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L’interruption volontaire de grossesse

Publié le 27 novembre 2019
Par Nathalie Belin
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En France, la loi permet à toute femme de recourir à une interruption volontaire de grossesse jusqu’à la fin de la 14e semaine d’aménorrhée. Connaître les protocoles et les conseils à fournir est essentiel.

Définitions

• L’interruption volontaire de grossesse (IGV) est un avortement déclenché pour des raisons non médicales, sur une décision personnelle, et réalisé dans un cadre légal. Un avortement est la mort du fœtus ou l’expulsion des produits de la conception avant 20 semaines de gestation.

• L’article L. 2212-1 du Code de la santé publique indique : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse » qui « ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la 12e semaine ».

• Une IVG est réalisée par une méthode médicamenteuse ou instrumentale dite chirurgicale.

• Le choix entre les deux dépend du stade de la grossesse et des préférences de la femme.

Délais légaux

• L’IVG médicamenteuse est possible jusqu’à la fin de la 5e semaine de grossesse, soit 7 semaines après le 1er jour des dernières règles (7 semaines d’aménorrhée), voire jusqu’à 7 semaines de grossesse, soit 9 semaines d’aménorrhée si l’intervention a lieu dans un établissement de santé.

• L’IVG instrumentale est proposée jusqu’à la fin de la 12e semaine de grossesse, soit à 14 semaines d’aménorrhée.

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Les praticiens

• L’IVG médicamenteuse est pratiquée par un médecin ou une sage-femme formés. S’ils exercent « en ville », en cabinet ou dans un centre de planification ou d’éducation familiale, ils doivent avoir signé une convention avec un établissement de santé prêt à accueillir les patientes si besoin, de jour comme de nuit.

• L’IVG instrumentale est réservée aux médecins des établissements de santé ou aux centres de santé habilités à la pratiquer.

Gare à la désinformation !

• De nombreuses adresses sur Internet font de la propagande anti-avortement, évoquant « complications » et « traumatismes » de l’IVG.

• Orienter vers les sites officiels et fiables : ivg.gouv.fr et le 0800 08 11 11 ; revho.fr (Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie) ; avortementancic.net (Association nationale des centres d’IVG et de contraception).

Le déroulé d’une IVG

• La méthode médicamenteuse repose sur la prise successive de deux médicaments.

→ Un antiprogestérone par voie orale, la mifépristone (Mifégyne 600 ou 200 mg), bloque l’action de la progestérone nécessaire au maintien de la grossesse et dilate le col utérin.

→ Puis, un analogue de la prostaglandine, 36 à 48 heures plus tard, entraîne la contraction des fibres musculaires lisses du myomètre et le relâchement du col utérin, facilitant son ouverture et l’expulsion du sac ovulaire. La prostaglandine est soit le misoprostol 400 µg (Gymiso, MisoOne), en une prise par voie orale, soit le géméprost par voie vaginale 1 mg (Cervageme) associé à l’emploi de Mifégyne 200 mg et, dans ce cas, l’IVG s’effectue à l’hôpital.

→ Modalités. La prise de mifépristone se fait en présence du soignant. Celle du misoprostol peut avoir lieu au domicile de la femme. Les comprimés lui sont remis par le praticien au cours de la consultation. La méthode « à domicile » présuppose que la femme soit bien informée du moment de la prise et des signes qui doivent amener à consulter.

• La méthode instrumentale consiste à évacuer le contenu utérin par aspiration, sous anesthésie locale ou générale, après la dilatation du col.

→ L’intervention, réalisée en ambulatoire, dure une dizaine de minutes et est suivie d’une surveillance pendant quelques heures.

→ Le geste chirurgical est précédé d’une dilatation du col par la prise de mifépristone 48 heures avant, ou d’une prostaglandine, misoprostol ou géméprost quelques heures avant.

Les consultations préalables

Deux consultations médicales sont nécessaires avant l’IVG, parfois regroupées. Lors d’IVG médicamenteuse, la prise du premier médicament se fait au cours de la seconde consultation.

• La consultation d’information permet :

→ d’expliquer les avantages et les inconvénients des deux méthodes, de confirmer et d’estimer l’âge gestationnel avec un dosage sanguin de l’hormone chorionique gonadotrope humaine (hCG) et la date des dernières règles, d’informer sur les infections sexuellement transmissibles et la contraception le cas échéant ;

→ de repérer les situations qui doivent faire renoncer à une IVG médicamenteuse : asthme sévère non contrôlé ou insuffisance surrénale chronique contre-indiquant la prostaglandine, suspicion de grossesse extra-utérine, risque hémorragique accru lié par exemple à un anticoagulant, ou anémie profonde en raison de saignements potentiellement importants lors d’une IVG médicamenteuse. Il n’existe pas de contre-indications à l’IVG instrumentale ;

→ d’identifier une situation déconseillant l’IVG à domicile : difficultés de compréhension de la méthode, absence d’adulte pouvant porter assistance si besoin, éloignement à plus d’une heure d’un établissement de santé ;

→ de proposer une consultation psychosociale qui reste obligatoire pour les mineures.

