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Je suis « transgenre-friendly »
Accueillir les « trans ». La transphobie médicale met en danger la relation de soin. Connaissances, ouverture d’esprit et bonnes pratiques dissipent les appréhensions et instaurent un climat respectueux.
La transphobie, c’est quoi
Définition
→ Directe. La transphobie désigne l’ensemble des préjugés et des discriminations à l’encontre des personnes transgenres. Injures, harcèlement, moqueries… sont les manifestations de la transphobie « directe », par rejet idéologique de la transidentité.
→ Indirecte. Moins visible mais plus répandue, la transphobie « indirecte » est liée à l’ignorance et aux stéréotypes sociétaux du genre, qui classent les individus de façon binaire, homme ou femme, selon le genre assigné à la naissance et non celui choisi par une personne. Elle se manifeste au quotidien par des maladresses, comme le fait de mégenrer, c’est-à-dire d’attribuer à une personne, intentionnellement ou non, un genre dans lequel elle ne se reconnaît pas.
Une réalité dans le monde médical
On parle de transphobie médicale quand elle survient dans le cadre des soins. L’accueil des transgenres, quand il n’est pas ouvertement hostile, peut être maladroit et discriminatoire.
Une étude révèle que 65 % des personnes transgenres interrogées auraient subi des propos ou des actes transphobes de la part du monde médical
Lourde de conséquences
Volontaire ou non, la transphobie médicale met en danger la santé psychologique mais aussi physique des patients. 35 % déclarent avoir renoncé à des soins par peur des préjugés du personnel médical ; ils sont 63 % après avoir déjà essuyé un refus
Ce renoncement peut avoir de lourdes conséquences, en particulier pour cette population surexposée au risque de suicide et dont les traitements hormonaux demandent un suivi régulier. Avec, en corollaire, le risque de se tourner vers l’automédication et les marchés parallèles, sans garantie de qualité ni suivi.
Discriminatoire et passible de sanctions
→ L’article 225-1 du code pénal indique que « toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur orientation ou identité de genre est une discrimination ». Depuis 2012, les discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité sexuelle sont reconnues dans la loi contre le harcèlement. Propos et actes transphobes sont donc passibles de sanctions, amende, voire emprisonnement.
→ L’article L. 1110-3 du code de la santé publique interdit par ailleurs toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans l’accès à la prévention ou aux soins. Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut ainsi porter plainte auprès de l’organisme d’assurance maladie ou de l’ordre professionnel concerné.
S’informer
Pourquoi ?
Les maladresses ou le rejet sont le plus souvent le fruit d’appréhensions devant un sujet que l’on connaît mal, ou seulement par le biais d’idées préconçues. Comprendre la transidentité, la diversité des situations, ses besoins spécifiques est le préambule pour désamorcer une relation problématique.
→ Changer de paradigme : la formation initiale des professionnels de santé n’aborde que très peu, voire pas du tout le sujet et le secteur de la santé, peut-être plus encore qu’un autre, catégorise les patients en genre binaire. Physiologie, indications des traitements, effets indésirables… s’articulent souvent autour des genres stricts féminins ou masculins.
Comment ?
Presse, podcasts, enquêtes, rapports officiels, guides des associations de transgenres…, la transidentité n’est plus un sujet tabou, et à moins de vivre sur une autre planète, les ressources ne manquent pas. Certaines sont plus spécifiquement dédiées aux professionnels de santé, pour un meilleur accueil ou mieux comprendre les traitements. De nombreuses formations leur sont aussi proposées, généralistes sur la transidentité ou plus ciblées sur l’accueil, l’hormonothérapie (voir encadré p. 44)…
Bien genrer
Vous avez accès à la carte Vitale, donc à l’état civil d’une personne qui peut être en désaccord avec le genre qu’elle affiche. Alors, monsieur ou madame ? Il ou elle ? Il est essentiel de ne pas mégenrer, d’une part parce que c’est une marque de respect de toute personne, et que mégenrer une personne transgenre peut non seulement la blesser, mais aussi la fragiliser dans son statut social (voir témoignage en page de droite).
→ Se fier à la carte Vitale ? Mauvaise idée ! Un accueil bienveillant, c’est avant tout respecter les choix que la personne fait dans son quotidien. Rien ne l’oblige à changer d’état civil. Et inversement. Depuis 2016, on peut demander un changement d’état civil sans avoir entamé aucun acte de transition.
→ Se fier au prénom sur l’ordonnance ? Là encore, c’est aléatoire. Certains médecins utiliseront celui de l’état civil, d’autre l’accoleront au prénom choisi ou ne mettront qu’une initiale et c’est légal.
