Pollens : y’a de l’allergène dans l’air

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Pollens : y’a de l’allergène dans l’air

Publié le 20 mars 2025
Par Pascale Caussat
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Le rhume des foins est d’apparence bénin, mais il peut évoluer en asthme et sa prévalence augmente avec le changement climatique. Le point sur les allergies saisonnières qui compliquent la vie de millions de Français, et qui se manifestent de plus en plus tôt.

Nez qui coule, yeux gonflés, toux, parfois urticaire, ces symptômes sont bien connus des personnes sujettes aux rhinites allergiques saisonnières causées par les pollens du printemps. Cependant, ces manifestations interviennent toujours plus tôt au fil des ans et durent davantage. Selon le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), qui rend compte de la situation en France sur son site pollens.fr, cette année, les trois quarts du territoire étaient concernés par un risque élevé d’allergie aux pollens de noisetier et d’aulne (famille des Betulaceae) dès février, soit un mois avant l’arrivée officielle du printemps. Seul, le Nord-Ouest était épargné. Soleil, vent et douceur des températures se sont ligués pour provoquer une abondance de pollens de cupressacées (cyprès, genévriers, thuyas) du Sud-Ouest au Sud-Est. Le changement climatique est clairement en cause dans cette recrudescence. « Les plantes et les arbres soumis à un excès de gaz carbonique produisent davantage de pollens, explique Pascal Poncet, chercheur au sein du département immunologie de l’Institut Pasteur à Paris. Les chatons de bouleau, par exemple, en contiennent davantage. Les émissions de gaz à effet de serre entraînent des saisons polliniques plus précoces et plus tardives, avec des possibilités de sensibilisation accrues. Mais les causes des allergies sont multiples : pollution atmosphérique, pesticides, perturbateurs endocriniens… » Selon le chercheur, qui est aussi membre du RNSA, « 8 % des enfants naissent avec une allergie, ce n’était pas le cas il y a 20 ans ». 

Des symptômes en hausse

Provenant de dérèglements du système immunitaire, toutes les allergies, respiratoires et alimentaires, sont en augmentation. 20 à 30 % de la population française en souffre, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Alors qu’elle était de 2 à 3 % en 1970, la proportion devrait atteindre 50 % en 2050. Le phénomène est global : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’allergie est la quatrième maladie chronique dans le monde. On recense aussi davantage de cas d’allergies croisées, par exemple au pollen de bouleau et aux pommes, car les protéines allergènes sont les mêmes. Les personnes sujettes aux allergies sont plus sensibles aux épisodes de pollution de l’air liée au trafic routier ou au chauffage pendant l’hiver. « C’est la double peine », souligne Pascal Poncet. L’hypothèse hygiéniste est mise en avant pour expliquer le développement de ces phénomènes. Les enfants vivant à la campagne bénéficieraient d’une meilleure protection que ceux des villes, du fait de leur proximité avec les animaux de ferme. D’autre part, il a été observé que, lors d’un accouchement par voie basse, le bébé bénéficiait du contact avec les bactéries de sa mère, réduisant de 20 % le risque d’allergies futures. À cela s’ajoutent des facteurs génétiques : un individu a 50 à 80 % de probabilité d’être allergique si ses deux parents le sont, 40 % en moyenne si un des deux est touché, et 10 % si aucun d’entre eux n’est allergique. 

Les conséquences des allergies saisonnières, communément appelées « rhume des foins », peuvent être réellement invalidantes. Selon l’association Asthme & allergies, 41 % des patients atteints de rhinite allergique renoncent à des activités sociales, de loisirs ou professionnelles. 73 % des adultes et 66 % des enfants allergiques témoignent de troubles du sommeil. Autre donnée inquiétante : plus de 20 % des personnes présentant une rhinite allergique sont en plus affectées par de l’asthme et 80 % des asthmatiques ont aussi une rhinite. Santé Publique France estime que l’asthme touche 4 millions de Français et entraîne 230 000 journées d’hospitalisation par an. 

Solutions d’évitement

Comment se débarrasser de l’allergie aux pollens ? Avant de parler de traitement, la priorité va à la prévention et à l’évitement. Une réalité méconnue : l’environnement intérieur est cinq à dix fois plus pollué que l’extérieur. Or les polluants aggravent l’effet des allergènes. Il est recommandé d’aérer son logement au moins 10 minutes par jour avant le lever et après le coucher du soleil, lorsque les pollens ne sont pas encore en pleine prolifération. Le tabac, les moisissures, les acariens sont les ennemis des allergiques. Lors de la saison des pollens, il ne faut pas faire sécher son linge à l’extérieur, conduire fenêtres ouvertes ou pratiquer un sport en plein air. Le soir, il est préconisé de se rincer les cheveux qui sont des pièges pour les grains et qui risquent de les déposer sur l’oreiller. 

