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Les pharmaciens sont-ils suffisamment impliqués dans la lutte contre le VIH ?
On estime que 140 000 Français vivent avec le VIH. 6 500 infections ont été découvertes en 2007… Ces chiffres suffisent à montrer que la pathologie est toujours bien présente. Pourtant le dépistage est encore trop tardif et la prévention négligée. En outre, côté thérapeutique, les traitements, longs, sont parfois lourds et l’observance difficile. C’est sur ces points que les professionnels de santé et les responsables associatifs que nous avons interrogés attendent aujourd’hui beaucoup du pharmacien. Et qu’ils sont parfois déçus !
Aujourd’hui nous sommes arrivés à un niveau quasi optimal dans le choix des médicaments pour les premières lignes thérapeutiques, même s’il existe toujours des patients en échappement, souligne Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida. 85 % des nouveaux patients ont des résultats sous le seuil de détection virale. Mais ce n’est pas encore suffisant. Il faudrait améliorer également le confort de vie en multipliant notamment les médicaments en une seule prise par jour. Et veiller également à la bonne observance des traitements pour éviter les échappements thérapeutiques. »
Autre axe prioritaire selon Denis Lacoste, président de la Société française de lutte contre le sida : faciliter le dépistage précoce. On estime en effet que 30 à 35 % des personnes sont diagnostiquées à un stade clinique de sida ou avec un déficit immunitaire avancé (moins de 200 CD4). Un groupe d’experts, auteur en 2008 du rapport « Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH », recommande d’ailleurs aux pouvoirs publics de définir de nouvelles stratégies de dépistage tenant compte des zones de prévalence et des populations les plus exposées comme les homosexuels, les populations originaires d’Afrique subsaharienne ou la population carcérale. Des tests de dépistage rapides sont actuellement en cours d’évaluation en France.
En 2007, 6 500 nouvelles infections ont été découvertes (59 % après des rapports hétérosexuels, 38 % après des rapports homosexuels et 2 % après usage de drogues). « La maladie s’est banalisée dans l’esprit des gens. Certains pensent même qu’on en guérit », regrette Anne Guérin, présidente d’ARCAT (Association pour la recherche et la communication pour l’accès aux traitements). Le plus inquiétant est le profil de ces nouveaux infectés. 23 % ont moins de 30 ans et 40 % ont 40 ans et plus.
Pour les associations, la 21e Journée mondiale de lutte contre le sida sera l’occasion de le marteler une nouvelle fois : « protégez-vous » ! Un message que seuls 27 % des pharmaciens relaieront, comme ils l’avouent dans notre sondage, alors que 74 % estiment être autant impliqués dans la lutte contre le sida que par le passé. Sont-ils aussi actifs qu’ils le disent ? Les médecins, les pharmaciens et les associatifs que nous avons interrogés n’en sont pas tous aussi certains.
Sondage directmedica
Sondage réalisé par téléphone du 3 au 4 novembre 2008 sur un échantillon représentatif de 100 titulaires en fonction de la répartition géographique de leur officine et de son chiffre d’affaires.
Désengagement
Mettrez-vous en place une action spécifique dans votre officine lors de la prochaine Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre ?
A quel degré êtes-vous impliqué dans la lutte contre le sida par rapport au passé ?
Les clients en parlent moins
A quel degré êtes-vous sollicité par vos clients sur des problématiques liées au sida par rapport au passé ?
Le déclic « pilule d’urgence »
A quelle occasion faites-vous de la prévention en matière de sida ?
Des réseaux sans officinaux
Etes-vous membre d’un réseau VIH ?
Merci la presse pro !
Comment mettez-vous à jour vos connaissances dans le domaine du sida, et en particulier concernant les nouvelles thérapeutiques ?
Confidentielle confidentialité
Existe-t-il dans votre officine un espace de confidentialité autre que votre bureau pour recevoir les malades qui le souhaiteraient ?
