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Le jeûne
Déjà pratiqué dans l’Antiquité, le jeûne connaît, depuis les années 70, un intérêt croissant. Que les motifs soient personnels ou thérapeutiques, il induit des perturbations du métabolisme à connaître.
Définitions
• Le jeûne consiste en une privation de la prise de tout aliment solide ou liquide, à l’exception de l’eau, pendant une période plus ou moins longue. Par extension, le terme de jeûne est employé lorsqu’on supprime ou diminue de façon significative une catégorie d’aliments, par exemple le jeûne glucidique exclut les glucides.
• Cette privation est volontaire ou involontaire comme lorsqu’une personne malade limite ses apports alimentaires sur une période donnée.
• C’est un état physiologique : l’homme mangeant de façon discontinue, des intervalles sans prise alimentaire suivent les périodes post-prandiales, plus particulièrement pendant la nuit. L’alternance des prises alimentaires, en moyenne 3 par jour chez l’homme, et des périodes de jeûne assure une situation d’équilibre énergétique, c’est-à-dire que les apports énergétiques sont égaux aux dépenses de l’organisme. Cela maintient un poids corporel et un taux de masse grasse constants. Pendant les périodes sans prise alimentaire, le tube digestif est au repos afin de se régénérer et les voies métaboliques, qui participent à la production d’énergie, sont activées.
Les différents jeûnes
• Complet ou partiel. Un jeûne peut être complet et là, seule l’eau est permise, ou partiel et dans ce cas, il existe plusieurs possibilités :
→ la restriction peut être calorique, avec un apport d’environ 300 kcal/j : elle représente la base de certains régimes « détox » ou à visée amaigrissante ;
→ la restriction peut être glucidique et représente la base du régime cétogène. Ce dernier est composé d’une faible quantité de glucides, d’une quantité renforcée de lipides et d’une quantité normale de protéines. La glycémie étant faible, l’organisme privilégie les cellules strictement glucodépendantes. Les neurones utilisent alors préférentiellement les corps cétoniques qui dérivent des acides gras pour produire de l’énergie. L’objectif est d’apporter l’énergie aux cellules via les corps cétoniques et non par le glucose ;
→ les apports alimentaires sont assurés par un seul aliment. Ces monodiètes consistent à consommer un aliment seulement, le plus souvent végétal (pomme, céleri, etc.), dans le but de ne pas fatiguer l’appareil digestif et d’obtenir un effet « détox ».
• Le jeûne peut être continu, de 1 à 40 jours, ou intermittent, 1 jour sur 2 ou 1 jour par semaine.
L’adaptation de l’organisme
Sur le plan métabolique, l’organisme privé d’aliments pendant un ou plusieurs jours doit s’adapter afin de continuer à fournir de l’énergie aux cellules. Selon la durée du jeûne, 3 périodes se succèdent :
→ au cours du 1er jour, le corps utilise le glucose plasmatique directement disponible, puis du glucose libéré par la glycogénolyse hépatique, mais cette réserve s’épuise rapidement. La glycogénolyse est la voie métabolique qui permet de libérer le glucose stocké sous la forme de glycogène dans le foie ;
→ à partir du 2e jour, les protéines musculaires se dégradent et libèrent des acides aminés qui vont permettre de produire du glucose (= néoglucogenèse) pour alimenter les cellules glucodépendantes telles que les neurones, les globules rouges, etc. ;
→ dès le 5e jour, l’organisme met en place un mécanisme qui protège le tissu musculaire. Le tissu adipeux libère des acides gras qui sont alors utilisés soit directement, soit sous la forme de corps cétoniques pour fournir de l’énergie aux cellules.
Toutes ces étapes sont nécessaires au corps humain pour s’adapter à la survie.
• Sur le plan physique, les premiers jours sont difficiles en raison de l’adaptation de l’organisme. Nausées, douleurs, migraines sont provoquées par l’acidité induite par les corps cétoniques. Ces derniers pénètrent facilement et préférentiellement dans les neurones. Ils sont dégradés et permettent la formation d’adénosine triphosphate (ATP). Même si le mécanisme n’est pas totalement élucidé, les corps cétoniques provoquent un effet euphorisant en alimentant les cellules nerveuses.
Le jeûne, par insuffisance des apports, peut induire rapidement une fonte musculaire dangereuse pour la santé.