Au plus fort de la saison, les pharmaciens sont habitués à recevoir des patients aux yeux rougis en quête de traitements antihistaminiques, en référence à l’histamine, le médiateur chimique qui provoque l’inflammation. Alix de Colnet, de la pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen (Calvados), détaille les différentes solutions disponibles sans ordonnance : « Les laboratoires essaient d’innover pour proposer une prise en charge complète et adaptée aux patients. Il existe des traitements sous forme orale, en sprays pour le nez ou en collyres. Ceux par voie orale sont des antihistaminiques de deuxième génération (cétirizine et loratadine) qui provoquent moins de somnolence. Pour le nez, ils se répartissent en trois catégories : corticoïdes contre l’inflammation, antiallergiques à base de cromoglicate de sodium et sprays destinés à évacuer l’allergène et à constituer une barrière de protection sur les muqueuses nasales. En cas de conjonctivite allergique, il est recommandé de laver les yeux avec du sérum physiologique, puis dutiliser un collyre traitant après un quart dheure. Dans les solutions naturelles, on trouve aussi des compléments alimentaires au plantain, de la photothérapie intranasale à la lumière rouge contre la sécrétion d’histamine ou des filtres qui couvrent les narines. » La pharmacie normande, qui dispose d’un site de vente en ligne sur toute la France, note que les requêtes des patients ont commencé plus tôt que d’habitude cette année.

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Les pharmaciens sont toujours incités à vérifier les antécédents médicaux du patient pour s’assurer qu’il n’a pas de contre-indication comme une insuffisance rénale. Si les symptômes persistent plus d’une semaine, une consultation avec le médecin s’avère nécessaire. La pharmacie de la Grâce de Dieu rappelle que si la réaction allergique entraîne une urticaire généralisée, des difficultés à respirer, des malaises, des nausées ou un œdème touchant la gorge ou la face, il faut impérativement prévenir le 15. 

Thérapie de longue haleine

Cependant, les traitements disponibles agissent uniquement sur les symptômes et ne modifient pas la réponse immunitaire. Le véritable traitement de l’allergie consiste en la désensibilisation ou l’immunothérapie allergénique chez un allergologue, qui s’apparente à un parcours de longue haleine. Lorsqu’il aura décroché de haute lutte un rendez-vous chez un spécialiste – on compterait un praticien pour 66 000 personnes en France –, le patient va subir une série de tests pour identifier l’origine de l’allergie, et être exposé régulièrement à une dose d’extrait allergénique durant une période prolongée, idéalement de 3 à 5 ans. « Pendant longtemps, la désensibilisation se faisait par injections sous-cutanées, hebdomadaires puis mensuelles. Depuis plusieurs années, on tend à lui préférer la voie sublinguale, moins contraignante et mieux tolérée. Il s’agit de prendre le matin des gouttes d’allergènes, gardées deux minutes sous la langue puis avalées. Des comprimés sont maintenant disponibles pour certains allergènes », explique l’Inserm, sur son site internet. Le chemin peut sembler long, mais les bénéfices apparaissent dès trois à quatre mois, et persistent plusieurs années après l’arrêt du traitement. La désensibilisation réduit également le risque de développer d’autres allergies. « On considère que le temps d’errance médicale est de sept années avant que le patient ne se rende compte qu’il a besoin d’un médecin allergologue. L’allergie ne se soigne pas toute seule car c’est le système immunitaire qui est en cause, il faut absolument trouver l’origine de l’inflammation pour éviter l’évolution en asthme », insiste Pascal Poncet. 

À retenir 

  • 20 à 30 % de personnes sont sujettes aux allergies en France, selon l’Inserm. 
  • Il est important de rappeler les gestes de prévention contre les allergies saisonnières.
  • Il est recommandé d’inviter les patients à consulter la carte du risque d’allergie aux pollens par département sur le site pollens.fr, qui recense les pollens détectés.
  • En première intention, les équipes officinales peuvent délivrer des médicaments antihistaminiques sans ordonnance.