Marina Karmochkine praticien hospitalier en immunologie à l’hôpital Georges-Pompidou (Paris)*
« La majorité des patients dont je m’occupe préfère se faire dispenser ses produits à l’hôpital. La confidentialité en ville est un souci pour eux. Ils se sentent montrés du doigt quand ils vont chercher leur traitement dans une officine. Il faudrait vraiment que des espaces soient aménagés ou que les patients puissent s’isoler des autres clients pour pouvoir parler avec le pharmacien. Car les officinaux pourraient vraiment nous apporter leur aide dans l’observance. Les médecins hospitaliers donnent des piluliers, des plannings thérapeutiques aux patients, mais la plupart n’ont pas suffisamment de temps pour les aider à faire un planning en fonction des heures de repas, de lever, de coucher. Tous les services hospitaliers ne disposent pas non plus d’infirmières spécialisées dans l’éducation thérapeutique. Les pharmaciens pourraient s’en charger comme ils pourraient également, comme les médecins généralistes, jouer un rôle de relais plus important en s’intéressant aux effets secondaires entraînés par les trithérapies : dyslipidémies, hypertension, problèmes vasculaires. Ils pourraient tout à faire prendre la tension d’un patient atteint d’hypertension artérielle. »
* Auteur de « Saurais-je parler du sida ? »
Denis Lacoste président de la Société française de lutte contre le sida et du réseau Gironde VIH
« Les pharmaciens se sont désengagés »
« Les pharmaciens se sont mobilisés il y a quelques années lors du passage en ville des antirétroviraux. Aujourd’hui, ils se sont désengagés. Je peux le constater dans le réseau Gironde VIH auquel je participe. Ils ont beaucoup participé mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons voulu récemment réaliser une formation d’actualisation sur les traitements et les pathologies qui a été annulée faute de combattants… Les pharmaciens nous disent qu’il existe des formations universitaires et des formations réalisées au sein de la profession. Mais ils ne sont plus présents dans le réseau. Même au sein de la Société française de lutte contre le sida il n’y a qu’une pharmacienne hospitalière. On entend dire aujourd’hui du VIH que c’est devenu une pathologie chronique, c’est sans doute l’image qu’en ont les pharmaciens qui ne ressentent peut-être plus l’importance d’être dans le réseau. Ils sont pourtant un maillon important dans un réseau VIH. Ils jouent un rôle de soutien important aux patients dans le suivi des traitements. Le fait que le réseau Gironde VIH ne compte plus d’officinaux est un manque : grâce aux informations qu’ils remontaient aux prescripteurs, nous avions une bonne visibilité sur ce qui se faisait en matière d’observance et d’éducation thérapeutique, mais également sur les interactions médicamenteuses. En outre, le patient ne dit pas forcément la même chose au médecin qu’au pharmacien. »
Willy Rozenbaum président du Conseil national du sida
« Les personnes vivant avec le VIH restent l’objet d’une très forte stigmatisation, laquelle est souvent le fruit de l’ignorance mais aussi de préjugés. Le VIH-sida reste toujours lié dans les esprits à des comportements jugés négatifs : homosexualité, sexualité débridée… Paradoxalement, c’est auprès du personnel de soins qu’ils la ressentent le plus car ils sont obligés de révéler ce dont ils souffrent, et notamment auprès des pharmaciens et des dentistes. Si les pharmaciens sont bien des acteurs de santé, il faut qu’ils accueillent les patients sans préjugés et ne refusent pas, par exemple, de s’occuper d’eux en prétextant qu’ils ne disposent pas des médicaments demandés. C’est une souffrance morale inutile infligée aux patients alors qu’ils vont bien physiquement. Trop peu de pharmaciens se préoccupent des risques d’interactions. Je vois bien que, quel que soit le médicament dispensé, ils ne prennent quasiment jamais la peine de demander spontanément aux clients s’ils suivent un autre traitement. Je précise à mes patients d’en parler d’eux-mêmes aux pharmaciens s’ils ont un autre produit à acheter. Dans le VIH, il faut être vigilant : les interactions sont particulièrement importantes et les mises à jour des connaissances sur ce sujet sont fréquentes. Il y a de nouveaux médicaments en permanence. Effectivement, c’est compliqué, il faut se référer à des databases. Mais nous aussi, en tant que médecins spécialistes, nous devons régulièrement nous y référer. »
