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Conseillez mieux les voyageurs

Publié le 1 décembre 2001
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Les résultats de l’enquête « Le pharmacien et la santé des voyageurs », réalisée l’été dernier par « Le Moniteur » et la Société de médecine des voyages, en partenariat avec Pharma-Voyage, sont édifiants. Le sujet vous mobilise mais un dépoussiérage de vos conseils s’impose. Formez-vous, informez-vous, lisez les compositions des produits… et découvrez les conseils de spécialistes dans le « Cahier pratique » joint à ce numéro.

Les pharmaciens d’officine font régulièrement face à des demandes de conseils de voyageurs avant leur départ, comme après leur retour. L’étude « Le pharmacien et la santé des voyageurs » avait pour but d’évaluer l’importance de son implication dans la protection de la santé des voyageurs, d’identifier les questions sur lesquelles il est sollicité, ses sources d’information, ses pratiques et ses attitudes dans ce service spécifique qu’il fournit. Enfin, il s’agissait d’apprécier ses besoins de formation continue en médecine des voyages.

La première question posée concernait l’information des voyageurs sur les problèmes de prévention ou de soins liés à leur déplacement. La grande majorité des pharmaciens répondants (83 %) est questionnée sur la santé des voyageurs internationaux entre une et cinq fois par semaine.

Les sujets les plus souvent abordésLa majorité des pharmaciens est interrogée par des voyageurs internationaux une à cinq fois par semaine.

Les premiers sujets d’interrogation (plus des trois quarts des cas) regroupent les vaccinations, le paludisme (aussi bien sur la chimioprophylaxie que sur la protection contre les piqûres d’insectes), les moyens de désinfection de l’eau de boisson, la trousse à pharmacie (tableau 1). Des questions moins fréquentes mais non moins intéressantes sont abordées comme la prévention de la diarrhée et de la déshydratation ou de l’insuffisance veineuse et des phlébites en avion. La prise en charge des effets secondaires du décalage horaire, du mal des transports ou d’altitude est rarement évoquée, comme la disponibilité et la conservation des médicaments en voyage.

Quelles sources d’information sont utilisées ?Les documents écrits, quelle qu’en soit l’origine, restent la première référence en matière de conseils aux voyageurs.

Les sources d’information utilisées pour répondre à ces questions (tableau 2) sont constituées essentiellement de documents écrits qui se répartissent de manière à peu près égale entre documents des laboratoires, ouvrages de référence, presse professionnelle et documents divers. Le recours aux banques de données du web n’est pratiqué que par 15 % de l’échantillon et les CD-ROM ne sont utilisés que par un pharmacien sur dix.

Qui nous a répondu ?Cette enquête descriptive s’est appuyée sur un questionnaire envoyé avec Le Moniteur des pharmacies du 30 juin 2001 (n° 2405). Les réponses ont été collectées jusqu’au 3 août 2001, puis saisies et analysées par la commission Recherche de la Société de médecine des voyages.Un échantillon de 726 pharmaciens a répondu à l’enquête. Même s’ils ne représentent qu’un peu plus de 3 % des pharmacies de France, leurs caractéristiques professionnelles sont comparables à celles de la population globale des pharmaciens officinaux. Ils ont en moyenne 20 ans d’expérience professionnelle, ce qui correspond à l’âge moyen des pharmaciens qui est de 44 ans. Les pharmacies urbaines sont majoritaires (65 %). Celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 5 et 10 MF représentent 56 % de l’échantillon. Tous les départements et les DOM-TOM sont représentés sauf le Jura. La distribution des répondants par région recouvre les provenances relatives des voyageurs. Comme pour la répartition des voyageurs, cinq régions représentent la moitié de l’échantillon. Deux pharmaciens d’Afrique ont également participé : à Brazzaville (Congo) et à Mopti (Mali).

Les sites Internet les plus visités sont ceux de l’OCP (24 %), de l’Institut Pasteur de Paris (21 %), du CHU de Rouen (10 %) et celui de l’Institut Pasteur de Lille (9 %). Parmi les CD-ROM, le tiercé est, dans l’ordre : « Datavax » (25 %), « Tropivac » (15 %) et « Clickadoc » (11 %).

En plus de leurs conseils, la plupart des pharmaciens (84 %) recommandent une consultation médicale avant le départ en voyage.

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Le questionnaire détaillait ensuite les attitudes adoptées face aux principaux problèmes rencontrés en voyage.

Les antipaludiques curatifs les plus délivrés en traitement présomptifCes médicaments sont les seuls préconisés en cas de traitement présomptif. Pourtant, 43 % des officinaux délivrent d’autres spécialités.

Paludisme

La plupart des pharmaciens (93 %) pensent connaître les destinations exposant au paludisme et se disent en mesure de préciser le médicament prophylactique recommandé pour cette destination (85 %).

Leur connaissance sur la durée de la prophylaxie du paludisme est généralement bonne (92 %). La délivrance d’un traitement présomptif est effectuée par un tiers des pharmaciens. Mais, de façon surprenante, 43 % de ceux qui délivrent un antipaludique pour le traitement présomptif indiquent un médicament inadapté (Savarine, Paludrine, chloroquine).

Le traitement de réserve à prendre en cas d’accès palustre (délivré sur prescription) comporte en fait du Lariam ou de l’Halfan ou de la doxycycline ou de la quinine (tableau 3).

Les marques de répulsifs les plus conseilléesVérifiez les compositions. Il est nécessaire de délivrer le répulsif adapté aux zones tropicales dans chaque gamme de produits.

