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Les programmes de dépistage organisé des cancers

Publié le 1 juillet 2024
Par Estelle Deniaud Bouet
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Trois cancers font actuellement l’objet d’une stratégie nationale de dépistage organisé en France : le cancer du sein, le cancer du col de l’utérus et le cancer colorectal. Le cancer du poumon devrait bientôt les rejoindre. Au comptoir, les équipes officinales ont un rôle actif à jouer auprès du public pour l’inciter à se faire dépister.

Quelles sont les stratégies de dépistage des cancers en France ?

Face aux cancers, deux formes de dépistage sont possibles : le dépistage individuel, initié par le médecin traitant en fonction des facteurs de risque propres à chaque patient, et le dépistage organisé, mis en œuvre et coordonné au niveau national pour une catégorie ciblée de la population. Actuellement, il existe un dépistage organisé pour trois cancers, celui du sein, du col de l’utérus et colorectal(1).

Les cancers du sein sont les cancers les plus fréquents chez la femme en France, avec 61 214 nouveaux cas en 2023 contre 12 100 décès en 2018(2). Le dépistage organisé s’adresse aux femmes âgées de 50 à 74 ans, sans facteur de risque autre que l’âge, ni symptôme. Il consiste en une mammographie tous les deux ans, associée à un examen clinique des seins par un radiologue(3).

Bien que moins fréquent, avec 3 159 nouveaux cas en 2023, le cancer du col de l’utérus reste meurtrier, avec 1 100 décès en 2018. La principale cause est une infection persistante au niveau du col par certains virus de la famille des papillomavirus humains (HPV). Le dépistage organisé cible les femmes entre 25 et 65 ans et est réalisé à partir d’un frottis vaginal. Il repose sur un test HPV, à partir de 30 ans, y compris chez les femmes vaccinées contre le HPV. Il permet de détecter la présence éventuelle du virus. Le test est renouvelé tous les cinq ans. Chez les femmes de 25 à 29 ans, il consiste en un examen cytologique permettant de repérer d’éventuelles cellules anormales, le test HPV n’étant pas recommandé avant 30 ans, les infections à HPV transitoires étant très fréquentes avant cet âge.

Enfin, le cancer colorectal (17 100 décès en 2018 et 47 582 nouveaux cas en 2023) résulte, dans plus de 80 % des cas, d’une tumeur bénigne, le polype, qui évolue lentement en lésion cancéreuse. Le dépistage organisé cible les hommes et les femmes entre 50 et 74 ans sans facteur de risque autre que l’âge, ni symptôme. Il est basé sur la recherche de sang dans les selles à l’aide d’un test immunologique, à partir d’un prélèvement de selles réalisé chez soi.

Ces trois dépistages organisés sont pilotés par la Direction générale de la santé (DGS). L’Institut national du cancer intervient dans l’organisation des programmes de dépistage et émet des recommandations, notamment dans le cadre de leurs évolutions. L’Assurance maladie assure quant à elle, depuis 2024, le pilotage des invitations et des relances des patients éligibles aux trois dépistages. Voulus comme un moyen d’égalité des chances en matière de soins, les dépistages organisés des cancers sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.

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Pourquoi n’existe-t-il pas de stratégie de dépistage pour tous les cancers ?

Pour mettre en place une stratégie nationale de dépistage organisé d’un cancer, il faut notamment pouvoir cibler la population concernée, influer sur l’évolution du cancer et disposer d’un test simple, fiable, sûr et abordable. Les trois stratégies nationales actuelles répondent à ces critères. Le quatrième dépistage organisé concernera bientôt le cancer du poumon. Des données internationales ont suggéré l’intérêt d’un dépistage organisé du cancer du poumon, basé sur un scanner low dose (à faible dose de rayons X pour limiter l’exposition aux radiations), sans administration de produits de contraste, chez les sujets de 50 à 74 ans, avec des antécédents de tabagisme équivalents à au moins 20 paquets-années. Sur recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS), un programme pilote, qui fera l’objet d’un appel à candidatures lancé par l’Institut national du cancer, débutera prochainement, pour une mise en œuvre en 2025.

Les Français adhèrent-ils à ces campagnes ?

Santé publique France publie régulièrement les taux de participation des Français aux stratégies nationales de dépistage des cancers. Les dernières données publiées révèlent que 48,2 % des femmes éligibles effectuent un dépistage du cancer du sein dans le cadre du dispositif organisé. Elles sont 59,7 % à réaliser le dépistage du cancer du col de l’utérus. Ces chiffres sont encore un peu loin des objectifs de participation fixés par les autorités de santé publique pour ces deux cancers, qui sont de 70 %. Dans le cas du cancer colorectal, la participation actuelle est de 34,2 %, nettement éloignée de l’objectif fixé à 65 %.