→ Se fier à l’apparence de la personne ? C’est toujours préférable, à condition qu’elle affiche un genre. Certaines personnes revendiquent un autre genre sans modification de leur apparence, ou alors pas tous les jours…
→ Monsieur ou madame ? Si la personne demande expressément à être appelée monsieur/madame ou par un autre prénom, respectez son choix et soyez flexible. Il faut savoir s’adapter au rythme individuel des transitions, y compris pour une personne que vous connaissez depuis longtemps. La transition de civilité peut être difficile pour elle. Donnez-lui un coup de pouce. Avec son autorisation, faites passer le mot au reste de l’équipe et, si besoin, mettez une annotation dans son dossier informatique pour éviter toute situation maladroite future.
→ Ne pas genrer. En l’absence de demande formelle, pour ne pas mégenrer, il suffit de ne pas genrer. Oubliez les « madame » ou « monsieur ». Cela s’applique à tous les genres, y compris l’absence de genre !
Ouvert… mais pas trop
Envie de se cacher derrière un refus ?
« Désolé, mais on ne peut délivrer cette ordonnance hors AMM ». Il peut être tentant de cacher son désintérêt/rejet derrière un refus « administratif », mais attention ! Outre l’entrave à la déontologie selon l’article L. 1110-3 du code de la santé publique, la dispensation hors AMM est un droit du prescripteur quand il n’existe pas d’alternatives médicamenteuses et qu’elle est dans l’intérêt du patient. Le refus de délivrance est possible mais à la seule condition d’être motivé par un danger pour le patient. Danger difficile à motiver en cas de plainte pour discrimination, alors même que des protocoles de soins existent et que la prise en charge de ces traitements est assurée au titre d’une affection de longue durée (ALD) depuis 2010…
Comme avec monsieur Martin
Constater une incohérence entre civilité et genre exprimé peut désarçonner ou éveiller la curiosité, mais garder une attitude constante est essentiel pour ne pas créer de malaise dans la relation. Sourires en coin, gestes précipités, fuite vers un collègue, soupirs, ces réflexes, vite perçus par les personnes transgenres, sont vécus comme une discrimination. La bonne attitude ? Détendue ! Comme avec monsieur Martin ou madame Dupont quand ils viennent chercher leur anti-hypertenseur…
Sans intrusion
S’intéresser à la transidentité n’autorise pas à explorer le mode de vie, le métier, la vie affective des patients. « Ah, vous êtes en transition ? Ces hormones, c’est pour devenir un homme ? Au travail, vous vous habillez comment ?… » sont à éviter. Même si votre intention n’est pas mauvaise, c’est intrusif. Vous ne le faites avec monsieur Martin, si ? C’est pareil avec une personne transgenre, qui n’est pas un « objet de curiosité » mais un patient comme un autre.
Toujours « pro »
Face à l’ordonnance
→ Attention aux questions hâtives :« Ce n’est pas pour vous, cette ordonnance ? », « Le médecin a dû se tromper ». Elles blessent mais montrent également votre ignorance des traitements utilisés dans les transitions hormonales.
→ Gardez vos jugements : « Prendre des hormones, c’est dangereux », « Il y a des effets indésirables, vous savez ? » Les personnes transgenres sont bien renseignées et leur décision est le fruit d’une longue réflexion. Ces mises en garde superflues renvoient l’idée qu’elles ne seraient pas aptes à prendre des décisions concernant leur corps. Le fait-on quand on délivre un contraceptif hormonal ?
→ Engager le dialogue sans paraître intrusif. Délivrer les traitements et donner les bons conseils nécessitent tout de même de comprendre la situation. Restez sur le terrain médical : « Vous souffrez d’un déséquilibre hormonal », « Ce traitement vient rééquilibrer les hormones… », avec les mêmes mots que pour un patient non transgenre soigné par des hormones.
→ Bien genrer ses conseils. Mobilisez vos connaissances des traitements, des effets attendus et des effets indésirables à mettre en avant lors d’une féminisation ou d’une masculinisation. Prévenir d’un risque de gynécomastie ou de pilosité, alors que ce sont justement les effets attendus, est décrédibilisant pour votre rôle de professionnel. Un bon réflexe pour engager le dialogue si vous doutez : « Des effets indésirables de ces traitements vous inquiètent-ils en particulier ? » Faut-il le rappeler, la confidentialité s’impose ! Comme pour toute situation qui n’a rien à faire dans l’oreille du patient d’à côté…
Pour les autres demandes
→ Avec les mêmes écoute et respect que pour les autres patients, avec une attention particulière pour dégenrer les conseils. Éviter « les crèmes de soin à partir de la ménopause », « les compléments alimentaires pour homme » et s’en tenir aux principes actifs et effets attendus.