Les conseils sont nettement insuffisants en terme de protection antivectorielle. Un répulsif antimoustiques adapté aux zones tropicales n’est proposé que par la moitié des pharmaciens. Et ils sont 89 % à proposer également ou uniquement des répulsifs inadaptés pour les tropiques (concentrations inefficaces ou associations non synergiques de produits).

Deux marques de répulsifs sont préconisées plus fréquemment (tableau 4) : Cinq sur Cinq et Insect Ecran. Près de 70 % des pharmaciens recommandent aussi un insecticide pour imprégner les vêtements : les plus conseillés étant Insect Ecran et Moustifluid (respectivement 30 et 21 % des citations) suivis par Cinq sur Cinq (3 %).

Mais seulement 38 % proposent une moustiquaire imprégnée d’insecticide. De plus, le kit de réimprégnation de la moustiquaire est rarement délivré (19 %).

Les produits désinfectant l’eau les plus délivrésLes produits les plus récents, bien que plus efficaces, sont les moins conseillés.

En termes de rapport coût-bénéfice pour le voyageur, les pharmaciens placent en premier la chimioprophylaxie (87 %), suivie du répulsif (22 %) puis de la moustiquaire imprégnée (4 %). Cet ordre de priorité est contraire à la logique. Il nécessite un conseil individualisé (en consultation de médecine des voyages), discuté selon la durée du séjour, le lieu de résidence…

Eau de boisson

Les officinaux ne conseillent pratiquement pas les filtres à eau (12 %) qui seuls éliminent les kystes de protozoaires. Ils proposent plutôt des produits chimiques pour désinfecter l’eau de boisson (95 %), avec en tête le classique Hydroclonazone (82 %), pourtant le produit le moins efficace, et le Micropur (71 %) qui est plus conservateur que désinfectant. Les produits plus récents sont moins conseillés (Aquatabs, Micropur Forte et Drinkwell). Ils sont pourtant plus efficaces et mieux acceptés en terme de goût (tableau 5).

Les vaccins les plus conseillésLa vérification des vaccins tétanos, polio et diphtérie devrait être conseillée à tous les voyageurs.

Diarrhées

La proposition d’antiseptiques intestinaux à prendre en cas de diarrhée est quasiment systématique (93 %) alors que leur efficacité n’a pas été démontrée. Presque neuf pharmaciens sur dix préconisent un ralentisseur du transit pourtant illogique sur le plan physiopathologique, même s’il est parfois « symptomatiquement » utile. Antibiotique et adsorbant sont délivrés par 8 % des pharmaciens et un antispasmodique par 4 % seulement.

Vaccinations

Il est surprenant de constater que 14 % des répondants ne conseillent pas de rappel tétanos-polio et que la diphtérie n’est pas préconisée pour tous les voyageurs comme le recommande le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (« Recommandations sanitaires pour les voyageurs », n° 28 du 10 juillet 2001) (tableau 6).

La vaccination contre la rage est très rarement conseillée, probablement par méconnaissance de la vaccination préventive, réalisable en dehors des centres antirabiques, par tout médecin de ville.

Retour de voyage

Au retour du voyage, les pharmaciens sont le plus souvent interrogés pour une diarrhée (65 %), une dermatose (43 %) ou une fièvre (13 %). Des céphalées (2 %) ou les effets du décalage horaire (1 %) sont rarement évoqués.

Information

Plus de 70 % des pharmaciens s’estiment insuffisamment informés sur la prévention des pathologies des voyageurs. Ils souhaiteraient compléter et/ou actualiser leur information sur ce sujet par des documents écrits pour 78 % d’entre eux, un accès à une banque de données spécifique informatisée pour 39 % et par des sessions de formation continue pour 36 %.

Les résultats de cette enquête mettent en évidence le besoin pour les pharmaciens d’une information et d’une formation actualisées, adaptées et critiques sur les conseils à donner en matière de prévention des maladies du voyageur. Il est indispensable également de combattre certaines idées fausses sur les répulsifs, le choix des moyens de protection contre le paludisme, la prise en charge des diarrhées, les désinfectants de l’eau de boisson…

Il revient aux spécialistes de médecine des voyages de participer à cette information, de la valider et d’assurer un échange régulier de données avec les officinaux.

Pour commencer, voyagez dans le « Cahier pratique » de cette semaine !

Pour en savoir plus

Des ouvrages

– Dictionnaire Les Maux du voyage (avec CD-ROM), Société de médecine des voyages et Adimi/Edisan, Ed. CD Conseil (01 40 67 78 72).

– Guide Médecine des voyages, SMV, Ed. Format Utile.

– Santé des voyageurs, Pr Eric Caumes, Ed. Flammarion (parution 2002).

Des sites Internet

http://www.pasteur.fr : Institut Pasteur, dans la rubrique « Professionnels de santé », présentation par pays.

http://www.pasteur-lille.fr : dans la rubrique « Prévention », vaccinations par pays, conseils généraux et fiches conseils personnalisées.

http://www.smi-voyage-sante.com : site totalement dédié à la santé en voyage.

http://www.who.int : site de l’OMS, avec accès au Relevé épidémiologique hebdomadaire. Existe en version française.

http://www.chu-rouen.fr : rubrique « Santé voyages ». En plus des conseils habituels, recense les sites sur le sujet.

Des formations

– Certaines facultés proposent des diplômes universitaires sur le sujet, ouverts à tous les professionnels de santé.

– Les pharmaciens et les structures de formation continue intéressés par une session de formation sur le paludisme et sa prévention chez le voyageur sont invités à prendre contact avec le secrétariat de la Société de médecine des voyages : Catherine Goujon, centre médical de l’Institut Pasteur, 211, rue de Vaugirard, 75015 Paris ; fax : 01 40 61 38 44, courriel : cgoujon@pasteur.fr