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Le sport, un allié à ne pas sous-estimer

Publié le 9 septembre 2023
Par Yves Rivoal
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« Pour rester en bonne santé, faites du sport ou pratiquez une activité physique. » En cette période de rentrée où l’on formule toujours de bonnes résolutions, les équipes officinales devraient rappeler cet adage à leurs patients au comptoir. Un atout aussi dans la lutte contre certaines maladies.

 

L’article 1er de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 l’affirme : « Les activités physiques et sportives participent à la prévention collective et individuelle des pathologies, des traumatismes et de la perte d’autonomie. » « Sept ans plus tard, nous sommes malheureusement toujours très en retard sur le sujet, regrette Martine Duclos, physiologiste, endocrinologue et présidente de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). Notre système de soins a en effet toujours beaucoup de mal à s’orienter vers la prévention, alors qu’il est prouvé que l’inactivité physique, le mode de vie et le vieillissement de la population se traduiront dans les années à venir par une augmentation importante des maladies chroniques. »

 

Les vertus de l’activité physique en matière de prévention ont en effet été démontrées. « On estime que si les Français la pratiquaient et avaient un indice de masse corporelle (IMC) normal, nous pourrions éviter près de 80 % des maladies chroniques, rappelle Martine Duclos. Il a été aussi prouvé que les capacités physiques, l’endurance et la force musculaire sont des facteurs de prédiction d’un risque de mortalité précoce. Or, depuis plus de 30 ans, on observe une diminution importante des capacités physiques des jeunes. Certains enfants sont même à 11 ans en moins bonne condition physique que des sujets de 60 ans. Cette situation dramatique les conduira à développer des maladies chroniques de plus en plus tôt. » Pour inverser la tendance, l’Onaps milite depuis longtemps pour la mise en place dans les écoles de 30 minutes d’activité physique quotidienne. Avec succès, puisque ce dispositif sera généralisé en 2024 dans les écoles primaires.

 

Les bienfaits de l’activité physique en matière de prévention ont aussi été documentés en oncologie : « Il est acquis qu’elle permet de repousser la survenue d’un cancer, rappelle Pascal Dessenne, psychologue clinicien et psychothérapeute au service oncogénétique du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Une étude a, par exemple, montré que dans un groupe de personnes présentant une prédisposition génétique au cancer, ceux qui ont pratiqué une activité physique avant l’âge de 15 ans le développent plus tardivement que ceux qui n’en ont pas fait. »

Un traitement à part entière

 

L’activité physique adaptée (APA) est aussi considérée comme un traitement à part entière dans la prise en charge de certaines pathologies. Et là encore, c’est la loi du 26 janvier 2016 qui l’énonce dans l’article L.1172-1 du Code de la santé publique. Celui-ci stipule que « dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée (ALD), le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient. » « Depuis, les choses ont évolué dans le bon sens, le droit de prescrire ayant été étendu en 2022 aux médecins spécialistes et au champ des maladies chroniques », précise Martine Duclos. Mais cette disposition se heurte aussi à une limite de taille. « Ces prescriptions sont vides puisque non remboursées par l’Assurance maladie, regrette Pascal Dessenne. Il s’agit d’un vrai frein car cela se traduit par un surcoût supplémentaire pour les patients qui, en oncologie, doivent déjà payer de leur poche certains soins complémentaires. Heureusement, la plupart des centres spécialisés en oncologie ont mis en place des groupes d’APA accessibles gratuitement. » « L’autre élément qui freine le développement des usages, c’est que tous les médecins ne se sont pas encore approprié ces prescriptions, ajoute Martine Duclos. On estime qu’actuellement entre 10 et 30 % des 20 millions de patients pris en charge pour une ALD ou une pathologie chronique se voient prescrire une APA. »