Quels sont les freins et les leviers pour inciter aux dépistages ?

D’après les données recueillies par l’Institut national du cancer, 94 % des Français se disent favorables aux dépistages organisés des cancers. Un chiffre bien supérieur aux taux de participation aux trois programmes actuels. Les causes de cette faible adhésion ne sont pas entièrement connues. Le sentiment de ne pas être concerné, la peur de se découvrir un cancer, une difficulté pour prendre rendez-vous ou pour se rendre chez un professionnel de santé, l’appréhension de réaliser un prélèvement de selles, un manque d’information sur le dépistage ont été relevés. De nombreuses idées reçues circulent également. L’information et la sensibilisation constituent sans doute les meilleurs leviers pour favoriser la participation aux dépistages organisés des cancers.

Pour inciter les Français à se faire dépister, des campagnes d’information grand public sont menées chaque année, avec trois temps forts : le mois de janvier pour le cancer du col de l’utérus, mars pour le cancer colorectal et octobre pour le cancer du sein. Des outils de communication (brochures, flyers, affiches) et des ressources sont mis à la disposition des acteurs de santé pour informer, sensibiliser et promouvoir les stratégies de dépistage. Ces outils sont accessibles gratuitement pour les officines sur le site Cespharm.fr, qui travaille en étroite collaboration avec l’Institut national du cancer. Certains documents ont été spécifiquement élaborés pour les officines. L’intérêt du dépistage organisé des cancers doit être relayé toute l’année, même en dehors de ces temps forts, grâce aux outils disponibles et à l’implication conjointe de tous les professionnels de santé.

Comment les équipes officinales s’impliquent-elles ?

Les pharmacies sont particulièrement impliquées dans le dépistage organisé du cancer colorectal. On peut en effet s’y procurer le kit de dépistage. Depuis le 1er janvier 2024, l’officine est rémunérée 3 € TTC à chaque remise de kit via la facturation du code RKD, auxquels s’ajoutent 2 € si le patient a bien envoyé son test au laboratoire d’analyses. Seuls les pharmaciens formés auprès des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) peuvent remettre le kit. Les préparateurs restent cependant des acteurs nécessaires. Ils peuvent, en amont, participer à la sensibilisation et à l’information du public, en repérant par exemple les personnes entrant dans la population cible au cours d’une dispensation. Après la remise du kit, ils peuvent interroger le patient sur la réalisation effective du test et les éventuelles difficultés rencontrées.

Concernant le dépistage organisé des cancers du sein et du col de l’utérus, les équipes officinales ont pour mission de renforcer les messages de sensibilisation diffusés dans les médias et par les professionnels de santé. Il faut notamment rappeler que la vaccination contre le HPV ne dispense pas du dépistage du cancer du col de l’utérus. C’est l’association de la vaccination et du dépistage qui permet de lutter le plus efficacement contre ce cancer.

Dans tous les cas, il faut argumenter qu’il est important de les réaliser « quand tout va bien », car lorsque des symptômes apparaissent, la maladie est déjà souvent à un stade avancé. Or, plus un cancer est détecté tôt, plus les chances de guérison sont importantes, avec moins de séquelles et généralement des traitements moins lourds.

(1) Dépistage et détection précoce des cancers, site de l’Assurance maladie ameli.fr, rubrique Assurés.

(2) « Panorama des cancers en France, l’Institut national du cancer publie l’édition 2023 rassemblant les données les plus récentes », Institut national du cancer, 4 juillet 2023.

(3) « Se faire dépister ». Institut national du cancer. e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Se-faire-depister

Réalisé en collaboration avec le Pr Claude Linassier, oncologue médical et directeur du pôle prévention, organisation et parcours de soins de l’Institut national du cancer (INCa).

Orienter le public vers le site Jefaismondépistage

L’Institut national du cancer (INCa) et l’Assurance maladie ont développé un site destiné au public, entièrement consacré aux dépistages organisés des cancers en France : Jefaismondepistage.e-cancer.fr. Ce site rappelle les modalités de dépistage des trois cancers actuellement ciblés, permet de s’informer sur le bénéfice attendu, de savoir à quel dépistage la personne est éligible et auprès de quel professionnel de santé prendre rendez-vous pour se faire dépister. Un site à conseiller au comptoir pour que les patientes et les patients disposent d’informations fiables et actualisées.