Jean-François Delfraissy directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales
« Il est essentiel que les pharmaciens parlent d’observance »
« Les pharmaciens d’officine ont su s’impliquer dans la prise en charge des patients. J’ai pu le constater à titre de médecin, non seulement via ce que nous disent les patients mais aussi parce que les files actives de patients ont diminué dans les pharmacies hospitalières. Cette diminution est bien sûr à nuancer : il est plus aisé de se rendre dans une officine de grande ville où l’anonymat sera sans doute mieux garanti que dans une petite ville. Le suivi des patients en ville peut encore être amélioré, notamment concernant l’observance. Des consultations sur l’importance de l’adhésion aux traitements sont déjà réalisées dans les services hospitaliers spécialisés, mais il est essentiel que les pharmaciens abordent à nouveau le sujet lors de la dispensation. Une mauvaise adhésion au traitement risque en effet de créer des phénomènes de résistance. Il faut d’ailleurs que ce rappel soit fait régulièrement car les médicaments antirétroviraux sont prescrits à vie. Et, sauf exception, les pharmaciens qui accueillent de nouveaux patients savent qu’ils vont les voir de manière durable et régulière. C’est en matière de prévention, en revanche, qu’il y aurait un effort à faire. Il y a un relâchement alors qu’il faudrait au contraire que des messages et des informations concernant le dépistage soient régulièrement diffusés, en particulier dans les officines et dans les cabinets médicaux. »
Bruno Spire président de l’association AIDES
« Il est difficile d’avoir une position tranchée. Des pharmaciens sont très concernés, d’autres moins. Globalement, d’importants efforts ont été faits pour la distribution de Stéribox. Dans la majorité des cas les patients sont bien accueillis. Nous faisons le test régulièrement car nous demandons à nos volontaires, quand ils s’engagent auprès de nous, de se rendre dans une pharmacie, d’acheter un Stéribox et d’observer comment ils sont perçus. Nous faisons le même test avec le préservatif féminin. L’idée est de montrer aux volontaires le vécu d’un jeune qui cherche à se protéger, de montrer qu’il peut être difficile d’avoir une démarche de prévention quand il faut affronter le regard du pharmacien et parfois des autres clients. Mais cela se passe bien. Reste la minorité de pharmaciens qui refuse de vendre des Stéribox. Elle pose souci car cela signifie que ces professionnels ne comprennent pas son intérêt en matière de santé publique, que l’utiliser permet d’éviter de se contaminer. En outre, il existe un marché, une clientèle. Pour le préservatif féminin, c’est plus compliqué car il n’est pas très rentable et il est plus difficile à promouvoir que des préservatifs classiques. »
Sabine Guessant Pharmacien des Hôpitaux (hôpital Tenon, Paris)
« Il faudrait que pharmaciens d’officine et pharmaciens hospitaliers se contactent plus régulièrement »
« La double dispensation est une exception pour les traitements du VIH et des hépatites virales. Ce double circuit n’existe pas pour d’autres pathologies. Les pharmaciens d’officine comme les pharmaciens hospitaliers devraient en profiter pour travailler de manière vraiment complémentaire, comme peuvent le faire les médecins. Travailler en réseau est difficile mais tout dépend du degré d’implication que l’on souhaite avoir. Le pharmacien d’officine est le premier professionnel de santé au contact du patient et il a un rôle primordial dans la prévention et le dépistage. Le pharmacien hospitalier, spécialisé dans le suivi des patients infectés par le VIH, établit le dossier du patient lors d’une première prescription hospitalière, analyse les stratégies thérapeutiques en fonction des données biologiques auxquelles il a accès. Le dossier pourrait ensuite être transmis au pharmacien d’officine si le patient préfère prendre ses médicaments en ville. Le pharmacien d’officine, tout comme le pharmacien hospitalier, referait le point avec le patient sur les traitements à prendre et la nécessité d’une bonne observance. Il est bien placé également pour parer aux risques d’interactions médicamenteuses car il peut se rendre compte de ce que les patients prennent, avec ou sans prescription. Pour que ce lien s’établisse, il faudrait que les pharmaciens d’officine et les pharmaciens hospitaliers n’hésitent pas à se contacter plus régulièrement, au profit du patient. »
Didier Lestrade cofondateur d’Act-up