→ Certaines situations qui nécessitent de se dévêtir, comme la délivrance d’orthèses orthopédiques, peuvent être délicates pour la personne trans, par exemple si elle porte des prothèses ou est gênée par une pilosité. Expliquer les gestes à venir, les parties du corps à dénuder. Demander son accord et s’abstenir bien sûr de tout commentaire.
Ici, pharmacie « friendly »
Savez-vous que nombre de personnes transgenres peuvent hésiter à pousser la porte de l’officine dans la crainte d’un accueil inapproprié ? Si vous vous sentez à l’aise et concerné, faites-le savoir.
→ Par un accueil soigné. Le bouche à oreille fonctionne bien dans les associations. Le site internet bddtrans.fr recense les professionnels de santé investis – ou hostiles – dans la transidentité. Il est enrichi par les personnes transgenres selon leurs expériences. Certaines pharmacies y figurent.
→ Par un signalement dans votre vitrine, sur votre site internet ou votre comptoir : drapeau arc en ciel, affiche de la campagne Santé publique France contre les discriminations « Oui, ma petite fille est trans », téléchargeable sur le site santepubliquefrance.fr, sur la porte de vos toilettes avec un pictogramme de genres multiples… Et pourquoi pas, une animation lors de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai ?
(1) Transsexuel (le) s : conditions et style de vie, santé perçue et comportements sexuels, résultats d’une enquête exploratoire par Internet, 2007, Kayigan d’Almeida Wilson & Coll., BEH, 1er juillet 2008.
(2) Enquête « La transphobie », A. Alessandrin, K. Espineira, Comité Idaho, 2014.
(3) Enquête « Santé Trans 2011 », association Chrysalide, chrysalide-asso.fr
Témoignage “Il faut une sensibilisation à la transidentité”
Cyane Dassonneville, consultante
* sur les questions de transidentité, formatrice, fondatrice de l’association En-Trans, pour l’accompagnement, les droits et la visibilité des personnes trans des Hauts-de-France, et coordinatrice du Comité d’usagers trans (CUT).Après un déménagement, quand je suis entrée dans une pharmacie pour la première fois, la personne, en me voyant arriver, m’a dit « Bonjour madame ». Après avoir vu ma carte Vitale, elle m’a dit « Au revoir monsieur » lorsque je suis repartie et je pense que c’était intentionnel. Je suis retournée la voir le lendemain pour lui expliquer que ça me met en danger dans mon nouveau quartier que de m’appeler « monsieur ». Pour moi, il y a quatre incontournables pour un accueil respectueux.
1. Se former. Il faut, pour les pharmaciens, au moins une sensibilisation à la transidentité. Trois heures peuvent suffire à être sensibilisé au bon accueil des personnes transgenres. Je propose des formations à la carte sur la transidentité en général et le Comité des usagers trans peut organiser des formations sur le traitement hormonal avec des médecins.
2. Abandonner les civilités,« Monsieur » ou « Madame ». Dire bonjour avec un sourire suffit. On ne risque ainsi pas de se tromper et c’est vrai pour toute personne qui entre dans la pharmacie.
3. Rester professionnel et toujours sur le terrain médical comme avec tout autre patient.
4. Adopter une charte, une signalétique sur la porte ou dans la vitrine, comme un autocollant LGBT friendly, qui montre que les personnes transgenres sont les bienvenues.
(*) cyanedassonneville.com
Des ressources pour les professionnels de santé
→ L’accueil médical des personnes trans : guide pratique à l’usage des professionnels de santé, association Chrysalide avec le soutien de l’Inpes, disponible gratuitement sur le site chrysalide-asso.fr
→ Brochures Hormones et parcours Trans et Opé-Trans destinées à la communauté médicale de l’association OUTrans, disponibles en téléchargement sur leur site outrans.org
→ Des formations courtes d’une demi à une journée pour l’accueil des personnes transgenres destinées aux professions médicales et paramédicales sont dispensées par des consultants spécialisés comme Cyane Dassonneville (voir témoignage en page précédente), des associations de transgenres, à titre d’exemple « Sensibilisation autour des transidentités » de l’association OUTrans (outrans.org, Paris) ou les formations de l’association Chrysalide (chrysalide-asso.fr, Lyon), le planning familial (Accueil respectueux des personnes trans, planning-familial.org), l’Institut régional du travail social des Hauts-de-France (Comprendre, accueillir et accompagner les personnes trans, irtshdf.fr), le Réseau santé trans (Hormonothérapie et transidentité, reseausantetrans.fr)…
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