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Danse avec les autres

Publié le 1 avril 2009
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Enseignante au CFA de Douai dans le Nord, Christel Leclercq déploie son énergie débordante dans la danse africaine.

L orsque les djembés et les calebasses résonnent, les danseurs, pieds nus, entrent dans le rythme. Après une demi-heure d’échauffement, en rangées de trois ou quatre, face à un gigantesque miroir mural, ils enchaînent les pas traditionnels… Comme tous les mercredi soirs, Christel Leclercq rejoint le cours de danse d’inspiration africaine de sa professeur Byshara au son des percussions du collectif Afrokan dirigé par Mike.

Énergie collective. Christel est arrivée à la danse africaine, par hasard, parce qu’elle ne trouvait pas d’horaires de modern jazz à sa convenance. Étonnée et très vite emballée par les musiciens en chair et en os qui accompagnent chaque séance. Tous les cours de danse qu’elle avait suivis jusque-là se déroulaient sur fond de CD. « J’ai également été séduite par la convivialité. Il n’y a aucune compétition entre les participants, personne ne cherche à se mettre en avant sur la piste et ne jauge la tenue vestimentaire de son voisin. Nous sommes portés par les autres, par une énergie joyeuse et collective.» Les cuisses tendues, les bras déployés, les danseurs effectuent encore et encore les mêmes sauts jusqu’au prochain changement de rythme. Sans relâcher. Le coeur s’emballe et le corps transpire. « Il faut tenir longtemps sur un mouvement répétitif. Le rythme est intense, identique à celui d’une course de vitesse. » Sans doute Christel y retrouve son goût pour le sport qui remonte à l’enfance. Dans la famille, il y a le papa instituteur, la maman bibliothécaire et deux soeurs, tous dingues de basket. À peine née, ses parents l’emmènent au gymnase, elle gigote dans son couffin pendant qu’ils s’entraînent. Dès cinq ans, Christel découvre en club l’art du ballon et débute la danse. La fillette fréquente les colonies de vacances et les centres aérés gérés par ses parents. « Très ouverts, mes parents m’ont éduquée dans l’idée de respecter les autres et de les aider, m’exhortant à ne pas me moquer des gens différents », raconte Christel, qui, à l’école, obtient de bons résultats, mais ses bulletins mentionnent son goût irrépressible pour le bavardage et les rires. Dans le secondaire, elle suit une section sport spécialisée « basket, volley et hand-ball ».

Du lycée à la pharmacie d’en face. En 1ère S, elle cumule trois heures de sport par jour et les entraînements le soir, tout en vivant sa première histoire d’amour. Qui la conduit à arrêter ses études. La gamine studieuse en a assez du lycée et ne désire qu’une chose, travailler. Mais pas n’importe où. « J’avais un peu « décroché », j’avais envie de travailler dans la pharmacie en face de mon lycée. Les gens étaient sympas et j’aimais l’odeur de cette officine », précise Christel qui, ni une ni deux, va se renseigner au Centre d’information et d’orientation de Douai. Ses parents acceptent. « Mes parents sont « cools » et nous discutons beaucoup. Ils ont bien pris la chose, me disant : « C’est ton choix ». » En 1990, à l’antenne de Valenciennes du CFA de Lille, elle commence son CAP. Elle arrête le basket, mais continue la danse, il faut bien que le corps exulte ! Mais elle est ennuyée de ne pas avoir passé son bac. Sans rien dire à personne, elle s’inscrit en candidate libre. Son petit ami est en terminale dans une section commerciale ? Elle utilisera ses cours pour réussir un baccalauréat technique et commercial en 1991, en même temps que sa première année de CAP. Mais ne lâche pas l’idée de devenir préparatrice et entame son BP à Villeneuve d’Asq. « J’étais dans une bonne pharmacie avec un bon maître d’apprentissage et j’aimais l’alternance », se souvient Christel, séduite par l’ambiance chaleureuse de la pharmacie Saint-Albin. Les études révèlent ses capacités de bonne élève que ses professeurs remarquent.

