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La foi dans le taureau

Publié le 1 octobre 2009
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Préparatrice à Lunel (Hérault), Valérie Haro fait du cheval au milieu des taureaux. Elle est gardian dans une manade de Camargue.

La lourde et longue jupe culotte en moleskine émet un froufrou sourd quand elle se déplace. Dans ses épaisses bottes de cuir à bouts ronds, le pas est ferme. 1,60 m à tout casser. Un beau minois, plein de vie, derrière lequel se lit une volonté de fer. Valérie porte avec fierté son costume de « gardian » réservé aux sorties en public. Depuis sept ans, les week-ends et le mardi, son jour de congé, la jeune préparatrice monte à cheval en milieu hostile. Elle est bénévole dans une manade, élevage de taureaux destinés aux bouvines (courses sans mise à mort), aux abrivado-bandido (lâchers de taureaux dans les rues) et autres jeux lors des fêtes de village de Camargue.

Le goût du risque. Gamine, ses parents la rêvaient déroulant des gammes sur un piano. Valérie pensait cheval. Petite dernière de la famille, plutôt chouchoutée mais déjà casse-cou, elle fait ses premières armes de cavalière à 6 ans sur un ersatz… mécanique. « Je n’étais pas « poupées Barbie », je préférais pratiquer le motocross avec mon frère, malgré le danger et l’interdiction des parents», confie-t-elle. Le lien avec la bouvine, c’est sûrement l’adrénaline ! La vie à cent à l’heure. À 14 ans, avec sa soeur aînée dont l’ami est manadier, et la soeur de celui-ci, elle découvre la tauromachie. « J’ai démarré dans un camion au milieu des prés, pour observer la base du travail de gardian. » Elle a ainsi regardé les hommes sur leurs montures, dans des courses effrénées derrière des taureaux à vacciner ou à marquer au fer. Elle a admiré leur adresse à trier, capturer, embarquer dans des camions les bêtes pour les conduire aux courses. Appris à aimer la vie semi-sauvage dans les marais, autour des étangs ou dans la garrigue. Elle a vite saisi qu’il fallait avoir du cran pour travailler au milieu de bêtes à cornes en forme de lyre. Elle a compris qu’elle devrait garder la tête haute dans une caste accrochée à ses traditions, macho et un peu « têtes brûlées ». Qu’à cela ne tienne. Elle attend d’avoir 17 ans pour commencer au sein de la manade des Montilles à monter sur un cheval du manadier, Bruno Quet, puis 18 ans pour démarrer son initiation au métier de gardian. « Bruno m’a tout appris du métier, en me protégeant du regard des autres gardians qui, eux, passaient plus de temps à guetter mes erreurs dès que je montais, plutôt que mes qualités. » En sept ans, Valérie a tout intégré. Gardian parmi les gardians, elle s’est même frottée à l’abrivado, exercice spectaculaire où huit cavaliers forment la pointe d’un triangle dans laquelle ils « emmaillent » les taureaux pour les conduire au galop, du pré jusqu’aux arènes.

Elle tient les rênes. Si ce petit bout de femme est habile à tenir les rênes d’un cheval, elle tient aussi fermement celles de son parcours professionnel. À 16 ans, elle veut gagner sa vie et démarre dans l’officine de Lunel où ses amis et sa famille prennent leurs médicaments. Elle envoie un CV au hasard. La réponse est positive. « Je voulais m’assumer et j’avais une passion qui coûte cher. » En deux ans, elle a mis de côté de quoi s’acheter une selle et un cheval qui se nomme Deseo (Désir). À 21 ans, en même temps qu’elle passe son diplôme de préparatrice, elle achète, grâce à un crédit sur vingt-cinq ans, un appartement dans une petite maison de village, qu’elle met en location. Le père maçon lui a transmis le goût de l’entreprise et le désir d’« assurer ses arrières ». D’ailleurs, alors qu’elle habite encore chez ses parents, elle se fait construire une maison. Pour loger son cheval désormais trop vieux pour la manade et les deux poneys de ses neveux, elle a également acquis une terre, en plus des parcelles en jachère que lui prêtent des amis afin de planter son fourrage. Elle met père et mère à contribution pour couper et stocker ses 500 bottes de foin. « Ils voudraient que je me concentre sur ma vie professionnelle. Je ne veux même pas qu’ils me voient monter, ça les stresserait à cause du danger, ils me mettraient la pression pour que j’arrête. »

Dans la vie, il faut que ça bouge. Valérie ne donne pas dans la demi-mesure. Tôt le matin, elle nourrit ses animaux, la semaine, elle est derrière le comptoir à Lunel et le week-end à 45 km de là, dans la manade des Mantilles, près des Saintes-Maries de la Mer… Et elle trouve encore le temps de travailler tous les dimanches dans un bistrot, « Le Torino », à Saint-Mamert du Gard, distant de 30 km de Lunel. Valérie a le goût du travail et celui des sorties. L’été, elle écume les fêtes de villages, l’hiver les boîtes avec ses copines citadines. « J’ai besoin que ça bouge », note Valérie. Son travail à la pharmacie lui pèse. « J’aime bien accompagner, conseiller, mais j’ai trop de mal quand les patients ont des maladies chroniques pénibles ou disparaissent. C’est lourd. » Car derrière le calme et la solidité apparentes, il y a un coeur d’artichaut, et l’incapacité à créer une distance suffisante avec ses clients, toujours les mêmes depuis cinq ans. La préparatrice veut évoluer. Pourquoi pas changer de métier ? Peut-être un jour sera-t-elle déléguée médicale. « Je veux un emploi qui me permette de« bouléguer »(bouger) mais où je pourrai être de retour trois jours par semaine. » Pour l’instant, son projet à moyen terme est d’avoir un deuxième cheval (elle monte actuellement sur un cheval prêté). « Je me mets la pression pour l’acheter d’ici décembre. » Car ce que Valérie n’abandonnera jamais, c’est la manade. Comme tout bon gardian qui se respecte, elle a « la Fé di biou ». La foi dans le taureau.

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Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Je serais une ortie parce qu’elle pique. J’aime bien faire du rentre dedans. Et avoir du répondant. Il faut savoir s’imposer, faire sa place car on a rien sans rien.

• Si vous étiez une forme galénique ? Le sirop parce que c’est sucré. La douceur permet de faire mieux passer certaines choses. Je suis gentille, mais je peux être « garce » si on me fait du mal.

• Si vous étiez un médicament ? L’aspirine. Elle est pleine de vertus et surtout elle soulage. Je suis migraineuse. Casse-cou, je tombe souvent et prend beaucoup de chocs à la manade.

• Si vous étiez un matériel ou dispositif médical ? Des bas de contention. À l’officine, ils me soulagent d’être toujours debout. J’en porte aussi à cheval, l’hiver ils tiennent chaud.

• Si vous étiez un vaccin ? Ce serait le Revaxis contre le tétanos, car je me coupe souvent en faisant les clôtures.

• Si vous étiez une partie du corps ? Les mains pour tout toucher. Pour caresser un animal, pour tenir un autre main. Donner la main, c’est signe de complicité.

Valérie Haro

Âge : 25 ans.

Formation : préparatrice.

Lieu d’exercice : Lunel.

Ce qui la motive : avancer tout en rendant service, en aidant les gens.