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Dont les vertus ne sont pourtant plus à démontrer. « Elle permet de diminuer les prescriptions de médicaments, le risque de récidive et de dépression, tout en améliorant le bien-être du patient et son sommeil, assure Martine Duclos. Ces résultats pouvant être obtenus dès 15 minutes d’activité physique quotidienne, la recommandation de la HAS étant de 30 minutes. » En oncologie, les bénéfices sont aussi indéniables. « La pratique de l’APA améliore la réponse au traitement et la médiane de survie, assure Pascal Dessenne. Dans notre centre, elle est systématiquement conseillée pendant le traitement, et est de plus en plus souvent prescrite après, au moment de la consultation consacrée aux soins de support. »

L’essor des maisons sport santé

 

Afin de favoriser la pratique d’une activité physique ou sportive à des fins de santé ou de bien-être, la stratégie nationale sport santé 2019-2024 érigeait au rang de priorité la création de maisons sport santé (MSS) partout sur le territoire. Quatre ans plus tard, 573 MSS émanant d’associations, de services hospitaliers, de clubs de sport ou de structures privées, ont ouvert leurs portes. Leur mission : accueillir et informer les personnes de tous âges, malades ou en bonne santé, avec ou sans ordonnance, souhaitant découvrir ou reprendre une activité physique ou sportive… « Après un bilan de condition physique incluant un entretien individuel, un bilan motivationnel et des tests, la personne se voit orienter vers des séances adaptées à son état de forme, à sa pathologie ou à ses facteurs de risques, précise Pierrick Aubert, fondateur d’InitiActiv, une MSS située à Paris. Chez nous, elles sont toujours animées par un enseignant spécialisé en APA. Les patients atteints de maladies chroniques comme l’obésité, le diabète ou le cancer se voient notamment souvent proposer des séances d’une heure par semaine à base de gym douce, de circuit training, de marche active ou nordique, de pilates, etc. »

 

Si les prescriptions d’APA ne sont pas prises en charge par l’Assurance maladie, la donne pourrait toutefois changer. « Des tests sont en cours dans certaines régions pour évaluer l’impact du remboursement de ces prescriptions sur les pathologies cardiovasculaires, confie Pierrick Aubert. Les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie et les caisses d’Assurance maladie financent aussi dans les départements des programmes d’APA comme “Bouger pour sa santé”, qui cible les personnes âgées atteintes d’un cancer, ou “Bouger pour bien vieillir”, qui est, lui, accessible à tous les seniors. » En l’absence de financement, il faut compter environ 100 € par trimestre pour suivre les séances d’APA proposées par InitiActiv.

 

Pour Pierrick Aubert, le simple fait de pousser les portes d’une MSS est déjà vertueux. « Cela permet aux personnes de prendre conscience qu’elles doivent pratiquer une activité physique pour rester en bonne santé, même lorsqu’elles sont malades et sous traitement. Les MSS sont aussi devenues l’interlocuteur privilégié des professionnels de santé avec qui elles échangent au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des dispositifs d’appui à la coordination (DAC). Ce qui favorise la prise en charge pluridisciplinaire des patients. » 

 

Pour Martine Duclos, les pharmaciens ont d’ailleurs un rôle important à jouer sur le terrain. « Comme ils voient tous les mois leurs patients chroniques ou en ALD pour le renouvellement de leur traitement, ils sont les mieux placés pour leur rappeler les bienfaits de l’APA, estime la présidente de l’Onaps. Elle est le seul traitement efficace contre la fatigue chimio-induite. Elle permet également de diminuer de 30 à 40 % le risque de récidive chez les patients ayant été victimes d’un infarctus. » « Les pharmaciens ne doivent donc pas hésiter à orienter ces personnes vers leur médecin généraliste ou leur spécialiste pour qu’il leur prescrive une APA, ajoute Pascal Dessenne. Ils peuvent aussi les diriger vers le centre de lutte anticancer ou la MSS le plus proche, qui proposent des programmes avec des coachs formés. » La liste des MSS est accessible sur le site du ministère des Sports.