », Assurance maladie.

(2) Dossier « Médicaments et grossesse », Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

(3) Site et Appli « 1 000 premiers jours », services proposés par le ministère de la Santé pour suivre les étapes de la parentalité, du projet de grossesse aux 2« ans de l’enfant.

L’entretien femme enceinte

→ De quoi s’agit-il ? Mission officinale mise en place fin 2022, elle prend la forme d’un entretien unique de 5 minutes, qui peut être mené au comptoir, à destination de toutes les femmes enceintes quel que soit le stade de la grossesse. Il est pris en charge à 70 % par l’Assurance maladie puis, à partir du 6e mois, à 100 % dans le cadre de l’assurance maternité.

→ Quel est l’objectif ? Il consiste à sensibiliser aux risques liés à la prise de diverses substances, dont les médicaments, et promouvoir des mesures préventives.

→ Qui réalise l’entretien ? Cette mission revient aux pharmaciens. Mais toute l’équipe peut participer au recrutement des femmes enceintes et à la promotion de ces entretiens.