La pratique
• Dans le contexte médical. En France, en l’absence d’études suffisantes, le jeûne n’est pas proposé dans un cadre médical, contrairement à certains pays comme l’Allemagne, les États-Unis, les pays scandinaves et le Japon où il représente un traitement complémentaire des maladies inflammatoires et articulaires, du diabète de type 2 et des allergies. Selon le peu d’études réalisées, le jeûne augmenterait la résistance au stress, permettrait la mise en place de mécanismes de résistance cellulaire et favoriserait le renouvellement de cellules souches hémato-poïétiques. Seul le régime cétogène est préconisé lors d’épilepsie résistante aux médicaments chez l’enfant. Des études montrent qu’un faible apport en glucides entraîne la synthèse de corps cétoniques facilement utilisés dans les mitochondries des neurones et permet à ces derniers un fonctionnement presque normal. Le nombre de crises s’espace. Cependant, ce régime doit être encadré médicalement et ne pas être réalisé sans un suivi régulier en raison des troubles de l’appétit qui peuvent apparaître. Ketocal, un produit de nutrition destiné aux enfants épileptiques, présente un ratio lipides/(glucides + protéines) de 4 pour 1, propre à la production de corps cétogènes, et est remboursé à 60 % par l’Assurance maladie.
• Dans le contexte de la vie courante :
→ en correction des excès ou pour entraîner un amaigrissement, son effet bénéfique ne perdure que 3 à 4 jours. Au-delà, il favorise la perte de la masse maigre ;
→ en matière d’équilibre pondéral ou même pour perdre du poids, le régime TRE ou “time restricted eating” est en vogue. Il consiste à réaliser des fenêtres d’alimentation limitées de 8 à 12 heures au maximum, donc de jeûner pendant 12, voire 16 heures. Par exemple, cela consiste à sauter le petit déjeuner, manger à 12 h 30, puis à 20 h 30 et ne plus manger jusqu’à 12 h 30 le lendemain. Ou alors, à prendre un petit déjeuner à 8 h et le dernier repas à 16 h. Là aussi, il y a16 heures de jeûne (de 16 h à 8 h) et 8 h d’alimentation (de 8 h à 16 h). La plus grande part de l’apport calorique doit être assurée au cours de la 1re partie de la journée et mieux vaut ne pas consommer de glucides rapides le soir. Les protéines, quant à elles, sont à consommer à chaque repas pour prévenir sarcopénie et dénutrition ;
→ préconisé par certains dans le cadre d’un cancer pour limiter la prolifération cellulaire ou diminuer les effets secondaires de la chimiothérapie. Attention : il n’est pas recommandé en raison du risque de dénutrition et de l’absence d’études cliniques chez l’homme.
Les dangers du jeûne
• La restriction peut encourager la compensation et favorise la résistance à l’amaigrissement.
• La perte de la masse maigre accélère la sarcopénie et favorise la dénutrition chez la personne âgée.
Les contre-indications
Les personnes âgées de plus de 60 ans, les enfants, les femmes enceintes et celles allaitantes ne doivent pas pratiquer de jeûne. Dénutrition, diabète de type 1, grossesse, néphropathie et myopathie représentent les principales contre-indications.
Avec l’aimable participation du Dr Jean-Michel Lecerf, chef de service nutrition et activité physique à l’institut Pasteur de Lille (Nord).
Le point de vue du spé
Dr Jean-Michel Lecerf
chef de service nutrition et activité physique à l’institut Pasteur de Lille (Nord)
• Que pensez-vous de la mode du jeûne ? De nombreuses personnes pratiquent le jeûne, souvent conseillé par des proches ou par différents articles. Il est important de les mettre en garde contre les risques encourus. Cependant, chez le sujet jeune, un jeûne de 24 à 36 heures n’entraîne pas d’effet indésirable, mais s’il est recommandé pour corriger un excès, il est préférable d’éviter les excès importants. Enfin, le jeûne est la plus mauvaise façon de chercher à maigrir. On oublie que le sens du jeûne est d’abord spirituel, avant d’être sanitaire.
En savoir +
Déjouez les pièges et arnaques nutritionnels des régimes en tout genre, Béatrice de Reynal, éditions Vuibert pratique.
Connaître son cerveau pour mieux manger, Jean Michel Lecerf, éditions Belin.
Jeûne, régimes restrictifs et cancers, Réseau Nacre, revue de données scientifiques et analyse socio-anthropologique sur la place du jeûne en France (2017).
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