• Consultation de recueil écrit du consentement. La méthode et le lieu de réalisation sont choisis. Il n’y a plus de délai à respecter entre la consultation d’information et le recueil du consentement, sauf si une consultation psychosociale a eu lieu. Un délai de 48 heures est alors exigé.

• Spécificités chez la mineure. Elle doit être accompagnée dans sa démarche par une personne majeure de son choix. L’anonymat est prévu en l’absence de consentement parental.

Le suivi post-IVG

• Un dosage sanguin de l’hCG est prescrit 15 jours après. L’interruption de grossesse est confirmée si le taux a diminué de 80 %. Attention : le test urinaire de grossesse peut rester positif !

• Une visite de contrôle est recommandée 2 à 3 semaines après pour vérifier l’absence d’infection et la complète expulsion du sac gestationnel, notamment pour une IVG médicamenteuse au risque d’échec plus important. Dans ce cas, un geste chirurgical est proposé. Si la femme désire poursuivre la grossesse, elle doit être informée du risque tératogène lié au misoprostol.

Les précautions à adopter

• Pas de jus de pamplemousse avec Mifégyne. En cas de vomissement dans les 45 minutes suivant la prise, appeler le médecin. Éviter de s’éloigner du centre prescripteur avant la consultation de contrôle en cas d’IVG médicamenteuse.

• Prévenir les douleurs pelviennes par un antalgique prescrit, AINS type ibuprofène(2). À débuter avec le misoprostol, les contractions induites étant douloureuses. Continuer après si besoin. Paracétamol et phloroglucinol sont insuffisants.

• Hémorragie et risque infectieux sont rares. Par prudence, pour prévenir une infection, le col utérin étant dilaté, proscrire tampons périodiques, bains, piscine et rapports sexuels durant les deux semaines qui suivent l’IVG.

• Consulter en cas de fièvre > 38 °C et/ou de douleurs importantes malgré l’antalgique, de saignements nécessitant de changer de serviette hygiénique toutes les 30 minutes plus de 2 heures de suite. À l’inverse, pas ou peu de saignements deux à trois jours après la prise du misoprostol font suspecter un échec de l’IVG.

• Une grossesse est possible le mois suivant l’IVG. Débuter sans délai la contraception. Les estroprogestatifs ou les progestatifs sont pris le jour même ou le lendemain de l’avortement. Un dispositif intra-utérin se pose immédiatement après une IVG instrumentale et lors de la visite de contrôle en cas d’IVG médicamenteuse.

(1) « 224 300 interruptions volontaires de grossesse en 2018 », Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (Drees), septembre 2019.

(2) « Recommandations pour la pratique clinique : l’interruption volontaire de grossesse », Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), 2016.

Info+

→ Une interruption médicale de grossesse (IMG) est réalisée, sans restriction de délai, pour un motif médical, soit parce que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la mère, soit en raison d’une anomalie grave du fœtus.

Source : ameli.fr

→ 224 300 IVG pratiquées en France en 2018(1), dont 25 % (55 800) hors d’une structure hospitalière. 2 IVG sur 3 sont médicamenteuses. 1 femme sur 3 recourt à une IVG au moins une fois dans sa vie

Législation sur les médicaments de l’IVG

Mifégyne, Gymiso et MisoOne sont réservés à l’usage professionnel des médecins, sages-femmes et centres de planification ayant conclu une convention avec un établissement de santé qui réalise des IVG. Ils ne peuvent pas être délivrés aux patients. La commande à usage professionnel doit comporter : > date, nom, qualité, numéro d’inscription à l’Ordre, adresse et signature du praticien ; > nom du médicament et quantités commandées ; > la mention « usage professionnel » ; > le nom de l’établissement de santé avec lequel le médecin ou la sage-femme a conclu une convention et sa date. La tarification inclut les honoraires de dispensation sous la forme de forfaits : 75,06 € pour Mifégyne ; 14,90 € pour Gymiso et MisoOne

Info+

→ Pour une IVG, il est possible de consulter un médecin autre que son médecin traitant. Cet acte fait partie des exceptions au parcours de soins coordonné.

→ À partir de la 6e semaine et jusqu’à 7 semaines de grossesse, soit 9 semaines après le début des dernières règles, l’IVG est pratiquée uniquement dans un établissement de santé.

→ Le taux de réussite varie légèrement selon la technique utilisée, 99,7 % pour l’acte chirurgical versus 92 à 96 % pour la méthode médicamenteuse.