Les joies de l’enseignement. « Ma prof. de travaux pratiques (TP), Madame Schappeman, m’a encouragée à concourir pour représenter le Nord au championnat de France des préparations au salon Galénika », précise Christel. Et son professeur, proche de la retraite, voit déjà en elle quelqu’un pour lui succéder. BP en poche en 1995, elle se marie avec son amour de lycée et donne naissance à Lola en 1998 et Marius en 2000. La même année, parrainée par son mentor, elle devient prof de TP. Transmettre, expliquer, son autre héritage familial. « Mon père est instituteur, mes grands-parents également, ainsi que mon oncle et ma tante. » Bien qu’à la joie de son métier et de ses enfants, Christel découvre que son mariage l’a éloignée d’elle-même. « J’étais avec un homme à l’inverse de moi. Solitaire. Moi qui aimais recevoir et faire la fête, j’avais perdu mon dynamisme », admet simplement la jeune femme qui quitte son mari en 2001. « Quand j’ai divorcé, je me suis retrouvée. » Elle emménage seule à Douai. Et comme pour le bac, ne dit rien à sa famille avant de l’avoir fait.

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Une curiosité toujours en éveil. L’heure des changements sonne en 2002. Passionnée par la mode (les chaussures en particulier) et l’esthétique, Christel tombe amoureuse de Freddy, son coiffeur. Un féru de sports extrêmes (VTT, snowboard) qui ouvre son salon « Pep’s hair » à Neuville-en-Ferrain, tandis que Christel quitte la pharmacie Saint-Albin pour la pharmacie du Blanc Four à Ronq et le CFA de Douai. Un chassé-croisé géographique. Achil naît en 2003 et le couple se marie en 2006. Entretemps, elle découvre la danse africaine, avec une heure et demie de cours par semaine, trois à quatre stages par an et autant de représentations… Les chorégraphies créées par Byshara allient les figures contemporaines aux pas traditionnels « des agriculteurs qui fêtent l’arrivée de la pluie, ou des chasseurs qui saisissent leurs flèches dans leurs carquois ». Au-delà de la danse, avec cette troupe bigarrée où les blancs, les métis et les noirs se côtoient, quelles que soient leurs origines sociales ou religieuses, Christel aime se frotter à d’autres cultures. Cuisine cosmopolite et soirées avec ses copines, un mois en Inde avec son mari, perspective de voyage au Sénégal avec les musiciens, la curiosité de la préparatrice s’aiguise. Jusque dans le salon de son mari. « J’ai suivi des formations pour faire des couleurs et poser des extensions », avoue en riant Christel. Qui a aussi un autre projet : celui de créer ses propres vêtements. Freddy vient juste de lui offrir une machine à coudre. Elle ne sait pas s’en servir. Mais apprendre ne lui a jamais fait peur. •

Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Une carotte colorée qui donne la pêche.

• Si vous étiez une forme galénique ? Un comprimé effervescent parce que je suis pétillante. Une boute-en-train. Une femme libérée…

• Si vous étiez un médicament ? Un complexe vitaminique énergétique. J’ai horreur d’être « raplapla » !

• Si vous étiez un matériel ou un dispositif médical ? Une prothèse capillaire. Courts ou longs, les cheveux c’est la féminité et le reflet de la personnalité.

• Si vous étiez un vaccin ? Un vaccin contre le sida. Cette maladie n’est pas « cool ». On n’en parle plus assez. J’aurais préféré vivre à l’époque « baba cool »…

• Si vous étiez une partie du corps ? Une bouche souriante. Je n’aime pas les gens qui font la gueule.

Christel Leclerq

Âge : 37 ans.

Formation : préparatrice.

Lieu d’exercice : CFA de Douai.

Ce qui la motive : la curiosité, aider les autres, et la joie de ses enfants.