« L’inquiétude était perceptible au sein des associations lors de la sortie des antirétroviraux en ville. Comment allait se passer le respect de l’anonymat, la relation avec les pharmaciens ? Les patients allaient-ils prendre leurs traitements comme il le fallait ? Les pharmaciens seraient-ils bien en lien avec l’hôpital ? Nous n’étions pas les plus fervents supporteurs de la double dispensation car il faut toujours penser aux malades les plus fragiles, les plus timides, qui craignent d’être stigmatisés. Les patients se sentent vite aux abois, même pour une grosse angine. Ils attendent qu’on leur réponde, qu’on les rassure. Mais les pharmaciens ont beaucoup évolué, depuis 20 ans, dans leur manière d’appréhender le patient psychologiquement, avec finesse. Il est d’ailleurs fondamental qu’ils aient un mot (« ça va, ça se passe bien »), parlent des effets secondaires lorsqu’une personne vient prendre ses médicaments la première fois en ville. Les pharmaciens sont là pour dédramatiser la situation, conseiller les patients sur leurs médicaments, les encourager. Ils ont tous les moyens de vérifier que les traitements sont suivis comme il le faut, si le nombre de médicaments pris correspond bien à la prescription. Je suis installé à la campagne, en Normandie, et cela se passe très bien avec mon pharmacien. C’est le cas également quand je dois me déplacer et me rendre dans d’autres officines. »
Anne Guérin présidente de l’association Arcat
« Les pharmaciens peuvent et doivent être des relais d’information »
« La prévention reste indispensable. Il faut cibler en priorité certaines populations dites plus à risque comme les homosexuels ou les personnes migrantes. Les pharmaciens ne sont pas assez impliqués dans ce domaine. C’est ce que nous avons essayé de faire en réalisant une opération de mise à disposition gratuite de brochures sur les infections sexuellement transmissibles et le VIH dans des cabinets de médecins et de pharmaciens entre décembre 2007 et juin 2008. Nous étions associés avec l’association Kiosque Info Sida Toxicomanie, AIDES, le réseau Paris Nord avec dix pharmacies d’officine et deux pharmacies hospitalières, dix cabinets médicaux et deux services hospitaliers spécialisés dans les maladies infectieuses. L’idée était de mettre des documents d’information et les adresses de centres de dépistage gratuits en accès libre sur un présentoir tournant afin d’aider les professionnels de santé à engager la discussion, à proposer aux patients par exemple de faire une analyse de sang. Il est vrai que le VIH n’est pas un sujet facile à aborder, mais le pharmacien peut vraiment jouer un rôle efficace d’information et d’orientation en direction des associations, des psys, de groupes de parole… Nous allons faire une réunion prochainement pour faire un bilan de l’opération, voir ce qu’en ont pensé les patients qui ont été interrogés et voir avec les professionnels de santé s’il leur faut d’autres outils. Nous souhaiterions impliquer à terme toute l’Ile-de-France. »
Jean Lamarche pharmacien et président de Croix verte et Ruban rouge
« Le minimum n’est toujours pas fait »
« Depuis que l’association Croix verte et Ruban rouge existe, nous nous bagarrons pour la mise en vente de préservatifs unitaires à 20 centimes. Aujourd’hui, 2 à 3 000 officines seulement en proposent. L’association aura gagné son combat quand il y en aura partout. Je refuse de croire que c’est pour des raisons financières que des officinaux ne veulent pas en acheter. Nous ne demandons pas qu’ils soient vendus à la place de grandes marques. Certains clients préfèrent d’ailleurs d’autres modèles. Placer des préservatifs à prix modérés en accès libre peut même leur rappeler qu’il faut se protéger et donc en acheter un, de préférence avec un nom de marque. Dans mon officine, j’en ai à tous les prix. La boîte de 144 préservatifs unitaires que je commande au grossiste dure en général un an ! Les gens en prennent un, deux ou trois au maximum. C’est vraiment un service minimal que les pharmaciens devraient proposer. J’en donne même gratuitement aux plus jeunes quand ils n’ont pas d’argent. Lorsque je vends la pilule d’urgence, je donne également un préservatif pour montrer que la pilule ne protège pas du sida. Il faudrait également que les pharmaciens proposent le préservatif féminin à un prix plus réduit. Aujourd’hui, la boîte de 3 est à 7,50 euros. Nous, nous proposons le modèle à 1 euro. »
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